Cycle I: L'Exode

Une petite suite ? (oui, j'ai du mal a me renouveller)

J’ai réussi à trouver mon chemin sans trop de peine, et j’avoue que je ne m’étais pas attendu à un tel accueil.
Un officier à la peau ébène me donne une tape amicale sur le dos, et m’invite à m’asseoir.
Étonné, je le soupçonne d’avoir un peu trop forcé sur la bouteille.

Il tient à la main un verre, qui, à ma grande surprise, est rempli d’eau.
C’est vrai, l’eau est dorénavant une denrée rare et précieuse.
Mon nouvel « ami » n’est pas saoul, il est juste curieux, et veux prendre des nouvelles des civils.
Il tapote la chaise à côté de lui, et, tenté, je m’assois à mon tour en étudiant la salle de repos.
Je cherche « Sick », mais je ne la vois nulle part.

Dans une table au centre de la pièce, les officiers jouent aux cartes les dernières pièces en circulation, de notre chère vieille monnaie des Colonies.
Les yeux dévient de leurs cartes ; tous essaient, sans conteste, de jeter un œil au jeu du voisin.
Mais la triche ne réussit pas à tout le monde, et tous ne peuvent pas gagner.
Le leader du groupe de joueurs est, indubitablement, cette femme blonde aux cheveux courts, fumant le cigare, et narguant les perdants.
« Insubordonnée », « Tête brûlée », « As du Pilotage »… Kara « Starbuck » Thrace avait plusieurs qualificatifs à son actif, tous s’appliquant à une situation particulière.
En cet instant précis, je dirais que l’appellation « Fouteuse de merde » convient parfaitement.

D’un air moqueur, elle se tourne vers nous :

-Alors, Eze, tu t’es fait un nouvel ami ? Et pas n’importe qui à ce que je vois, l’un des nouveaux toutous de la Présidente ! Elle émet un ricanement presque méprisant. On veut monter en grade ?

-La ferme « Starbuck ». La voix est aussi tranchante qu’un couperet.

Ce n’était pas Eze qui avait parlé.
Sthéno vient de renter dans la pièce, les yeux emplis d’une froide colère.
Son visage est figé en un masque sévère et dur.
Le message est clair, quiconque osera une nouvelle remarque s’attaquera à elle, qu’elle soit un bleu, ou pas.
Les conversations se sont tues.
« Starbuck » n’attendait qu’une seule étincelle ; en répondant à la provocation, « Sick » était rentrée dans son jeu.
Un sourire insolent s’étire sur les lèvres de Thrace :

-Tu as un problème, « Sick » ? Elle tire une bouffée de son cigare. Nous ne faisions que discuter… Ne t’en fais pas, je n’abîmerais pas ton nouveau jouet.

-Oh, je ne m’en fais pas. Sous sa voix calme transparaît l’agacement. A vrai dire, je souhaiterais juste récupérer mon « jouet », si cela ne te dérange pas.

-Eh bien, vois tu, nous étions en pleine discussion…

-Discussion ? Il m’a pourtant semblé que toi seule étais impliquée dans la conversation. Le ton de Sthéno est cassant.

Je savais, à l’époque, que nous étions passés à deux doigts du pugilat.
Mais j’ignorais que l’attitude provocante de Kara ne découlait que de son mal être vis-à-vis d’elle même, et de la situation.
J’assistais silencieux à la scène, sachant que la moindre intervention de ma part, pourrait envenimer les choses.
Mais quelqu’un entre tout à coup dans la pièce, en criant :

-Ils ont trouvé de l’eau !

Quoi ? Cette intervention coupe court à la dispute. L’euphorie gagne, en quelques instants, tous les pilotes.
Et vient l’annonce d’Adama :

-Ici le Commandant, nous avons trouvé de l’eau !


Embrassades, cris de joie, étreintes… J’en ai même oublié d’être sarcastique. « Starbuck » et « Sick » oublient leur rancœur, trop occupées à leur allégresse.
Eze me broie l’épaule en me lançant une bourrade amicale.
Les chaises sont renversées dans la précipitation, alors que les militaires se lèvent pour faire entendre leurs clameurs.
Plusieurs pilotes se mettent à siffler.
Sthéno me lance un sourire radieux.

Nous ne mourrons pas aujourd’hui.

Je suis la troupe d’officiers jusqu’au hangar pour recevoir les pilotes du Rapace victorieux.
« Boomer » et « Crashdown » sont accueilli en héros. Adama, Tigh… tous sont là pour les acclamer, à croire que tout le Galactica s’est réuni ici.
Je suis incroyablement heureux, mais étrangement, alors que j’observe ces personnes qui se prennent dans leurs bras… je me sens de trop à ces retrouvailles.
Le Galactica n’est pas ma famille.

Pas encore.

Vaisseau Colonial 1
Bureau Présidentiel

Je suis de retour sur le Colonial, en compagnie de la Présidente, qui reste songeuse.
Alors que nous nous asseyons, mon regard est attiré par l’objet qu’elle vient de poser sur son bureau.
Laura Roslin s’en aperçoit et me lance un regard amusé, en répondant à ma question muette :

-Un cadeau du Commandant Adama. Pour tromper mon ennui.

Je la regarde, interloqué :
-Adama vous a donné un livre ?

Elle acquiesce :
-Etrange, n’est ce pas ? Nous avons même réussi à passer la journée sans nous entretuer.
Je commence à me dire que peut être nous allons pouvoir cohabiter, finalement.
Puis, elle ajoute après quelques secondes. En espérant que cela se déroulera sans trop de…difficultés.

-Vous avez su vous faire entendre, et obéir. Et vous êtes assuré du respect du Commandant… qui déteste le Protocole, ce qui constitue déjà un bon point en sa faveur.

-Je sais. Le Commandant m’a agréablement surprise sur ce point là…

Je hoche pensivement de la tête, et m’approche du livre en murmurant le titre :
-« Sombre Journée » … je tourne la tête, surpris, à l’encontre de la dirigeante. Vous aimez les romans policiers ?

Elle me répond par l’affirmative :
-Et vous, que lisez vous ?

-Un peu de tout. Je suis un peu gêné. Je lisais beaucoup, mais je suis, enfin, j’étais…j’étais écrivain.

-Je sais. Elle s’amuse de mon expression choquée, et se met à réciter. « Corruption du Pouvoir et de la Liberté » par Alcée Thyrin. Vous avez participé une fois une conférence sur la liberté d’expression, où je vous y ai croisé.

Je reste ébahi. Depuis le début, elle me connaissait.

Je parviens finalement à articuler :

-Pourquoi m’avoir demandé mon nom, lorsque j’ai crié à ce journaliste de se taire ?

-Je ne vous avais pas reconnu. Ce n’est qu’après que j’ai fait l’analogie.

Son visage exprime une légère moue d’excuse et de satisfaction.
Je commence à rire, d’un rire franc, ce même rire que je me sentais incapable d’exprimer sur le Galactica, quelques heures plus tôt.

-Vous n’avez pas lu mon meilleur livre !

Elle incline légèrement la tête :

-Il y en a eu d’autres ?

-J’ai usé d’un pseudonyme pour les autres. Ils ne sont pas du tout du même registre.

- Quelles genres d’histoires avez-vous écrites ? Malgré elle, elle est intriguée.

-Je touche à tous les genres. Mais ma préférée est, incontestablement, celle que je suis en train d’écrire. Je marque une pause. Je n’en connais pas encore la fin, mais je pense qu’elle devrait vous plaire... Je l’ai intitulée l’ « Exode ».

Je m’interdis de respirer. Je tourne lentement la tête pour observer sa réponse.

Laura me regarde, l’éclat au fond de ses yeux parle pour elle. Elle a compris.
De sa voix douce, elle murmure :

-J’aimerais beaucoup l’entendre…

-Vous en êtes sûr ? Cela risque d’être long, et mon récit est inachevé…

Mais elle secoue légèrement la tête :

-Ce n’est pas grave… racontez moi notre Histoire…

Sa voix est affectée.
Peu de personnes ont le courage d’écouter leur propre histoire, leurs propres erreurs.
Admettre que nous nous sommes trompés, faire ressurgir un souvenir enfoui, et accepter. Accepter ce que l’on est.
Mais aussi prendre conscience de nos choix.
Prendre conscience que, sans nous, l’Humanité ne serait sans doute pas là aujourd’hui.

Après ce jour, Laura ne me demanda pas de lui narrer la suite. Elle me déclara que, patiemment, elle attendrait. Ainsi, le jour où j’estimerais notre Exode achevé, elle écouterait.

Alors, d’une voix posée, dans la quiétude de cet instant, j’entreprends de lui conter le Commencement :

- « Je me rappelle distinctement ce qui avait motivé mon voyage en ce jour…

Ainsi s’achève Aquae Victis, IIIème Chapitre de notre Exil,

Du manque et de notre vanité, s’est élevée notre Humanité,
Le Désespoir étreignait nos corps,
Et le joug de notre Exil entravait nos âmes.
Le Glas de notre Règne avait sonné.

Le Démon, lentement, s’éveille à la Conscience,
Et, les Ténèbres d’ici peu embrasseront son cœur.

Il y a 7 jours, Ceux que les Dieux avaient éclairés, ont sacrifiés leurs propres enfants.
Il y a 7 jours, notre Exode prit forme, et l’Ombre a miroitée.
L’Âge Sombre est annoncé.

L’Obscur et le Clairvoyant s’étreignent et s’entredéchirent.
Il en sera ainsi, jusqu’à la prochaine fois…

Voilà, j'espère que ce nouveau chapitre aura été plus convaincant ! ; )

Un chapitre plus fluide que les précédents, plus facile à lire. Les évènements, qu'ils soient calmes ou inquiétants, s'y enchainent sans temps morts, sans longueurs. En fait, pour le coup, on pourrait regretter que le suspens de l'eau ne soit pas mit plus en valeur : on a pas le temps de prendre la mesure du danger, de se figurer vraiment l'anarchie qui menace. Il aurait peut-être été intéressant que Althée évoque "visuellement" les émeutes à venir, l'agonie des premiers vaisseaux...

Je trouve toujours un peu dommage que l'histoire reste tellement soudée, non seulement aux évènements de la série (élément compréhensible) mais également à bon nombre de scènes que nous avons déjà vu. Paradoxalement, cette tendance n'est pas poussée jusqu'au bout ; à savoir que certains éléments perdent de leur intensité de par le manque d'information. Dans ton chapitre, la nouvelle de la découverte d'eau semble un peu tomber du ciel, puisque l'on a pas suivit les pérégrination de la recherche. Encore une fois, c'est ennuyeux pour qui n'a pas vu la série, ou l'a oublié...

Cependant, j'apprécie les nouvelles scènes introduites, entre Stick et Althée. Je les trouve cependant encore trop peu conséquentes, plus anecdotiques que déterminantes. Encore une fois, Althée semble porté par la évènements, comme s'il n'avait aucune vie propre, comme s'il ne faisait rien en dehors des scènes que tu présentes.

Dernier petit détail, le poème d'introduction me semble avoir un lien moins intense qu'auparavant avec les évènements du chapitre.

M'enfin, je chipote, je chipote... Il faut bien retenir que c'est sans doute celui de tes chapitres que j'ai trouvé le plus facile à lire. Félicitations, donc...

Citation :

Je trouve toujours un peu dommage que l'histoire reste tellement soudée, non seulement aux évènements de la série (élément compréhensible) mais également à bon nombre de scènes que nous avons déjà vu. Paradoxalement, cette tendance n'est pas poussée jusqu'au bout ; à savoir que certains éléments perdent de leur intensité de par le manque d'information. Dans ton chapitre, la nouvelle de la découverte d'eau semble un peu tomber du ciel, puisque l'on a pas suivit les pérégrination de la recherche. Encore une fois, c'est ennuyeux pour qui n'a pas vu la série, ou l'a oublié...

J'estimais que ce n'étais pas le plus important, il est vrai que j'aurais pu pousser d'avantage les informations, mais Alcée l'ignore (la bonne excuse !=p) ...non serieusement, c'est vrai. J'ai tendance à m'éloigner de plus en plusdu tronc principal pour privilegier l'hstoire d'Alcée. Ainsi, le Chapitre 5 est presque entièrement relié à l'histoire d'Alcée et non à BSg (presque), de même le chapitre 4 se détache de l"histoire..et les scènes "soudées" commencent à disparaitre ! (bonne nouvelle ?)
En effet, le manque d'infos peut être ennuyeux...mais le néophyte suicidaire qui se mettrais à lire cette fic... très franchement cite m'en un =) (non Skay...tu n'es PAS un néophyte !)

Citation :

Cependant, j'apprécie les nouvelles scènes introduites, entre Stick et Althée. Je les trouve cependant encore trop peu conséquentes, plus anecdotiques que déterminantes. Encore une fois, Althée semble porté par la évènements, comme s'il n'avait aucune vie propre, comme s'il ne faisait rien en dehors des scènes que tu présentes.

dis moi tu n'aurais pas un problème avec ton clavier ? tu met des "t" partout pour le nom de mes perso ! ^^
Alcée est le nom d'Heraclès avant sa mort (car il ne s'est pas toujours appelé "Heraclès" contrairement à ce que l'on pense)
Sick ben c'est malade/maladie en anglais, pas difficile non ? =)


L'essentiel de l'action d'Alcée va se situer dans la passé avant de prendre consistance dans le présent, on le verra notamment dans le chapitre 4 et plus dans le 5.
Ne t'en fait pas ...il va bouger ! (enfin...)

Citation :

Dernier petit détail, le poème d'introduction me semble avoir un lien moins intense qu'auparavant avec les évènements du chapitre.

Aha! C'est parcequ'il est moins évident ! Ne regarde pas que l'intro, lis aussi la conclusion; car il faut les mettre en corrélation!
L'attentat n'est pas seulement une oeuvre Cylon, elle l'oeuvre d'un ordre presque divin selon le Alcée du futur, car souviens toi... il y a 7 jours, l'Olympic Carrier était sacrifié.
Et comment les Dieux réagissent ils face au fractricide/paricide ? Regarde donc ce pauvre Tantale...
Par rapport à l'intro, elle en apprend plus sur Alcée que sur l'histoire c'est vrai, mais cela a aussi de l'importance.

Citation :

M'enfin, je chipote, je chipote... Il faut bien retenir que c'est sans doute celui de tes chapitres que j'ai trouvé le plus facile à lire. Félicitations, donc...

J'ose même pas imaginer ce que tu as dû subir pour les deux derniers chapitres T-T
Je te remercie de l'honneur que tu m'accorde en m'aidant à m'ameliorer !
(même si tu n'es guère enthousiaste vis à vis de ma fic, ce que je comprend parfaitement ! ^^)

Atlantrice a écrit:

J'estimais que ce n'étais pas le plus important, il est vrai que j'aurais pu pousser d'avantage les informations, mais Alcée l'ignore (la bonne excuse !=p)

Le problème, c'est que ce qu'Alcée ignore remplirait des bibliothèques. ^^ Plus sérieusement, c'est un parti risqué que de partir du principe que le déroulement des évènements est tellement clair dans la tête du lecteur que tu peux laisser des éléments de résolutions dans l'ombre sans que ça ne gêne quiconque. D'un simple point de vue narratif, c'est problématique...
Enfin, c'est en tout cas ainsi que je le ressens.

Atlantrice a écrit:

et les scènes "soudées" commencent à disparaitre ! (bonne nouvelle ?)

Disons que comme ton personnage n'apporte pas toujours de révélation bouleversante, son simple "nouveau point de vue" ne les justifie pas toujours, du moins dans leur précision.

Atlantrice a écrit:

En effet, le manque d'infos peut être ennuyeux...mais le néophyte suicidaire qui se mettrais à lire cette fic... très franchement cite m'en un =) (non Skay...tu n'es PAS un néophyte !)

Encore une fois, c'est surtout du point de vue de l'aboutissement, de l'unité du texte.

Atlantrice a écrit:

Citation :

Cependant, j'apprécie les nouvelles scènes introduites, entre Stick et Althée.

dis moi tu n'aurais pas un problème avec ton clavier ? tu met des "t" partout pour le nom de mes perso ! ^^
Alcée est le nom d'Heraclès avant sa mort (car il ne s'est pas toujours appelé "Heraclès" contrairement à ce que l'on pense)
Sick ben c'est malade/maladie en anglais, pas difficile non ? =)

XD effectivement... Tu reconnaitras qu'il y a une certaine constance dans mon entêtement à les renommer. XD

Atlantrice a écrit:

Ne t'en fait pas ...il va bouger ! (enfin...)

Il est vrai que le prélude à son envol aura été un peu long. ^^

Atlantrice a écrit:

L'attentat n'est pas seulement une oeuvre Cylon, elle l'oeuvre d'un ordre presque divin selon le Alcée du futur, car souviens toi... il y a 7 jours, l'Olympic Carrier était sacrifié.
Et comment les Dieux réagissent ils face au fractricide/paricide ? Regarde donc ce pauvre Tantale...

Ah ! Je n'avais pas été cherché aussi loin, je dois le reconnaître... Effectivement, avec ce schéma, les propos du poème prennent plus de sens. Le seul rapport à Tantale m'avait semblé un peu mince, surtout compte tenu du fait que l'histoire "tronquée" supprimait une bonne part de son intensité à l'intrigue de l'eau.
Vu sous cet angle, c'est effectivement toujours aussi recherché que les introductions précédentes.

Atlantrice a écrit:

Je te remercie de l'honneur que tu m'accorde en m'aidant à m'ameliorer !
(même si tu n'es guère enthousiaste vis à vis de ma fic, ce que je comprend parfaitement ! ^^)

C'est un plaisir que de rendre service. ^^ Et ta fic est plaisante, je t'assure. Disons simplement que je vois quelques soucis de fond qui pourraient rebuter certains lecteurs, dans le principe même de la fic, dont j'espère qu'ils s'amélioreront par la suite. En fait, tu as un thème, un style, et maintenant il est primordiale de te trouver un scénario, ton scénario.

bon, mon cher skay, l'histoire commence à prendre un peu de recul...ce n'est pas encore ça..mais ça y vient. J'ai conscience que je ne m'axe pas encore sur l'histoire d'alcée ..et puis zut, j'en ai marre de me justifier tout le temps, advienne que pourra, je poste ma suite, je pense savoir ce qu'elle vaut (pas grand chose ? ) mais je me dis..."courage ma fille, tu vas y arriver, rien que le chapitre 5 est presque totalement indépendant de l'histoire" alors qui sait ? =)

Cycle Ier : Chapitre IV Révolution

De l’Olympe et d’Othrys,
Les Ombres s’élevèrent,
Et Zeus, du ciel, fit tonner la foudre,
Et gronder le tonnerre.
Du flot des âmes troublées,
Jaillit le Styx, Déesse Fleuve, emportée par l’oubli.
Le sang des Immortels coula,
Teintant le firmament de Vermeille,
Larmes du Monde qui voit se déchirer ses enfants.

Des siècles s’écoulèrent,
Ne semant que Mort et Destruction,
Et le Conflit semblât sans fin.
Mais face à la puissance des Indicibles,
Les Titans révoltés se soumirent,
Dans la noirceur du Tartare,
Les Suppliciés furent enchaînés,
A jamais dans les abîmes, leur impuissance ils hurleraient,
Enfermés, dans les abysses Sans nom.

Mais le Terre ne pu se laver de l’affront,
Condamnant les Célestes,
Elle engendra les Géants.
Fielleuses créatures indomptées,
Elles s’exhaussèrent face aux Dieux,
Et de la Terre Ardente s’éveillât l’Agonie.
Le Grondement du Soulèvement,
Doucement, s’éleva en un chant de guerre,
Pour que la Mélopée atteigne les êtres,
Corrompant leurs esprits,
Souillant leurs âmes,
Altérant leur cœur.


Ecritures de la Pythie, L’affrontement, Verset 6 Chapitre 2 Epître 4


15ème jour de la Nouvelle Ere (19ème jour de Thanatos)
Battlestar Galactica

Je suis tellement fatigué, je dors debout.
Je dérive inconsciemment dans les méandres tortueux de mon esprit.
La Présidente est, en ce moment même, en train de s’entretenir avec le commandant Adama.
Et, moi… Moi je rempli mon rôle de coursier, en apportant mes rapports au Lieutenant Gaeta.
Que celui qui n’a jamais dit qu’il n’existait pas de tâche ingrate ou de sous métier se dénonce !

Je ne perçois déjà plus les mots que m’adresse l’officier.
Ce n’est pas normal, jamais je n’ai dérivé en dehors de mon sommeil.
Je sens déjà le flot puissant intemporel me submerger.
Ses paroles se font graves, distantes.
Concentre toi. Gaeta te parles.
Nom de Dieux, concentre toi !

-Est-ce que tout va bien ?

Je sursaute, surpris, à moitié hébété.

-Oui, je suis désolé, j’étais ailleurs…

Gaeta a un sourire narquois, ou perce la compréhension :

-Je vois ça.

Il me remet les cartons dont le poids s’est allégé, et je le remercie, mais déjà je songe à ce qui vient de se passer.
Il m’est déjà arrivé de ne pas prêter attention à ce qui m’entoure, mais pas comme ça.
Je n’ai jamais eu de telles absences, c’est comme si je ne pouvais plus m’éveiller…

Plusieurs officiers me fixent étrangement…
C’est vrai je dois avoir l’air malin, planté là avec mes cartons !
Je secoue légèrement la tête, un sourire amusé sur mon visage.
Et ils n’avaient pas fini de me trouver bizarre…

Qu’importe… En sortant un militaire me salue. Je crois qu’il s’agit du quartier maître Dualla, Salut auquel je réponds par un sourire amical… après tout il s’agit de l’amie de Billy.

Ah, je savoure à l’avance mes futures moqueries à l’égard de notre cher assistant… il ne va pas s’en remettre !

Je pouffe intérieurement, taquiner Billy est en passe de devenir mon sport favori.
Il faut dire que ces espèces de rites et de dévotions que l’on a toujours accordé à ces jeux où il faut courir après une balle ne m’ont jamais attiré, je leur préfère de loin des sports plus… intellectuels.

Alors que je m‘engouffre dans le couloir, je reste songeur. Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé, les évènements récents me perturbent.
La masse grouillante des militaires ne prête guère d’attention à ma pauvre personne, et je suis littéralement assailli par une marée de treillis kaki. Un insecte au milieu d’un groupe d’oiseaux affamés se sentirait plus à l’aise que moi.
Je suis tenaillé par la peur, qui me broie le ventre, et embue mon esprit.

Je n’arrive pas à me contrôler, c’est comme si mon corps ne m’appartenait plus…
J’ai envie de pleurer et pourtant, je refoule mes larmes, et une détermination rageuse m’envahit.
De telles sensations contradictoires emplissent mon être, et je ne peux rien y faire.
Je sens des choses… une chose effrayante grandir en moi, tapie dans mes entrailles, qui étend son emprise sur mon cœur.
Depuis les abîmes elle croît lentement, rongeant mes entrailles, s’articulant et s’étirant, pénétrant ma chair.
Et mon corps ne fait rien, il se soumet inéluctablement à son influence morbide.
Sortez là ! Je ne veux pas d’un tel être en moi ! Enlevez là !
Ma voix s’unit à une plainte, un gémissement.
Je veut crier mais je ne peux pas… je ne dois pas.
Ils ne doivent pas me voir faiblir…
Pourquoi ne pas montrer ma faiblesse, alors que cette chose évolue, noircit mon être, et le souille ?
Ne crie pas.
Mon hurlement se mue en un murmure avant de franchir la frontière de mes lèvres.
Je me bats, mais à quoi bon, je vais mourir… en silence.

Je me révolte contre ma soumission.
Ma colère enfle et gronde.
Alors tu veux me contrôler hein ?
Qu’est ce que tu crois saloperie ?
Tu vas peut être m’avoir, mais tu ne m’auras pas facilement, je te le garantis.

une suite ? :

-Alcée, ça ne va pas ?

Hein ? La douleur a disparu aussi vite qu’elle est apparue, et ma peur s’est envolée.
Les larmes refoulées roulent lentement sur mes joues, témoignages d’une tristesse déchue.
Je me sens fébrile, et une grande lassitude envahit mon être.
Pourquoi ai-je pensé une telle chose ?
Déités, je suis en train de devenir fou.

-Alcée ?

Je me tourne précipitamment vers Billy et la Présidente qui m’observent avec inquiétude.
L’assistant s’est arrêté en plein milieu de ses explications, ses mains restant figées à mi hauteur, tandis que la dirigeant avance d’un pas, ses talons cliquetant sur le sol métallique.
Dans les couloirs glacials du Galactica, nous nous retrouvons à présent seuls.
Je secoue nerveusement ma tête, passant ma main sur ma nuque, et m’efforce d’adopter un visage décontracté, en les abordant avec un sourire.

A d’autres. Ils ne sont pas dupes.
La suspicion se lit leurs visages, alors qu’ils attendent mon explication.
Mon regard coupable se baisse sur mes chaussures, puis je les observe à nouveau.

-Ce n’est rien, vraiment, j’ai juste subit un peu trop de pression ces derniers jours.

Ma voix reste posée et calme, et j’essaie de les rassurer de mon mieux.
Roslin acquiesce en silence, à moitié convaincue, et Billy adopte sa moue compréhensive.
Que pourrais je dire d’autre ? Que je suis en train de devenir à moitié timbré ?
Vas y Alcée raconte leur comment tu as des hallucinations, et que tu ressens une douleur qui n’est pas la tienne… racontes leur, au mieux tu perdras sans doute le peu de crédibilité qu’il te reste, au pire, tu te feras enfermer !
Mieux vaut changer de sujet, le silence devient gênant.
Je leur adresse un grand sourire.

-Bien, où allons nous ?

Billy se charge de répondre à la place de la dirigeante :

-A l’infirmerie.

J’écarte les yeux, surpris :

-Qu’allons nous faire à l’infirmerie ? Mais qu’est ce qui leur est encore passé par la tête ?

La Présidente décide alors d’intervenir, après tout, elle est aussi concernée.
Et plus que je ne le croyais…
Elle s’éclaircit discrètement la gorge et répond d’une voix un peu enrouée :

-J’ai des allergies, et cela devient assez gênant…

Nos regards se croisent, et au fond de ses prunelles je distingue une prière silencieuse.
Elle ment.
Et elle sait que je le sais.
Mais le moment semble mal choisi pour des explications.
Alors j’acquiesce à mon tour et je les suis, en silence.
J’attends.

Je viens aux nouvelles et l’on m’apprend que l’on va essayer d’engager les prisonniers pour qu’ils extraient la glace de la Lune récemment découverte.
C’est apparemment le seul moyen de récupérer de l’eau.
Des esclaves !
Je ne peux cacher mon indignation.
Roslin me rassure, ils gagneront des points de liberté et ne prendront que les volontaires.
Jamais elle n’admettra sous son autorité la présence d’esclaves.
Je reste sceptique, mais je suis conscient que sa marge de manœuvre est étroite…
C’est ça ou nous mourrons tous de soif.
Billy est apparemment chargé d’aller sur l’Astral Queen, le vaisseau prison, pour faire la proposition aux détenus.

Nous ne disons plus rien, et dans un calme morne, je perçois le bruit de nos pas qui se répercutent dans ce couloir, dans un écho qui semble se répéter à l’infini.
Ce n’est pas possible, ce maudit couloir n’est donc jamais fréquenté ?
Dis quelque chose, n’importe quoi…

-Ah ! J’ai vu ta copine Dualla, Billy! Elle est vraiment mignonne!

L’intéressé manque de s’étouffer et laisse échapper une sorte de bruit qui semble à mi chemin entre le hoquet et le gargouillis – ne me demandez pas comment c’est possible, je rapporte seulement les faits -, alors que Roslin laisse échapper un léger rire.

-Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler. C’est juste une personne que je respecte et que j’apprécie. Et je la fréquente très peu…

-Tellement peu que tu cours la voir dès que tu as un moment de libre. Dis je d’un ton détaché en contemplant mes mains, dont l’observation me semble tout à coup fascinante.

Il se tourne vers la Présidente, l’implorant du regard. Mais celle-ci se contente de sourire, et de déclarer :

-Je me demandais d’ailleurs où il passait son rare temps libre… Il semblerait que j’ai la réponse.

-Mais… Mais...Vas y, Billy, tu y es presque… Très bien, vu que tout le monde semble se liguer contre moi…

Il baisse la tête d’un air abattu, levant les mains en signe de rédition.
Roslin et moi échangeons un sourire entendu.

suite number 2 :

Alors que nous pénétrons dans l’infirmerie, la vision des lits vides aseptisés, et l’odeur ambiante médicamenteuse, à laquelle s’ajoutent l’eau oxygénée et le sang, embrument mon esprit.
Dans un coin reculé de la pièce, un malade se tord de douleur, la bave au coin des lèvres, agité de soubresauts.
Dans la pièce froide, impersonnelle, il n’y a plus que quelques rares blessés dont le sommeil est troublé par les cris de ce dernier.
J’observe avec peine le malheureux qui hurle sa souffrance, le visage perlé de sueur, déformé par la douleur.
J’entends ses gémissements, alors qu’il se débat dans ses draps humides, serrant de ses mains la barre du lit, s’y accrochant désespérément.
Mes mains se serrent, je dois tenir.

Ma poitrine se fait douloureuse, comme enserrée dans un étau.
Mon cœur est à vif, j’ai l’impression qu’il va exploser.
Je voudrais me lever, mais j’ai tellement mal…
Je n’aurais jamais pensé que ça fasse aussi mal, j’aurais moins fait le con…
J’ai l’impression que mon corps est tailladé par des morceaux de verre.
Ma tête bourdonne, mes yeux me brûlent.
Je vois de la lumière…c’est le paradis ?
J’ai des échardes le long des bras, je n’arrive plus à les bouger.
Par pitié faites que ça s’arrête, faites que tout ça s’arrête…
Je ne sens plus mes jambes…
Putain de Dieux, je ne sens plus mes jambes !
Frak, j’ai mal…
Tout mon corps me fait tellement mal…
Faites quelque chose, tuez moi…
Faites n’importe quoi…

-On va le perdre ! On défibrile !

Non… Pas ça, pas alors que la douleur s’en va…enfin.
Je ne veux pas vivre…
Je les vois la nuit, avec leurs yeux incandescents.
Ils viennent me chercher ces frakkin’ Cylons !
Je ne veux plus les voir…
Je veux cesser de chialer comme un gosse le soir…
Je ne veux pas vivre !
Arrêtez de vouloir me sauver, par pitié…
Je ne veux plus ressentir ça…
Plus jamais.
Je ne vois plus rien…j’en ai plus rien à foutre.
Maman, Maëlle…

-Encore !

Arrêtez de… Putain, je veux crier…

-Encore une fois !

ARRETEZ !

-Alcée ?

-On l’a perdu… Le ton de Cottle est dégoûté, amer.

-Alcée !

Billy me tire avec douceur par le bras. Je sursaute brutalement, cessant de contempler le corps sans vie, le visage figé en une douce expression apaisée, que l’on recouvre d’un drap.
Je ne distingue plus que la forme de celui-ci, caché par le tissu vert pâle.
Ce n’est plus qu’un numéro… que l’on va bientôt expédier dans l’espace.
On l’oubliera comme tant d’autres, je ne suis même pas sûr qu’ils sachent quel était son nom.
Ils ne veulent pas savoir, ce serait trop dur.
Ils ne veulent pas savoir qu’il avait un chien, qu’il aimait ces pâtes complètes dégeulasses, et cette sauce brunâtre à la texture bizarre.
Le soir avant de se coucher, il veillait à ce que toutes les lumières soient éteintes.
Il détestait le gaspillage.
Sa seule famille, c’était sa mère, qui avait tout sacrifié pour l’élever, afin qu’il devienne officier.
Quelques jours avant l’attaque, sa petite amie lui avait annoncé qu’elle était enceinte.
Il était fou de joie.
Il lui avait promis que c’était sa dernière mission.
Après, il rentrerait.
Il a tenu sa promesse.
Il a enfin trouvé la paix, il a cessé d’avoir mal.

Il s’appelait Peter.

Billy me désigne la Présidente qui s’est détournée, et s’est précipitée hors de l’infirmerie.
Laura…
Nous suivons précipitamment dans le couloir la petite silhouette qui n’ose pas nous faire face.
Je m’approche et pose une main sur son épaule, je sais mieux que quiconque ce qu’elle ressent.
Elle se tourne à moitié, bouleversée, et tente de reprendre une expression neutre.
Ce fameux masque présidentiel insensible …mais elle est reste ébranlée, et n’arrive pas à le cacher.
Je ne possède pas le don de camoufler mes sentiments, mais je ressens…
J’ai eu tellement mal…
J’ai eu l’impression que l’on m’arrachait le cœur…
Pourquoi maintenant, après tant de temps ?
Je préfère oublier…
Oui, je veux oublier…
Peu à peu, alors que la tristesse m’envahit, Laura s’apaise, mais je continue de percevoir sa peur.
La visite médicale attendra…

-Je vais devoir y aller…

Billy dit cela d’un ton navré et hésitant. Il doit accomplir sa tâche et aller sur l’Astral Queen, mais laisser la Présidente dans cet état le répugne.
Roslin relève la tête et agite la main négligemment, ponctuant son geste par un sourire encourageant.

-Ca va aller Billy, ne vous en faites pas. Allez y.

Celui-ci acquiesce à contre cœur et commence à s’éloigner.

-Retournons sur le Colonial.

Laura ne se donne pas la peine de se retourner et commence à avancer.

Vaisseau Colonial 1
Bureau Présidentiel

De retour sur le Colonial, la Présidente s’enferme, depuis quelques heures, dans son mutisme.
Je ne peux que la comprendre, mais j’aimerais lui parler, troubler ce silence oppressant.
Tout lui dire sur ce qui s’est passé dans l’infirmerie, tout ce que j’ai pu ressentir, perpétuer la mémoire du disparu.

Mais quelque chose d’autre que la Raison m’en empêche.
C’est un frisson désagréable qui me parcourt l’échine, une impression dont je ne parviens pas à me débarrasser.
Une impression qui me dit que le moment n’est pas encore venu…
Je me demande comment s’en sort Billy…

-Tout se passera bien, il est avec le Capitaine Apollo.

Je sursaute, sans m’en apercevoir j’avais formulé ma réflexion à voix haute, et la dirigeante vient d’y répondre. J’incline imperceptiblement la tête, mon impression reste inchangée.
Quelque chose cloche, mais je ne tiens pas à inquiéter Roslin avec mes divagations.

-Oui, sans doute. Je ris. Il fait très « boy scout », vous ne trouvez pas ?

A son tour, elle sourit :

-C’est vrai. Les gens comme lui se font rares.

Elle a raison. L’Humanité est passée maître dans l’art de la trahison et de la suspicion, mais quelque chose chez le fils Adama nous pousse à lui faire entièrement confiance.
Son air de chevalier blanc naïf sans doute.
Il doit faire partie de ces idéalistes qui croient en un monde meilleur, et je ne peux que le rejoindre dans sa lutte, moi qui ai toujours œuvré pour la Liberté.
Mais contrairement à lui, ma foi en cette utopie a vacillée.
J’ai fini par cesser d’y croire, alors que je contemplais la perfidie de l’Homme.
Pourtant, depuis ces derniers jours, depuis le Commencement de cette Apocalypse, j’entrevois un espoir, et je crois… que j’ai recommencé à espérer.

Soudain, l’enceinte sur le bureau de la Présidente se met à grésiller, et le pilote vient nous avertir que le Galactica est en train de nous transférer une retransmission en provenance de l’Astral Queen.
Il y a un problème.
Les prisonniers se sont révoltés, et ont pris des otages.
Nom de…
Nous sommes immobiles, encore trop sonnés par l’annonce.
Et nous écoutons l’homme et ses revendications…

« Nous ne leur ferons aucun mal, mais nous tenons à ce que deux conditions soient respectées.
La première est que ce gouvernement est illégal et illégitime, et par conséquent, nous exigeons la démission immédiate de la Présidente Laura Roslin. C’est une blague ? Roslin et moi nous regardons brièvement. Ensuite, que des élections ait lieu, pour rendre au Peuple sa liberté. C’est… Ces demandes ne sont pas pour moi, mais pour vous, le Peuple.
Qui est ce clown ?
Je m’appelle Tom Zarek, et c’est le premier jour d’une Nouvelle Ere…. »

Zarek… Je n’ai pas entendu ce nom depuis des années…
Sans m’en apercevoir, je commence à remonter le cours du temps.

-Tu connais Tom Zarek, Alcée ?

Je relève ma tête posée sur ses genoux. Et j’entends ma voix d’enfant qui s’adresse à la jeune fille aux yeux ambrés :

-Qui ça ?

Elle me sourit avec chaleur, réchauffant tout mon être transi de froid.
Tous les sourires devraient être comme cela.
Comme à son habitude, elle entreprend de m’expliquer patiemment, en jouant avec mes cheveux :

-Tom Zarek est un résistant, petit Alcée. Tu sais, il a écrit un livre qui dénonce la terreur dans lesquelles vivent tous les Sagittarons, asservis par nos onze autres colonies !
Même Aquarion, qui est si en retrait des affaires extérieures, a participé à cet assujettissement.
J’ai parfois tellement honte des Hommes !

-Pourquoi ? Mon petit esprit d’enfant avait parfois tellement de mal à comprendre ses réflexions…

Sa voix tonne dans l’air glacial matinal, et ses yeux brillent d’un nouvel éclat :

-Parce que l’Homme peut être mauvais, il peut faire du mal à d’autres Hommes, pour son propre intérêt. Il fait souffrir, et use de la violence à outrance ! Et Tom Zarek se bat pour libérer son Peuple de l’oppression !

Elle employait parfois des mots si compliqués que ne parvenais à la comprendre qu’à moitié.
Ça veut dire quoi « outrance » ?

-Libérer un peuple ? L’image de chaînes s’impose à mon esprit.

-Il y a plusieurs moyens d’enchaîner un Peuple, tu peux l’empêcher de penser, de lire…

-Et se battre pour pouvoir lire, c’est bien ?

Elle rit, m’enlaçant de ses longs bras, déposant un léger baiser sur mon front :

-Oui, quand c’est pour une cause juste… Mais attention Alcée, la violence est l’usage des faibles. Promets moi que si tu te bats pour tes idées, tu n’utiliseras jamais celle-ci.

Je la regarde avec stupeur :

-Mais il faut bien que je me défende !

-Alors, tu te défendras avec des mots, c’est bien plus dangereux.

Je plisse mon front, essayant de comprendre :

-Mais quand on frappe quelqu’un, ça lui fait bien plus mal que lorsqu’on lui parle, non ?

Elle prend ma main dans la sienne, et la caresse doucement :

-Pas toujours… Quand on t’insulte ça te fait mal n’est ce pas ?

J’incline ma petite tête, dubitatif.

-Ne les laisse jamais te faire croire que la violence est une solution, Alcée. Jamais.

Eurynomée…
C’était avant que tu apprennes que Zarek avait fait exploser un bâtiment d’Etat pour ses « idées », tuant plusieurs innocents sur le coup.
Quand tu l’avais appris, tu t’étais tellement disputée avec Père… je vous entendais dans ma chambre, hurlant depuis le petit salon.
Vos cris faisaient trembler les murs, et Mère ne savait plus quoi faire pour vous calmer.
Je l’entendais vous supplier, des sanglots dans la voix.
Mère était déjà si fatiguée à l’époque…
Tu avais claqué les portes comme à ton habitude, et tu étais venue me voir, bouleversée, pour me prendre dans tes bras.
Ton héros de Liberté venait de se transformer en boucher.

Je te l’avais promis Eurynomée, pour te faire sourire, pour que tu cesses de pleurer, mais je n’avais que sept ans, comment aurais je pu comprendre toute l’étendue de tes paroles ?

-Nous ne négocions pas avec les terroristes.

La voix de Roslin vient de claquer, et son ton n’admet pas que l’on remette en cause sa décision. Je sors de mes pensées, et l’observe, alors qu’elle est en ligne avec le Commandant Adama.

-Non, c’est ce qu’il veut, la légitimité.

Zarek… Mon sang se met à bouillir en songeant à cette pourriture. Liberté, tu parles.
Il ne poursuit que ses propres ambitions…

La violence n’est pas une solution…
Tu avais raison Eurynomée, mais tout le monde ne peut pas, comme toi, lutter contre sa nature.
Qu’un tel homme ose se prétendre au service du Peuple me révulse.
L’idée même qu’il pourrait me ressembler par ses idées me dégoûte.
Je me sens proche de Zarek, et cela me donne envie de vomir.

Le gouvernement n’est pas légitime, hein ?
Roslin a prêté serment, et jamais Président n’a autant accordé d’intérêts au Peuple.
Adar à ses débuts aurait pu y prétendre, mais le pouvoir lui est monté à la tête, et il a accumulé les bourdes.
C’est comme ça qu’il est devenu ce petit parvenu, this moron, plus préoccupé par la couleur de sa cravate que par les problèmes qui étreignaient le peuple.

Zarek joue sur les mots, il va chercher de la légitimité dans cette société corrompue pré Apocalyptique.
Cette société si civilisée, qui ne se souciait que de son propre petit profit…
Quand on prend des responsabilités, il faut les assumer.
Lorsque quelqu’un se trouve être compétent, d’où qu’il vienne, il est dans notre intérêt de le garder, n’est ce pas ?
N’est ce pas ?

La conversation entre la Présidente et Adama vient de se terminer.
Celle-ci s’appuie sur son siège, le visage empreint d’inquiétude, les mains jointes sur son bureau.
Elle ne dit rien, et contemple la photo sur son bureau, une lueur de nostalgie passe dans son regard.
Billy est là bas…j’espère qu’il va bien…

Je m’approche de la dirigeante et m’assied face à elle, je veux la rassurer…
Mais comment l’apaiser alors que je n’arrive pas moi-même à me calmer !
Elle me fixe quelques instants, puis son regard se perd dans le vague.

-J’ai un cancer.

La voix de Laura est empreinte d’émotion, mais son visage reste de marbre, comme si ce qu’elle venait de m’annoncer était la chose la plus banale au monde.
Ce n’est pas possible, j’ai dû mal entendre…

-Vous avez très bien entendu. J’ai un cancer, Alcée. Elle s’interrompt un instant, le temps que j’assimile l’information. Cette… « chose » grandit en moi, et risque bientôt d’atteindre tout mon corps.

Je ne parviens plus à respirer. Je ne trouve pas les mots, ma gorge reste ostensiblement nouée. C’est une mauvaise blague…
Non… je ne veux pas y croire…
Je revois la créature ténébreuse rampant dans mes entrailles, aspirant ma vie, la suçant allègrement.
Cet être qui étire peu à peu son emprise et qui m’empli d’effroi.
Cette colère, cette haine de mon propre corps, cette part de moi-même.

-Pourquoi me dire ça, maintenant ?

Mon ton est presque cassant. Qu’avait elle besoin de me dire cela ? Pourquoi ?
Elle semble surprise par la sécheresse de ma réponse :

-Billy est le seul à le savoir…

Elle n’a pas besoin d’en dire plus.
Je m’en veux. Je m’en veux d’être aussi agressif, de ne pas savoir la réconforter, de la faire se sentir coupable. Les réponses sont là, sous nos yeux. Elle se sent seule, si seule face à cet ennemi insidieux, presque impalpable.
Contrôle toi Alcée… Ce n’est pas sa faute…

-Je suis désolé.

C’est tout ce que j’arrive à exprimer. Je suis désolé. Je me sens minable, et je baisse les yeux d’un air coupable. Je peine à contenir mon désespoir.

-Ce n’est pas grave.

Un sourire triste se dessine sur son visage, assombrissant ses yeux.
Comment arrive t elle encore à sourire alors son propre corps la trahit, alors qu’elle est en train de mourir ?
Je veux lui dire que ce n’est rien, je veux lui crier que tout va s’arranger.
Mais je ne peux pas, c’est au dessus de mes forces.
Je n’arrive même pas à assumer ma tâche…
Je parviens juste à acquiescer.

Elle secoue légèrement la tête, compréhensive, puis me regarde gravement :

-Vous comprenez Alcée, que si cela venait à se faire savoir, le moral de la Flotte s’en ressentirait gravement, et cela aurait des conséquences….non négligeables.

Tu as toujours été comme ça Laura…
Même au seuil de la mort tu as toujours fait passer l’intérêt de la Flotte avant le tien…

Elle n’a pas à porter seule ce fardeau…
Je lève les yeux et rencontre son regard, mes yeux brillant d’une détermination nouvelle :

-Bien sûr, vous pouvez compter sur moi.

-Je sais.

Elle dit cela comme une évidence, et nous échangeons un sourire.
J’ai conscience de l’honneur que vient de m’accorder la Présidente, et je m’en acquitterais, quel qu’en soit le prix.

-Vous avez intérêt à vous battre. Je ne tiens pas à me coltiner un Président de remplacement, incapable de lacer ses chaussures convenablement !

Interloquée par ma réflexion, elle se met soudainement à rire :

-C’est entendu !

J’ai envie de pleurer. J’ai envie de hurler ma rage.
De pouvoir crier au monde notre souffrance.
Mais je ne pleurerais pas, je ne céderais pas.
Pas tant qu’elle continuera à se battre.

Mais je n’y arriverais pas seul.

Billy, si tu ne t’en sors pas…je te tue.

Il y a encore quelques heures, Zarek n’était qu’un lointain souvenir, une résurgence perdue dans les méandres de mon inconscient.
Mais il faut croire que le terroriste est comme la moisissure, il est là, et ressurgit alors que l’on croit en avoir terminé avec lui.
Je ne connais pas ses réelles motivations, et à vrai dire, il m’importe peu qu’il soit arriviste, fou, ou bien sanguinaire.
Une chose est sure, je ne le porte pas dans mon cœur.

Je me relève, j’ai besoin de me passer de l’eau sur le visage, de ne plus sentir ma tête m’élancer, de ne plus ressentir mes lèvres asséchées craqueler.
Je croyais avoir appris tout ce qu’il y avait à savoir.
Je m’étais attendu au pire, à chaque situation ; mais Laura avait réussi à me surprendre… pour mon plus grand malheur.
Je n’ose pas songer à ce qu’il m’arrive.
Oublier, honnir… j’ai toujours été doué pour cela.
Un don inavouable, probablement. Le don d’un lâche, sûrement.
J’ai fini par me faire à cette appellation, sale lâcheur.

Alors, pourquoi suis-je en train de mener ce combat ?
J’avais accepté la défaite, je m’étais plié à la société, et maintenant ?
Je résiste, alors que tout semble perdu.
Je me bats pour une femme mourante, dont j’ignorais tout il n’y même pas deux semaines.
Mais ce n’est pas seulement pour elle, je me bats pour les vivants, pour revoir « Sick », et je me bats pour Cami, pour Peter, pour tous ceux qui ont péri.
Deux semaines…
Le temps est il si important ?

En ces temps de Crise, l’honneur, la loyauté, ont un prix inestimable.
J’ai conscience de cela, tout comme je sais que tout cela va vite, trop vite.

Zarek veut mener sa propre Révolte, rendre au Peuple sa Liberté, renverser le régime qu’il juge despotique, illégitime.
Mais il commet sa plus grande erreur, il se trompe de bout en bout.
Car la Révolution est déjà en marche.

Le Changement est amorcé, et rien n’entravera sa route.

A présent, dans cette situation inextricable, seul un homme a réussi à nous sortir de l’impasse.
Ce n’est pas pour le glorifier, j’ai d’ailleurs, à l’annonce de la nouvelle, eu envie d’amocher sa jolie petite tête.
Son nom est Lee Adama.
Il a cédé aux exigences de Zarek, lui sauvant la vie, et par la même, a sauvé notre Gouvernement.
J’ai honte de l’avouer, mais nous sommes tombés dans le panneau, nous qui avions envoyé des forces armées prendre le contrôle de l’Astral Queen.
Le terroriste n’attendait que ça, que tout cela finisse dans un bain de sang, afin de discréditer la Présidente, et atteindre son but, déclencher sa Révolution.

Il est loin d’être bête, je le reconnais, juste un peu trop vicieux à mon goût.
Le fils Adama l’avait compris bien avant nous, et je lui en suis reconnaissant.
Il a pourtant cédé.
Il agit au nom de la Présidente, et celle-ci est furieuse. Cela lui passera.

Car il a respecté la loi, il a promis des élections. Et dans sept mois, le mandat de la Présidente arrivera à terme.
Ce qu’il ignore, c’est que dans sept mois, la Présidente ne sera sans doute plus là…

Zarek a eu ce qu’il voulait, mais sa victoire reste amère.

Lorsque enfin Billy est arrivé sur le Colonial 1, Roslin et moi, nous avons attendu, patiemment, qu’il avance vers nous.
Billy… je n’ai pas pu m’empêcher de lui balancer une vacherie. Je ne m’en souviens déjà plus, ce devait être un truc du genre « Pendant-que-nous-on-planchait-sur-nos-rapports-il a-fallu-que-tu-ailles-faire-le-joli-cœur-avec-Dualla-et-en-profiter-pour-te-faire–prendre-en-otage…-est-ce-que-tu-sais-que-tu-m’as-fait-faire-des-heures-sup’ ? »

Mais il s’est contenté de hausser les épaules, avec cet air idiot sur le visage.
Et le pire dans tout ça… c’est qu’il s’est excusé, et m’a pris dans ses bras, sous le regard amusé de Roslin. Déités, maintenant, il faudra que j’aille laver ma chemise.

Petit à petit, je trouvais ma place. Alors que mon esprit s’éveillait, je prenais conscience. Oui, je prenais conscience de ce qui m’entourait. Et il n’existe pas de conscience sans souffrance. J’allais l’apprendre à mes dépends…

Je me sens vidé, las.
Pourtant, je crois qu’en cet instant précis, alors que je suis dans le calme bureau présidentiel, épluchant ces fichus rapports, la Présidente en face de moi, la tête penchée, écrivant consciencieusement, ses cheveux tombant en cascade et caressant le bois sombre du bureau ; Billy à ma droite, son éternel air candide devenu sérieux, ses yeux rivés sur ses feuilles innombrables, un sourire inconscient aux lèvres…
Au milieu de la paperasse, dans ces rares moments de paix, je crois… que je suis heureux.
Non, je ne crois plus, j’en suis certain.

Je souris… nous aurons tout le temps de nous inquiéter, demain.

Ainsi s’achève Révolution, le IVème Chapitre de notre Exil,

Contre le Destin nous nous sommes levés,
Les Hommes se sont déchirés,
Et le Devenir, dans sa clémence,
L’Absolution, nous a accordé.

La Conscience a été établie,
La Douleur a été annoncée,
Et des abîmes, les Révoltés ont brisés les liens,
Mais tous les rôles ne sont pas encore joués.

Le Clairvoyant est aveugle,
De sa Cécité naîtra la Lumière,
De la Répartition se jouera notre Fortune.
Il en sera ainsi, jusqu’à la prochaine fois…

Et bien voilà, en esperant que cela aura au moins été agréable à lire,
tout au moins ..disons, moins maladroit ^^
bien entendu, le blabla habituel... les com' sont appréciables =)