Trames (Matter)

Trames est peut-être le premier roman du cycle de la Culture (en tout cas parmi ceux que j'ai lu récemment) à m'avoir déçu. Cela reste un très bon roman de science-fiction, mais il a à mes yeux bien des défauts.

Pour moi, deux sont majeurs et immédiatement identifiables : le fait que l'auteur ne sait pas où il va et qu'il a fait du délayage.

Le roman commence pourtant bien, rappelant un peu Inversions, en plaçant l'action dans une société médiévale dont on apprend rapidement qu'elle évolue sur un monde pas tout à fait naturel. L'intrigue de la fuite de Ferbin est au départ bien menée... sauf qu'assez rapidement, elle s'enlise. On suit ainsi dans les moindres détails (souvent bien trop exhaustifs) les pérégrinations de Ferbin et Choubris Holse, qui perdent rapidement tout leur intérêt. Pire, ils font des tours et détours par divers endroits, suggérant l'existence d'intrigues qui ne se manifestent pas. Lorsqu'on pense tenir un fil, il n'est pas exploité. Passé les 80 premières pages, on peine à saisir l'intérêt de tout cela et où l'auteur veut en venir. Ce sentiment persiste longtemps. Nécessairement, d'autres intrigues sont menées en parallèle, concernant Anaplian et Oramen, mais elles n'apparaissent que comme venant soutenir l'arc principal de Ferbin... qui peine à se matérialiser. Et c'est ainsi pendant plus de 550 pages : quelques péripéties qui permettent de découvrir le monde de Sursamen, mais le sentiment de n'avoir assisté qu'à de l'exposition (au sens anglais du terme) : de la prose qui vise à exposer des informations nécessaires au lecteur pour suivre, comprendre et prendre la pleine ampleur de l'histoire. Mais pas une histoire ou une construction narrative qui a un intérêt en elle-même. Arrivé à la page 550, on se dit que tout ce qui précède aurait pu être utilement condensé en 200 pages. Voilà pour le délayage.

Le second problème, c'est qu'on a le sentiment que l'auteur ne sait pas où il va. Dans un sens, cela rend l'histoire surprenante et imprévisible, mais on sort surtout du roman avec l'impression de s'être fait un peu mener en bateau avec des artifices faciles. Ainsi, on imagine que l'antagoniste est Tyl Loesp ou que celui-ci est de mèche avec un antagoniste plus important ? Que nenni. On pense qu'un personnage de la culture passé précédemment par Sursamen a une importance ? Non, c'est un simple figurant. Des mouvements étranges inquiètent Circonstances spéciales ? On les oubliera et on n'en aura jamais le fin mot. Et à la toute fin, apparaîtra un ultime antagoniste complètement inconnu, sorti du chapeau à partir de la page 650 et qui n'a quasiment aucun rapport avec tout ce que le roman a développé précédemment. Et tout cela pour finir dans une apothéose d'action sur 40 pages qui conclut abruptement l'histoire.

Alors comme ses prédécesseurs, ce roman apprend au lecteur beaucoup de choses sur la Culture, sur Circonstances spéciales, sur notre bien étrange galaxie et les choses inhabituelles qu'on peut y trouver. Il est riche. Mais malheureusement, on a le sentiment qu'il ne va nulle part, que cette histoire ne dit rien, ne mène à rien et qu'elle n'a été construite que pour montrer des choses qui, en définitive apportent peu à cet univers pour le lecteur qui le connaît déjà.

C'est bien dommage, et c'est pour cela que je pense que bien qu'étant touffu, ce roman ne présente pas un grand intérêt pour le lecteur qui connaît la Culture. Cela reste de la bonne SF, mais loin de l'intérêt de L'homme des jeux ou Excession.