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| La Zone du Dehors | |
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Barlbatrouk Virtual Knight
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| Sujet: La Zone du Dehors Lun 2 Juin 2014 - 23:01 | |
| 2084. Orwell est loin désormais. Le totalitarisme a pris les traits de la social-démocratie. Souriez, vous êtes gérés ! Le citoyen ne s'opprime plus, il se fabrique. A la pâte, à la norme, au confort, au consensus. Copie qu'on forme, tout simplement. Au cœur de cette glu, un mouvement, une force de frappe, des fous : La Volte. Le Dehors est leur espace, subvertir leur seule arme.Un livre écrit par Alain Damasio en 1999. Il a été publié dans une version corrigée en 2007. _________________ "-Talby, looks like I'm headed for the planet. Going right toward it. - When you hit the atmosphere you start to burn ... What a beautifull way to die - as a falling star - I guess you 're right" |
| | | Barlbatrouk Virtual Knight
Nombre de messages : 3001 Age : 36 Localisation : à Twin Peaks
| Sujet: Re: La Zone du Dehors Dim 24 Aoû 2014 - 15:55 | |
| Un livre au discours qui fait froid dans le dos, avec une critique de la société aussi acerbe que celle de 1984. L'histoire se lit très bien et le livre est bien écrit, tant au niveau des dialogues que des moments d'action. Je trouve pas contre dommage - Spoiler:
que tout s'accélère à la fin lorsque des colonies sont fondées en dehors de Cerclon.
Et la toute fin me parait trop facile. Alain Damasio arrive à faire réfléchir le lecteur sur la société capitaliste, où les individus ne sont pas aussi libres qu'ils ne le croient. Il en expose certains mécanisme assez terrifiant : la manière dont le modèle capitaliste récupère tout ce qui pourrait le déstabiliser pour l'intégrer dans son modèle. _________________ "-Talby, looks like I'm headed for the planet. Going right toward it. - When you hit the atmosphere you start to burn ... What a beautifull way to die - as a falling star - I guess you 're right" |
| | | Artheval_Pe Chief of Spatial Operations
Nombre de messages : 3591 Age : 33 Localisation : Paris
| Sujet: Re: La Zone du Dehors Mer 7 Mar 2018 - 20:41 | |
| D'Alain Damasio, on entend beaucoup de bien. Et donc fort logiquement, j'avais abordé cet auteur en lisant son roman le plus connu, la Horde du contrevent. Et s'il s'agit d'un excellent roman qui explore par ailleurs des concepts très imaginatifs de manière intéressante, j'étais un peu resté sur ma faim quant à l'aspect SF et politique.
Il a fallu les conseils d'un ami pour que je finisse par ouvrir La zone du dehors qui trainait dans ma bibliothèque depuis plusieurs années. Et là, j'ai été dès le début agréablement surpris : parce que derrière l'univers futuriste de Cerclon, j'ai très vite retrouvé les questions politiques propres à la science-fiction. Mieux : le livre s'intéresse aux militants, et, chose encore plus rare dans le genre : il sonne authentique. Comme si l'auteur décrivait le militantisme de la Volte en imaginant à partir de situations qu'il a vécues. J'ignore si c'est le cas (il dit avoir rencontré la CNT pour la première fois après l'écriture de ce roman), mais j'ai l'impression de lire un auteur qui connait intimement les mécanismes du militantisme français de gauche et d'extrême-gauche. Pour avoir moi-même trainé mes pieds quelques années dans des Assemblées générales et dans un syndicat étudiant, j'ai été très agréablement surpris par l'authenticité des échanges et des logiques décrites dans le roman. Les personnalités des différents membres du bosquet, la teneur des clivages et des échanges dans les réunions, tout cela sent le vrai à la lecture et donc contribue énormément à l'immersion dans cet univers. Le clivage entre Molte et Volte et la manière dont il s'exprime et se déploie ressemble par exemple énormément à celui qui peut exister dans une AG étudiante de fac entre partisans et opposants au blocage.
Mais au delà de l'authenticité de l'univers, ce roman vaut le détour à bien des égards. D'abord parce qu'à la fin des années 1990, il a su décrire et prévoir avec une clairvoyance nette un contexte politique que nous connaissons toujours aujourd'hui et qui est maintenant évident : la progressive désintégration des courants et partis sociaux-démocrates en Europe dans le conservatisme. Si la chose n'avait rien d'évident dans la France des années 1990 (qui avait mieux résisté aux tentations de la troisième voie que le Royaume-Uni ou l'Allemagne), elle l'est aujourd'hui après le mandat de François Hollande et sous une présidence Macron qui a consommé une synthèse entre conservateurs républicains et anciens sociaux-libéraux.
Et ce sont les travers oppressifs d'un tel régime politique que ce roman met habilement en exergue, autant que les artifices que peut employer un pouvoir politique démocratique pour juguler son opposition, ses tensions dissidentes. A la lecture, la "gestion" politique de la Volte par le gouvernement de Cerclon m'a d'ailleurs rappelé la manière dont les franges les plus radicales et violentes du mouvement contre la loi travail en 2016 avaient été gérées par le premier ministre Manuel Valls. Le parallélisme des formes et des méthodes (des deux cotés d'ailleurs, la violence de la Volte étant assez nette) était assez frappant à la lecture. Mais c'est surtout pour sa mise à nuit du soft power en démocratie, de la manière dont la passivité ou l'inertie de chacun participe à certaines formes d'aliénation que le roman est intéressant. Si 1984 a décrit avec force les pires travers d'un système totalitaire classique poussé à l'extrême, La Zone du dehors est pour moi le meilleur roman sur les travers du social-libéralisme poussé jusqu'au bout(plutôt bon teint d'ailleurs par rapport à certains excès). Et une des forces de ce roman est qu'à l'inverse d'un pessimisme consommé de 1984 ou de l'idéalisme de certains récits utopiques, il expose avec force et pertinence tous les obstacles qui attendent des militants et une organisation qui souhaiterait faire aboutir des efforts de transformation sociale. Il ne les néglige pas, ne sous-estime pas les oppositions, l'ampleur de la tâche, ne diabolise pas les antagonistes, il livre une peinture extrêmement réfléchie et travaillée. Mais là où le livre est génial, c'est qu'à travers certaines actions de la Volte, il fait preuve d'une imagination militante éclatante.
C'est donc pour moi un excellent roman, qui m'a peut-être moins transporté que la Horde du contrevent, mais qui fait plus réfléchir, et qui montre que la science-fiction française, au moins en littérature, n'a pas à rougir de la qualité de ses œuvres contemporaines. |
| | | L'Homme Trouble Blob Verdâtre
Nombre de messages : 29 Age : 29 Localisation : Quelque part dans la galaxie
| Sujet: Re: La Zone du Dehors Sam 10 Mar 2018 - 13:28 | |
| C'est cocasse, je viens de terminer la Zone du dehors également, on me l'avait offert il y a un mois ! Je souscris en partie à ce que tu dis Artheval, mais je suis un peu plus critique du livre. Si effectivement, il est visionnaire sur tout l'aspect société du contrôle, sur l'aspect totalitaire du contrôle social intériorisé, naturalisé, et qu'il est effectivement curieusement acéré sur la transcription des dynamiques militantes, je le trouve cependant très perfectible. Perfectible en premier lieu parce que la société des cerclons présentées dans le livre comme l'avatar ultime du social-libéralisme n'en est justement pas un. Le simple fonctionnement d'un système comme le clastre, en plus de poser un certain nombre de questions sur sa compatibilité avec l'élection en démocratie, est certes méritocratique à l'extrême mais pas vraiment "libéral" au sens propre. Au final, si on conviendra de l'aspect dystopique du régime des cerclons, ça n'est rien de moins qu'un phalanstère réinventé. D'ailleurs, c'est extrêmement étonnant de remarquer que les cerclons ont 7 zones si je me rappelle bien comme ça à chaud, exactement comme les 7 enceintes de la Cité du Soleil de Tommaso Campanella, et que "solariens" renvoit à quelque chose dans le bouquin. Les sources d'inspiration de la société des cerclons semblent aller bien plus loin que la simple prospective d'une évolution future du social-libéralisme, ce qui fait qu'on a l'impression que l'auteur construit un homme de paille, lui donne un nom qui renvoie à un imaginaire actuel pour mieux détruire cet imaginaire actuel alors même que le lien entre cet homme de paille qu'il critique à longueur de temps et l'objet réel de sa critique est criticable. Perfectible en deuxième lieu, mais là ça sera plus personnel, parce que le livre est un fervent plaidoyer pour l'anarchisme et qu'il en dépeint par conséquent une version idéalisée. Je suis d'accord avec toi pour dire que le livre "expose avec force et pertinence tous les obstacles qui attendent des militants et une organisation qui souhaiterait faire aboutir des efforts de transformation sociale", mais en revanche je suis assez sceptique sur les solutions exposées pour dépasser ces obstacles, pas seulement de par leur portée morale, mais aussi et surtout de par l'évaluation donnée de leur efficacité. Malgré ces deux points, il en reste que dans le contexte actuel, ça reste un livre puissant, de la très bonne science-fiction, et qu'au niveau du style littéraire c'est travaillé, inventif et rigoureux. En comparaison de ma lecture de "Nouveau Monde" achevée récemment, ça m'a fait plaisir de lire un ouvrage sincère, qui ne prend pas son lecteur par la main sans toutefois s'en couper, qui pose de vraies questions, qui assume sa portée politique et est honnête avec le lecteur. Si les deux points au-dessus sont gênants, ça n'est absolument pas une raison pour éviter la lecture du livre, dans ce qui se fait de mieux parmi la littérature de science-fiction française. Effectivement, comme tu le dis Artheval, malgré la perfectibilité que je perçois dans cette oeuvre, ça reste sûrement ce qui se fait de mieux pour pointer les travers de nos sociétés du contrôle. - Spoiler:
Quand ils ont tué la fille de Brix, j'ai versé une larme, ce mec était le meilleur du bosquet, la cruauté de l'auteur avec ce personnage m'a serré le coeur. Par ailleurs, tu me diras si toi aussi tu as perçu dans le destin de ce personnage un parallèle plus large ? Enfin, je trouve dommage que le livre ne passe pas le test de Bechdel, pour un bouquin militant et vu l'histoire décrite c'est une erreur impardonnable.
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| | | Artheval_Pe Chief of Spatial Operations
Nombre de messages : 3591 Age : 33 Localisation : Paris
| Sujet: Re: La Zone du Dehors Mer 14 Mar 2018 - 20:24 | |
| En ce qui concerne la perspective future, je trouve que Cerclon n'est bien sûr pas la simple prolongation des tendances contemporaines du social-libéralisme (en réalité c'est un mélange un peu plus compliqué), mais il y a pour autant des éléments très intéressants et plutôt visionnaires, eut égard au fait que le roman a été écrit il y a environ 20 ans (apparemment Damasio l'avait même commencé en 1992). Le clastre par exemple ressemble beaucoup aux nouveaux systèmes de contrôle social que la république populaire de Chine est en train de mettre en place actuellement. Et l'usage contemporain des réseaux sociaux y compris en occident rendrait la mise en œuvre d'un système similaire assez aisée. Donc oui, effectivement, l'inspiration n'est pas simplement le social-libéralisme, mais le résultat final semble malgré tout cohérent principalement avec cette idéologie : c'est pas assez réactionnaire pour être du conservatisme classique, ce n'est pas du fascisme ou assimilé, et s'il y a des politiques sociales assez conséquentes, ça inclut également bien des éléments trop conservateurs pour être du socialisme au sens classique. En ce qui concerne l'anarchisme, il y a clairement un coté idéaliste dans le livre, et on sent très clairement l'inclination de Damasio dans ce sens-là, mais j'ai apprécié le fait qu'il prenne malgré tout en compte bien des obstacles réels qui se dresseraient sur la route de la Volte. Idéologiquement, je suis loin d'être en accord avec lui, mais je ne peux m'empêcher de noter qu'il défend assez bien son idée. - Spoiler:
Quant au test de Bechdel, c'est très malheureux, et je trouve ça plus révélateur de la personnalité de l'auteur de la conscience assez faible de ce type de questions dans les années 1990, qu'un défaut profond du livre à un niveau fondamental. Dans les faits, il suffirait de changer le genre d'une partie du bosquet et de certains autres personnages.
Pour Brihx, j'ai trouvé cette partie aussi très triste, mais je ne vois pas le parallèle auquel tu penses.
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