John Crichton resta aveugle et immobile de nombreuses microts. Quelle ne fut pas sa stupeur lorsque, en recouvrant la vue, il s’aperçut que rien n’avait changé. Le palais semblait aussi paisible et endormi. Sa propre peau ne lui apparaissait pas plus rose que d’habitude. Il tâta son visage, mais ne sentit aucune pustule, pas même la plus petite irritation. Il se dit qu’il avait eu de la chance.
Cette perspective le terrifia. La chance n’avait jamais fait partie du quotidien de John Crichton. A vrai dire, elle le narguait sans cesse, comme une rivière en plein désert dont l’eau filait entre les doigts du voyageur assoiffé. Il existait une loi qui régissait la vie de Crichton : si la chance se précipitait à son secours, alors un piège pire encore l’attendait aux alentours.
Le Pacificateur prit son courage à deux mains, mais jugea préférable de le reposer pour attraper Winona, et quitta sa chambre.
Dans le couloir, la lune illuminait avec précision des dizaines d’hommes, de femmes et de créatures impossibles à cataloguer, tous figés et affichant le même regard vide. Leur peau rose et leurs pustules arc-en-ciel trahissaient leur état. John agita sa main devant les yeux de l’un d’entre eux, mais il ne battit même pas des paupières. Il en pinça un autre, sans plus d’effet. Il soupira, passa sa main dans ses cheveux, mais ne sut comment réagir. Il entreprit de visiter le château dans l’espoir de trouver d’autres miraculés que lui.
*
Assis sur son trône blanc, Clavor affichait un visage furieux. Sa femme elle-même, postée derrière lui, lançait des regards irrités à son collègue Pacificateur.
- Vous, commença le roi, vous aviez promis de protéger ma planète ! Quel résultat, non mais franchement, c’est proprement admirable ! C’est le palais lui-même qui a été touché ! Mes serviteurs, mes fidèles conseillers, mes amis, mes admirateurs, les voilà contaminés à présent !
- Je ne suis pas responsable de la sécurité de cette planète, je ne me trimballe pas avec ma propre armée. Je trouverai le responsable de cette attaque et je l’arrêterai, mais d’ici-là, il faut que tu sois capable de protéger tes royales fesses par toi-même, Trekkie King !
- Je commence à me lasser de votre insolence, Pacificateur !
- Et moi de ta surprenante faculté à survivre quand tous les autres tombent autour de toi ! Je me suis un peu renseigné sur ton passé, c’est tout de même bizarre que ta mère et ta sœur aient toutes deux étaient victime d’un empoisonnement ADN, alors que toi, tu te portes comme un charme, tu ne trouves pas ?
- Oseriez-vous prétendre…
- Et maintenant, voilà que plus de la moitié du palais a été transformée en zombies roses, mais toi, comme par hasard, tu te retrouves dans la bonne moitié !
- Alors déjà, j’aimerais que vous arrêtiez de vous tutoyer parce que bon, je suis quand même le roi ici, hein, et ensuite, je vous ferai remarquer que vous aussi vous êtes dans la bonne moitié.
- Ne change pas de sujet, Trekkie King ! Est-ce que tu as un bouclier protecteur autour de ta chambre ?
- Bien sûr que non !
- Des murs renforcés à l’aide d’un alliage quelconque ?
- Non plus.
- Des murs plus épais que les autres pièces ?
- Toujours pas.
- Un sorcier personnel protecteur ?
- C’est possible, ça ?
- C’est absurde, donc dans ce coin de l’univers, ça veut dire que c’est très probable !
- Non, il n’y a rien de particulier dans ma chambre, je compte sur les gardes qui campent de l’autre côté de ma porte pour assurer ma protection.
- Gardes qui, eux, ont été zombifiés !
- On opte pour le terme de zombification, alors ?
- Ouaip, j’aime bien. Alors, comment expliques-tu que la lumière n’ait pas réussi à vous zombifier, toi ou ta femme ?
- Mais j’en sais rien, moi ! J’avais même pas remarqué que la lumière avait touché notre palais, je dormais, à ce moment-là !
- Arrête tes salades, personne ne pourrait continuer à dormir quand l’équivalent d’un soleil qui explose dans le jardin éclaire sa chambre !
- Vous croyez vraiment que je suis stupide au point d’installer ma chambre près d’un mur extérieur et d’y poser une petite fenêtre ? Hé oh, je suis le roi, j’ai quand même subi plusieurs tentatives d’assassinat ! Ma chambre est au cœur du palais, pas dans un endroit où le premier trog venu pourrait me tuer avec un lance-pierre !
- Une seconde, il n’y a pas de fenêtres dans votre chambre ?
- Non, puisqu’elle ne donne pas sur l’extérieur.
- Donc, la lumière ne vous a pas touchés…
- Ah oui tiens, c’est pas bête, j’y avais pas pensé…
- Mais dans ce cas, remarqua la reine Charto, pourquoi lancer une bombe lumineuse en pleine nuit ? La plupart des gens opacifient leurs fenêtres, à cette heure-là !
- Vous marquez un point, votre altesse.
- Ah bah c’est joli, s’exclama Clavor, elle, elle a droit à des « votre altesse », quand moi, je dois supporter « Trekkie King » !
- Discrimination positive, mon vieux. Donc, je disais que c’était bien vu, votre altesse. On lance une bombe lumineuse dans l’après-midi, quand tout le monde se ballade dehors, pas à une heure où les gens sont enfermés et coupés de l’extérieur. Ce qui signifie…
- Que notre maître chanteur s’amuse, termina la reine Charto. Il ne veut pas nous “zombifier” à tous, mais nous effrayer et nous laisser désespérés.
- Personne, je dis bien personne, ne joue avec John Crichton ! Le zombificateur est allé trop loin, il est temps pour lui de se préparer à la contre-attaque des Pacificateurs.
- Non, fit remarquer le roi, zombificateur j’aime pas trop.
- Aucune importance, la prochaine fois que je parlerai de lui, je te ramènerai sa tête pour qu’il puisse nous donner son vrai nom.
- Jusqu’à présent, vous avez beaucoup parlé, Pacificateur : j’attends encore de voir vos résultats.
- La prochaine fois, Trekkie King, la prochaine fois !
John lui fit un clin d’œil et repartit après une petite pirouette.
*
- 1812, sécurise la pièce et mets-moi en relation avec Gilina. Mais si, tu la connais, rappelle-toi, la jolie blonde qui dirige le service d’ingénierie ! On lui doit un verre ! Allez, hop, au boulot.
Le DRD hocha des antennes et s’exécuta. Une poignée de microts plus tard, un écran holographique s’afficha au-dessus de lui. Le visage souriant de Gilina s’offrait à Crichton.
- John, ça commençait à faire un moment, dis-moi !
- Trop longtemps, je sais. Mais dès que j’ai droit à quelques congés, je passe te voir, promis !
- Mais d’ici-là, tu as besoin de mon aide, je parie ?
- Tout juste. Tu es seule, là ?
- Oui, et cette communication n’est pas sous écoute, si c’est ce que tu veux savoir.
- Parfait. 1812 a enregistré les relevés d’une sorte d’arme lumineuse, qui transforme les honnêtes gens en zombies roses et apathiques.
- Je vais faire en sorte qu’elles soient rapidement analysées, mais pourquoi ne les donnes-tu pas directement au général Crais ?
- Crais serait obligé de les transmettre à ses supérieurs et avant, je préfèrerai en savoir plus.
- Pourquoi donc ?
- Parce que les seules personnes à ne pas avoir été affectées par cette arme sont celles qui dormaient dans une chambre isolée, donc qui n’ont pas été touchées par la lumière.
- C’est logique, oui.
- Oui, mais y’a une exception. Moi. J’ai baigné de cette lumière et elle ne m’a rien fait.
- Ca, c’est étrange…
- J’ai pas très envie que le haut commandement Pacificateur se pose trop de questions à mon sujet, déjà qu’ils ont du mal à digérer que je sois pas un Sébacéen, si en plus des choses bizarres arrivent autour de moi, enfin encore plus bizarres que d’habitude, je risque de passer un séjour prolongé en prison. Encore une fois.
- Entendu, j’analyserai moi-même tes données et je te recontacte dès que j’ai terminé.
- Merci Gilina, je savais que je pouvais compter sur toi !
- Fais attention à toi, d’accord ?
- Voyons, tu me connais, est-ce que je suis du genre à me mettre en danger ?
Gilina éclata de rire et coupa la communication. John secoua la tête d’un air résigné, un sourire amusé au coin des lèvres. Etait-ce sa faute si le danger avait décidé de faire de lui son meilleur ami ?
*
La nuit était tombée, mais personne sur la Planète Royale ne souhaitait dormir. Les récents événements avaient suscité une vague de panique qui maintenait la population entière en éveil. A l’exception du roi Clavor, qui s’était assoupi aussi vite qu’à l’accoutumée et ronflait du sommeil paisible du juste. Il dut pourtant renoncer à ses rêves érotico-épiques, car l’un de ses rares conseillers encore en état de parler vint le réveiller en pleine nuit :
- Majesté, majesté !
- Grumph, groum, brr.
- Majesté, c’est important !
- Ca a intérêt, sinon je vous fais exécuter.
- Cela risque d’être difficile majesté, tous nos bourreaux ont été touchés par l’affliction qui frappe notre planète.
- Ah frell, c’est vrai, ils ont été zombifiés, eux aussi… Tiens, où est ma femme ?
- Elle est déjà dans la salle du trône, votre majesté. Elle est restée éveillée la moitié de la nuit.
- Les femmes… Bon, dîtes-moi ce qui se passe ?
- C’est notre agresseur, majesté. Nous n’avons pas affaire au message enregistré habituel : il souhaite vous parler.
- Quoi ?!
Clavor se redressa aussitôt et enfila une robe de nuit blanche, l’air paniqué.
- Prévenez immédiatement le Pacificateur !
- Il est déjà au courant, majesté. Lui aussi vous attend dans la salle du trône.
- Ah bah bravo, je vois que je suis toujours le dernier informé ! Aidez-moi à trouver mes pantoufles, j’ai pas toute la nuit devant moi !
- Mais, votre majesté…
- Oh allez, vous les reconnaîtrez facilement, elles sont toutes blanches !
*
Lorsque Clavor pénétra dans la salle du trône, personne n’eut le cœur à se moquer de son accoutrement. Même John, qui avait troqué son uniforme Pacificateur contre une toge blanche plus anonyme, fixait avec une rare gravité l’écran holographique vide qui se tenait au centre de la pièce.
- Je suppose aux bruits de pas que j’entends, que votre roi est arrivé.
A l’instant où il entendit cette voix, Clavor sut qu’il ne pourrait jamais s’en sortir. Elle résonnait encore dans la pièce, calme et entraînante, tout à la fois grave et douce, la voix du Père par excellence. Le roi comprit alors pourquoi personne dans cette région de l’univers ne pourrait faire face à cette créature : elle réveillait chez tous ceux qui l’entendaient cette même panique incontrôlable, celle du petit enfant qui savait que son géniteur s’apprêtait à le punir.
Aucun visage n’était apparu sur l’écran, ces paroles avaient juste été accompagnées de lignes et de courbes, modulés en fonction des mots et du ton employés. Pourtant, Clavor avait l’impression de sentir des yeux tout-puissants le fixer et le mettre à nu, comme si le regard d’un dieu le survolait avec mépris, ne transperçant son âme que pour y laisser une empreinte indélébile, preuve de son incommensurable pouvoir.
Le roi serra les poings et demanda presque en pleurant :
- Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
- Malgré votre retard évident, vous êtes un homme qui va droit au but, votre majesté. C’est une qualité que j’apprécie. Je ne chercherai donc pas à prolonger cette conversation plus que nécessaire : je souhaite obtenir les cent mille lingots de borinium que je vous ai demandé, ou du moins, une somme équivalente.
- Nous ne possédons pas une telle somme !
- Dans ce cas, c’est avec regret que je me vois obligé de vous avertir que mon prochain assaut sera le dernier. Au revoir, majesté.
- Attendez, cria John, je pense que nous pouvons vous donner cette somme !
- A qui appartient cette voix résolue ?
- Je m’appelle Harvey, improvisa John, je suis le conseiller du Roi, le seul à avoir réchappé à votre dernière attaque.
- Dans ce cas, vous devez être un homme chanceux, Harvey.
- Si seulement l’univers était d’accord avec vous, ma vie serait bien plus simple…
- Dans tous les cas, vous faîtes un piètre menteur. Le nom que vous venez de me donner n’est pas le vôtre. A quoi bon dissimuler un nom dans une pareille situation ? Que se cache-t-il sous votre véritable identité ? Vous m’intriguez, “Harvey”. Pensez-vous pouvoir réunir la somme en moins de trois arns ?
- Ce sera fait, si vous n’avez pas peur d’envoyer l’un de vos serviteurs la chercher.
- Un serviteur ? Quelle idée amusante. Non, nul besoin de serviteur, je viendrai en personne chercher cet argent. Ma navette se posera dans les jardins de votre palais d’ici trois arns. A bientôt, chers amis.
L’écran s’éteignit alors, faute de recevoir un signal quelconque. Il fallut de longues microts à Clavor pour se remettre de cet effroyable échange, mais lorsqu’il eut récupéré ses esprits, il se précipita vers Crichton pour l’étrangler. Le Pacificateur le fit machinalement tomber à la renverse d’un coup de pied. Personne dans la salle ne sembla y prêter attention. Le roi se releva en grognant :
- Vous venez de me frapper !
- Qui, moi ? Ah oui, mince, t’as raison. Désolé, j’étais absorbé par l’élaboration de mon plan, j’ai pas fait attention.
- J’en étais sûr, vous n’avez aucun plan !
- Si, j’ai un plan, un plan en élaboration, même.
- Vous vous rendez compte qu’en trois arns, je n’aurai même pas réuni le dixième de cette somme ?
- Tu te rends compte que ce type vient de nous dire quand et où il va se poser ? On pourrait sans difficulté détruire sa navette en plein vol. Soit on a affaire à un génie du bluff, soit il a vraiment plusieurs longueurs d’avance sur nous…
- Plus je vous connais, Pacificateur, et plus j’ai l’impression qu’il n’est pas très difficile d’avoir des longueurs d’avance sur vous…
- Il compte sans doute sur notre prudence, mais il vaut mieux qu’on entre dans son jeu. Dans le meilleur des cas, il doit avoir un moyen de lancer une attaque massive sur cette planète, si sa navette vient à être détruite.
- J’en étais sûr ! Continuez à ne rien faire hein, pour l’instant ça vous a tellement réussi !
- Il faut le capturer et le garder comme otage. Bien entendu, il doit avoir prévu une telle éventualité, puisqu’il a toujours une longueur d’avance sur nous. Essayons à notre tour d’en avoir au moins deux. Trekkie King, je vais avoir besoin de quelques armes !
- Si la sécurité de mon peuple et la mienne n’étaient pas en jeu, je vous aurais bien aidé, ça oui, en vous mettant vos armes là où je pense…
La reine lança à son époux un regard courroucé et Clavor comprit qu’une fois encore, il venait de déroger au protocole. Mais en ce moment, ce genre de détails lui paraissait étrangement futile. Et lorsque Crichton eut terminé de lui expliquer le plan censé les sauver tous, bien d’autres choses dans cette existence lui parurent futiles.
*
Le roi Clavor faisait les cent pas dans son jardin. Sous les arbres reposaient des centaines de caissons, vides pour la plupart. Crichton avait abandonné l’idée de le rassurer et, assis sur un banc, contemplait cette lune immense qui se dressait fièrement dans les cieux, implacable et autoritaire.
La silhouette d’une navette passa devant elle et la masqua à Crichton, qui se redressa aussitôt. Ce dernier avait reconnu cet appareil : il appartenait sans aucun doute à un Léviathan.
- John Crichton, l’avertit Clavor, notre invité vient de se poser !
- Je vois ça. On applique le plan à la lettre et tout va bien se passer.
- Est-ce que vos plans marchent, en règle générale ? Parce que celui-ci me semble franchement bancal…
- Mes plans marchent toujours, du moment qu’on les applique à la lettre.
Quelques minutes plus tard, deux gardes ouvrirent la porte et invitèrent à entrer une fantastique et effroyable créature. Vêtue d’une affreuse combinaison jaune parcourue de tuyaux, montée sur des échasses qui trahissaient en réalité des jambes immenses, elle posa une main grise et griffue sur l’un des caissons. Ses yeux rouges et jaunes parcoururent rapidement du regard les autres. Ses immenses lèvres noires laissèrent échapper un soupir. Ses deux larges oreilles, qui donnaient à son visage un aspect de chauve-souris, se dressèrent légèrement.
- Mon nom est Namtar. Je tenais à ce que vous puissiez le connaître pour le répandre à travers les étoiles.
- Alors, s’exclama Clavor, ça veut dire que vous allez nous laisser tranquilles ?
- Cela signifie que l’un d’entre vous survivra et avertira cette insignifiante galaxie. Personne ne peut me tromper. Vous leur direz ceci et, pour les mettre en garde, vous leur montrerez ce monde en ruine. Je suis Namtar, j’ai dompté à moi seul les secrets de la génétique de millions de monde, ma simple existence est un défi lancé l’univers et à toutes les lois, vous pensiez sincèrement pouvoir m’abuser avec des caissons vides ?
Clavor recula d’un pas. Ce n’était pas tant l’apparence diabolique de Namtar qui l’effrayait, que sa voix. Une voix si douce, si posée, de laquelle sortaient mille atrocités qui arrachaient avec férocité chaque parcelle de la réalité et n’apportaient qu’une monstruosité onctueuse et mielleuse. Clavor sut que contre une telle abomination, le ridicule petit plan du Pacificateur ne pourrait jamais fonctionner…
- Désolé le généticien dégénéré, lança joyeusement Crichton, mais y’a un petit changement de plan !
- Mes plans ne varient jamais d’un iota, le corrigea Namtar. Et votre éradication a déjà été planifiée.
Crichton ne dit pas un mot de plus. Il tira directement sur le bras droit de Namtar, qui explosa, ne laissant qu’un moignon sanglant. Pendant au moins cinq microts, le temps qu’un nouveau bras se forme, identique au précédent.
- Bingo, cria Crichton, j’en étais sûr ! Personne de sensé n’aurait pris le risque de venir en navette sur une planète dont il vient de transformer la population en zombies roses ! Franchement, annoncer l’heure et l’endroit où on compte se poser, sans même prendre la peine de sortir une petite menace genre « Si vous me tuez, jamais vous n’arriverez à guérir les vôtres », c’était trop gros. Sauf bien sûr, si cette personne n’a rien à craindre, même dans l’éventualité où sa navette exploserait en plein vol. Un genre de régénération instantané, hein ?
- Vous êtes quelqu’un d’amusant, Harvey-qui-ne-veut-pas-donner-son-nom. Malgré votre physique rudimentaire et votre air de primate sous sédatif, il semblerait que votre cerveau soit en mesure d’émettre des hypothèses imaginatives et tout à fait correctes. Je vous laisse me surprendre, Harvey. Quel est donc votre plan ?
- Oh, rien de très compliqué. Tu sais ce qu’on fait à un animal qu’on ne peut pas abattre ? On le met en cage.
Brusquement, des dizaines de fusil sortirent des arbres, des buissons, des fenêtres. Plusieurs gardes attendaient, impatients, qu’on leur donne le signal de tirer.
- 27 soldats dont vous avez contaminé la famille vous menacent tous à l’aide d’un pistolet paralysant, résuma Crichton. Embêtant, n’est-ce pas ?
- C’est tout ? C’est tout ce que votre cerveau de singe glabre a pu concevoir ?
- Ah, s’exclama Clavor, vous aussi, vous êtes un peu déçu, hein ?
- Ca doit être affreux pour une créature immortelle d’être piégée, mettons, au fond de l’océan, pour l’éternité ? C’est très simple : vous prenez une grosse boîte en métal, vous y mettez un bloc de ciment. Paralysé à l’intérieur de ce bloc de ciment, vous enfermez un gros méchant généticien dément enchaîné, et il n’a pas d’autre choix que de regarder les quatre parois de sa minuscule prison jusqu’à la fin des temps. Pour info, c’est dans longtemps.
- Hum, fit Namtar, comment de soldats avez-vous mentionné ?
- 27.
- Et combien d’hommes contaminés par mes bombes dorment dans ce palais ?
John se tourna vers Clavor, qui réfléchit un instant.
- A peu près 250…
- 278 exactement, rectifia Namtar.
- Qu’est-ce que ça change, le nombre de zombies roses qui…
Crichton s’interrompit aussitôt. Il venait de comprendre. Il se maudit lui-même d’avoir été aussi stupide. Pourquoi n’y avait-il pas songé plus tôt ? Il aurait pourtant dû le comprendre, lorsqu’il avait d’instinct appelé « zombies » les personnes contaminées.
Les soldats hurlèrent de peur et de douleur et John se maudit plus encore. Il y avait dans ce palais 278 zombies endormis. 278 zombies endormis, mais affamés. Et Namtar venait de tous les réveiller.
Tandis que des zombies roses se jetaient sur les gardes pour les dévorer vivants, que Clavor fuyaient lâchement se cacher dans le jardin, que Namtar le regardait d’un air condescendant, Crichton sortit Winona de son étui et s’exclama en la pointant sur le généticien dément :
- Décidément, les zombies, c’est vraiment pas mes amis…