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 LES LARMES DE CASSANDRE (2/2) : La veuve

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Ihriae
Mercenaire Interplanétaire
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Ihriae


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Localisation : Pas loin de la mer ou à la campagne... De plus en plus rarement, hélas, à Paris, au Musée du Louvre ou au Musée d'Histoire Naturelle...

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MessageSujet: LES LARMES DE CASSANDRE (2/2) : La veuve   LES LARMES DE CASSANDRE (2/2) : La veuve EmptyMer 15 Sep 2010 - 11:05

Hello, (Ceux qui ont lu la première partie peuvent passer ce paragraphe)
Voici un texte que j'ai écrit, il y a quelques mois, pour un concours de scénario. Ça commence comme un récit historique, voire post-steampunk, se poursuit avec du mystère, et s'achève... Vous le verrez bien. Je n'aime pas que l'on me raconte la fin d’une histoire avant de l'avoir lue ou vue...
Le concours, je ne l'ai pas gagné, mais j'ai quand même pris beaucoup de plaisir à la créer et à l'écrire. J'espère que vous en aurez autant à le lire. N'hésitez pas à me faire part de vos conseils, de vos critiques... Bref, de tout ce qui vous passe par la tête à propos de ce récit.
Je précise que le récit et ses personnages sont entièrement mes créations.

Bonne lecture...



LES LARMES DE CASSANDRE
Suite du récit : Quand l’alouette a chanté.


RÉSUMÉ :
Des soldats, des poilus de la Première Guerre Mondiale, luttent pour leur vie, et pour la survie d’une humanité qui n’est plus exactement celle qu’ils pensent être…



RÉCIT (Seconde partie – 2/2) : La Veuve

15 / (Retour au présent) EXT. – JOUR / TRANCHÉES

Sainte-Anne reçoit une violente gifle. C’est le capitaine Sachedieu qui la lui a donnée. Ardavast est pris au dépourvu un très court instant tandis que Sainte-Anne revient à la réalité.

LE COLONEL ARDAVAST (claquant des doigts sous le nez de Sainte-Anne)
Sainte-Anne, vous êtes avec nous maintenant ?

Sainte-Anne acquiesce.

LE COLONEL ARDAVAST
Voilà qui est mieux. Maintenant vous vous concentrez pour ne pas quitter ce foutu monde, et vous me suivez quoi qu’il arrive. (Il regarde les autres soldats autour de lui) C’est valable pour tout le monde, compris cette fois ?

Les soldats hochent la tête. Le colonel reprend sa place dans la tranchée pour observer les lignes ennemies, et celles des alliés, au loin. Ceux-ci commencent à donner l’assaut. Des hurlements se font entendre et des coups de fusils claquent dans l’air froid. Cris et bruits se rapprochent de plus en plus d’Ardavast et de ses hommes, silencieux. De chaque côté des tranchées que ses hommes et lui occupent, les régiments des deux camps s’élancent les uns contre les autres. Le bruit devient assourdissant. Des bruits de moteurs d’avion se font entendre dans le ciel. La fumée se mêle au brouillard, et la terre, soulevée par les obus, pleut sur eux.

LE COLONEL ARDAVAST (très calme, sans crier)
Pas encore… On attend… Personne ne bouge… On attend… On attend…

Autour d’eux, l’enfer se déchaîne. Les hommes attendent silencieux et calmes. Le capitaine Sachedieu observe le colonel Ardavast. Il est prêt à se lancer dans la bataille au premier ordre de celui-ci. Ardavast cherche quelque chose du regard sur le champ de bataille.

LE COLONEL ARDAVAST
(Pour lui-même, tout bas) Bon sang, où peut-elle être ? (Aux soldats, un peu plus fort) Tenez-vous prêts… On attend…

Le colonel regarde à nouveau le terrain embrumé qui s'étend devant lui. Soudain, il n’y a plus aucun bruit, plus aucun mouvement. Juste une petite fille vêtue d’une robe de petite fille modèle et d’une cape noires, d’un béret et de bottines noirs, elle porte une sacoche en bandoulière. Elle ressemble à une pensionnaire de collège privé. Elle fait signe à Ardavast.

LE COLONEL ARDAVAST (Il fait un rapide signe de croix, avant de hurler)
Maintenant !

Il s’élance dans la bataille, talonné par Sainte-Anne, suivi et entouré par ses hommes.


16 / EXT. – JOUR / CHAMP DE BATAILLE

La fumée cache toute visibilité. Des ombres furtives apparaissent et courent dans tous les sens. Sainte-Anne perçoit à peine la silhouette d’Ardavast devant lui. Les deux hommes se battent contre tout ce qui vient à eux. Ils tirent, dans le brouillard, contre des soldats qui les chargent, défendent leur vie à coups de baïonnette et de couteau, manquent de tirer sur les soldats amis, les reconnaissant à l’ultime seconde. Sainte-Anne doit faire face à un ennemi rendu fou par la bataille. La silhouette d’Ardavast disparaît dans la fumée. Un corps à corps s’engage entre Sainte-Anne et son ennemi, bref mais intense. Sainte-Anne, plus lucide, finit par le tuer. Il cherche Ardavast mais ne le trouve pas. Une ombre apparaît devant lui. C’est un jeune soldat allemand qui lui ressemble comme un frère. Les deux hommes se visent au fusil. Le temps s’arrête. Les deux hommes ont peur. Le premier qui tirera tuera l’autre. Pourtant aucun ne fait feu. Ils se font seulement face. Sainte-Anne commence à baisser son arme, l’autre en fait autant. Tous les deux reculent dans le brouillard. L'ennemi disparaît. Sainte-Anne heurte quelque chose derrière lui. Il se retourne vivement et fait un bond en arrière. Un homme, le visage en sang sillonné de larmes apparaît devant lui. Est-il un allié ou un ennemi ? Il est nu et sans arme, impossible à identifier. Sainte-Anne recule pour s’éloigner. Soudain, il aperçoit un soldat qui le regarde en souriant. Il reconnaît Blastre qui lui fait signe, mais Sainte-Anne ne bouge pas, tétanisé par cette apparition. Il y a un sifflement. Quelqu’un le percute de plein fouet et le couche à terre. Un obus explose à l’endroit où il se trouvait face à l’homme nu. Le capitaine Sachedieu vient de lui sauver la vie. Il force Sainte-Anne à se relever. Sainte-Anne remarque du sang sur l'uniforme du capitaine.

LE CAPITAINE SACHEDIEU (le remarquant aussi)
C’est rien… Une égratignure… Il faut qu’on retrouve les autres.

Le Guehennec, le colonel Ardavast et un homme noir apparaissent soudain à côté d’eux. Ardavast est blessé à la tête. L’homme noir porte un pansement mal fait autour de son visage, et un autre à la main.

LE GUEHENNEC
J’ai trouvé Pondevy, il nous attend à dix mètres environ. Il dit qu’il y a un passage entre les lignes, et qu’on peut y arriver mais ça va pas durer…

LE CAPITAINE SACHEDIEU
Colonel, on ne peut rien faire dans cette mélasse. On ne sait même pas contre qui on se bat…

Le colonel essaie de percer le brouillard du regard. La petite fille est là, elle l’attend, puis commence à marcher dans la direction indiquée par Le Guehennec

LE COLONEL ARDAVAST
D’accord, on y va…


17 / EXT. – NUIT / QUELQUE PART...

Un ciel noir transpercé d'étoiles et une Lune ronde... Des souffles courts... Des pas précipités dans la terre humide... Des craquements de branches...

UNE VOIX MASCULINE (à mi-voix)
Grouille-toi de trouver une entrée...

DEUXIÈME VOIX MASCULINE
Y-en a pas. J'vais pas la fabriquer... Bon sang, c'est quoi c'te baraque... Il doit forcément y avoir une porte. Personne n'a jamais construit une maison sans porte ni fenêtre.

TROISIÈME VOIX MASCULINE (Calme)
Là ! Une échelle... On dirait... J'crois qu'y a une lucarne au bout...

PREMIÈRE VOIX MASCULINE
Merde... Il va falloir monter le capitaine...

TROISIÈME VOIX MASCULINE (Autoritaire)
Il est dans les vapes...

LE CAPITAINE SACHEDIEU (la voix brisée)
Non... C'est bon... Je vais y arriver...


18 / INT. – NUIT / GRENIER DE LA BÂTISSE

Bruit de volet en bois raclant le sol. Une lanterne est allumée. Les visages et les silhouettes de Pondevy, Le Guehennec, Sainte-Anne et Ardavast apparaissent à sa lueur. Le Guehennec a l'une de ses mains, celle qui tient la lanterne, bandée. Le bandage est sale et à moitié défait. Ardavast a une mauvaise blessure à la tête, et une autre au cou. Tous ont des écorchures sur le visage et les mains, du sang sur leurs uniformes. Appuyé à l'une des poutres du toit, le capitaine Sachedieu, le regard voilé par la douleur, est mal en point. Il y a du sang sur sa capote. Beaucoup de sang. Il grimace de douleur en se débarrassant de son harnachement (bretelles de suspension, ceinturon à plaque, cartouchière, musette, étui de révolver...). Il ne prend pas la peine de les ranger. Il se contente de les mettre en tas, à ses pieds. Ses gestes sont lents et douloureux.

LE CAPITAINE SACHEDIEU (d'une voix affaiblie)
Le Guehennec, éteints cette lanterne... Tu veux nous faire repérer ?

Le Guehennec ne répond pas. Il garde sa lanterne allumée et interroge Ardavast du regard.

LE COLONEL ARDAVAST (d'une voix fatiguée)
Il a raison, mais on ne peut pas le faire tant qu'on ne sait pas où nous sommes. Sergent Pondevy, occupez-vous de lui, voulez-vous ?

LE CAPITAINE SACHEDIEU (d'une voix affaiblie)
On a quitté un piège pour un autre, n'est-ce pas colonel ? Et cette fois, c'est issue...

Pondevy s'approche de Sachedieu. Il porte un brassard de la croix rouge sur la manche gauche de sa capote, au-dessus de son insigne de sergent. Il l'aide à s'asseoir sur le plancher et commence à déboutonner sa capote. Sachedieu le repousse.

LE SERGENT PONDEVY (d'une voix basse, rassurante)
Calme-toi, Raven... Personne ne peut ni nous voir, ni grimper jusqu'ici. L'échelle est remontée.

A côté d'eux, un peu en retrait, Sainte-Anne observe ses compagnons, et en particulier le capitaine Sachedieu et le sergent Pondevy. Il ne cache pas son inquiétude. Le capitaine lui sourit faiblement pour le rassurer.

LE CAPITAINE SACHEDIEU (À Pondevy, d'une voix affaiblie)
Occupe-toi de Brun... Il en a plus besoin que moi...

Pondevy regarde tour à tour Ardavast, Le Guehennec et Sainte-Anne.

LE SERGENT PONDEVY
Brun est mort... On a été obligé de le laisser sur place...

LE GUEHENNEC
Pour ce qu'il en restait...

Ardavast lui fait signe de se taire. Le Guehennec s'excuse silencieusement. Le capitaine Sachedieu ferme les yeux, douloureusement, et les rouvre presque aussitôt. Il passe sa main sur son front bouillant. Pondevy essaie de stopper le sang qui coule de sa plaie. Il lui confectionne un pansement de fortune...

LE SERGENT PONDEVY (en se relevant)
C'est tout ce que je peux faire pour l'instant. (À Sainte-Anne) Fais-moi signe, s'il se passe quelque chose...

LE CAPITAINE SACHEDIEU (d'une voix affaiblie)
Eh... Je suis pas mort... Pas encore.

LE SERGENT PONDEVY (avec un sourire triste)
Tu serais capable de passer l'arme à gauche sans nous prévenir. (Il se redresse). C'est pour ça que je préfère faire confiance à Sainte-Anne.

LE CAPITAINE SACHEDIEU (d'une voix affaiblie)
Comme s'il allait...

Sainte-Anne émet un sifflement qui fait sursauter Ardavast et Le Guehennec. Le capitaine n'ajoute rien de plus. Pondevy rejoint Ardavast et commence à nettoyer sa plaie à la tête malgré ses protestations. Sainte-Anne s'assied auprès du capitaine. Il est attentif au moindre de ses mouvements. Le capitaine tente de lui sourire, de le rassurer. La tentative est pitoyable. Un léger son de harpe éolienne, accompagné d'un tout aussi léger cliquètement, semble provenir du fond du grenier. Sainte-Anne tourne la tête vers la partie inconnue du grenier. Son regard se heurte à l'obscurité. Le son disparaît, et Sainte-Anne l'oublie aussitôt et reporte son attention sur l'état de santé du capitaine. Personne d'autre n'a réagi à ce son. Pondevy achève de nettoyer la plaie du colonel Ardavast et lui pose une compresse sur le cou. Ardavast pose une main amicale sur l'épaule de Pondevy. Celui-ci hausse les épaules et retourne auprès de Sachedieu. Sans lui demander son avis, toujours en silence, il déboutonne sa chemise imbibée de sang, et soulève le pansement. Le capitaine a une profonde et vilaine blessure au torse, provoquée par une arme à feu. Pondevy le force à se redresser un peu. Il a une autre blessure similaire dans le dos, là où la balle est ressortie. Il commence à désinfecter cette seconde plaie. Ardavast lui apporte son aide. Au-dessus d'eux, la lumière de la lampe vacille. Le Guehennec détourne la tête. Dehors le vent, assourdi par les murs de leur abri, siffle de façon lugubre.

LE CAPITAINE SACHEDIEU (d'une voix creuse, sans conviction)
Gaffe avec le feu... Ça a au moins dix ans... Ça flamberait comme un rien...

Le Guehennec se retourne et éclaire devant lui. Autour d'eux, il y a de la paille en vrac, et des tas de foin. Le fond du grenier, plongé dans l'obscurité, est hors de vue.

LE SERGENT PONDEVY
La lumière... Le Guehennec... On a besoin de lumière.

Pondevy s'acharne à nettoyer la blessure du capitaine. Le sang continue à couler. Le visage de Sachedieu est un masque de douleur. Ses yeux sont brillants. De l'une de ses musettes, Pondevy sort de nouvelles compresses, les dernières, et des bandages. Évitant toujours de regarder la blessure de son capitaine, Le Guehennec ôte sa ceinture d'une main et l'utilise pour fixer la lanterne à une poutre. Puis, il claque des doigts sous le nez de Sainte-Anne. Concentré sur les gestes de Pondevy, le jeune homme sursaute.

LE GUEHENNEC
Allume ta lampe et amène-toi. Faut qu'on visite le coin. Histoire de voir si y'a quelque chose d'intéressant...

Sainte-Anne se lève et attrape sa lanterne. Il l'allume en suivant Le Guehennec. Avec prudence, les deux hommes effectuent la traversée du grenier. Autour d'eux, toujours la même paille, le même foin, poussiéreux. Se rendant compte que Sainte-Anne s'est arrêté, Le Guehennec revient sur ses pas. Sainte-Anne est resté en arrêt devant une énorme araignée suspendue à son fil.

LE GUEHENNEC
La vache... J'en ai rarement vu d'aussi grosses... Peut-être même jamais...

Il prend le fil entre ses doigts. Avant que l'araignée le remonte jusqu'à sa main, il le secoue. Elle tombe sur le sol. Il l'écrase sous la semelle de son soulier, la réduit en une bouillie mêlée de poussière. Sainte-Anne a une moue écœurée.

LE GUEHENNEC
Me dis pas que t'as plus peur des araignées que de nos gaspards... ou des fritz... En plus, ça rend service...

D'autres insectes, sortis du fourrage, se rapprochent et commencent à se nourrir des restes de l'araignée. Sainte-Anne fait un bond. Quelque chose vient de frôler sa nuque et sa joue. Une chauve-souris. Il manque de lâcher sa lanterne, et la rattrape avant qu'elle se brise sur le sol. Il se brûle les mains. Sans s'occuper de sa douleur, Le Guehennec lui prend la lanterne des mains et l'élève direction du toit, là où le chiroptère a disparu. Les deux hommes lèvent la tête lentement. Au-dessus d'eux, accrochées avec une régularité parfaite, et menaçante, des dizaines de fourches, les dents pointées dans leur direction, frémissent au passage de la minuscule créature. Ils ont du mal à se détacher de cette effroyable vision.

LE GUEHENNEC
Ils ont une drôle de conception du séchage dans le pays... Pas d'escalier, pas de porte, une seule fenêtre, une collection d'outils bizarrement accrochés... et des insectes plus gros que la normale... C't endroit me plaît pas du tout.

Ils avancent encore un peu. Un mur apparaît devant eux. Le Guehennec promène encore la lanterne autour de lui.

LE GUEHENNEC
Y-a pas à dire, les escaliers, celui qui a construit c'te baraque, y connaissait pas. On rejoint les autres.

Sainte-Anne est prêt à le suivre lorsque, de nouveau, les sons d'une harpe éolienne et d'un cliquètement, ressemblant à celui d'une machine à écrire de type Remington, se font entendre plus nettement. Il y a aussi de vagues sons d'horlogerie. Le Guehennec ne réagit pas. Seul, Sainte-Anne l'entend. Toutefois, il ne se hasarde pas à rester seul dans l'obscurité et rejoint Le Guehennec. Ils retrouvent les autres. Le capitaine s'est endormi. Le Guehennec s'assoit devant la lucarne, et déplie une couverture sur lui avant de coller l'une de ses oreilles contre le bois du volet. Sainte-Anne s'assied auprès du capitaine. Il observe Ardavast et Pondevy qui discutent à l'écart.

LE COLONEL ARDAVAST
Faut pas qu'on reste ici, sergent, même pour une nuit... Sachedieu a raison, nous nous sommes piégés nous-mêmes.

LE SERGENT PONDEVY
On peut pas faire autrement... Si on le bouge, le capitaine va y passer...

LE COLONEL ARDAVAST
Ne prenez pas mal ce que je vais dire, sergent... Marius... Mais qu'on le bouge ou pas, il va y passer quand même, non ?

LE GUEHENNEC (en chuchotant )
Sauf votre respect, colonel, sergent, fermez-la, j'essaie de comprendre ce que les pruscos y racontent en bas...

Ardavast, Pondevy et Sainte-Anne, inquiets, se rapprochent de lui précipitamment. Le Guehennec décolle son oreille du volet. Il n'est pas rassuré.

LE COLONEL ARDAVAST
Alors ?

LE GUEHENNEC (En chuchotant)
J'ai pas tout compris mais je crois qu'on peut dormir tranquille cette nuit... Y monteront pas.

LE SERGENT PONDEVY
Cette nuit, d'accord, mais demain matin quand il fera jour et qu'ils auront trouvé une échelle ?

LE COLONEL ARDAVAST
On avisera. Tout ce qu'on peut faire, c'est attendre... et dormir pour reprendre des forces.

LE GUEHENNEC
Vous en avez de bonnes, vous. Vous n'avez pas vu ce qu'on a vu Sainte-Anne et moi... Y'a des centaines de fourches suspendues sous le toit, là-bas...

Le Guehennec pointe un doigt vers la partie obscure du grenier. Pondevy regarde Sainte-Anne qui confirme d'un signe de tête et retourne s'asseoir auprès du capitaine, toujours inconscient.

LE GUEHENNEC (En chuchotant)
Les pruscos... Ils ont aussi parlé d'une veuve qu'habiterait ici. Y disent qu'elle porte malheur à ceux qui la croisent. C'est pour ça qu'ils cherchent pas à entrer.

LE COLONEL ARDAVAST
Je doute qu'une femme, quelle qu'elle soit, habite ici. Des superstitions, rien de plus. Maintenant, on se calme...


19 / INT. – NUIT / GRENIER DE LA BÂTISSE

Pondevy est endormi. On entend à nouveau quelqu'un taper sur une machine à écrire. Aux sons de la machine en répondent d’autres, plus secs qui tentent d’imiter le rythme des cliquetis en frappant des mains, pas trop fort, pour ne pas réveiller les soldats endormis, assez, pour que « L’AUTRE » l'entende et lui réponde. Pondevy ouvre les yeux. Il ne bouge pas, le temps d’habituer ses yeux à la faible lumière de la lanterne qui se trouve près de Sachedieu. La place du capitaine est vide. Inquiet, Pondevy se force à calmer son souffle. Il bouge avec lenteur. Le Guehennec et Ardavast sont allongés dans la paille, à quelques mètres de lui. Ils dorment du sommeil du juste. Pondevy cherche Sainte-Anne. Le jeune homme a disparu lui aussi. Vers le fond du grenier, l’étrange dialogue se poursuit, entre cliquetis et claquements. Pondevy distingue aussi un bruit, presque diffus, de harpe éolienne et de mécanisme d'horlogerie. Il se lève, silencieux, et se glisse jusqu’à ses deux compagnons. Les yeux de Le Guehennec sont ouverts et luisent à la faible lueur de la lanterne. Il pose un doigt devant sa bouche. Pondevy reste silencieux. Ardavast remue un peu. Pondevy perçoit l’éclat de son arme, un vengeur de 1870, dans sa main droite, contre sa poitrine. Ils attendent dans un silence religieux. Un clocher lointain se fait entendre, ainsi que le souffle du vent, étouffé par l'épaisseur de leur abri. Les sons de la harpe éolienne et du cliquetis, de plus en plus clairs, se distinguent de ceux du vent et de la pluie. Au fond du grenier, il y a une faible lueur. Avec précaution, attentifs à ne pas se faire remarquer, ou surprendre, les trois hommes se lèvent. A pas de loup, ils avancent en direction de la fragile lumière. A mi-chemin, ils distinguent une silhouette familière, agenouillée au sol, immobile, celle de Sainte-Anne. Les cliquetis s'arrêtent. Sainte-Anne a beau taper dans ses mains, de plus en plus fort, il n'y a aucune réponse. Il se lève et se retourne à peine pour éclairer ses trois compagnons qui approchent. Son visage n'affiche aucune surprise, comme s'il les avait entendus arriver. Alors que Pondevy s'apprête à faire un pas de plus, Sainte-Anne lui barre le passage en tendant son bras devant le sergent, et Le Guehennec. Il élève sa lanterne et éclaire une énorme araignée en suspension au-dessous de son fil. Elle ressemble à celle que Le Guehennec a écrasée quelques heures plus tôt.

LE GUEHENNEC
Me dis pas que c'est celle de tout à l'heure. Ça peut pas être possible...

Sainte-Anne le regarde comme s'il attendait que Le Guehennec lui prouve le contraire. Celui-ci s'apprête à saisir de nouveau le fil. Sainte-Anne s'interpose. Il baisse à nouveau sa lanterne. A quelques centimètres des pieds de Pondevy et Le Guehennec, une trappe grande ouverte sur un trou obscur. Les deux hommes font un bond en arrière.

LE GUEHENNEC (geignard)
Bon dieu, mais tu pouvais pas le dire plus tôt ! Putain, la trouille que je viens d'avoir. Pire que si j'avais eu un fritz en face de moi !

Sainte-Anne sourit comme s'il venait de faire une bonne blague. Le Guehennec lui répond par une claque sur le crâne. Le jeune homme cesse de sourire. Les autres aussi. Il y a des gouttes de sang sur l'escalier en bois qui descend dans les entrailles de la bâtisse, et à certains endroits, le mur est maculé.

LE COLONEL ARDAVAST
On peut supposer que le capitaine qui est passé par là...

LE GUEHENNEC (Peu rassuré)
Vous croyez ? Je veux dire... Vous en êtes sûr ?

Le colonel Ardavast ne lui répond pas. Il se contente de le regarder, dubitatif. Sainte-Anne commence à descendre les marches, avec prudence. Ardavast le suit. Le Guehennec hésite.

LE SERGENT PONDEVY (tentant de rassurer Le Guehennec autant que lui-même)
Qui veux-tu que ce soit ?

En guise de réponse, le cliquetis reprend comme si quelqu'un tapait, avec frénésie, un texte sur une machine à écrire. Le Guehennec mais aussi Ardavast et Pondevy sont de moins en moins rassurés. Sainte-Anne les attend quelques marches plus bas. Ardavast se décide le premier. Il passe entre ses deux compagnons et rejoint Sainte-Anne. A la fois résignés, et peu désireux de rester dans l'obscurité, Pondevy et Le Guehennec les suivent. Ils disparaissent dans l'obscurité de la trappe. Au dessus du trou, éclairée par un reflet lunaire d'origine inconnue, l'araignée continue à tisser sa toile, ballotée par un courant d'air. Le vent qui siffle dehors trouble le silence du grenier... Le cliquetis a disparu en même temps que les quatre hommes...


20 / INT. – NUIT / REZ-DE-CHAUSSÉE DE LA BÂTISSE

Les quatre soldats sont en bas de l'escalier, devant une porte. Derrière la porte, on entend le cliquetis nerveux. Quelqu'un tire une feuille d'une machine à écrire... Sur la porte, tenant à peine à un clou rouillé, une feuille de vieux papier jauni, prête à tomber en poussière. Il y a un texte inscrit d'une belle écriture déliée. Le Guehennec décroche la feuille, manquant de la déchirer, et la tend à Pondevy, avec précaution.

LE GUEHENNEC
Tu peux nous lire ce qui est écrit ? Moi, je sais pas lire, et je donne pas d'ordre au colonel, et Sainte-Anne, les bonnes sœurs lui ont peut-être appris à lire, mais il a pas encore recraché sa langue !

Sainte-Anne le fusille du regard. Il fait un pas en direction de Le Guehennec. Le colonel Ardavast s'interpose en se plaçant ostensiblement entre les deux hommes. Le Guehennec ne quitte pas Sainte-Anne du regard. Il a l'œil qui frise. Sainte-Anne se calme vite. Le colonel Ardavast prend le message des mains de Pondevy qui élève un peu plus sa lanterne. Le colonel Ardavast peut lire le texte. Pondevy et Sainte-Anne en profitent pour lire par-dessus son épaule.

LE COLONEL ARDAVAST (À l'intention des trois hommes)
« Cherchez la veuve et vous la trouverez. Elle exaucera votre vœu le plus cher en échange d'une danse et d'un baiser. Mais prenez garde : refusez le marché et elle vous tranchera la tête ; Acceptez, et le prix n'en sera pas moins élevé ».

LE GUEHENNEC
C'est quoi c'te charabia, et c'est qui c'te veuve qui veut danser et embrasser n'importe qui et qu'est capable de vous couper la tête ? Moi j'en connais qu'une seule de veuve, c'est celle au père Guillotin, et elle est pas du genre à danser...

Le colonel Ardavast s'assied sur l'une des marches de l'escalier, et relit le message.

LE COLONEL ARDAVAST
Je doute qu'un quidam ait fait rentrer la faucheuse là-dedans... Mais le seul moyen de le savoir, c'est d'entrer là-dedans.

Pondevy essaie de pousser la porte. Elle résiste. Le Guehennec lui prête main forte. Au bout de deux tentatives, elle cède. Les deux hommes sont précipités dans l'obscurité. Au lieu des cliquetis de la machine, c'est le bruit d'un révolver armé qu'ils entendent. Le colonel Ardavast et Sainte-Anne, sur le pas de la porte, dégainent leurs propres armes. Sainte-Anne éclaire l'entrée. Au sol, Pondevy et Le Guehennec ne bougent pas. Dans l'ombre, un mouvement furtif, et une voix familière, celle du capitaine.

LE CAPITAINE SACHEDIEU
Salut, les Pieds Nickelés... Vous en avez mis du temps avant de vous décider... Je … Je commençais à croire que je ne vous reverrais plus... que les pruscos vous étaient... tombés dessus...

Pondevy et Le Guehennec se relèvent. Sainte-Anne et le colonel Ardavast se rapprochent du capitaine. Pondevy lève sa lanterne vers lui.

LE COLONEL ARDAVAST
Ça n'a pas l'air d'être la grande forme, capitaine. Vous auriez pu nous prévenir avant de nous fausser compagnie.

LE SERGENT PONDEVY
Tu aurais aussi pu t'éviter cette peine... et à nous aussi par la même occasion.

LE CAPITAINE SACHEDIEU
Et manquer... cela... avant de... partir...

Dans la pénombre, il tend la main vers un interrupteur. Une lumière électrique éclaire les lieux. Les cinq hommes sont, un instant, ébloui par la violence de l'éclairage. Leurs yeux s'habituent. Le spectacle qu'ils ont devant eux est au-delà de leur imagination. Autour d'eux, un immense atelier, celui d'un horloger, menuisier à ses heures, avec ses établis, ses armoires et ses étagères pleines de pièces détachées. Autour d'eux, il y a des centaines d'horloges de toutes les sortes, des boites à musique, des bouquets de fleurs séchées encore dans leur vase sans eau, des livres, et des instruments de musique de différentes sortes, couverts d'une épaisse couche de poussière, veille de plusieurs décennies au moins. Sachedieu, Pondevy, Le Guehennec, Sainte-Anne et le colonel Ardavast se déplacent entre les établis, touchant et observant quelques objets au hasard, soulevant les draps. Pondevy remonte plusieurs des pendules. Le Guehennec et Sainte-Anne en font de même. Des draps poussiéreux recouvrent des objets ou des meubles de tailles moyennes. Le colonel Ardavast en tire un. Il fait un bon en arrière, se heurtant à un tabouret qu'il fait tomber. Le Guehennec et Pondevy, intrigués, se rapprochent. Assis face à eux, lisant un livre, un homme, portant des vêtements de la fin du XVIIIe siècle, reste immobile et impassible. Pas un de ses cils ne bouge. Peu rassurés, les trois soldats se rapprochent de lui. Le Guehennec essaie d'attirer son attention, en passant une main entre le regard de l'homme et son livre. Il n'a aucune réaction.

LE GUEHENNEC (Au colonel Ardavast)
Vous croyiez que c'était lui qui faisait tout ce raffut, mon colonel ? Les « tics tics »...

Le colonel Ardavast tend la main sous le nez de l'homme, et constate qu'il ne respire pas. Il se hasarde à lui toucher la figure.

LE COLONEL ARDAVAST
C'est un automate... Comme on en trouvait... avant... avant la guerre... dans les vitrines des grands magasins...

Plus loin, Sainte-Anne qui les observe à distance se hasarde à tirer le drap qui se trouve près de lui. Il découvre une femme à la beauté glaciale, cheveux blancs poudrés, regard d'acier, sourire énigmatique, cape de soie ouverte sur une robe de la haute bourgeoisie. Elle est aussi immobile que le liseur.

LE CAPITAINE SACHEDIEU
C'est bien plus que cela... On dirait... lls sont tellement... parfaits.

Sainte-Anne, Le Guehennec et le colonel Ardavast ne l'entendent pas. Ils passent d'un drap à un autre, découvrant d'autres personnages du Siècle des Lumières : des femmes et des hommes de la noblesse, d'autres de la bourgeoisie, un cardinal, des laquais, des comédiens Dell' Arte, une écuyère, des musiciens... et même un horloger. A force de chercher, Pondevy finit par mettre le mécanisme de l'un d'eux, un musicien à son piano, en marche. Au son du premier automate, mus par un mécanisme invisible, une dizaine d'automates se mettent à fonctionner ensemble et ils commencent à interpréter un Nocturne de Mozart.

LE COLONEL ARDAVAST
Ecco quel fiero instante.

LE GUEHENNEC
J'en sais rien mon colonel... Je ne comprends pas ce que vous dites, mais c'est joli... On dirait qu'ils jouent vraiment...

LE SERGENT PONDEVY
C'est vrai, on dirait de vrai gens...

L'anachronisme de leurs costumes, et leurs mouvements saccadés et répétitifs indiquent qu'ils n'ont rien de vivant. A l'écart, Sainte-Anne a découvert d'où proviennent les cliquetis. Il frappe dans ses mains pour attirer l'attention de ses compagnons. Sur une table devant lui, il y a une machine à écrire et une pile de feuilles tapuscrites. Il y a aussi des journaux et des photos... Petit à petit, dans l'atelier, les musiciens cessent de jouer et, petit à petit, les automates cessent de bouger. On n'entend plus que les tics tacs des pendules. Sur la première page d'un journal, posé près de la machine à écrire, on reconnaît Le Guehennec, plus âgé, avec une écharpe de maire. Il félicite un coureur cycliste. Au dessous, on peut lire la date, 29 juillet 1929. Sainte-Anne lit silencieusement les titres des journaux empilés, les uns après les autres. Tous sont postdatés. Tous relatent des évènements dans lesquels le colonel Ardavast, Pondevy, Le Guehennec et lui-même ont pris part, ou « prendront part ». Personne n'est venu à son premier appel. Sainte-Anne tente à nouveau de les faire venir en les sifflant. Cette fois, Pondevy, Le Guehennec et le colonel Ardavast le rejoignent.

LE SERGENT PONDEVY
On dirait que tu as trouvé d'où venait le bruit qui t'intriguait...

Le Guehennec a pris l'un des journaux éparpillés sur la table d'atelier.

LE GUEHENNEC
Regardez, mon colonel, on dirait presque que c'est vous... Votre portrait tout craché... A part que vous avez pris un sacré coup de vieux...

Sainte-Anne lui arrache le journal des mains et le tend à Pondevy en lui montrant la date. Le Guehennec le regarde d'abord sidéré par son culot. Il hausse les épaules et reporte son attention sur les tas de photographies posés sur la table voisine. Il y plonge la main et en retire une poignée. Alors qu'il les regarde, son expression change. Il devient si sérieux que cela inquiète Sainte-Anne, Pondevy et le colonel Ardavast. Des larmes commencent à couler de ses yeux.

LE GUEHENNEC
C'est ma femme... Et mes petits... J'en suis sûr... Elle porte la médaille que je lui ai donnée avant de partir... Et c'est moi... J'en suis sûr aussi... Mais nos vêtements... Y sont bizarres...

Il tend les photos, une par une, au colonel Ardavast qui, après les avoir regardées, les donne à Sainte-Anne, qui les donne à Pondevy. Celui-ci a pris un autre journal.

LE SERGENT PONDEVY
Dans le journal, il est dit que Jules Blastre, né en 1879, et âgé de... 80 ans... a reçu la légion d'honneur des mains de son compagnon d'armes et ami, Ronan Le Guehennec, qui fut maire de Penmarch, dans le sud du Finistère, durant cinquante ans, avant de céder la place à ...

LE GUEHENNEC (D'une voix tremblante)
Je crois bien que c'est moi, mais c'est pas possible parce que Blastre... Il est mort... J'ai même vu son fantôme aujourd'hui... Plusieurs fois...

LE SERGENT PONDEVY (D'une voix apaisante)
On ne sait pas s'il est vraiment mort... On n'a pas retrouvé son corps.

LE COLONEL ARDAVAST (En lui tendant la photographie d'une adolescente, celle qu'il a suivi à plusieurs reprises sur le champ de bataille)
Et puis on voit plein de chose sur les champs de bataille... Moi, c'est ma fille que je vois...

Il y a un moment de silence que le colonel finit par briser.

LE COLONEL ARDAVAST
Qu'est-ce qu'il dit d'autre, le journal ?

LE SERGENT PONDEVY (reprenant sa lecture)
Jules Blastre a reçu sa médaille en présence de deux autres de ses compagnons de la guerre 14-20, le pianiste et chanteur Léo Sainte-Anne...

LE GUEHENNEC
Tu vois, Sainte-Anne, tu vas la retrouver ta voix, et pas qu'un peu...

Sainte-Anne sourit.

LE SERGENT PONDEVY (d’une voix plus basse)
Et de l'écrivain Marius-Eugène Pondevy.

LE GUEHENNEC
Y-a pas de doute, c'est bien de nous que ça parle. Sauf que ça ne nous est pas arrivé. Est-ce que ça veut dire que ... ?

Pondevy ne répond rien. Il est perplexe.

LE GUEHENNEC
Qu'est-ce que ça dit d'autre ?

Pondevy parcourt l'article jusqu'au bout, avant de répondre.

LE SERGENT PONDEVY
Le journaliste raconte que Le Guehennec « a racheté la ferme de son père, juste après la guerre, en 1921, qu'il a su la faire fructifier, et qu'il a activement participé à la vie de la région ». Celui qui a écrit cela ajoute (il regarde Le Guehennec) que tu es l'heureux patriarche d'une grande famille.

LE GUEHENNEC
Alors la guerre va encore durer cinq ans...

Pondevy ne répond rien. L'expression de son visage confirme la déduction de Le Guehennec. Les deux hommes continuent à fouiller dans les journaux et les photos tandis que le colonel Ardavast est reparti dans l'exploration des lieux. Sainte-Anne les abandonne, préoccupé. Il a pris une photographie qu'il ne montre pas aux autres. Du regard, il parcourt l'atelier. Il aperçoit le capitaine, appuyé contre un établi, l'air mal en point.

LE SERGENT PONDEVY
J'aurai aussi une famille... des petits enfants et des arrières petits enfants...

LE GUEHENNEC
Et le capitaine ? Y-a rien d’écrit sur lui...

Pondevy n'a pas le temps de répondre. Sainte-Anne les siffle, avec impatience. Il panique même. Pondevy se précipite vers Sachedieu et lui. Il est talonné par Le Guehennec. Le colonel Ardavast les rejoint aussitôt. Le capitaine Sachedieu tousse du sang et s'évanouit. Sainte-Anne parvient à l’empêcher de tomber tant bien que mal.

LE SERGENT PONDEVY
Il respire mal... Trop de poussière ici... et je crois qu’il fait une hémorragie… Il faut le remonter... Colonel aidez-moi à le porter...

Les deux hommes sortent le capitaine de la pièce. Le Guehennec remonte le premier. Il tient la lanterne et guide ses compagnons dans l'escalier. Sainte-Anne ferme la marche. Ils vont aussi vite qu'ils le peuvent.


21 / INT. – NUIT / GRENIER DE LA BÂTISSE

Pondevy et le colonel transportent le capitaine sur sa couche. Il a perdu connaissance. Le sergent Pondevy ne sent plus son pouls. Ils le déposent sur sa couche. Pondevy tente un massage cardiaque. Il a les mains en sang. Les bandages du capitaine sont imbibés de sang. Le colonel Ardavast, Le Guehennec et Sainte-Anne sont dans l'attente. Inquiet, Sainte-Anne refuse de lâcher la main de Sachedieu. Le colonel tente de l'éloigner. Le jeune homme refuse. D'un regard, Pondevy fait comprendre au colonel Ardavast et à Le Guehennec qu'il ne peut sauver le blessé. Le capitaine Sachedieu a un dernier râle. Il meurt sans avoir repris connaissance. Les quatre hommes sont effondrés, prostrés.


22 / INT. – NUIT / GRENIER DE LA BÂTISSE

Alors que les autres se sont endormis, Sainte-Anne est toujours assis auprès du capitaine Sachedieu dont il n'a pas lâché la main. Il renifle, nerveux. Son visage est barbouillé de larmes et de poussière. Il fouille dans l'une de ses poches de sa vareuse. Avec un mouchoir, il sort la feuille de papier jauni. C'est celle qui était accrochée sur la porte en bas de l'escalier, l'avertissement de la veuve. D'une main, il la déplie, et la relie encore et encore. Au loin, les cliquetis continuent à se faire entendre de plus en plus fort jusqu'à en devenir assourdissants. Lâchant la main du capitaine, Sainte-Anne se lève, et se dirige une nouvelle fois vers le fond du grenier. Le Guehennec, allongé, le voit passer. Il est sur le point de se lever. La main du colonel Ardavast le retient. Pondevy ne dort pas non plus. Il se lève et prend la place de Sainte-Anne et veille le mort. Il suit un instant la lumière vacillante de sa lanterne dans les profondeurs de l'obscurité. Autour des trois hommes en vie et du mort, tout est silencieux. Même le son du vent s'est éteint.


23 / INT. – NUIT / REZ-DE-CHAUSSÉE DE LA BÂTISSE

Sainte-Anne appuie sur l'interrupteur. La lumière éclaire un atelier vide de tout son mobilier, à l'exception de quelques guéridons sur lesquels se trouvent de la vaisselle précieuse et des mets raffinés, et des fauteuils dans lesquels sont assis des automates. Il y a aussi une grande cheminée dans laquelle brûle un feu ardent. Les lieux ressemblent maintenant à un salon du XVIIIe siècle. D'autres automates sont debout, en petits groupes, autour d'un espace vide au centre duquel se trouve Sainte-Anne. Ils sont immobiles et silencieux. Pourtant, ils semblent plus vivants encore que lors de la précédente visite. Sainte-Anne est désorienté, hésitant. Il sait ce qu'il veut et qui il veut trouver : la veuve. Il la cherche parmi les automates, et la découvre, forme altière voilée de noir. Il s'avance vers elle. Les automates s'écartent sur son passage. Il s'arrête devant elle, apparition funeste, sanglée dans sa robe sombre, voilée de la tête aux épaules. Rien ne permet de distinguer son apparence physique, si ce n'est qu'elle semble aussi fragile qu'un automate. Elle reste immobile. Autour d'eux, certains automates sourient... des sourires carnassiers, d'autres moqueurs, d'autres automates chuchotent... Tels des humains. Sainte-Anne prend la main de la créature. Elle se laisse conduire au centre de l'espace vide, sa démarche est humaine, bien qu'un peu saccadée, comme quelqu'un qui n'aurait pas marché depuis longtemps. Sainte-Anne n'hésite pas. Sans lâcher la créature, il pose son autre main sur sa taille. Elle a un geste de surprise lorsqu'il prend l'initiative. Les automates musiciens commencent à jouer sur un rythme lent permettant aux deux danseurs de s'habituer l'un à l'autre. Le rythme ne tarde pas à accélérer jusqu'à devenir frénétique. Très vite, la danseuse reprend l'initiative et révèle une énergie et une rapidité diaboliques. La détermination de Sainte-Anne est telle qu'elle lui permet de rivaliser avec la danseuse dont le but évident est de lui faire lâcher prise de grès ou de force. Alors que tout est en mouvement autour de lui, il remarque une chose, sur les automates qui ne cessent de les frôler, qui lui avait échappé jusqu'alors. Tous ont une marque autour du cou, comme ne cicatrice... Sur son visage, commencent à se lire le doute et l'effroi. Pourtant, il résiste. Il n'a plus la notion du temps qui passe. Les visages des créatures autour de lui deviennent flous. Lorsque la musique et la danse s'arrêtent, ils ne sont plus que deux dans une pièce vide. Elle soulève son voile. Lui seul peut voir son visage. Il est surpris, peut-être ému. Elle approche ses lèvres des siennes, les frôle, sans aller plus loin, toutefois. Une fois encore, c'est lui qui prend l'initiative. Il l'embrasse avec douceur, presque timide.


24 / INT. – NUIT / GRENIER DE LA BÂTISSE

Pondevy s'est assoupi à côté de Sachedieu. De curieux bruits gutturaux se font entendre dans le silence nocturne et le réveillent peu à peu. Il met un peu de temps à comprendre que ces bruits sont produits par Sachedieu. Celui-ci essaie de respirer. Quelque chose lui obstrue la gorge. Pondevy est surpris. Il le tourne néanmoins sur le coté en le soulevant. Le capitaine peut évacuer ce qui lui obstrue la gorge. Le Guehennec et le colonel Ardavast se redressent. Sur leur visage, se lit un mélange d'incompréhension et de crainte. Leurs regards croisent celui de Pondevy, paniqué. Les deux hommes se rapprochent.

LE GUEHENNEC
T'avais pas dit qu'il était mort ?

LE SERGENT PONDEVY
Il était mort... Enfin, c'est ce que je croyais... Non, j'en suis certain, il était mort...

LE GUEHENNEC
Alors, t'explique ça comment ?

LE SERGENT PONDEVY (énervé)
Je ne peux pas l'expliquer... à moins... à moins que...

Il regarde autour de lui, à la recherche de quelque chose, ou plutôt de quelqu'un. Le colonel Ardavast s'agenouille auprès du capitaine qui continue à étouffer, tandis que Le Guehennec élève sa lanterne au-dessus d'eux. Penché devant la bouche du capitaine, le sergent Pondevy essaie de voir ce qui l'empêche de respirer.

LE SERGENT PONDEVY (Au colonel Ardavast)
Prenez ma place et tenez-lui la tête... et empêchez-le de me mordre... Je tiens à garder tous mes doigts jusqu'à la fin de cette foutue guerre si possible.

Les deux hommes échangent leur place. Dès que le colonel Ardavast a immobilisé Sachedieu, aidé par Le Guehennec qui, sans lâcher la lanterne, essaie de lui maintenir les jambes et l'empêcher de convulser, Pondevy plonge deux doigts dans la bouche de Sachedieu.

LE SERGENT PONDEVY (paniqué)
Je sais pas ce que c'est… mais ça bouge...

Pondevy retire précipitamment les doigts de la bouche du capitaine, entraînant avec eux une matière noire d'encre, visqueuse et collante comme de la résine chaude. Il essaie de s'en débarrasser, en vain. Sachedieu a un hoquet. Il réussit à vomir. Cela ressemble à une flaque d'encre et, de ce liquide, fuient une poignée de petites araignées noires, en direction du fourrage. Elles laissent des traînées d'encre derrière elles. Le Guehennec fait un bond en arrière lorsqu'une des créatures menace de le toucher.

LE GUEHENNEC
Saloperie... C'est quoi ces... bestioles ?

SACHEDIEU (dans un souffle)
Sainte-Anne...

Sachedieu suffoque. Il ne parvient plus à respirer. Il se noie. L'obscurité est tout autour de lui.


25 / INT. – NUIT / PIÈCE RESSEMBLANT À UNE SALLE DE BAIN

Une eau sombre. Des lumières blanches apparaissent faiblement dans les profondeurs bleutées. Elles sont fragiles, tremblantes. Elles donnent aux bulles d'air qui montent vers la surface ou descendent dans les profondeurs l'aspect de perles argentées ou de gouttes de mercure. Le haut, le bas, il n'y a aucun repère. La lumière scintillante fait danser les bulles d'air dans les remouds de l'eau. Le mouvement est aussi reposant et hypnotique que le nocturne de Chopin assourdi par l'eau et la distance que l'on parvient entendre. Il y a un éclair blanc très violent. Sachedieu se débat pour sortir de l'eau. Il parvient à sortir la tête et aspire autant d'air qu'il le peut, mais retombe dans l'eau. Il essaie à nouveau et parvient, cette fois, à rester à la surface. Il est nu, dans une sorte de baignoire d'où partent des dizaines de fils auxquels il est relié, dans une pièce faiblement éclairée. Une lampe accrochée au plafond grésille et jette des lueurs lugubres sur le carrelage verdâtre. Dans la pièce, il y a au moins cinq autres baignoires contenant des corps humains reliés à des fils qui courent dans toute la pièce. A moitié inconscient, il essaie de retrouver une façon normale de respirer, il grelotte.


26 / INT. – NUIT / GRENIER DE LA BÂTISSE

LE SERGENT PONDEVY (soutenant le capitaine)
Tu veux que quelqu'un aille le chercher ?

Sachedieu fait signe que non en secouant la tête et tente de reprendre son souffle. Sa respiration est douloureuse. Pondevy l'aide à s'allonger sur le dos. Il lui ouvre sa chemise et vérifie l'état de sa blessure. Il essuie le sang sur le torse du capitaine. Il a beau chercher, aucune trace de la plaie, celle-ci a disparu... Le capitaine essaie de se relever. Pondevy tente de l'en empêcher.

SACHEDIEU
Sainte-Anne a dansé avec la veuve... Je l'ai vu... Il faut le retrouver avant qu'il soit trop tard...

Pondevy ne cherche pas à discuter. Il aide Sachedieu à se lever. Le colonel Ardavast l'aide à le porter en direction de la trappe. Le Guehennec les suit, peu rassuré.

LE GUEHENNEC (plus pour lui que pour les autres)
Moi, je ne veux pas croire à ces choses-là.

Alors que ses compagnons commencent à descendre l'escalier, Le Guehennec lève sa lanterne en direction de l'araignée toujours suspendue à son fil. Elle semble l'observer.

LE GUEHENNEC
Pourtant, j'y suis obligé...

Comme la première fois, il attrape le fil de l'araignée. Avant que l'araignée ait pu remonter jusqu'à sa main, il le secoue. L'insecte tombe sur le sol. Il l'écrase sous la semelle de son soulier, la réduisant en une sorte de bouillie mêlée de poussière. Il insiste plus que la première fois.

LE GUEHENNEC
Remettra un peu plus de temps à remonter que la première fois !


27 / INT. – NUIT / PIÈCE RESSEMBLANT À UNE SALLE DE BAIN

Sachedieu essaie de se glisser hors de la baignoire. Après plusieurs tentatives, il finit par y parvenir, mais ses jambes refusent de le porter, il glisse au sol, plusieurs fois.


28 / INT. – NUIT / REZ-DE-CHAUSSÉE DE LA BÂTISSE

LE SERGENT PONDEVY
Le Guehennec, amène ta lanterne...

Le Guehennec passe devant ses compagnon et éclaire le rez-de-chaussée qui ressemble à ce que devrait être une grange ordinaire dans laquelle des paysans ont rangé leur matériel, leurs outils et diverses autres choses (harnais, vielle charrue hors d'usage, charrette en bois, toiles usagées, ficelles, sacs de mauvais grain, transpercé, mangé par les rongeurs, peaux de lapins et de taupes séchées, sacs de laine de moutons...) avant la guerre. Tout est recouvert d'une épaisse pellicule de poussière comme si rien n'avait bougé depuis des années.

SACHEDIEU
Là... Il est là...

Le Guehennec éclaire l'endroit indiqué par Sachedieu. Une forme humaine est étendue sur le sol. Les quatre hommes se précipitent vers elle. C'est bien Sainte-Anne. Ses yeux sont ouverts sur le vide. Il a une blessure à la lèvre, son nez et ses oreilles saignent. Il ne respire plus. Sachedieu le secoue.


29 / INT. – NUIT / PIÈCE RESSEMBLANT À UNE SALLE DE BAIN

Sachedieu essaie d'extirper Sainte-Anne de l'une des baignoires. Il y parvient tant bien que mal.

SACHEDIEU
Réveille-toi, Léo, on est là...

Sainte-Anne n'a aucune réaction. Sachedieu le gifle. Il ne se passe rien. Il ne voit pas l'agitation soudaine autour de lui.

UNE PREMIÈRE VOIX
Il en a au moins un qui est en vie...

UNE DEUXIÈME VOIX
Un seul ?

UNE TROISIÈME VOIX
Aucune réaction chez ceux qui sont dans le bain... Ils sont morts... depuis un moment...

LA PREMIÈRE VOIX
Et le cinquième ?


30 / INT. – NUIT / REZ-DE-CHAUSSÉE DE LA BÂTISSE

Sans ménagement, Pondevy écarte Sachedieu de Sainte-Anne.

LE CAPITAINE SACHEDIEU
Non...

Il essaie de résister. Le colonel Ardavast le retient.

LE COLONEL ARDAVAST
Laisse faire... C'est son métier...

Le capitaine obtempère tandis que le sergent effectue un massage cardiaque sur Sainte-Anne. Sachedieu se rapproche, et prenant la tête du jeune homme entre ses mains.

LE CAPITAINE SACHEDIEU
Allez ! Reviens avec nous, Sainte-Anne ! Tu n'as pas choisi de mourir... J'en suis certain... Je sais bien ce que tu as sacrifié... Mais en faisant cela, tu as remis les compteurs à zéro...

Pondevy abandonne le massage cardiaque.

SACHEDIEU (suppliant Pondevy)
Ne t’arrête pas, s'il te plait... Marius... Essaie encore une fois...

Pondevy ne répond rien. Il s'est résigné à la mort de Sainte-Anne. Sachedieu continue à le supplier. Pondevy baisse la tête. Sachedieu se lève et s'éloigne. Les quatre hommes restent silencieux. Sans crier gare, Sachedieu revient s'agenouiller auprès du corps de Sainte-Anne. Comme l'a fait Pondevy quelques instants plus tôt, il essaie un nouveau massage cardiaque.

SACHEDIEU
Tu as dansé avec la veuve... Tu es allé la chercher sur son propre terrain... J'ai vu comment elle a essayé de te perdre... Tu as résisté de toutes tes forces... et tu as accepté son baiser... Je suis en vie... Léo... Et toi tu vas vivre, regarde-moi... Je sais ce que tu as sacrifié... Mais ce n’est pas maintenant que tu vas abandonner... allez, bats-toi, bats toi...

Il le gifle à toute volée. Le colonel Ardavast, Le Guehennec et Pondevy sont sur le point d'intervenir lorsque, contre toute attente, Sainte-Anne se redresse sur son séant, comme poussé par un ressort invisible, et inspire une grande goulée d'air. Sachedieu le serre dans ses bras. Le colonel Ardavast les prends tous les deux par le cou, Pondevy serre la main de Sainte-Anne. Tenant toujours sa lanterne au-dessus d'eux, Le Guehennec pose sa main libre sur la tête de Sainte-Anne dans un geste amical. Tous sont heureux et apprécie ce moment.
Un éclat de carreau cassé, un bruit infernal, une porte battante qui grince et une lumière aveuglante. Les cinq hommes sont surpris. Les yeux plissés, ils tentent de voir au-delà de la lumière.


31 / INT. – NUIT / INFIRMERIE

Raven Sachedieu se réveille dans un lit d'infirmerie. Le lit voisin est occupé par Sainte-Anne qui est sous assistance respiratoire. Sachedieu est lui-même relié à des moniteurs. Tout est très calme autour de lui, seuls les sons des moniteurs, et le Nocturne de Chopin qui lui parvient de très loin, trouble le silence. Une infirmière blonde au visage mutin dont le badge indique qu'elle s'appelle Daisy s'approche de lui. Il essaie de parler mais il ne peut pas.

L'INFIRMIÈRE DAISY (d'une voix rassurante)
Chut, n'essayez pas de parler. Quelqu'un va venir vous voir dans quelques minutes. (Elle lui tend un gobelet avec une paille) Buvez cela et gardez le un petit moment au fond de la gorge, vous verrez, cela fait des miracles.

Raven Sachedieu lui obéit, et attend en observant son environnement. Si rien ne semble ultramoderne, rien ne semble totalement dater du début du XXe siècle non plus. Nous remarquons plutôt une hybridation entre deux époques. Des bruits de pas mettent fin à l'inspection de Sachedieu. Un médecin, son badge indique Hotis Ludwig M'Sepuwa (environ 45 ans), (la peau noire, le crane rasé et le visage rasé de frais, un regard franc et rieur, très grand et très fort). Il n'y a rien de menaçant dans son attitude, et lorsqu'il s'exprime c'est d'une voix très douce.

LE DOCTEUR HOTIS LUDWIG M'SEPUWA
Comment vous sentez-vous, monsieur Sachedieu ?

RAVEN SACHEDIEU (Avec difficulté)
Comment va Sainte-Anne ?

LE DOCTEUR HOTIS LUDWIG M'SEPUWA
Il n'est pas encore totalement tiré d'affaire, mais j'ai bon espoir. C'est un bon petit soldat. (Le médecin observe un moment Raven Sachedieu) En principe, les gens demandent combien de temps ils ont dormi...

Raven Sachedieu ne comprend pas le sens de la question. Il fronce les sourcils.

RAVEN SACHEDIEU (Avec difficulté)
Où sont les autres ?

LE DOCTEUR HOTIS LUDWIG M'SEPUWA
Quels autres ?

RAVEN SACHEDIEU (Avec difficulté)
Le colonel Ardavast, le sergent Pondevy, Le Guehennec... (D’une voix presque inaudible) Blastre.

LE DOCTEUR HOTIS LUDWIG M'SEPUWA
Désolée, mais les trois premiers noms ne me disent rien. Mais nous avons un Jules Blastre qui est inscrit au registre de la morgue. Il se peut que les autres se trouvent sur un autre vaisseau. Nous ne pouvons pas communiquer avec eux... Sauf dans les rêves... apparemment… Et nous ne savons pas encore comment l’expliquer.

RAVEN SACHEDIEU (Avec difficulté)
Je ne comprends pas...

LE DOCTEUR HOTIS LUDWIG M'SEPUWA (de sa voix la plus apaisante possible)
Nous sommes en 1917 et vous êtes à bord du Perséphone, l'un des soixante-neuf vaisseaux spatiaux ayant quitté la Terre, il y a trente ans, juste avant sa destruction, et vous venez de vous réveiller d'un sommeil de dix ans. Tous les dix ans, nous réveillons les passagers durant sept jours. C'est nécessaire à leur survie. Mais depuis quelques mois, nous devons faire face à des difficultés. Les passagers se sont mis à faire des rêves, et il semblerait que certains de ces rêves les tuent. Nous essayons de les réveiller en urgence, mais il est souvent trop tard. Votre ami et vous y avez échappé de justesse, mais nous avons tout de même perdu près de huit millions de passagers dans toute la flotte... Tous les vaisseaux sont touchés. Nous le savons grâce à l'un des rêveurs... Sans compter quelques morts inexpliquée, provoquées semblent-il par d’autres passagers en sommeil, durant leurs rêves, et une épidémie de grippe, mortelle, elle aussi...

Raven Sachedieu n'entend plus les paroles du médecin. Il tourne la tête en direction de Sainte-Anne qui continue à dormir. Il essaie de lutter pour ne pas fermer les yeux et s'endormir à nouveau lui aussi, mais en vain.


FIN




(Tous droits réservés – Ihriae/J-NR)




LES MUSIQUES DES LARMES DE CASSANDRE
Voici, chers amis, quelques musiques qui ont participé à la création de certaines images de ce récit...

― James Newton Howard : The Belly Dancer (BOF Charlie Wilson's war)
― Hugues DeCourson : Al Maghfera (After Mozart) (Album Mozart L'Egyptien, CD2)
― Jean-Yves Thibaudet : Dawn (BOF Pride & Prejudice)
― Tichot : 14-18 Une vie d'bonhomme / Pendant la guerre la chanson continue (Tout l'album).
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Rufus Shinra
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MessageSujet: Re: LES LARMES DE CASSANDRE (2/2) : La veuve   LES LARMES DE CASSANDRE (2/2) : La veuve EmptyMer 15 Sep 2010 - 17:11

Étrange. Étrange et très intéressant. Un mélange de fantastique et de steampunk, à la conclusion surprenante. Un rêve, tout n'est qu'un rêve, mais contrairement à l'habituel schéma utilisant ça, le rêve tue, et il n'y a pas de reset. Un rêve partagé, dans lequel les rêveurs s'entretuent. D'une certaine manière, ça pourrait presque être une meilleure explication à nos absurdités historiques que celles de la "réalité". Heureux de voir que des auteurs de qualité arrivent encore dans notre petit refuge.

Bienvenue à bord, une fois de plus !
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Skay-39
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MessageSujet: Re: LES LARMES DE CASSANDRE (2/2) : La veuve   LES LARMES DE CASSANDRE (2/2) : La veuve EmptySam 18 Sep 2010 - 16:25

Et bien, et bien, voila une conclusion qui laisse pour le moins perplexe. Je dois avouer que je ne sais trop qu'en penser.

Pour commencer, je peux dire que j'ai beaucoup aimé l'ambiance de cette seconde partie. Je l'ai sans doute préféré à la première, pour son atmosphère plus dérangeante, plus mystique, plus graphique aussi, avec tous ces lieux et situations plus stimulants à imaginer que les plus classiques scènes de guerre. Cette bâtisse étrange dépourvue d'entrée, si ce n'est une lucarne menant à un grenier apparemment fermé, ces araignées d'une taille peu commune, constituant apparemment une part d'une faune insectoïde dont la voracité et la discrétion fait frémir, cet étrange poème aux inquiétantes implications, ces automates, ces photographies et pages de journeaux, l'instant de la réalisation lorsque Saint-Anne aperçoit les cicatrices... Autant de séquences que l'on se plait à visualiser, à ressentir. En cela, il y a une rupture très nette entre les deux parties, un peu trop peut-être, car rien dans Quand l'alouette a chanté ne permet de soupçonner le potentiel aberrant de cette histoire.

Je ne peux m'empêcher de déplorer, et c'est là un sentiment récurrent chez moi dont je ne sais si je dois le regretter, l'absence de pistes concrète, d'indices d'une réalité derrière ce récit. La conclusion (un peu trop rapide à mon goût ; j'ai l'impression que c'est très volontaire, une telle concision ne peut s'expliquer autrement lorsque tu as très bien développer le reste, mais trouve tout de même cela brusque) permet beaucoup de suppositions ; ainsi, si tout cela n'est pas encore un rêve (Inception quand tu nous tiens), nous nous trouvons apparemment dans un monde uchronique, ou l'an 1887 voit l'agonie de la Terre et le lancement de vaisseaux spatiaux peuplés de colons. L'époque de la première guerre mondiale voit donc l'humanité en stase ; et, quelque part, au milieu du pays des rêves, cette guerre semble réclamer son dû. Cette situation me lance sur la tentante hypothèse de réalités parallèles perméables, ou des hommes dans un sommeil trop profond entrent en contact avec leurs alter-égos d'une autre dimension, et meurent avec eux, mêlant cependant cette expérience de leurs propres cauchemars. Cela semble coller avec les uniformes de la première partie, dont on précise qu'ils diffèrent de ceux qui étaient portés dans notre passé. Mais alors, quid des articles de journaux prophétiques (auxquels cette fiction doit probablement son nom ; mais le lien me parait mince, si bien que je ne saurais l'affirmer), des morts auxquels on promet un avenir ? Une autre réalité, encore ? Ou bien est-ce que je fais fausse-route dans mon interprétation ?

C'est ici le point qui me chagrine, le soupçon qu'il n'y a, en fait, pas de bonne réponse. Mon enthousiasme pour un univers de fiction me semble toujours plus fort lorsque je trouve une cohérence à cet univers.

Enfin, quoi qu'il en soit, ce scénario représente vraiment un boulot impressionnant, et dénote d'un talent certain. Il m'a mit des images et des ambiances en tête - je sens que je vais longtemps ressasser la danse des automates au cou tranché - et pour cela, il mérite sans aucun doute d'être lu.

Félicitations.

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MessageSujet: Re: LES LARMES DE CASSANDRE (2/2) : La veuve   LES LARMES DE CASSANDRE (2/2) : La veuve EmptyMar 21 Sep 2010 - 9:50

Bonjour,

D'abord, merci à Mara, Mat Vador, Rufus Shinra et Skay-39 pour leur accueil.

Je viens de lire vos réponses aux trois textes que j'ai postés. Certes, il y a eu du travail de mon côté, mais du vôtre aussi. Que de souffle et d'enthousiasme pour dire / écrire non ce qu'un auteur aimerait mais ce qu'il a besoin d'entendre / lire. Cela ne peut être que bénéfique pour la suite de son travail, et je vous en remercie (une fois de plus, je sais).

Concernant le format du texte en deux parties, regroupées sous le titre Les larmes de Cassandre : j'avoue être plus à l'aise sur les formats « littéraires », et j'espère pouvoir vous le prouver dans les mois à venir. En fait, j'avais commencé à écrire ce récit sous forme de nouvelle. Et puis, il y a eu ces fameux concours de moyens et de court-métrages. J'ai donc envisagé une autre forme d'écriture qui a nécessité la modification de la chronologie des évènements, et la contraction, voire la suppression, de certains dialogues (trop littéraires, trop explicatifs ou tout simplement n'apportant rien de plus au récit). Cela a aboutit à ce que vous avez pu lire. Bien entendu, pas dès le premier jet. Il y en a eu environ sept (sans compter ceux incluant des changements mineurs), version moyen métrage (inférieure à 59 minutes) et version court-métrage (Quand l'alouette a chanté - demande : inférieure à 15 minutes) confondues, écrites entre fin 2008 et fin de 2009.

Skay-39, tu as tout à fait raison en ce qui concerne la rupture un peu brutale entre les deux parties. Je pense qu'il y a moyen de l'atténuer sans forcément la supprimer. J'ignore encore comment. Tout dépendra des nouvelles touches que j'intègrerai au récit. Je ne souhaite pas revenir à la chronologie initiale qui rendait le récit trop touffus, trop compact, et ne laissait pas au lecteur le temps de respirer (les soldats découvraient la bâtisse – sans Ardavast – et pour cause puisqu'ils ne le rencontraient qu'après cette aventure, une fois arrivés au camp).

Il faudra aussi que je trouve le moyen d'équilibrer les deux parties. La seconde semble mieux fonctionner que la première, comme Skay-39 l'a souligné, « par son atmosphère plus dérangeante, plus mystique, plus graphique... ». Quelques pistes à ce sujet : le traitement de la lumière et des couleurs, la description d’une ambiance sonore (exacerbation des sons naturels, un bourdonnement d'insectes (type guêpes ou frelons) associé à Borel afin d'évoquer sa dangerosité et sa folie, et créer un rejet épidermique de la part du lecteur, et pour Sainte-Anne, peut-être le son d'un battement de cœur ou le rythme de la pression sanguine exprimant son calme, la certitude qu’il a en cet instant crucial. Ces sons peuvent, à la fois, être naturels (et appartenir au « rêve ») et artificiels (machines du vaisseau ou du centre médical – la réalité), et enfin la pression de la nature sur l'Homme (recréée inconsciemment par Sachedieu et ses compagnons, parce qu'elle n'existe plus dans leur réalité et représente une absence difficile à supporter, et parce que l'on peut supposer que leurs vrais corps sont en stase dans des caissons, emprisonnés à l'étroit... A moins d'autre chose... Il y a plusieurs pistes à explorer dont celle d'une entité dite naturelle qui se serait, ou aurait été, introduite dans le vaisseau et chercherait à se venger de l’espèce qui l’a détruite – A voir).
Tous ces éléments, introduits dans Quand l'alouette a chanté devrait conduire moins abruptement à la seconde partie La veuve, et donner plus de pertinence au titre (dernier vers du poème Depuis six mille ans la guerre, de Victor Hugo).

La conclusion. Être ou ne pas être... J'aime beaucoup la manière dont vous l'avez l'un et l'autre, Rufus Shinra et Skay-39, résumée. Eh oui. C'est bien cela. Même si ce n'était pas ce qui était prévu dans les six premiers scripts. En retravaillant le texte en profondeur pour la... septième fois, les personnages sont « devenus » ceux d'un autre récit dont j'avais les prémisses en tête.
Si ce nouveau texte parvient à voir le jour, alors il est sans doute préférable de laisser la fin telle quelle. Elle trouvera son explication dans cette nouvelle histoire. Dans le cas contraire, effectivement, il faudra la revoir et mettre de l'ordre dans les réalités : celle des personnages (comment en sont-ils arrivés là, dans ces vaisseaux spatiaux ? Quel ennemi ont-ils combattu ou fui ?) et celle, hypothétique, d'un monde parallèle (dont les « rêveurs » ignorent tout, jusqu'à son existence et dont ils ont entrevu un possible avenir — qui ne s'est pas réalisé dans l'univers que nous connaissons).

On peut alors se demander non si l'Histoire aurait pu être autre, mais comment elle aurait pu être différente ? Une intervention extérieure aurait-elle modifié les événements en les aggravant, ou le contraire ? Des messagers d'un autre univers, venus prédire un terrible avenir, auraient-ils été entendus et écoutés ? Les aurait-on pris pour des aliénés à enfermer ou bien des créatures extraterrestres à pourchasser, voire à détruire ?
S'il y avait une suite, il y aurait sans doute matière à écrire. Je travaille actuellement sur un autre projet, mais je pense revenir à celui-ci au cours de l'année 2011.

Alors, entre-temps, si vous avez d'autres suggestions, n'hésitez pas à m'en faire part.

Ihriae.
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