Eisenhorn (Omnibus) - Warhammer 40 000

La trilogie Eisenhorn est souvent présentée comme une des meilleures introductions littéraires à l'univers de Warhammer 40 000, et il y a de bonnes raisons à cela. Tout d'abord, il est difficile de trouver une introduction à cet univers sous forme de roman. En effet, il s'agit d'abord et avant tout d'un jeu de figurines, et donc l'essentiel de la présentation de cet univers, de son fonctionnement, des civilisations et des personnages est faite dans les manuels du jeu. Les romans sont pour la plupart à destination des fans qui savent déjà ce qu'est un Space Marine, qui est l'Empereur et comment fonctionnent le warp et le chaos.

Mais Eisenhorn est quand même une bonne introduction, d'abord parce que c'est une trilogie de romans parmi les premiers publiés sur l'univers Warhammer 40 000. Certes, d'autres les ont précédés, mais ils sont très peu nombreux par rapport au ras de marée littéraire (de qualité très variable) auquel on assisté depuis mai 2001. Il n'y a donc pas l'occasion de faire beaucoup de références à d'autres moments ou à des évènements obscurs du lore de cet univers : à ce stade, il est encore peu développé. Le lecteur peut aborder ce livre avec un regard neuf.

Ensuite, c'est une bonne introduction parce que c'est un livre qui suit un format assez classique, celui du roman policier. Alors, on n'est pas exactement dans les canons les plus purs du polar, mais le format rappelle un peu celui de certaines productions d'Isaac Asimov, avec néanmoins un côté sensiblement plus sombre propre à cet univers. On n'est donc pas complètement dérouté par une narration originale ou très conceptuelle : on trouve vite ses repères. Chacun des trois romans est une aventure et une enquête, tous les trois sont liés par un important fil conducteur autant que par le personnage principal de Gregor Eisenhorn.

Le choix du personnage contribue beaucoup aussi à rendre cette trilogie abordable : Gregor Eisenhorn est un inquisiteur. Une personne qui dispose donc d'importants pouvoirs au sein de l'Imperium, et quelqu'un qui sait également beaucoup de choses. La narration à la première personne permet donc à la fois d'avoir un point de vue limité (ce qui ménage le suspense et le mystère), tout en ayant le dessous du fonctionnement des institutions avec lesquelles Eisenhorn et son petit groupe se trouvent en contact. On en apprend donc beaucoup et très vite sur la manière dont fonctionne l'Imperium, les relations de pouvoir entre organisations, etc.
De plus, Eisenhorn est un humain, entouré d'autres humains (certes souvent aux capacités hors du commun). C'est donc un personnage auquel il est facile de s'identifier, vis à vis duquel on peut avoir de l'empathie. On évite ici l'écueil rencontré dans d'autres romans Warhammer 40 000, lorsque l'on suit d'immenses et surpuissants Space Marines dont la vie entière est consacrée à la guerre et qui ne connaissent donc que leur monde chapitral, leurs vaisseaux et leurs théâtres d'opération. Ici, on peut voir ce qu'est la vie civile au sein de l'Imperium.

Mais au delà du fait qu'il s'agit d'une bonne introduction, est-ce un bon roman ? (je vais considérer la trilogie comme un tout, après tout elle est trouvable aujourd'hui sous forme d'un unique livre)
Clairement : oui.
Si Dan Abnett n'est ni Proust ni Stendhal, c'est tout de même un auteur de science-fiction assez inspiré qui a su étendre et utiliser l'univers de Warhammer 40 000 très efficacement pour proposer une histoire assez attachante et très agréable à lire. Abnett a le sens du rythme, du mystère, de l'anticipation et propose donc trois histoires que l'on dévore facilement, dans lesquelles les pages se tournent entre intrigues politiques, poursuites et fusillades. Il y a évidemment des scènes d'action, plutôt bien écrites et agréables à suivre, mais ce n'est pas là que l'auteur brille. Là où il est bon, ce sont dans les moments personnels entre personnages, les intrigues politiques, les évènements inattendus qui prennent de court le lecteur. On est dans une scène qui part dans une direction ? Non, un imprévu va venir tout bouleverser et faire partir l'action ailleurs, emportant le lecteur au passage. Eisenhorn va régulièrement croiser d'anciennes connaissances avec lesquelles il a une histoire, va connaître des réussites brillantes et inattendues, mais aussi des tragédies et de grands moments de doute. Bref, on se laisse très agréablement emporter aux côtés de cet inquisiteur brillant et de ses compagnons, dans cet univers déprimant et passionnant.

Le seul petit reproche que je pourrais faire à Dan Abnett, c'est que s'il tient magnifiquement en haleine tout au long de l'histoire, il a plus de mal à exploiter ses effets lorsque chaque roman arrive à sa conclusion. A l'inverse de son compère Guy Haley qui est très bon pour conclure de manière brillante après des péripéties un peu passables, l'auteur finit parfois de manière un peu abrupte, laissant le lecteur sur la faim, presque dans l'attente de quelques pages d'épilogue.

La trilogie Eisenhorn reste néanmoins un bon roman de science-fiction. Et pas seulement comme introduction à l'univers littéraire de Warhammer 40 000. Certes, c'est parfait pour cela, mais c'est aussi un roman très intéressant (certes un peu long : les trois tomes bout à bout font presque 1000 pages au total) avec lequel on passe un très bon moment. Il fait partie des rares livres de cet univers qui ne sont pas juste du fan-service ou de l'approfondissement de lore, mais qui sont intéressants de manière indépendante. Je le recommande donc chaudement.