/!\ Spoilers : "The long goodbye" ("Possédés") 2.16Un jour je vais t’embrasser
- Allez, on va bien se marrer !
John regarda Mike de travers. Son ami, sachant tout à fait son dégoût pour des soirées de ce type, lui en faisait voir des vertes et des pas mûres ! Il est vrai qu’en ce moment, il n’avait pas envie de faire la fête. Poussant un soupir à fendre le cœur, son regard blasé se posa vers la boîte de nuit que montrait Mike. Son enseigne était accrocheuse, très clinquante. Une femme à moitié dévêtue le narguait de son œil de néon blanc. Pour quelqu’un dans l’ambiance, le « Flytoxer Club » était l’endroit idéal.
- Franchement Mike, j’ai pas envie de danser ce soir.
- Tu vas pas danser, lui répliqua son ami. On va s’asseoir tranquillement au bar, s’envoyer quelques bières et après, si une belle blonde te demande si tu veux danser, tu lui dis oui et tu t’éclates toute la soirée.
- J’ai dit que j’avais pas…
- Je sais ce que tu as dit, l’interrompit Mike.
Celui-ci poussa le militaire vers le videur, un grand black avec des lunettes de soleil et un costard noir. Celui-ci sourit quand il reconnu le médecin qui avait soigné sa fille. Il lui serra la main et entama une discussion amicale.
- Comment vas-tu vieux frère ? Ça fait un bail que je ne t’avais pas vu, lança le videur.
- La forme. Ecoute, mon ami (il montra John) se sent mal, on peut passer ? Il a vraiment besoin de se remonter.
- Ouais pas de problèmes, sourit l’homme. En plus, ce soir, il y a un nouveau groupe. Il en jette un max d’après ce qu’on m’a dit. Vous le verrez peut-être si vous restez pas mal de temps.
- Génial ! Au fait, rappelle-moi que je te dois une bière, lui dit Mike.
- Tu peux compter sur moi, promit le black.
Mike poussa alors John entre les portes de la discothèque qui leur ouvrait ses bras. A peine était-il entré que le militaire commença à tousser. Il fut surpris de l’atmosphère tellement enfumé de la pièce : il était plus habitué à l’air pur provenant de la nature. Les deux hommes se frayèrent un chemin vers des tabourets vides au bar. Ils s’assirent et commandèrent deux bières. De l’autre côté de la salle, un chanteur s’égosillait sur une musique douce, créant un contraste plutôt désagréable pour les oreilles. A part quelques adolescentes, personne ne dansait, les habitués étant assis aux tables. John regarda sa montre : 21h30. La nuit allait être longue.
***
Mike parlait avec une asiatique quand John s’envoya sa cinquième bière. Il jeta un regard en coin à son ami en pleine discussion et éprouva une pointe de jalousie : Mike avait encore le cœur libre, lui. Le sien était fendu en deux. Retournant son attention sur la bouteille de verre vide devant lui, il appela le serveur et s’en commanda une autre. Au pire, il pouvait toujours essayer d’oublier. Alors qu’il buvait encore une grande lampée du liquide brun, le silence se fit dans la salle. John n’y prêta attention que quand une voix féminine commença une chanson. Cette voix rauque lui fit des frissons de long de l’échine. Il se redressa instinctivement sur son tabouret et chercha des yeux la personne qui pouvait chanter aussi bien. Evidemment, tout le monde se retrouvait à danser, ce que rendait la tâche plus difficile au militaire. Le début fut doux avec simplement un piano et la voix de la femme. Puis soudainement, la musique devint rock. Tous les danseurs commencèrent à sauter en l’air en levant les bras. Essayant de se frayer un chemin parmi la foule plus que compact depuis quelques minutes. Il arriva enfin au bord de la scène, surélevée d’une dizaine de centimètre tout au plus. Regardant la chanteuse, il arriva à capturer ses yeux verts. La jeune femme lui sourit sensuellement, et commença à se déhancher. C’est là qu’il remarqua sa chevelure, ce qui lui fit un coup au cœur. Elle était blonde platine ! Le militaire se rendit à cet instant qu’il croyait avoir reconnu son ex, une brune pulpeuse répondant au doux nom de Janice. Secouant la tête, dépité, il lui envoya un sourit contrit et retourna s’asseoir sur son tabouret, sombre. Mike se retourna vers lui, l’air déçu.
- Alors tu vois ? On s’amuse comme des fous, lui dit-il, la voix pâteuse.
- Mouais.
Le militaire remarqua que sa bière était vide et l’asiatique disparue.
- Elle est où ta conquête ? lui demanda John.
- Elle m’a laissé tout seul. De toute façon, elle ne m’allait pas à la cheville, répliqua Mike, plus qu’à moitié éméché.
- T’es médecin tu devrais savoir quand tu dois t’arrêter de boire, lui répondit John, en plissant les narines. Tu empestes l’alcool à plein nez !
Son ami s’endormant sur le bar, il décida de partir. Mike complètement bourrée, pinçait les fesses des filles qui passaient devant lui tout en riant de leurs mines offusquées. John le soutenait du mieux qu’il pouvait avec une épaule et cinq minutes plus tard, ils étaient à l’air libre. Le jeune homme respira une grande bouffée d’air frais et soupira. Il allait mieux. Il essaya d’interpeller un taxi, nombreux le samedi soir à cette heure-ci, mais avec un gars complètement fait sur votre épaule, tout à coup, ça devient beaucoup plus difficile ! Au bout d’une dizaine d’essai infructueux, il s’assit sur le trottoir avec le médecin qui s’était réveillait et chantait « Yellow submarine » à haute voix. Les quelques passants le regardaient d’un air bizarre. Au bout de la dixième chanson, il faillit l’assommer. Ses nerfs étaient à fleur de peau, il était mort de fatigue et avait bu sûrement plus que raison. Ce ne fut que l’arrivée in extremis d’une passante qui calma le militaire surexcité et qui leur appela un taxi. Celui-ci était totalement confus et la remercia chaleureusement. Ensuite, il grimpa dans le taxi. La conductrice se tourna vers lui : elle avait des vêtements amples et une gavroche pourpre sur la tête. Ses yeux pétillaient de curiosité quand elle remarqua qui avait embarqué dans son modeste taxi. Son regard vu plus brillant quand il se posa sur John, mais l’homme ne le remarqua pas : il était trop content d’avoir trouver un moyen de transport confortable.
- Je vous emmène où ?
- Roulez, je vous dirai où vous arrêtez.
- Ca me va !
La jeune femme se retourna, enclencha la première et le taxi commença à rouler doucement. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent sur une quatre voies.
- Je vais vers où ?
- La mer.
- Vous êtes touristes ?
- Non.
- Ah… Vous travaillez dans notre merveilleuse ville ? demanda-t-elle avec une pointe d’ironie dans la voix.
- Non.
- Vous venez d’où alors ?
- De Minnesota, répliqua-t-il.
- Ah. Et c’est beau là-bas ?
- Bof.
-Vous êtes toujours aussi laconique ?
John fut étonné de la remarque acerbe de sa conductrice. Elle lui lança un regard froid dans le rétroviseur.
- C’est vrai quoi ! Continua-t-elle. Je vous prends dans mon taxi sans savoir vraiment qui vous êtes et vous répondez par monosyllabe à toutes les questions que je vous pose ! Vous pourriez au moins faire l’effort de discuter !
- Vous n’avez pas l’habitude ? fit-il ironique.
- Ca va vous étonner, mais je prends rarement deux mecs dont l’un est complètement bourré un dimanche matin devant une discothèque miteuse en plein Los Angels ! répondit-elle du tac au tac.
Devant la réplique de la jeune femme, le militaire s’affala un peu plus dans la banquette. Touché.
***
“Non mais ! Ce macho méritait d’être remit à sa place ! Bon sang, si j’avais su qu’il était aussi désagréable que mignon, je ne l’aurais pas accepté dans MA voiture. Alors, soit il la mettait en veilleuse, soit il sortait en payant la course tout de suite ! C’est elle qui fait la loi dans son taxi bon sang !” La jeune femme conduisait d’une façon plus brutale, ce qui ne dérangeait pas les deux hommes assis à l’arrière. Jetant un coup d’œil dans le rétro, elle put voir que le gars qui était saoul dormait à poings fermés. L’autre, beaucoup plus séduisant, regardait par la vitre embuée le soleil se lever doucement sur Los Angels. Il avait l’air mélancolique, ce qui serra le cœur de la conductrice. Il pouvait être le plus grossier possible, ce n’est pas pour ça qu’il avait mérité d’être triste. Sa conduite fut plus souple et bientôt, les deux passagers encore dans un bon état purent s’émerveiller d’un lever de soleil sur l’océan Pacifique. L’homme, qui n’avait pas parlé depuis qu’elle lui avait cloué le bec, prononça quelque chose qu’elle n’entendit pas bien.
- Pouvez-vous répéter ? Je n’ai pas entendu.
- J’ai dis : « Merci, vous pouvez vous arrêtez. ».
- Oh.
Elle se gara dans un parking d’un des nombreux hôtels bordant la mer qui lui avait indiqué. Ils descendirent tous les deux et humèrent avec délice l’iode. La mer étant agitée, les vagues se brisaient en un vacarme assourdissant mais agréable. John ferma les yeux quelques secondes. Il se prit à rêver de vivre avec sa future femme et enfants dans une maison entourée de la mer. Il soupira profondément en chassant cette idée de sa tête. Quand ses yeux se rouvrirent, ils se posèrent sur la femme qui ne le connaissait pas et qui l’avait fait taire par une réplique. Du caractère, cette bonne femme ! Il se retourna vers elle en lui tendant la main.
- Merci beaucoup.
- De rien, lui répondit-elle en lui serrant la main. Elisabeth, ajouta-t-elle.
- John.
Ils se sourirent et leurs regards s’accrochèrent. La jeune femme eut alors une sorte de flash. Elle se voyait embrassant John dans un salle octogonale. Un homme chauve en uniforme les regardait ainsi que deux autres hommes, l’un avec des yeux bleus, l’autre marrons. Elle prenait le visage de John entre ses mains et déposait un baiser sur ses lèvres. Ce fut celui-ci qui la sortit de sa transe.
- Eh ! Ca va ?
- Oui très bien, elle lui adressa un petit sourire tremblant.
- C’est notre hôtel, lui dit-il en désignant le bâtiment à quelques mètres de là.
- Bon ben… Vous n’avez plus besoin de moi alors.
Ils se regardèrent en chien de faïence pendant quelques secondes et se sourirent. Il lui paya sa course (143 $) et elle l’aida à sortir Mike qui ronflait comme un bien heureux de sa voiture sur le trottoir. Ceci fait, elle monta dans le taxi, lui adressa un petit signe de la main et s’en alla. Le militaire regardait encore le route qu’elle avait prise quand ami se réveilla.
- John ? Qu’est-ce que je fous sur ton épaule ? Où sont les aspirines ? gémit-il.
- Je t’emmène à l’hôtel.
Il se retourna et entra dans le hall. A une cinquantaine de kilomètres, une jeune femme avec une gavroche pourpre et des vêtements amples écrivait sur un cahier abîmé :
« Aujourd’hui, je t’ai rencontré. Un jour, je vais t’embrasser. »
FIN
Alors verdict ??