Citizen Sleeper [Jeu vidéo]

Je suis tombé sur Citizen Sleeper un peu pas hasard, après avoir vu des critiques très positives que ce soit sur Steam ou ailleurs sur internet. Et en cette période où je trouve que le jeu vidéo est submergé par des jeux multijoueurs ou procéduraux à l'intérêt narratif quasi-inexistant, j'avais bien envie d'une bonne histoire.

Il s'agit ici d'un jeu essentiellement textuel et mécanique, très inspiré par les jeux de rôle papier. On y incarne un Sleeper, une sorte de robot biomécanique créé par une entreprise, et animé par la copie de la conscience d'un humain. Ce Sleeper a échappé à son entreprise pour s'échouer sur une station spatiale autogérée.

Alors quand je dis "incarner", c'est un bien grand mot car précisément on ne voit jamais son propre personnage. L'interface visuelle est celle d'une vue extérieure de la station, de dessins (magnifiques) des personnages rencontrés, du texte des dialogues et des éléments interactifs, en particulier les dés. En effet, Citizen Sleeper repose essentiellement sur un système de dés que l'on choisit pour lancer des actions. Un 6 permet une réussite automatique, un 1 conduit à un échec automatique. Étant donné que le chiffre de chacun de nos dés est attribué en début de cycle (correspondant à une sorte de tour), toute la difficulté consiste à bien choisir ses dés en fonction des risques liés à l'échec de chaque tâche (une perte d'énergie se compense en allant manger, une perte d'endurance est plus ennuyeuse). La chose d'autant plus complexe que l'on vit une course contre la montre, en voyant son corps de dégrader à chaque cycle, nécessitant de se procurer une couteuse substance pour rester en vie. Il faut donc optimiser ses jets de dés.

Décrit comme ça, ce n'est pas forcément accrocheur, mais après une première heure peut-être un peu trop riche en texte, on se prend au jeu et on découvre avec plaisir les habitants de la station spatiale Erlin's Eye et on se débrouille pour y survivre malgré son corps en obsolescence rapide programmée qui nécessite des injections régulières d'un médicament.

Le but final est assez ouvert, il s'agit essentiellement de se trouver un destin. Je n'en dis pas plus pour éviter de spoiler, mais il y a une multitude de fins assez différentes, qui ont chacune comme point commun de nécessiter un certain temps et un effort assez conséquent.

Dans l'ensemble, c'est un jeu à la conception simple et directe, qui tire l'essentiel de son charme de ses personnages attachants, son histoire et son univers qui sont suggérés par les illustrations et le texte. Il s'inscrit dans la lignée d'autres titres comparables qui ont le point commun d'être de jeux d'auteur : loin des super-productions impliquant des centaines de personnes, on a ici affaire à un travail réalisé par trois personnes, avec Gareth Damian Martin en principal auteur. Cela donne au jeu une vision et un ton assez singuliers.

Je ne peux cependant pas recommander le jeu à tout le monde : d'abord, il n'existe à ce stade qu'en anglais, et étant donné qu'il est essentiellement basé sur le texte, il vaut mieux une très bonne maîtrise écrite de cette langue pour profiter de Citizen Sleeper. Ensuite, loin des titres spectaculaires, c'est ici une aventure calme, qui ne manque pas de tension (tant la survie est au début précaire) mais qui tient presque d'un mélange entre un roman interactif illustré, et un jeu de plateau scénarisé en partie automatisé. Mais ça reste une expérience très intéressante pour tout amateur anglophone de jeu de rôle.