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 Walls

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Skay-39
The Vortex Guy
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Skay-39


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Localisation : TARDIS 39th room (blit), on Moya third level, in orbit around Abydos (Kaliam galaxy)

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MessageSujet: Walls   Walls EmptyDim 9 Aoû 2009 - 1:33

Walls Farsca10
« My name is John Crichton, an astronaut… A radiation wave hit and I got shot through a wormhole... Now I'm lost in some distant part of the universe on a ship – a living ship – full of strange, alien life-forms… Help me… Listen, please. Is there anybody out there who can hear me ? I'm being hunted by an insane military commander… doing everything I can… I'm just looking for a way home. »
_______________________________________

Walls
Les Léviathans, merveilleux vaisseaux vivants, demeurent depuis des siècles sous la coupe des Pacificateurs, qui les emploient dans leur redoutable empire de répression. Ignoblement contraints par les colliers de contrôle, ce peuple de l’espace ne peut espérer échapper à cet asservissement. Et Moya, pourtant…
Un Léviathan solitaire, mutilé par la lumière d’un pulsar, qui appelle à l’aide dans le vide de l’espace… Un Léviathan qui ne répond pas et semble avoir été déserté. Moya ne l’abandonnera pas à son sort.
Mais dans ce lointain univers où mènent les vortex, rien n’est jamais simple…




Genre : Action, Aventure.
Situation : Saison 2, après « Clockwork Nebari » (2x18).


Dernière édition par Skay-39 le Mar 13 Avr 2010 - 17:58, édité 13 fois
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyDim 9 Aoû 2009 - 1:35

Prologue
All the Maners Things Can Turn Wrong

« Oui… Oui, mon doux… Oui, mon beau… Nous y sommes presque… Presque… »
Les couloirs du Léviathan apparaissaient par éclairs stroboscopiques, au rythme des sautes de courant et embrasements d’étincelles. Une lumière vert sombre, malsaine, faisait luire les parois noires de mucus. Les rumeurs de l’émeute résonnaient le long des conduits, lointaines et déformées, fantomatiques, concert discordant d’exclamations, grondements, cris affolés.
« Libres… Nous serons très bientôt libres… Calme… Calme-toi… »
Quelques cadavres jonchaient les couloirs, en état de décomposition avancé. Leurs traits brouillés par la dégradation des cellules et le travail acharné des micro-organismes symbiotiques du vaisseau vivant laissaient entrevoir d’effroyables mutations, des déformations livides. La dépravation avait gagné les murs, dont les chairs compactes pendaient par endroits, en lambeaux, grouillantes de vermine.
« Mort… Mort… Mort… Mort… Nous serons les vecteurs… Nous serons des voyageurs… Libres… Libres… Libres… Libres… Libres… »
L’odeur de pourriture saturait les coursives, suintait des murs, rampait avec la lourde fumée blanche qui jonchait les sols. Elle était partout, fantôme, comme exhalée par un cadavre qui s’ignorait. Des parois courbes et artistiques s’étiraient des vrilles tumorales, nouées de veines épaisses et de câbles corrodés, qui se tordaient dans le vide en appendices aveugles.
« Tu es à moi, mon Léviathan… Et je suis à toi… Ensembles… Nous existerons ensembles… Nous n’avons pas besoin de ce pilote… »
John Crichton criait dans son communicateur. La moitié de son visage était couverte d’une lunette technologique luisant d’une lumière verte, et son épaule droite noire de sang. L’éclairage rougeoyant tombant du plafond peignait sur son visage un masque dangereux. Près de lui tremblait une étrange créature, sphère segmentée et carapacée hérissée de pointes rayées de jaune et de violet.
- Chiana ! Grey !
« Mort, mort, mort. »
- Rygel ! Quazar !
« Libres, libres, libres… »
- Bougez-vous l’eema, espèce d’aliens foireux !
Un son dont la nature ne souffrait aucune ambiguïté dégringola de l’abysse au-dessus de sa tête : c’était l’essoufflement des machines, la débâcle énergétique, le gémissement poussif d’une chute de puissance. Les luminaires faiblirent abruptement, papillonnèrent vaillamment et succombèrent finalement. Lentement, lampe après lampe, l’émeraude vint supplanter le rubis.
« Mort, mort, mort, mort… »
- Oh, frell… C’est pas bon, ça…
Des étincelles jaillirent tout autour de lui tandis que des traits de pistolet à impulsion zébraient l’atmosphère, faisaient tourbillonner le brouillard en volutes épais. L’astronaute se jeta au sol et riposta en aveugle. Un couinement de panique jaillit de la châtaigne géante, qui se mit à trembler de plus belle et à émettre en continu un gémissement d’appréhension.
- Chipie ! Boule de poil ! C’est maintenant, maintenant, maintenant !
« Libres, libres, libres… »
- Et toi…
« Toi, moi, nous, toi, moi, nous… Wah ah ah ah ah ah !... »
- LA FERME !
Un dernier tir fit taire la voix.


Dernière édition par Skay-39 le Lun 14 Fév 2011 - 15:31, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyDim 9 Aoû 2009 - 1:36

Chapitre I
In Space, Someone Can Sometimes Hear You Scream
Huit arns plus tôt…

Le silence était inhabituel pour les couloirs d’un Léviathan, toujours animés d’ordinaire de l’indéfinissable murmure de la vie. A peine percevait-on de temps à autre un goutte à goutte lointain, ou le chuintement soudain d’un conduit laissant échapper son trop plein de pression. Quelques DRD se mouvaient hiératiquement, par mouvements brusques et imprécis, totalement inutiles.
L’éclairage également pouvait intriguer. Au lieu des ordinaires lampes blanches, les murs d’un alliage de cartilage, de bronze et de dizaines de métaux complexes luisaient sous un feu cramoisi, qui – dans cette partie de l’univers comme sur la plupart des planètes, celle des Scarrans mise à part – n’annonçait rien de bon.
Un pinceau de lumière dorée perça cependant cette pénombre sanglante, balayant les alentours en tressautant. Il fut rapidement suivit d’un sébacénoïde mâle serrant alertement un pistolet à impulsion. La manière dont l’individu progressait, par larges enjambées – probablement afin d’éviter ce qui pouvait se cacher sous la brume et le faire trébucher – n’évoquait guère le conditionnement des Pacificateurs ; de même que la barre de gliken qu’il mâchonnait, et ses vêtements de cuir couverts de boucles de métal. Afin d’achever de dissiper le moindre doute, John Crichton ouvrit un canal de communication.
- Pilote, mon chou, tu me reçois ?
« Je te reçois, commandant. Depuis l’ombre de la planète, les transmissions restent relativement stables. »

Dans son antre biotechnologique, le pilote symbiotique de Moya gérait de ses quatre bras les innombrables fonctions du Léviathan. Les pinces à trois doigts manipulaient les larges touches et curseurs avec une habileté que l’on n’aurait pas soupçonné, se mouvant toutes en même temps sans la moindre hésitation. Ses grands yeux cannelles s’orientèrent vers l’immense abysse en dessous de sa plate-forme de contrôle, tandis que son formidable cerveau écoutait et triait les centaines de demandes et sensations émanant du vaisseau vivant.
- Aussi longtemps que vous demeurerez protégés du rayonnement, nous seront en mesure de communiquer, poursuivit l’imposant alien. Au-delà…
« Il vaudrait mieux que nous ne soyons plus à bord, je sais. Combien de temps est-ce qu’il nous reste avant que nous ne retournions dans le champ d’influence du pulsar ? »
- Seize arns et demi et cent vingt microts. J’ai calculé la trajectoire adéquate pour synchroniser les mouvements de ce Léviathan sur ceux de la planète, de manière à demeurer toujours à l’abri des radiations. Si son Pilote n’est… plus en état de procéder de lui-même aux modifications, l’officier Sun vous rejoindra à bord du module numéro deux. Elle devrait être en mesure de suivre mes instructions.
Pilote concentra une partie de son esprit sur les sens de Moya, tout en rappelant à Crichton quelques détails techniques concernant les Léviathans. Accédant à la mémoire récente du vaisseau, il observa à nouveau le pulsar, tel que ses senseurs à longue portée l’avaient aperçus quelques milliers de microts plus tôt. Comme toujours, l’extraordinaire acuité de ses organes visuels emplit l’alien d’une admiration extatique. Il accédait à toutes les couleurs du spectre, bien au-delà des ultraviolets et en deçà des infrarouges, observant jusqu’aux déformations du temps et de l’espace. Ses capteurs sensitifs lui offrirent une idée précise des niveaux électromagnétiques et des gammes de radiation. Il perçut à nouveau l’agitation de Moya, la déplaisante brûlure sur sa coque externe – infime mais non négligeable.
« C’est mauvais », lui rappela sa grande amie, et un flot d’informations ô combien plus complexes le traversa – émotions, sensations, images, musiques, souvenirs, mêlés selon une partition d’une inconcevable précision, d’une beauté que nul autre n’aurait su imaginer. C’était plus élaboré que n’importe quel langage parlé, plus encore que celui de son propre peuple. Et pourtant, rien ne s’en approchait davantage. C’était là le privilège des siens, qui échapperait toujours aux autres espèces. Pilote en concevait fierté et regrets. Il aurait voulu que John Crichton ou Zotoh Zhaan puissent toucher cette étourdissante sophistication, effleurer le niveau de pensée qu’elle suggérait. Il n’était pas mécontent, cependant, que cela soit impossible… condamné à demeurer son seul joyau.
« Tu es amusant », rit le Léviathan.

- Ce vaisseau a sacrément dérouillé, commenta Crichton en éclairant les parois suintantes. J’ai l’impression de me promener à l’intérieur d’un vieillard. Pas de dégâts directs, mais tout à l’air de tomber en morceaux.
« Ce n’est pas aussi ennuyeux que cela peut en avoir l’air. L’espace est le milieu naturel des Léviathans. Les radiations solaires sont leur lot quotidien. D’ordinaire, cela leur est plutôt agréable. Moya s’est délibérément exposée à des rayonnements dont l’intensité aurait stérilisé certains mondes. »
L’astronaute marqua un arrêt, haussant les sourcils.
- La demoiselle se fait bronzer aux rayons gammas ? s’amusât-il.

Pilote haussa une arcade sourcilière, perplexe.
- J’ignore quel nom vous leur donnez sur la Terre, répondit-il prudemment, mais elle apprécie en effet l’intense photosynthèse dont elle peut bénéficier en ces occasions.
Il autorisa une part de son esprit à dériver dans les souvenirs du Léviathan, de naines rouges en géantes bleues. Lui qui n’avait jamais réellement connu la caresse du soleil, que ce soit sur son monde natal à l’épaisse couverture atmosphérique ou depuis son installation dans les entrailles du vaisseau, il pouvait découvrir cette sensation à travers l’épiderme merveilleusement sensible de son navire symbiotique. Cela valait même la peine d’endurer la souffrance…
- Toutefois, poursuivit-il en même temps, ce pulsar est atypique. C’est une étoile non répertoriée. Durant le peu de temps que nous avons passé sous son influence, sa lumière a perturbé sérieusement les cellules de notre coque. Je pense cependant que si nous pouvons rétablir les fonctions de base de ce Léviathan, lui ôter son collier de contrôle et lui transférer un peu de fluide, il sera possible de le sauver. Moya vous en serait gré.
« Une chose à la fois, Pilote. On va d’abord vérifier qu’il n’y a plus de Pacificateurs à bord et voir pourquoi le Pilote ne répond pas. Ensuite, si on peut gagner du temps en le maintenant à l’abri derrière la planète, il sera temps d’aviser. »
- Moya vous serait extrêmement reconnaissante si vous l’aidiez à libérer un autre de ses compagnons de l’asservissement des Pacificateurs. Pour autant qu’elle sache, elle est le seul Léviathan libre de cette partie de l’univers. Cette situation lui est pénible.
« Oh, je comprends ça, crois moi. On fera tout notre possible. Moya n’est pas trop déçue ? »
Une vague de tristesse et de mélancolie s’empara de Pilote, qui partageait le chagrin de la grande voyageuse. Lui comme elle avaient espéré trouver Talyn au bout de ce signal de détresse. Certes, rien n’était moins sûr ; la balise, bien qu’émanant sans aucun doute de l’un de ses semblables, n’avait pas semblé excessivement familière. Moya était à peu prêt convaincue de savoir identifier un appel de son fils pour ce qu’il était. Et, sans surprise, le Léviathan blessé qui dérivait sous son ventre était un adulte comme tous les autres – quoique plutôt attrayant –, enserré dans un collier de contrôle Pacificateur.
- Elle ne pensait pas réellement retrouver son fils aujourd’hui. Ce n’était pas… la voix de Talyn.
« Ça ne l’a pas empêché de passer en combustion à la microt ou elle a capté le signal », remarqua l’Humain avec dans la voix une faible trace de reproche.
- Il émanait d’un Léviathan, pas des Pacificateurs. Elle y aurait répondu de toute manière.
L’image de Crichton lui vint, centaines d’enregistrements visuels ; accompagnée de sa voix, son odeur, sa signature calorifique et électromagnétique et la sensation de sa masse. Il se souvint du contact de ses doigts sur les conduits nerveux du Léviathan et fut traversé des souvenirs de toute les fois où il en avait prit soin.
- Elle te remercie de t’inquiéter d’elle, compléta Pilote avec sincérité.
En cet instant, cependant, c’était davantage de son compagnon que se souciait Moya. Le mâle Léviathan inconnu dérivait tous feux éteints, sa coque rongée par les radiations. Sa belle robe grise s’était couverte de lésions profondes, qui avaient presque atteint les couches internes du blindage – surtout sur l’arrière, qui s’était trouvé plus longuement exposé tandis que le vaisseau fuyait sans doute aussi vite que ses propulseurs le lui permettaient. Il était sourd et aveugle, de toute évidence, et les relevés énergétiques étaient caractéristiques d’un coma avancé. Bien qu’il ne soit guère aisé de s’en assurer en raison du rayonnement qui ricochait dans l’atmosphère de la planète, il ne semblait contenir aucun équipage – mais une poignée d’individus auraient aisément pu échapper à sa vigilance, surtout dissimulés dans certaines zones précises.
« Il est sortit de combustion dans la lumière du pulsar », pensa tristement Moya.
« Oui, répondit prudemment Pilote. L’étoile à neutron semble être entrée en expansion récemment. Son champ magnétique… »
« …est instable, acquiesça Moya. Période de modulation de l’émission… »
« …courte et en accélération rapide, radiations complexes. Ne t’inquiète pas, Moya, nous arrêterons le Léviathan avant que sa dérive ne l’amène à nouveau à portée du… »
« Pilote ! »
Pilote soupira. C’était toujours ainsi que Ka D’Argo s’adressait à lui, avec sévérité, comme s’il devait attirer l’attention d’un ermite somnolent. Agaçant, lorsque l’on songeait que l’administrateur ne dormait jamais.
- Oui ? fit-il avec une patience excessive, en donnant à la syllabe unique plus de place qu’elle n’en avait besoin.

Le Luxan pilotait l’un des modules de Moya, contrôlant soigneusement sa vitesse afin de demeurer lui aussi dans l’ombre de la planète. Cela exigeait de lui davantage d’attention qu’à son interlocuteur, car l’appareil s’était considérablement éloigné des deux Léviathans afin de se soustraire aux parasites de l’étoile en rotation.
- Est-ce que Crichton a rencontré des Pacificateurs à bord du vaisseau ? interrogea le guerrier avec mauvaise humeur.
« Non, D’Argo, répondit Pilote avec dans la voix comme un avertissement. Je te préviendrai à la microt ou Crichton, Chiana, Zhaan ou Rygel localiseront le moindre signe de vie à l’intérieur de ce vaisseau, comme tu me l’as demandé à trois reprises. »
- C’est un vaisseau vivant, fit remarquer Aeryn distraitement depuis le siège du copilote. Ils marchent dans un signe de vie.
- Je persiste à penser que c’est une mauvaise idée, grogna le Luxan. C’est un appareil Pacificateur.
« Moya refuse d’abandonner ce compagnon à son sort. S’il se réveille, il risque de souffrir horriblement. De plus, il semble bien que son équipage l’ait abandonné. »
- Comme si on avait le temps et les ressources pour s’occuper d’un autre Léviathan. Si des Pacificateur captent sa balise…
« Les Pacificateurs n’ont que faire d’un Léviathan diminué. Ils n’ont apparemment pas eut – ou prit – le temps d’activer leur propre signal de détresse avant d’évacuer. De plus, l’officier Sun et toi-même avez précisément pour mission de prévenir leur arrivée. Aeryn ? »
- Je ne détecte aucun signal qui pourrait annoncer l’approche des Pacificateurs, Pilote. Je continue à scanner les fréquences.
« Très bien, fit Pilote abruptement, coupant court à l’objection que D’Argo s’apprêtait à formuler.


A bord du Léviathan mal en point, Chiana et Rygel parcouraient un long couloir minable, l’Hynérien devançant régulièrement la Nébari dans son désir d’être le premier à apercevoir tout ce qui pourrait avoir de la valeur – avant de se rappeler que c’était à sa vie qu’il en accordait le plus. La jeune fille progressait de sa démarche étrangement désarticulée, observant les alentours par en dessous, avec méfiance. Elle tenait devant elle un long fusil à impulsion.
- Un Domynar ne devrait pas risquer sa vie dans ce genre d’entreprise, bougonnait le petit alien ridé. C’est indigne de mon rang !
- Personne t’a forcé à venir ! fit remarquer la Nébari sur un ton vaguement menaçant, en se penchant vers l’Hynérien jusqu’à se trouver nez à naseaux avec lui.
- Hééé… Certes, bredouilla Rygel le XVIème, en tâchant de ne pas trop loucher sur le corsage de son escorte. Mais je ne suis pas un idiot ! rétorquât-il en retrouvant soudain sa verve quotidienne. Je ne te laisserais pas mettre la main en première sur les cristaux Tolka ! Je suis sûr que tu en profiterais pour… escamoter quelques caisses, mhm ?
Le ton du bigorneau s’était fait fielleux, et il se pencha sur son trône volant, qui compensa en s’élevant un peu. Cette manœuvre eut pour effet de modifier son point de vue sur miss monochrome, étalant ses formes juste devant la moustache du souverain déchu. Un être plus avisé aurait sans doute feint l’indifférence afin de passer cet incident sous silence… Mais l’Hynérien n’avait plus connu de femelles depuis prêt de cent trente cycles, et l’on imagine aisément combien cette situation pouvait être pesante. Aussi ne put-il retenir un large sourire béat, à peine teinté d’une pointe de contrition.
Chiana n’était cependant pas prude, c’était là son moindre défaut. Saisissant solidement le siège à suspenseurs, elle l’approcha encore davantage, et susurra à l’une des oreilles (que les connaisseurs savent si sensibles) de Rygel.
- Et qu’est-ce que tu dis de ça, votre altesse souveraine : on laisse Crichton continuer sa chasse aux Pacificateurs dans son coin, et on trouve où sont entreposés les cristaux. Ensuite, ni vu ni connu, tu en planques quelques caisses dans le module pendant que je surveille notre pote, et je m’arrangerai pour les en sortir une fois de retour sur Moya. Alors, mon gros, ça te tente ?
Pour appuyer sa proposition, Chiana fit courir le bout de son nez blanc sur toute la longueur de l’oreille royale, et cette caresse fit frémir l’Hynérien de plaisir coupable. Il sembla un instant chercher ses mots, tandis que la roublarde collée à sa personne lui faisait toujours les yeux doux, et puis retrouva enfin la parole.
- Ça va, je marche, petite Nébari dévergondée ! pestât-il bien vite. Mais épargne-moi ton numéro de charme ! Un Domynar Hynérien ne saurait se contenter que de beautés de sa race !
La jeune fille gloussa et écrasa un baiser sur le front du batracien.
- Allez ! soupira-t-elle d’un air ravi, reprenant en main son fusil Pacificateur (qui semblait bien trop gros pour sa frêle personne) et éclairant le fond du couloir. C’est partit !
La jeune femme se remit à avancer de sa démarche de furet prudent, suivie par le faible gémissement électronique d’un trône volant.

Dans une autre allée, à un autre niveau, une autre silhouette exotique déambulait lentement, ses longs doigts bleus voletant le long des parois avariées. La brume ici était à la fois moins lourde et plus dense, emplissant l’atmosphère telle une vapeur visqueuse, dissimulant les alentours immédiats ou dévoilant des profondeurs indistinctes au gré de ses tourbillonnements.
La pa’u Zotoh Zhaan évoluait à la manière d’une statue qui aurait apprit à marcher, avec lenteur et un port droit qui confinait à la raideur ; de ses mouvements fluides émanait cependant une certaine grâce dont on aurait pu peiner à localiser l’origine. Elle tenait en fait à l’équilibre parfait que la Delvienne maintenait en toute circonstance, l’ensemble de son corps se mouvant imperceptiblement au moindre de ses gestes, les muscles agissant en harmonie. Cette discipline était aussi liée à son corps que sa langue maternelle l’était à son esprit, tant et si bien qu’elle n’aurait plus su agir autrement. Les pa’u apprenaient à retrouver la malléabilité de l’enfance dès le troisième niveau de leur apprentissage.
Son visage pervenche penchait de droite et de gauche, la lueur qui tombait du plafond teintant de rouge les mouchetures blanches qui couraient le long de son nez et sur son front.
- Tant de souffrance endormie… murmurait-elle, caressant les murs suintant des fluides à demi coagulés. Tant de panique et de tension imprègnent ces lieux…
Elle voyait. Elle voyait des choses que d’autres ne pouvaient que ressentir, parfois, vaguement, l’instant d’une intuition bien vite écartée.
Elle voyait les fantômes d’êtres emplis de crainte, qui couraient et se bousculaient dans ces couloirs désormais silencieux, saturés de l’odeur de la chair putréfiée.
Elle entendait des ordres indistincts hurlés par des meneurs autoritaires, la force de l’entraînement et du conditionnement à l’œuvre, appuyant sur les esprits.
Elle voyait un être immense qui se débattait dans un cauchemar fiévreux, méfiant et égaré, sa raison engluée dans les limbes de l’inconscience.
Et… autre chose.
Zhaan frissonna, soudain investie par une fraîcheur humide qui lui fit d’instinct resserrer autour de son corps les pans de sa tunique. Réflexe futile ; ce froid déplaisant était purement psychique. Il n'en avait pas moins fait chuter sa température corporelle - la Delvienne n’avait plus besoin que lui soit démontré le pouvoir de l’esprit sur la chair.
Le pressentiment était ténu, incertain. C’était l’écho d’un murmure, le reflet d’une ombre. Mais si diffuse soit-elle, Zhaan savait reconnaître l’odeur de la mort.
Ses yeux de chat plissés par l’affliction autant que la prudence, la sorcière s’avança vers la source de ce malheur qui sourdait des murs telle une chrétienne entrant dans l’arène, les langues de brouillard l’engloutissant comme les tentacules d’une pieuvre se refermant sur une proie.


D’autres tentacules s’agitaient avec brusquerie, au rythme des mouvements de tête agacés de Ka D’Argo. Sous ses yeux désapprobateurs, son gros nez osseux prenait des airs de bec d’oiseau de proie. A voir sa lèvre inférieure prolongée d’un tatouage tribal, similaire à ceux qui couraient sur la gauche de son crâne et de sa large poitrine, à voir ses épaisses arcades sourcilières crénelées qui lui donnaient l’air perpétuellement en colère, la cicatrice qui zébrait son crâne et entaillait son appendice nasal, ainsi que les anneaux dorés scellés dans son torse, le Luxan musculeux semblait clamer par chacun de ses traits son ascendance barbare.
Pourtant, la frêle Sébacéenne à ses côtés ne s’en inquiétait pas le moins du monde.
- Nous pique pas une hypercolère, s’il te plait, fit Aeryn avec distraction. J’ai pas envie de devoir t’assommer.
Ka D’Argo jeta à sa coéquipière un regard morne, presque boudeur. Il marmonna à la Luxane, les tentacules qui prolongeaient son menton remuant avec nervosité. Il était à peu prêt évident qu’à un contre un, une Sébacéenne avait bien peu de chances de rivaliser avec un guerrier Luxan… mais la plupart des peuples avaient leur version du mythe de David contre Goliath.
- Crichton est inconscient ! grinçât-il.
- Ça fait un moment que je m’en suis rendu compte, signala l’officier Sun.
- Et Pilote ne vaut pas mieux !
- Il connaît parfaitement les risques. Mais il est là pour servir Moya, et Moya refuse d’abandonner ce Léviathan à son sort. La majorité a décidé, fais-toi une raison.
- Chiana et Rygel ne pensent qu’à piller ce bâtiment ! C’est la seule raison pour laquelle ils ont accepté que nous restions.
- Même s’ils avaient voté comme nous, nous nous serions retrouvés à égalité.
- Cette Delvienne de malheur, pesta le Luxan. Je parie que la lumière du pulsar a largement influencé sa décision.
- Elle avait l’air d’apprécier, c’est sûr, admit Aeryn avec l’ombre d’un sourire.
Euphémisme s’il en faut. Zhaan s’était à moitié pâmée sous le rayonnement lumineux, au milieu de cris et gémissements qui avaient mis tout le monde profondément mal à l’aise – tous sauf la principale intéressée, qui s’était contentée de déplorer une fois encore les regrettables inhibitions de ses compagnons de voyage.
- Moya ne vote jamais d’habitude, s’obstina le Luxan.
- Mais elle en a le droit.
Le guerrier gronda d’un air menaçant, ses doigts tapotant avec agacement sur le tableau de bord.
- Nous n’avions vraiment pas besoin de ça, asséna le colosse brun rouille en abattant l’un de ses larges poings sur le tableau de bord. Nous sommes passés du statut de fuyards à celui de cibles prioritaires depuis que nous avons détruit la base Gammak et que Scorpius convoite ce que Crichton a dans la tête. Les Nébaris ont probablement une sérieuse dent contre nous, et ils ne sont pas les seuls. Sans parler de Talyn, qui n’a qu’à appeler pour que sa mère se précipite à sa rencontre ! Mais je n’oublie pas que c’est un Pacificateur qui se trouve à son bord !
- Crais n’a vraiment aucun intérêt à traiter avec le haut commandement. C’est un fugitif et un traître.
- Il pourrait bien compter sur Talyn pour acheter sa réhabilitation.
- Byalar Crais est fou, pas stupide.
- Evidemment, toi tu n’as que faire de quelques jours solaires de perdus, bougonna le Luxan. Tu n’as aucun but. Mais moi, j’ai un fils à retrouver !
- Très délicat, D’Argo, soupira Aeryn en haussant les sourcils, blasée.
- Tu sais ce que je veux dire. Ce bâtiment était Pacificateur. Les Pacificateur tiennent à leur mainmise sur les Léviathans. Tôt ou tard, ils viendront, pour renflouer ce navire ou bien finir de le saborder.
- Amet. Mais à moins de ne prendre Pilote en otage, tu n’y peux rien, mon gros. Alors arrête de te mâchouiller la langue et aide-moi à surveiller ces scanners. Peut-être que ça se passera sans anicroches.
- Tu crois réellement à ce que tu dis ?
- Pas vraiment.


John Crichton s’arrêta devant une nouvelle porte, hésitant. Il dodelina de la tête, appelant manifestement un signe du destin qui viendrait tapoter son épaule et lui indiquer la bonne direction. Quelque chose passa rapidement entre ses jambes en ronronnant, filant à travers la brume ; l’astronaute baissa les yeux sur le sillage qui serpentait en direction du sas semi-organique. Seule une paire de petites antennes noires émergeaient de la vase gazeuse, ponctuées de deux billes lumineuses. L’un des appendices était tordu et ceinturé de ruban adhésif.
- C’est bien ici, la coccinelle ? interrogea l’Humain.
Le DRD fit un créneau afin de lui faire face, et effectua une série de va-et-vient en gazouillant.
- Merci bien.
Avec un peu de pratique, il était tout à fait possible d’apprendre à interpréter les baragouinages électroniques des petites unités de réparation Léviathanes. John commençait à devenir vraiment doué à ce petit jeu. Dans les premiers temps, cependant, il avait parfois eut quelques difficultés à différencier le « C’est bien, continue comme ça » du « Danger de mort, très haut voltage ! ».
La vie sur Moya était toujours pleine de divertissement.
Ce sas était atypique. Moins mécanique que ceux qu’il avait rencontré jusqu’ici, il affectait davantage l’apparence d’un sphincter munit d’une sorte de double paroi de contention. Cela ne lui plaisait guère… Les salles que Pilote l’avait envoyé inspecter étaient pour la plupart des zones hautement protégées en raison de leur propension à chauffer ou irradier excessivement. Prenant son courage à une main (l’autre étant occupée par son pistolet à impulsion, qu’il leva prudemment), l’astronaute pressa sa paume contre l’étrange lecteur aux allures de coquillage fixé à hauteur Sébacéenne. Sous la membrane laiteuse brasilla un bref éclair de lumière, et la porte s’ouvrit avec un triste soupir collant, révélant une longue salle obscure. S’y succédaient trois bassins au design d’huîtres, emplis d’un liquide bleu luisant fortement. Le plafond, inhabituel, était constitué d’un entremêlement de câbles – correction, boyaux – ponctués de déformations en sphères, dont l’enveloppe transparente découpée géométriquement laissait apercevoir des éclairs dansant. John balaya rapidement les contours de la pièce de sa lampe torche, dévoilant des parois lisses et nues. L’astronaute toucha son communicateur.
- Allô la compagnie, je suis dans la dernière salle que nous a indiqué Pilote, et elle est aussi vide que les précédentes. On dirait bien que ce vaisseau est totalement désert, à moins que tous les Pacificateurs ne se soient réfugiés dans le gouffre de combustion. Je vais aller voir s’il reste au moins un Pilote.
Il attendit la réponse quelques instants, détaillant pendant ce temps les phosphorescences bleutées parcourant les tubes qui s’emmêlaient au plafond.
- Aeerh, okay, gémit étrangement Chiana. On continue à… fouiller.
Crichton haussa un sourcil, réfléchit une poignée de secondes et parla à nouveau.
- Est-ce que la boule de poil est en train de te mordre ? interrogeât-il avec perspicacité.
- Heu. Ouais…
John étouffa un rire infantile et revint sur sa route en secouant la tête, baigné dans l’écho de ses propres pas, et les deux yeux de son DRD le suivirent dans le tapis de brouillard.

Dans le grand hangar sombre, une Nébari se tenait perchée au sommet d’une caisse de métal, dans une position qui tenait autant du ouistiti agile que de la pose aguicheuse d’une playmate. Le tissu aux airs de cuir noir se tendait de manière à peine supportable sur les parties charnues de la jolie alien, qui, pour l’heure, vomissait un torrent d’injures à faire brûnir un Luxan.
- Rygel, frelling trenolq de sedur prac ! hurlait-elle en se débattant, ses courts cheveux blancs s’agitant autour de sa tête. Tu vas me lâcher, grétine frajiqu !
Lorsque la jeune femme laissait libre cours à sa fureur, les germes traducteurs avaient parfois quelques difficultés à suivre son vocabulaire coloré – à moins que les microbes n’éprouvent quelques scrupules et ne se mettent en grève. Il n’était cependant guère difficile de saisir la teneur de son rugissement.
- Tu… me… lâches ! répéta-t-elle en ponctuant chaque mot d’une coup de point sur le crâne du batracien.
Celui-ci finit par desserrer les mâchoires, libérant l’avant-bras de sa complice. Il alla voleter un peu plus loin, grognant et plissant les yeux, les suspenseurs de son trône s’évertuant à stabiliser sa position.
- Je t’ai vu ! grondât-il, pointant sur la Nébari un index boudiné – de moins fallait-il assumer qu’il s’agissait d’un index, chose délicate compte tenu du nombre atypique de doigts dont disposaient les Hynériens. Je t’ai vu le fourrer dans ton corset, fichue dren !
- Tiens, reprends-le, ton frelling cristal ! cracha-t-elle en fourrant la main dans son décolleté pour en tirer un objet brillant, qu’elle lança à travers la salle d’un mouvement ample.
Il s’agissait d’une fine plaque de verre en forme de virgule, veinée d’ambre et d’argent. Sa surface, manufacturée, était constellée de puces électroniques. Le composant informatique aurait probablement éborgné Rygel le XVIème si ce dernier ne s’était pas promptement jeté en arrière dans son fauteuil, pivotant à 360° avant de reprendre sa position initiale ; au lieu de cela, il alla se fracasser contre le mur gangrené du dépôt, explosant en milliers de fragments dans un éclair rose et un vif grésillement tronqué.
- Tu es complètement farbot, espèce de tralk ! beuglât-il. Est-ce que tu sais combien ces frolt peuvent valoir ?
- Ouaaais, je sais ! siffla Chiana sur un ton où la provocation le disputait à l’agressivité. Et si tu veux pas que je balance ces trucs par un sas, tu ferais mieux de ne plus me bouffer le bras !
La jeune femme lécha le sang bleu et la salive brunâtre qui maculaient sa main, créant des nuances particulières.
- Il y a largement assez ici pour qu’on se fasse tous les deux des mivonks en or, grogna la Nébari, foudroyant le crapaud volant aux yeux de reptile de son regard noir. Si on perd pas de temps à se gueuler dessus et à… et à mordre – elle leva son poignet marqué de croissants bleus, fulminante – on aura peut-être le temps de mettre de côté un joli bonus pour nos poires. Alors est-ce que tu tiens absolument à chicaner sur chaque cristal que je mettrai de côté ?
Chiana avait une manière de s’exprimer bien particulière, mélange constant de dédain et de défi enveloppée d’une vulgarité appuyée et d’une bonne dose d’agressivité mâtinée de séduction provocante. Sa voix était traînante et souvent à moitié étouffée, murmurante, comme si elle proférait une menace. Parfois, lorsqu’elle était de bonne humeur, son timbre se distendait, prenait des inflexions de junkie sous influence.
- C’est une question de franchise ! s’exclama le souverain en s’enfonçant dans son siège, boule de graisse enveloppée de tissu bouffant.
- Ah, ouais ? Et les trois que tu as avalé tout à l’heure ?
- Je ne vois pas de quoi tu parles, bougonna l’Hynérien, soudain moins véhément.
La jeune femme en monochrome soupira sèchement. Elle se pencha à nouveau dans la caisse, ne laissant dépasser que la partie inférieure de son corps, et des tintements de verre se firent entendre.
- Je crois qu’on va pouvoir en piquer six par palette sans que ça se remarque. Avec dix chargements, ça va faire un joli pactole…
Sa voix était étouffée par l’épaisseur de métal. La pile de caisse sur laquelle elle s’était perchée oscillait dangereusement. D’autres s’en seraient inquiétés, mais pas Chiana. Pourtant, elle se trouvait à plus de quatre mètres d’un sol dissimulé sous une couche de nuages, qui, s’ils semblaient confortables, n’adouciraient sûrement pas sa chute.
- Le premier qui trouve à les refourguer gagne 10% du total de ce qu’on aura mit de côté. Ça te va ?
L’entrepôt s’étendait sur une bonne centaine de mètres. Outre les cristaux, il contenait une bonne dizaine de tonnes de vivres, certainement irradiés ou avariés, et diverses fournitures sensées assurer le confort d’un équipage de Pacificateurs, depuis les cachets d’aspirines jusqu’aux gobelets en plastique, en passant par une belle quantité de munitions.
- ‘Faudra voir à s’occuper du manifeste d’inventaire, fit la voix étouffée de Chiana. Je tiens pas à ce que D’Argo apprenne qu’il manque une soixantaine de cristaux Tolka sur le chargement initial.
Sa caisse pencha dangereusement, la pyramide instable grinçant sous son poids. Loin de s’en inquiéter, la Nébari s’activa de plus belle. Dans le fond du hangar, une onde verte parcourut les luminaires qui brillaient faiblement de rouge.
- Frell… marmonna la jeune femme, la bouche pleine. Fes krucs me gliffent enkre les goigts…
- Chiana ? couina Rygel, soudain presque timide.
C’était un ton de voix que les passagers de Moya avaient appris à identifier et redouter, à cataloguer comme synonyme d’une catastrophe imminente. En effet, il existait peu de choses qui soient capables de faire perdre au souverain déchu son arrogance vicelarde ; et ces dernières l’étaient car susceptibles pour la plupart d’accrocher sa tête au bout d’une pique.
Aussi la Nébari sentit-elle une certaine tension se répandre dans ses muscles dorsaux lorsque ce timbre désagréable résonna contre la caisse métallique dans laquelle elle s’était immergée.
Se laissant glisser en arrière, elle balaya rapidement les alentours du regard, un cristal entre les dents, avant de baisser les yeux sur la bestiole recroquevillée dans son trône.
- Quoi ? lança-t-elle avec méfiance, remuant au sommet de sa caisse d’un air hésitant.
Rygel fixait quelque chose au sol, s’acharnant sur les commandes de son trône pour lui faire prendre de l’altitude. De plus en plus pessimiste, Chiana s’avança au bord de l’échafaudage et se pencha dangereusement. Son visage gris pâli encore un peu plus.
La brume laiteuse qui dansait lentement autour de leurs genoux, cette mer intangible qui semblait tapisser tout le vaisseau, avait nettement baissé de niveau depuis leur arrivée. Les volutes semblaient s’écouler ailleurs, comme s’ils se rendaient quelque part, à un rendez-vous fixé par la pression atmosphérique ; et cette lente débâcle révélait, comme un drap que l’on tire pour révéler une mauvaise plaisanterie, un cadavre recroquevillé.
- Oh, frell… grogna la jeune Nébari d’une voix incertaine.


Zhaan marchait désormais avec vigueur, les jambes raides et le visage figé, fiévreux. Elle s’empressait le long des couloirs en effondrement, soulevant des panaches de brume, les doigts de sa main gauche ne quittant plus le mur, récoltant pus, lambeaux d’épiderme et mucus. Elle semblait ne plus prêter qu’une attention limitée à son environnement inhospitalier, toute entière aspirée dans un univers de perception guère plus accueillant. Son expression était douloureuse, pleine d’appréhension… et pourtant elle continuait, progressant plus vite que le sol invisible et accidenté ne le recommandait, ses jambes parfois agitées d’un soubresaut indiquant qu’elle se retenait de courir franchement. Une sorte de désespoir affleurait dans ses yeux humides, quelque chose de malsain, d’insupportable. Chaque pas qu’elle faisait en avant lui en coûtait manifestement ; comme si elle s’approchait d’une fournaise, s’obstinait dans un blizzard mordant. Sa hâte était celle d’un être impatient de mettre fin à son supplice, qui s’enfonce promptement dans un endroit nauséabond pour pouvoir en repartir le plus tôt possible.
Ici, cependant, nul n’aurait su distinguer la pestilence dont la pa’u désirait si ardemment se défaire.
La jeune femme pervenche s’immobilisa soudain devant une haute porte pivotante. Elle pianota vivement sur le petit cadran attenant. Sa main nerveuse tremblait légèrement.
La paroi ovale s’anima avec difficulté, son mouvement entravé par les chairs gonflées. Un véritable mur de brouillard déferla sur elle, charriant un concert de sons ténus et discordants qui l’étourdirent, lui firent esquisser un pas en arrière. Ses yeux bleus d’ordinaire paisibles s’écarquillèrent, emplis d’un mélange d’émotions d’où l’on distinguait épouvante, fascination, chagrin, panique.
- Oh, frell, murmura Zhaan avec une extrême douceur.


Le module de Moya effectua une manœuvre brutale et peu maîtrisée. Durant une fraction de seconde, la vitre de son cockpit refléta un éclair de lumière, le rayonnement du pulsar.
A son bord, Ka D’Argo renversa la tasse de Keehak bouillant qu’il venait de se servir sur les appendices pourpres qui prolongeaient son menton. Lâchant une bordée de jurons, le Luxan se saisit vivement de ces extrémités et souffla dessus avec vigueur pour en apaiser la brûlure. Comme cette technique n’était que modérément efficace, il remplit vivement une autre tasse d’eau fraîche et la plaça sous son visage. Il soupira de soulagement, et sa bouche s’arrondit tandis que ses yeux se révulsaient à demi, dessinant sur son visage cette expression de félicité Luxane que seule les femelles avaient d’ordinaire l’occasion d’admirer.
Le grand alien musculeux gagna rapidement le poste de pilotage devant lequel s’activait l’officier Sun.
- Esmana… commençât-il avec mauvaise humeur.
- On a une transmission, l’interrompit Aeryn sans rompre sa concentration.
D’Argo grimaça, ses dents dévoilées par un rictus.
- Des Pacificateurs ?
- Je ne crois pas. C’est leur fréquence, mais ça ne correspond pas à une flotte en approche.
Un signal sonore d’une alarmante vigueur retentit trois fois, attirant l’attention des deux compagnons. L’officier Sun manipula vivement les commandes du module, les touches bipant brièvement. L’attention des deux passagers se fixa sur une phrase mystérieuse qui pulsait de jaune sur l’écran.
- Oh, frell ! laissèrent-ils tomber avec un bel ensemble.


La porte circulaire bascula à la manière d’un passage secret de film de seconde zone, brassant un peu de brume grise. Crichton lui tournait le dos, vérifiant les alentours. Il pivota en même temps que le battant, relevant légèrement le pistolet à impulsion dans la manœuvre. Plissant les yeux, l’astronaute s’évertua à distinguer ce que l’obscurité et les nuages omniprésents tentaient de lui dissimuler.
- Ohé les gars, c’est ici pour la fête ? Je viens de la part d’Andy !
Sa voix résonna par-delà les limbes qui l’encerclaient, se perdant dans les invisibles profondeurs de l’abîme de combustion. Divers clapotements et sifflements se faisaient entendre, provenant de conduites usées ou percées.
- On demande un Pilote à l’accueil, clama John, s’avançant lentement dans la pièce immense.
Malgré son apparente légèreté, l’Humain ne relâchait pas sa vigilance, son index ne quittant pas la gâchette de son arme. Il s’engagea sur l’une des passerelles qui enjambaient le gouffre, sondant du regard le vide qu’il savait tout proche. Du plafond tombait la même lumière rouge que partout ailleurs dans l’appareil.
Une imposante silhouette en mouvement apparut soudain l’espace d’un instant, entre deux rideaux de brouillard qui s’étaient écartés. John se redressa, ses yeux bleus scrutant avec attention le phénomène déjà disparu.
- Pilote ? appela Crichton, qui n’arrivait pas à se départir d’un sentiment d’étrangeté en s’adressant de la sorte à un autre que Pilote.
Il parcourut les derniers mètres avec encore plus de prudence, jusqu’à ce que la forme réapparaisse et se précise. Il reconnut la carapace brune segmentée, qui s’élargissait à son extrémité en un large casque plat ; il reconnu la grande figure à la configuration si particulière, les larges épaules d’insecte, le cou en accordéon. C’était un Pilote. Et cependant… Cependant, quelque chose n’allait pas. Quelque chose était différent.
Finalement, l’Humain fut assez proche pour distinguer les yeux violets de l’alien qui l’observaient avec inquiétude.
Crichton entrouvrit la bouche, frappé d’effroi. Lentement, le canon de Winona s’abaissa, se pointa sur le sol. L’Humain vacilla, reprit son équilibre, éberlué et manifestement secoué.
- Oh, frell, marmonna l’astronaute d’une voix où perçait comme une certaine contrariété.


Dans un lieu singulièrement similaire et pourtant méconnaissable, Pilote remplissait son office, ses quatre bras se mouvant incessamment, procédant à d’infimes ajustements. Dans son esprit défilaient sans discontinuer les données captées par les sens de Moya, les rapports des DRD et des systèmes les moins intuitifs, et mille autres informations insaisissables.
On enseignait aux Pilotes qu’aucune situation ne devait jamais les détourner de leur tâche. Un Léviathan avait besoin que ses niveaux de Drexim soient régulés, qu’il paresse dans l’orbite d’une lune où subisse le feu d’un ennemi. Le tempérament des siens s’accordait très bien avec cette obligation, car ils étaient naturellement pondérés et consciencieux.
Il était cependant des nouvelles si mauvaises qu’elles s’avéraient capables de briser ce professionnalisme. C’est ce qui se produisit lorsque les quatre membres de Pilote se figèrent soudain en plein mouvement. Les longs bras achevés pas des pinces s’immobilisèrent totalement, durant quatre microts entière, avant de ne reprendre leur action avec une nervosité palpable. Le crustacé amphibien vérifia avec fébrilité mais attention l’information qui venait de traverser en un éclair son formidable cerveau.
C’était une catastrophe.
- Oh, saperlipopette, lâcha Pilote sous le coup de l’émotion.





« 16 décembre 1999

Nommé une nouvelle étoile aujourd’hui. Julie, pour ma petite amie de la fac (références ci à-côté, calculées d’après Aeryn). Je me souviens qu’elle adorait les labyrinthes… Personnellement, je n’ai jamais été fan, et encore moins depuis que nous sommes perdus dans ces fichus territoires libres ou personne ne semble connaître la route vers Delvia, et encore moins pour la Terre.
Je ne suis pas impatient de passer les fêtes dans ce coin de l’espace ou je n’ai pas encore aperçu un seul truc qui ressemble à un sapin – je ne compte pas le machin bleu qui a essayé de me bouffer la semaine dernière, j’ai peur que sa mentalité n’aille un peu à l’encontre de l’esprit de Noël. Zhaan a semblé apprécier sa conversation, remarquez. La couleur, sans doute. Je pourrais essayer d’expliquer le principe des guirlandes et des boules à D’Argo, mais je crois qu’il a déjà une suffisamment piètre estime de l’espèce Humaine.
Vous me manquez tous.
That’s all Folk’s… »

Extrait du journal de bord de John Crichton


Dernière édition par Skay-39 le Lun 14 Fév 2011 - 15:35, édité 11 fois
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyDim 9 Aoû 2009 - 10:19

Je crois que Mat sera d'accord avec moi à ce propos : tu es fait pour écrire des fics Farscape, Skay !
La dérision mêlée au sérieux, les descriptions originales et détachées de toute convention ou de tout acquis humain, des situations foireuses quotidiennes (les messages des DRD que John avait du mal à comprendre au début : XD. "Oh, saperlipopette" : et pourquoi pas Ralgamaziel, tant qu'on y est ?).

Tu ne t'attardes pas sur une sempiternelle scène d'action puisque, comme le suggère le carnet de bord de Crichton, c'est un élément trop banal de leur quotidien pour s'y intéresser. Choix que certains (a.k.a. les Shep12) déploreront, mais qui est totalement acceptable pour cette série.

Congrats !


EDIT : Bon, je crois que j'avais vraiment besoin de vacances, moi. Je n'ai pas fait attention au gros truc marqué "Chapitre I", résultat, j'ai cru que c'était tout.
C'est de ta faute, Skay, faut pas faire des textes aussi prenants et bien écrits !
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyDim 16 Aoû 2009 - 13:59

Comment ça comme dirait Mat!? Et moi alors, je compte pour du beurre? Nan mais sans blague peuh

Enfin, cette remarque mis à part... C'est excellent Skay. Nous n'avions pas de fiction Farscape, mais celle que tu nous ponds est grandiose! Tu retranscris d'une part fidèlement le caractère de chacun des protagonistes et tu glisses autant si pas plus d'humour que les scénaristes l'ont fait. Et tu uses sciemment de chaque mot made in Farscape, qui ajoute la saveur qu'on adore en regardant un épisode des aventures de Crichton. Tiens, en parlant de notre astronaute fétiche, il semblerait qu'il vient de se mettre dans un nouveau pétrin. Bon, Moya l'aura bien aidé quand même, mais quand on s'appelle John Crichton, on ne s'attire pas les catastrophes, on les débusque à coup de pistolets à impulsions!

Des références sont habilement glissées et le comportement de Chiana est particulièrement bien retranscrit. C'est étrange, je n'ai aucun mal en lisant les passages qui lui sont dédiés à imaginer les scènes. A croire que tu aurais fourni un effort supplémentaire pour la jeune Nébari. Serait-ce parce que sur ce forum, nul n'ignore les fantasmes qu'elle a engendré dans ton cerveau de Farscape addict?

Plus sérieusement, chaque description n'entrave pas la lecture mais nous plonge davantage dans l'ambiance so Farscape dont je raffole. Ton style que j'avais l'habitude de lire et apprécier dans Stargate est superbe ici aussi.

Tout ça pour te dire que maintenant, je n'attends plus la suite de Cheval de Troie, de Fragments ou de Stargate Chronicles seulement. Un nouveau récit s'est attiré mes faveurs. Bravo Skay!


Au fait, mention spécial au "Frell" que chaque protagoniste prononce, et surtout au saperlipopette que lance Pilote. Extra! clap!
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyLun 17 Aoû 2009 - 22:06

Oh, frell!

Citation :
Je crois que Mat sera d'accord avec moi à ce propos : tu es fait pour écrire des fics Farscape, Skay !
Et pendant des années, chaque fois que je le lui disais, il me riait au nez et se roulait tout nu par terre en hurlant "Stargate, Stargate!". Quel gâchis... peuh (pareil pour Firefly d'ailleurs)

ça fait plaisir de pouvoir enfin te lire sans me sentir déprimé par le contact avec l'univers choisi... ça faisait bien longtemps. Ce texte est effectivement excellent, et à la lecture, il apparaît évident que Farscape a été faite pour toi. Tu as su saisir l'essence des multiples personnages avec une finesse remarquable, et tu rends tout à fait honneur -d'une manière que l'on devine relativement naturelle- au Burtonisme ambiant de l'univers Farscape. L'averse continuelle de vannes "in" ou "off" et d'anecdotes à la sauce R. O'Bannon te rend digne de véritables novélisations Farscape.

Je n'étais guère d'accord avec toi sur ce point autrefois, mais après avoir lu tes différentes retranscriptions des personnages, je te rejoins sur le fait que Zhaan (zotah et non zotoh, il me semble) est peut-être bien, finalement, l'un des personnages les moins enthousiasmants du casting.

J'ai en revanche été surpris par ton D'Argo, que j'ai trouvé, tout en sachant que tu n'es guère frappé du personnage, extrêmement réussi, toujours frais voire comique, mais tout en restant... lui.
Double surprise, j'en suis même arrivé à trouver que Aeryn, son partenaire dans le duo, et que tu préfères au Luxan, il me semble, était un peu transparente ici, et finissait par servir de faire-valoir à D'Argo; ce à quoi j'étais loin de m'attendre. (je me serais attendu à ce que D'Argo soit faire-valoir d'Aeryn)

De même, sauf que cette fois je m'y attendais, ta Chianna domine largement son tandem avec Rygel, le côté muppet dégueu de ce dernier ayant pour principal effet de mettre en valeur le charisme supérieur de la jeune cambrioleuse. Cette fois, ton affection fascinée pour la belle transparaît clairement.

Même si curieusement, elle m'a moins marqué, il y a beaucoup de poésie et de bonnes idées dans ta façon de traiter le couple Moya/Pilote.
En gros, sur la troisième marche du podium, ton D'Argo, sur la seconde, Chianna, et tout en haut, mention spéciale à ton Crichton. Même si je me demande, étant donné la localisation chronologique de Walls, si l'aisance que tu donnes au personnage ne survient pas un peu trop tôt après la clôture de sa phase "ciré jaune d'astronaute inutile", tu as capté avec une dextérité maximale l'essence de ce Crichton délicieux, perpétuellement amusé et résigné face à sa mauvaise fortune, oscillant entre lumière et bas-fonds, perdu quelque part entre Han Solo, Jack O'Neill, Jack Sparrow, 007 et Indiana Jones. (pour ne citer qu'eux!)

Je vois, à la mention des fantômes traumatisés que tu confrontes à demi mot à Zhaan, que tu as su te faire à la nature particulière de l'univers Science-Fiction/Fantastique/Merveilleux de Farscape, et je devine que c'est une évolution importante dans ta manière de faire, et de concevoir la fiction.

Côté scénario, je ne ne t'ai pas caché ma préférence naturelle, dans Farscape, pour les histoires de cow-boys sidéraux décollant en vaisseau-poubelle au milieu d'un bar multiracial, sous les tirs laser d'une escadre de stormtroopersPeacekeepers, au détriment des histoires internes à une Moya seule dans l'espace noir et mort. Et sachant que c'est bien là (les cavalades futuristes à la "Ce lien qui nous unit") ce que tu aimes le moins dans cette prestigieuse série, je craignais une éventuelle dissonance frustrante entre mes attentes et le plat du jour. Ma première réaction, quand tu m'as planté le décor, a été, tu t'en souviens certainement, "ils vont encore passer 700 pages dans un petit vaisseau à chercher des bidules qui flottent dans l'espace au milieu de nulle part?"

Mais point du tout de déception, car même si à l'heure actuelle je ne peux guère en dire plus à propos de ton scénario que mes braves co-scapers ci-dessus, je dois bien admettre que j'ai accroché au texte, et au fichu suspens que tu y attise. Frell quoi, à la fin? (sache qu'il est interdit, sur SFFS, de parodier Alien à la sauce Moya. Je viens tout juste de faire passer la loi)

Tu maîtrises parfaitement, comme à ton habitude, un vocabulaire riche transcendé par une syntaxe d'élite, pour un texte globalement irréprochable sur le plan technique, indépendamment du fond. Mais plus qu'une efficace machine à lettre, tu laisses aussi une place importante à ton style habituel, presque ta signature. Le genre qu'on lit en se concentrant et sans parler sur MSN en même temps, sous peine de relire 16 fois la même ligne sans s'en rendre compte.
Je te conseillerais simplement de mieux te relire, afin de couper à quelques petites coquilles dans le genre d'un "en" en trop, par exemple.


...
...
...
"à quand la suite?"

Je vais avoir du pain sur la planche pour ne pas passer pour le dernier des fanfiqueurs SGF avec mon Kaliam.

Citation :
EDIT : Bon, je crois que j'avais vraiment besoin de vacances, moi. Je n'ai pas fait attention au gros truc marqué "Chapitre I", résultat, j'ai cru que c'était tout.
L'absence totale d'une structure scénaristique avec un début, un milieu et une fin, tous ces trucs comme la situation initiale, l'élément perturbateur, les péripéties... jusqu'à la résolution et la situation finale, ne t'a pas posé de problème? :tealc:

Citation :
Comment ça comme dirait Mat!? Et moi alors, je compte pour du beurre? Nan mais sans blague
Les mecs! Voilà un nouveau membre! cheers

Citation :
Serait-ce parce que sur ce forum, nul n'ignore les fantasmes qu'elle a engendré dans ton cerveau de Farscape addict?
J'aurais jamais dû lui filer les photos de charme de l'actrice peuh

Citation :
Tout ça pour te dire que maintenant, je n'attends plus la suite de Cheval de Troie, de Fragments ou de Stargate Chronicles seulement.
Moi, je n'attends plus la suite de Cheval de Troie, de Fragments ou de Stargate Chronicles cheers
C'était peut-être la vanne de trop, ça...


Dernière édition par Mat Vador le Dim 21 Mar 2010 - 17:14, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyLun 17 Aoû 2009 - 22:36

Je tiendrais à signaler à l'honorable Mat que "Prout, d'abord ! Le mélange Farscape plus Skay a des effets bizarres qui me font même apprécier un fragment :-D de sa fic comme texte indépendant (oui, je plaide coupable d'avoir lu il y a six mois la fic de shep12.....ça excuse ?)".

Bon, sur ce, je vais commenter sur cet évènement majeur qu'est un comm' de Mat sur une fic du forum :
Heureux de voir que tu reprends la lecture, très cher, et effectivement, tu ne t'es pas trompé lorsque tu as suggéré au triste sire à Skay-39 de se mettre à du Farscape.

Citation :
Moi, je n'attends plus la suite de Cheval de Troie, de Fragments ou de Stargate Chronicles cheers
C'était peut-être la vanne de trop, ça...

Mat, ou l'art de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas (à savoir, que Skay est l'un des pros francophones de la fic-SNCF* : "Ding-Dong, le chapitre TER (Très Efficacement Rédigé) subit actuellement un retard de quatre-cent-vingt-huit-virgule-douze-années, très exactement. Veuillez nous excuser de la gène occasionnée et passez un agréable éon. Merci."


Mais, sans vouloir te titiller, je tiens à te rappeler que ces fics sont de qualité similaire et, à elles-seules, réhaussent l'univers SG. Autant dire qu'un comm' de ta part dans l'une des fics SG en cours serait sans aucun doute lu et analysé en détail pour en tirer la substantifique moëlle de l'auteur de Kaliam, texte à des années-lumières devant tout le reste sur SGF.

* : Copyright Angie Shinmore, ma redoutable et redoutée patronne devant qui tous s'inclinent ou périssent dans d'atroces souffrances.
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyLun 17 Aoû 2009 - 22:59

Citation :
texte indépendant
'Vois pas le rapport avec l'absence de sens dans un scénario mrgreen

Citation :
Mat, ou l'art de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas (à savoir, que Skay est l'un des pros francophones de la fic-SNCF* : "Ding-Dong, le chapitre TER (Très Efficacement Rédigé) subit actuellement un retard de quatre-cent-vingt-huit-virgule-douze-années, très exactement. Veuillez nous excuser de la gène occasionnée et passez un agréable éon. Merci."
Je confesse que ce n'était pas le sens donné à ma plaisanterie... c'était pire niark
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMar 18 Aoû 2009 - 0:06

Merci à vous tous pour vos commentaires, encourageants et agréables à lire s'il en est... Mat, waoh ! ^^ Sacré review... Je suis ravi de voir a quel point cette histoire semble vous plaire. ^^ Pour ma part, j'ai pris autant de plaisir à l'écrire qu'avec du SG, même si mon engouement est d'une nature différente.


Rufus Shinra a écrit:
EDIT : Bon, je crois que j'avais vraiment besoin de vacances, moi. Je n'ai pas fait attention au gros truc marqué "Chapitre I", résultat, j'ai cru que c'était tout.
C'est de ta faute, Skay, faut pas faire des textes aussi prenants et bien écrits !
Aujourd'hui encore, avec la meilleure volonté du monde, je n'arrive pas à comprendre comment tu as pu prendre ça pour une fic complète. XD Mais ça n'a aucun sens, bon sang ! bounce

Webkev a écrit:
le comportement de Chiana est particulièrement bien retranscrit. C'est étrange, je n'ai aucun mal en lisant les passages qui lui sont dédiés à imaginer les scènes. A croire que tu aurais fourni un effort supplémentaire pour la jeune Nébari. Serait-ce parce que sur ce forum, nul n'ignore les fantasmes qu'elle a engendré dans ton cerveau de Farscape addict?
Si vraiment Chiana est plus tangible que les autres, alors ce serait plutôt un symptôme de mon engouement pour le personnage, qui titille mon inspiration. ^^ Car en vérité, les passages le concernant ont plutôt été plus faciles à rédiger que les autres...

Mat Vador a écrit:
Citation :
Je crois que Mat sera d'accord avec moi à ce propos : tu es fait pour écrire des fics Farscape, Skay !
Et pendant des années, chaque fois que je le lui disais, il me riait au nez et se roulait tout nu par terre en hurlant "Stargate, Stargate!". Quel gâchis... peuh (pareil pour Firefly d'ailleurs)
Hey, tu fais pareil lorsque je te suggère de jeter un œil à Chronicles...
Et pour info, j'étais en short !

Mat Vador a écrit:
ça fait plaisir de pouvoir enfin te lire sans me sentir déprimé par le contact avec l'univers choisi... ça faisait bien longtemps.
Ah, ça oui, bien longtemps !

Mat Vador a écrit:
Je n'étais guère d'accord avec toi sur ce point autrefois, mais après avoir lu tes différentes retranscriptions des personnages, je te rejoins sur le fait que Zhaan (zotah et non zotoh, il me semble) est peut-être bien, finalement, l'un des personnages les moins enthousiasmants du casting.
Pour pallier à ce manque d'épaisseur que je lui trouve, je compte insister sur l'aspect mystique de ses dons.

Mat Vador a écrit:
J'ai en revanche été surpris par ton D'Argo, que j'ai trouvé, tout en sachant que tu n'es guère frappé du personnage, extrêmement réussi, toujours frais voire comique, mais tout en restant... lui.
Ma foi, c'est une agréable surprise, car en vérité je n'étais vraiment pas convaincu de l'intérêt de ce passage. Si j'ai pu rendre D'Argo intéressant, tant mieux. ^^

Mat Vador a écrit:
Double surprise, j'en suis même arrivé à trouver que Aeryn, son partenaire dans le duo, et que tu préfères au Luxan, il me semble, était un peu transparente ici, et finissait par servir de faire-valoir à D'Argo; ce à quoi j'étais loin de m'attendre. (je me serais attendu à ce que D'Argo soit faire-valoir d'Aeryn)
Mon soucis avec Aeryn et le même qu'avec Daniel : ce sont deux personnages complexes, difficiles à cerner de par la véhémence de leurs réactions dans certaines situations opposées à leur calme souverain dans d'autres. J'espère réussir à la maintenir au premier plan...

Mat Vador a écrit:
Même si curieusement, elle m'a moins marqué, il y a beaucoup de poésie et de bonnes idées dans ta façon de traiter le couple Moya/Pilote.
C'est une relation dont j'ai toujours regretté qu'elle ne soit pas plus largement abordée dans la série...

Mat Vador a écrit:
Même si je me demande, étant donné la localisation chronologique de Walls, si l'aisance que tu donnes au personnage ne survient pas un peu trop tôt après la clôture de sa phase "ciré jaune d'astronaute inutile", tu as capté avec une dextérité maximale l'essence de ce Crichton délicieux, perpétuellement amusé et résigné face à sa mauvaise fortune, oscillant entre lumière et bas-fonds, perdu quelque part entre Han Solo, Jack O'Neill et Indiana Jones. (pour ne citer qu'eux!)
Tu as capté que j'avais décalé l'épisode jusqu'après Clockwork Nébari ? A ce moment, Crichton avait déjà par mal gagné en assurance et en blaster attitude...

Mat Vador a écrit:
Je vois, à la mention des fantômes traumatisés que tu confrontes à demi mot à Zhaan, que tu as su te faire à la nature particulière de l'univers Science-Fiction/Fantastique/Merveilleux de Farscape, et je devine que c'est une évolution importante dans ta manière de faire, et de concevoir la fiction.
A vrai dire, je suis moi-même interdit de voir la manière dont Farscaoe a su faire voler en éclat mes réserves sur le sujet. Je crains cependant que cela ne soit essentiellement lié à l'esprit totalement déjanté de la série, ou il serait presque sacrilège de ne pas trouver un exemplaire de tous ce que l'on peut imaginer de plus délirant.

Mat Vador a écrit:
Côté scénario, je ne ne t'ai pas caché ma préférence naturelle, dans Farscape, pour les histoires de cow-boys sidéraux décollant en vaisseau-poubelle au milieu d'un bar multiracial, sous les tirs laser d'une escadre de stormtroopersPeacekeepers, au détriment des histoires internes à une Moya seule dans l'espace noir et mort.
Tu auras ici les quatre cinquièmes de tes espérances. ^^

Mat Vador a écrit:
Et sachant que c'est bien là (les cavalades futuristes à la "Ce lien qui nous unit") ce que tu aimes le moins dans cette prestigieuse série, je craignais une éventuelle dissonance frustrante entre mes attentes et le plat du jour. Ma première réaction, quand tu m'as planté le décor, a été, tu t'en souviens certainement, "ils vont encore passer 700 pages dans un petit vaisseau à chercher des bidules qui flottent dans l'espace au milieu de nulle part?"
...Je me souviens. faich'

Mat Vador a écrit:
Mais point du tout de déception, car même si à l'heure actuelle je ne peux guère en dire plus à propos de ton scénario que mes braves co-scapers ci-dessus, je dois bien admettre que j'ai accroché au texte, et au fichu suspens que tu y attise. Frell quoi, à la fin? (sache qu'il est interdit, sur SFFS, de parodier Alien à la sauce Moya. Je viens tout juste de faire passer la loi)
Désolé, mais cette loi n'est pas retroactive. mrgreen

Mat Vador a écrit:
Je te conseillerais simplement de mieux te relire, afin de couper à quelques petites coquilles dans le genre d'un "en" en trop, par exemple.
...Je suppose que tu n'as pas noté où se trouve cette erreur ?

Mat Vador a écrit:
Je vais avoir du pain sur la planche pour ne pas passer pour le dernier des fanfiqueurs SGF avec mon Kaliam.
Y'a pas de honte à être un fan inconditionnel de Stargate, voyons. mrgreen

Mat Vador a écrit:
Citation :
EDIT : Bon, je crois que j'avais vraiment besoin de vacances, moi. Je n'ai pas fait attention au gros truc marqué "Chapitre I", résultat, j'ai cru que c'était tout.
L'absence totale d'une structure scénaristique avec un début, un milieu et une fin, tous ces trucs comme la situation initiale, l'élément perturbateur, les péripéties... jusqu'à la résolution et la situation finale, ne t'a pas posé de problème? :tealc:
clap! :tealc: (Mon dieu, ça m'a fait hurler de rire ça ^^)

Mat Vador a écrit:
Citation :
Comment ça comme dirait Mat!? Et moi alors, je compte pour du beurre? Nan mais sans blague
Les mecs! Voilà un nouveau membre! cheers
XD Et rebelote... Mais tu es de mauvaise foi. :p
Webkev est déjà là depuis plusieurs jours...

Mat Vador a écrit:
Citation :
Serait-ce parce que sur ce forum, nul n'ignore les fantasmes qu'elle a engendré dans ton cerveau de Farscape addict?
J'aurais jamais dû lui filer les photos de charme de l'actrice peuh
Statistiquement, il fallait bien que ça finisse par tomber sur une que j'apprécie particulièrement...

Mat Vador a écrit:
Citation :
Tout ça pour te dire que maintenant, je n'attends plus la suite de Cheval de Troie, de Fragments ou de Stargate Chronicles seulement.
Moi, je n'attends plus la suite de Cheval de Troie, de Fragments ou de Stargate Chronicles cheers
C'était peut-être la vanne de trop, ça...
... Evil or Very Mad

Rufus Shinra a écrit:
Mat, ou l'art de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas (à savoir, que Skay est l'un des pros francophones de la fic-SNCF* : "Ding-Dong, le chapitre TER (Très Efficacement Rédigé) subit actuellement un retard de quatre-cent-vingt-huit-virgule-douze-années, très exactement. Veuillez nous excuser de la gène occasionnée et passez un agréable éon. Merci."
Je parie que si on compte le nombre de caractères et le moment de début de rédaction, j'ai un rythme de publication... heu... disons, au moins équivalent au tiens.

Rufus Shinra a écrit:
l'auteur de Kaliam, texte à des années-lumières devant tout le reste sur SGF.
Hey !
Ne te fatigue pas, Rufus, Mat considère SG comme la maîtresse à qui il a tout donné, et qui, du jour au lendemain, s'est inscrite au FN et a commencé à porter des bottes et des cols en fourrure.


Dernière édition par Skay-39 le Mar 18 Aoû 2009 - 13:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMar 18 Aoû 2009 - 9:20

Mat Vador a écrit:

Je vais avoir du pain sur la planche pour ne pas passer pour le dernier des fanfiqueurs SGF avec mon Kaliam.
Mais non, mais non, je suis sur que Kaliam est une excellente fiction (je m'y mettrai dès que j'aurai fini de regarder la série Razz)

Mat Vador a écrit:
Citation :
EDIT : Bon, je crois que j'avais vraiment besoin de vacances, moi. Je n'ai pas fait attention au gros truc marqué "Chapitre I", résultat, j'ai cru que c'était tout.
L'absence totale d'une structure scénaristique avec un début, un milieu et une fin, tous ces trucs comme la situation initiale, l'élément perturbateur, les péripéties... jusqu'à la résolution et la situation finale, ne t'a pas posé de problème? :tealc:
Laughing

Mat Vador a écrit:
Citation :
Comment ça comme dirait Mat!? Et moi alors, je compte pour du beurre? Nan mais sans blague
Les mecs! Voilà un nouveau membre! cheers
peuh Saligaud!

Mat Vador a écrit:
Citation :
Serait-ce parce que sur ce forum, nul n'ignore les fantasmes qu'elle a engendré dans ton cerveau de Farscape addict?
J'aurais jamais dû lui filer les photos de charme de l'actrice peuh
XD. Je suis certain qu'il était déjà charmé par l'actrice avant de voir lesdites photos. Tu ne peux donc être accusé que d'avoir rajouté un peu d'huile sur le feu Razz


Skay-39 a écrit:
Mat Vador a écrit:
Citation :
Comment ça comme dirait Mat!? Et moi alors, je compte pour du beurre? Nan mais sans blague
Les mecs! Voilà un nouveau membre! cheers
XD Et rebelote... Mais tu es de mauvaise foi. :p
Webkev est déjà là depuis plusieurs jours...
Skay... Tu tiens vraiment à perdre un lecteur? Razz

Skay-39 a écrit:

Hey !
Ne te fatigue pas, Rufus, Mat considère SG comme la maîtresse à qui il a tout donné, et qui, du jour au lendemain, s'est inscrite au FN et a commencé à porter des bottes et des cols en fourrure.
Excellent Skay Razz clap!
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyLun 19 Oct 2009 - 1:00

Chapitre II
Oh, Frell

Un grondement bas, lent, familier. Une vibration de moteur, étouffée autant que monumentale, ronronnement de la montée en puissance, de la machine s’éveillant à la vie. Le long de la paroi corrodée, des lentilles colorées apparurent, éclosant à intervalles irréguliers. Des panaches de gaz explosaient sur les flancs, sifflaient dans l’espace avant de se couper brusquement, pour reprendre un peu plus loin. Les plaies ouvertes retrouvant de leur vigueur, le fluide vital en jaillit avec un empressement redoublé, entamant dans le vide une valse étrange et décomposée.
La première plainte douloureuse résonna sur les ondes.


Rien de tout cela n’échappa à Pilote. Ses détecteurs s’affolaient, ses sens étendus se focalisaient sur le moindre détail, fébriles. La tension de Moya était montée d’un cran, provoquant quelques irrégularités dans le système de distribution de l’énergie, emplissant ses conduits neuronaux de drexim. Son affolement se transmettait à Pilote, qui savait de moins en moins quoi faire de ses quatre bras, ses grands yeux bruns roulant dans leurs orbites.
« Calme-toi, Moya, je t’en prie ! » suppliât-il, tâchant frénétiquement d’aider sa grande amie en ce sens – autant se démener à accorder un piano en plein milieu d’un concerto.
« Il se réveille ! » gémissait le Léviathan, et sa voix immense, même dans ces circonstances, était un délice.
Aucun doute n’était permit. Les signaux, les échos radars, tout montrait que le Léviathan blessé s’extirpait lentement mais sûrement des limbes, renouant avec sa coque meurtrie.
« Pitié, Moya, éloigne-toi, plaida le jeune alien, caressant frénétiquement la console qui le reliait aux extrémités les plus éloignées de la géante. Il va revenir à la conscience plein de souffrances, et s’il te sens à ses côtés, il pourrait paniquer et s’en prendre à toi… »
« Besoin de moi » se lamenta la grande dame, et comme toujours, ses mots explosèrent, ricochant en une myriade de sons, souvenirs et musiques, autant de prismes qui lui renvoyaient des perceptions exotiques, à la fois simples et profondes. « Léviathans ! Je dois demeurer auprès de lui, je dois prendre de sa souffrance… »
« Non, Moya, non, non, non ! Plus tard, je t’en prie. Zhaan est à l’intérieur, je suis sûr qu’elle le soulagera de son mieux. Il est aveugle. S’il prend peur… S’il passe en combustion… La fenêtre pourrait te transpercer, Moya, te disloquer. »
Sa voix s’était faite suppliante. L’effroi de Moya changea de nature, s’orientant vers un autre sujet d’inquiétude, qui, s’il n’occultait pas sa préoccupation à l’égard du Léviathan naufragé, l’interpella suffisamment pour juguler sa frayeur.
« L’équipage » murmurât-elle.
« Tout se passera bien » mentit Pilote sans vergogne.
Détachant l’un de ses encéphales à une tâche subalterne, Pilote activa le communicateur de Moya et sélectionna l’une des fréquences à sa disposition.
- Commandant, le Léviathan blessé est en train de revenir à la conscience ! lançât-il sur les ondes d’un ton pressant.
Les propulseurs gravitationnels de Moya s’embrasèrent, et l’immense vaisseau entreprit de virer de bord en gémissant, s’éloignant de son compagnon d’infortune.


Crichton était estomaqué. Depuis qu’un vortex farceur l’avait vomi sans douceur dans cette galaxie de malheur, la stupeur était en quelque sorte devenue une bonne amie. Les choses tournent parfois ainsi, lorsque l’on passe beaucoup de temps ensemble, et, s’il n’en était pas encore à lui poser l’air de rien la main sur la cuisse, au moins avait-il apprit à l’accueillir convenablement, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Il en était en fait à un stade ou il n’arrivait plus à décider si sa dernière source d’ébahissement surpassait ou non en étrangeté la précédente.
En tout cas, en cet instant, il était prêt à classer ce qu’il avait sous les yeux dans le top dix.
L’imposant alien qui le dominait, noyé dans la brume, était bien un Pilote, assurément. On aurait pu le confondre avec Pilote, si ce n’était ses yeux mauves sombres, et son expression à la fois craintive et revêche. Et, peut-être, peut-être, les deux paires de bras supplémentaires qui émergeaient de sa poitrine.
Quatre bras surnuméraires, comme des appendices de homard recroquevillés. Quatre bras malhabiles, de moindres dimensions, émergeant d’épaules cassées, contournées, serrées sur le poitrail du grand crustacé amphibie. Leur carapace paraissait terne et molle, ses angles arrondis. Une gelée bleuâtre les engluait.
L’Humain se força à faire quelques pas mal assurés, tâchant de trouver une manière intelligente – ou au moins courtoise – d’aborder ce nouvel interlocuteur.
- Alors ça, c’est foutrement spécial.
Frell ! C’était raté.
Le Pilote ne se donna pas la peine de répondre, ce dont John n’aurait su lui tenir rigueur. Ses yeux ronds se plissèrent, comme s’il tâchait de découvrir dans cette réplique un message habilement dissimulé.
- Tu as… huit bras, tenta alors Crichton, qui se cru obligé de désigner vaguement les membres en question de son pistolet.
Son accent de discrétion suggérait que ce détail avait pu échapper à son interlocuteur.
- Oui, répondit le Pilote sans s’étendre, d’un ton qui laissait entendre que c’était un sujet qu’il préférait ne pas aborder.
Une conduite percée lâcha un panache de gaz avec un bruit incongru et retentissant, à la limite de la grossièreté.
- Vous êtes un Pacificateur, fit soudain le colosse, avec dans la voix autant de sympathie qu’un saumon s’adressant au pêcheur.
Son timbre était bas, profond et vibrant, avec des sonorités presque féminines. On y sentait une certaine raideur fermement implantée, un formalisme aussi agrippé qu’un lierre envahissant.
John fut heureux de voir la conversation s’orienter sur des rails plus familiers.
- Je n’ai pas ce déplaisir, assurât-il avec un flegme débonnaire.
Le brouillard les isolait totalement, dissimulant tout autour du poste de pilotage, qui semblait flotter dans le vide tel un îlot – n’étaient les quatre passerelles qui se noyaient dans les nuages. Seul autre repère tangible, le plafond sombre zébré de l’éclat dur des lampes rouges ; déplaisant ciel biomécanique, couvercle suspendu au-dessus de la prison brûmeuse dont le fait des hauts murs moutonnait avec lenteur. Le regard du Pilote descendit sur son pistolet à impulsion, puis s’intéressa à nouveau à son visage.
- Vous appartenez à leur empire, affirmât-il.
- Pour tout te dire, on les évite plutôt.
L’autre sembla surpris de cette réponse. Pour la première fois, un vague espoir affleura dans son regard.
- Vraiment ? fit-il lentement.
Puis la méfiance revint aussi sec s’installer sur son visage.
- Pourquoi ? interrogeât-il, avec dans la voix une suspicion presque caricaturale.
- T’es du genre tatillon, toi, hein ? Et si tu rétablissais plutôt les communications, que notre Léviathan te dise combien nous sommes tous des gars sympas.
Une pensée désagréable lui vint à l’esprit après coup.
- Heu… Il vaudrait mieux que tu ne lui parles pas de cette histoire de bras… Ça pourrait… lui rappeler quelques mauvais souvenirs.
Le Pilote sembla hésiter, ses pupilles dansant de droite à gauche. Crichton nota à l’occasion combien elles étaient étrécies. L’administrateur semblait éreinté, à bout de forces. Un liquide malodorant suintait des interstices autour des touches de sa console.
- Un Léviathan ? répétât-il, absent. Les Léviathans sont aux mains des Pacificateurs.
- Moya est libre. On est ici pour vous aider, rien de plus. Comment s’appelle ce bâtiment ?
- Il se nomme… Tharnas.
Le Pilote avait hésité. Crichton hocha la tête, tout en se demandant à quel point l’état du Léviathan pouvait avoir affecté son éternel passager.
- Ne vous inquiétez pas, fit-il d’un ton aussi rassurant que possible, se hissant contre la console du Pilote. On va vous tirer de là.
- AAAAAAAAAGGGH ! répondit ce dernier en lui assenant un violent coup de pince, les yeux roulant dans leurs orbites, une écume verte débordant de sa bouche.
Le terrien effectua un déplaisant vol plané et toucha le sol glaireux sans douceur. L’antre résonnait d’un puissant grondement, et le sol tremblait sévèrement. Dérapant sur les mucosités fumantes, le jeune homme bascula dans le vide sur des mots qu’il vaut mieux passer sous silence.


Le module filait à pleine vitesse, droit sur les deux Léviathans qui paressaient à l’ombre de la planète rougeâtre. Leurs silhouettes, à peine plus grandes qu’un pouce Sébacénoïde, grandissaient avec une insupportable lenteur. Le vrombissement poussif des moteurs poussés à plein régime emplissait la carlingue.
- Préviens-les ! tonna D’Argo, qui avait prit les commandes.
- Deux microts, rétorqua Aeryn avec un calme froid assez inquiétant. Je veux effectuer un dernier scan avant qu’on ne perde les instruments. Il faut que nous sachions à quel point le signal est repérable hors de l’influence du pulsar !
- Frell ! On aurait dû le sentir venir !
- En effet, grinça Aeryn, agacée. Tu as été sacrément à la ramasse sur ce coup-là !
D’Argo fit un brusque écart pour esquiver un morceau de roche de la taille d’une cerise qui s’apprêtait à croiser leur trajectoire. La manœuvre avait été à ce point tendue que le cœur du module s’était quelque peu emballé. Et il en fallait, car c’était plutôt des bestiaux placides.
- Moya avait une balise des Pacificateur cachée dans sa structure. Nous aurions dû…
- Le désosser pièce par pièce ? Moya était un transport de prisonnier. On ne pouvait pas deviner que ce Léviathan aurait ce genre d’équipement, ce n’est pas la procédure. Et les Pacificateurs… (son débit ralentit tandis qu’elle manipulait sans douceur les molettes des senseurs, n’obtenant que des parasites) …aiment beaucoup la procédure.
- Préviens-les, répétât-il.
- Les instruments sont noyés, de toute manière ! pesta l’officier Sun en rejetant l’écran portable qu’elle maniait.
- Vite, compléta D’Argo.
Le Luxan poussa encore un peu plus les propulseurs, et les nocicepteurs du module émirent une plainte déchirante à laquelle il ne prêta pas attention.


Le premier instant d’horreur passé, Zhaan se ressaisit. Refoulant vigoureusement ses émotions violentes tout au fond de son être, elle les y enferma solidement, les réduisit à l’impuissance dans l’immédiat. C’était une très mauvaise habitude qu’elle avait contracté durant son emprisonnement. Pour tolérer la brutalité, le mépris, les humiliations, les injustices. Pour contenir la rage du sang qu’elle avait libéré en elle lorsqu’elle avait pris la vie de l’un des siens.
Une pustule quelconque creva quelque part au plafond, et une épaisse glue rosâtre translucide se déversa en une traînée visqueuse sur le sol, ou elle s’épancha en cercles concentriques qui s’affaissaient. Prenant une profonde inspiration, la Delvienne passa la porte.
Un immense ravin s’ouvrait devant elle, s’étendant à perte de vue devant et au-dessus d’elle. Cette information était à mettre en perspective, étant donné la densité de la brume qui formait de véritables nuages dans les hauteurs.
Les deux parois, distantes d’une vingtaine de mètres l’une de l’autre, comptaient une demi-douzaine d’étages desservis pas des escaliers métalliques, de facture tout a fait non Léviathane. Des passerelles sans rambardes à l’aspect plus familier reliaient entre eux les deux côtés, comme des barreaux d’échelle. Leur allure de tronc coupé en deux dans la longueur évoquait les rampes permettant l’accès au poste de commande de Pilote.
Les murs étaient tapissés d’alcôves dont les larges portes, dans lesquels des motifs en arabesques découpaient de nombreuses ouvertures, offraient à leurs occupants un niveau à peu près nul d’intimité.
Zhaan connaissait ces installations. Elle avait passé quelques temps à l’intérieur de semblables. Il s’agissait de cellules.
La Delvienne devait combattre un violent sentiment de répulsion. Lorsqu’elle avait pénétré dans le vaste espace, elle avait expérimenté une sensation heureusement peu familière : celle de franchir un véritable mur, dense quoiqu’intangible, d’émotions vivaces. C’était tout autour d’elle, comme une tension magnétique, une toile de menaces, de craintes, de panique et de regrets dans laquelle elle s’empêtrait. Elle creusait un trou dans cette trame ainsi qu’une étoile courbe l’espace, s’imprégnant contre son gré de ces morceaux d’esprit à la dérive ; happait ces fragments de conscience comme un corps électriquement chargé attire la poussière en suspension. D’indéchiffrables murmures la bousculaient doucement, ou s’échouaient contre sa conscience lorsqu’elle avançait sur eux, tel des lambeaux de fumée.
La prêtresse porta doucement une main à sa tempe, récitant quelques mantras élémentales pour recycler l’énergie karmique excédentaire qui engluait son esprit. Elle subissait un accroissement atypique de l’aspect médiumnique de ses dons. La chair agonisante du Léviathan avait emmagasiné les dernières pensées des mourants avec une effrayante fidélité, lui promettant un séjour pénible en ces lieux. Zhaan envisagea de prendre la place de D’Argo à bord du module, voire de simplement regagner Moya et laisser le reste de l’équipage se charger de l’affaire.
Elle perçut soudain un frottement, plus loin dans la brume. S’ensuivirent quelques sons mats, ceux d’une démarque titubante.
Un instant plus tard, un gémissement plaintif s’éleva sur la droite – évoquant davantage une sortie de gueule de bois que les affres de l’agonie. Dissimulé dans le voile de blancheur, cette lamentation prenait des accents terrifiants.
Beaucoup, beaucoup plus loin, tout au fond de la salle peut-être – et Zhaan en déduisit qu’elle devait être au moins trois fois plus longue qu’elle ne l’avait supposé au premier abord – retentit un long rugissement. D’abord simple grognement, il monta en puissance et dans les aigus, pour s’achever sur un feulement rauque presque sensuel.
« Fu’yez, pauvres fous, murmura à son oreille l’écho sifflant d’un trépassé. Fu’yez tant que vous le pouvez encore… »
Zhaan se demanda pourquoi les avertissements d’outre-tombe manquaient tous à ce point d’originalité.
Puis une souffrance gigantesque la balaya, électrisant chacun de ses nerfs avec la puissance d’une explosion atomique, et la Delvienne s’effondra.


Chiana dérapa sur une flaque de elle-ne-voulait-pas-savoir-quoi et s’étala méchamment, le choc vidant l’air de ses poumons. Alors qu’elle se trouvait là, allongée, en sueur et un peu étourdie, elle fut envahie d’un certain sentiment de familiarité, la douleur exceptée.
Quoique.
Le trône volant de Rygel passa au-dessus d’elle sans ralentir.
La Nebari geignit, un élancement lui traversant le crâne au passage. Elle capta une forme du coin de l’œil et jeta un regard sur sa gauche. Et s’immobilisa, manifestement contrariée.
Un corps de Pacificateur était couché à son côté, encore englué de filaments de brume. On aurait dit une grosse araignée, avec ses membres à moitié repliés, leur chair brunie et ratatinée, la peau ridée et fine comme du papier. La bouche était ouverte selon un angle qu’aucune mâchoire Sébacéenne n’aurait dû autoriser. Les lèvres s’étaient rétractées jusqu’à ne plus former qu’une ligne brune chiffonnée, exhibant la dentition du Pacificateur, ainsi que ses gencives noires et sa langue racornie. Des cernes profonds entouraient ses yeux blanchis, affaissés, et son front était plissé à l’excès, résultat d’une perte de masse graisseuse. Sa peau était cloquée, déformée d’excroissances tumorales.
C’était au moins le dixième qu’elle rencontrait, toujours dans le même état de momification avancée.
La Nebari se ramassa afin de se relever promptement, marqua un temps d’arrêt, et prit le temps d’arracher le pendentif en or que le cadavre exhibait encore autour de son cou décharné. Rygel lui lança un regard scrutateur tandis qu’elle fourrait l’objet dans son corsage, où il rejoignit quelques autres bricoles, mais sembla estimer que la situation ne se prêtait pas aux négociations. Cela, plus que n’importe quoi d’autre, témoignait de l’angoisse que les lieux parvenaient à instiller. Les ombres grandissaient ; c’était comme de courir au milieu d’un cimetière sous une lune rouge.
Se remettant sur ses pieds avec l’agilité d’un chat, Chiana s’élança à nouveau dans les sombres allées entre les empilements de caisses, tâtonnant à la recherche de son communicateur.


L’astronaute John Crichton se sentait un peu blasé. L’un dans l’autre, il n’avait pas vraiment espéré que cette expédition soit une partie de plaisir : outre le fait que sa vie ces derniers temps ait été particulièrement mouvementée – sans que rien lui ait laissé espérer que les choses soient sur le point de changer –, la situation présente lui avait d’emblée parut particulièrement casse-gueule, un peu à la manière de ces ravins sinistres ponctués d’ossements dont on se dit avec un désagréable pressentiment que, tiens, ce serait le lieu idéal pour un guet-apens.
Telles sont les pensées d’un homme suspendu d’une seule main à un câble spongieux au-dessus d’un gouffre nuageux, au milieu du grondement peu engagent d’un séisme.
- Où êtes-vous ? s’enquit le Pilote avec civilité, d’une voix un peu cassée.
- J’admire l’absence de sol sous mes pieds.
- …Pourquoi cela ?
- Vous m’avez mis une mandale, vous vous souvenez ?
- Oh, fit le Pilote, l’air troublé. Toutes mes excuses. Mais vous êtes toujours vivant.
- …Pour l’instant.
Un liquide d’un jaune-verdâtre translucide s’échappait de la tubulure en l’endroit où il exerçait son étreinte. Ruisselant le long de son bras, il dégoulinait largement sur son visage maussade.
- C’est gentil de vous en inquiéter, ajouta le terrien, et il crachota.
Le fluide était salé, mais sans saveur particulière. Crichton ne tenait absolument pas à savoir de quoi il s’agissait.
- Je vous en prie, répondit faiblement son interlocuteur.
L’astronaute cru tout d’abord qu’il s’agissait d’une supplique, puis réalisa que c’était en réalité une formule de politesse. Soupirant, il entreprit de regagner la terre ferme en se débattant avec les câbles qui foisonnaient sous la passerelle en cet endroit. S’il avait glissé légèrement plus à gauche, ou s’était montré moins vif, il serait sans doute encore en train de tomber. Il fut traversé par la pensée incongrue que chuter au travers de la brume devait être singulièrement angoissant. Au moins, par temps clair, on pouvait nettement voir venir la confrontation avec le plan horizontal.
John affermit sa prise sur un gros tuyau brûlant. Lorsqu’il se hissa, ce dernier se désengagea légèrement de son logement, laissant désormais s’écouler une partie de son contenu dans le vide, où il s’enfonça dans la brume en la faisant s’agiter, façonnant comme un petit vortex.
Cela lui rappela ses séances d’escalade, en deuxième année de fac. Il s’était inscrit pour cette activité supplémentaire en dépit de la quantité de cours qu’il devait déjà assumer, car pleinement conscient de l’exigence de la profession d’astronaute, son but ultime. Sa condition physique se devait d’être plus que parfaite. Il avait toujours été sportif, mais ses études l’avaient éloigné des pistes de jogging et excessivement familiarisé avec les plats livrés à domicile.
Il se rappelait ce temps avec nostalgie, et une sorte de curiosité. Cette époque lui semblait lointaine, irréelle. Comme si c’était l’histoire d’un autre, une biographie qu’il aurait lut il y avait de cela bien longtemps, ou un songe de la nuit dernière déjà à moitié oublié.
Il se souvint de Claire, une jolie brune élancée, les yeux bleus, des mains délicieusement délicates, et une voix douce et innocente qui ne prévenait pas avant de lâcher des plaisanteries qui faisaient mal. Elle pratiquait depuis une année déjà. Il avait changé de club lorsqu’il s’était aperçu qu’il tombait amoureux d’elle. Tout comme il avait laissé sa télévision à la garde de deux amis durant la période des examens, il s’était éloigné de Claire durant les deux années les plus délicates de ses études. Il avait apprit qu’elle avait emménagé avec un gars quelques mois plus tard. Coche raté, mon capitaine. Ce n’est rien, lieutenant. L’objectif est droit devant. C’est ce grand machin phallique plein de lumières clignotantes qui fascine tous les petits garçons.
Qu’il est beau, mon capitaine. On dirait un genre de matérialisation de la grandeur de l’humanité peint aux couleurs du rêve américain.
Tout cela, lieutenant, tout cela, et plus encore. Est-ce que ça ne vaut pas une Claire Sorewood ? Les astronautes tombent toutes les filles, de toute manière.
« Tout cela » semblait bien dérisoire, désormais. En particulier lorsqu’un vaisseau équipé d’une combustion potable ne coûtait pas plus de 9 000 crédits, à condition d’être prêt à le retaper un peu. Une dévotion totale, des occasions manquées, et un rêve bien différent de celui qu’il avait fait. Dans le sien, il y avait moins de tentacules.
Et à quoi bon, au fond ? Pour un savoir qu’il ne ramènerait peut-être jamais chez lui ? Et quel bien y ferait-il ? L’univers s’était révélé si dangereux pour les petites planètes isolées… vulnérables…
Il sourit tristement, se reculant pour apercevoir le bord du pont. Il y était. Le commandant regagna le niveau supérieur d’une ultime traction des bras. Il put enfin masser sa mâchoire, douloureuse du coup reçu. Il essuya avec dégoût la gelée bleuâtre qui souillait sa joue.
Un peu plus loin, le géant le guettait, mal-en-point. Une traînée couleur de brocolis dégoulinait de sa bouche et maculait sa poitrine.
- Vous n’avez pas l’air en forme, observa John.
- Tharnas… a commencé à s’éveiller, ahana le Pilote, dodelinant de la tête. Mais… la douleur… l’a repoussé dans le coma.
Il continuait de scruter son interlocuteur avec inquiétude, apparemment nerveux. Crichton songea que les Pacificateurs n’avaient pas dû être tendres avec lui.
- Outch, commentât-il. Pilote nous a prévenu que ce ne serait pas franchement une partie de plaisir pour toi.
L’autre hésita.
- J’ai failli vous tuer. Vous ne m’en voulez pas ?
- Du tout. C’est comme ça qu’on se dit bonjour dans notre Léviathan.
Les yeux du Pilote dérivèrent de droite à gauche, tandis que son visage se teintait de perplexité. Cette espèce était-elle toute entière dépourvue d’humour ?
Sa veste s’adressa alors à lui avec la voix de Pilote, qui résonnait étrangement dans cette atmosphère faussement claustrophobique.
« Commandant, le Léviathan blessé est en passe de revenir à la conscience ! »
- Un train de retard, grogna John, qui saisit son communicateur afin de répondre au Pilote – il n’en eut pas le temps.
« John ! Ce Léviathan était un transport de prisonnier ! » s’exclama en effet Zhaan sur les ondes, haletante.
L’Humain fronça les sourcils, jeta un œil au Pilote et ouvrit à nouveau la bouche, mais une autre voix émana de sa radio, lui coupant encore l’herbe sous le pied, et il soupira en roulant des yeux, avec le fatalisme de celui que le contraire aurait étonné.
« Il y a des cadavres partout à l’intérieur de ce frelling Léviathan, John ! »
C’était Chiana, avec son ton à la fois craintif et teigneux des plus mauvais jours.
L’astronaute décida d’attendre un instant avant de réagir, au cas où il lui resterait une mauvaise nouvelle à entendre. Bien lui en prit, car Aeryn avait apparemment l’intention de se mettre de la partie :
« Crichton ! Une balise des Pacificateurs émet à bord du Léviathan ! »
- Ben voyons ! s’exclama l’astronaute, excédé, en levant les mains au ciel. Parfait ! C’est parfait !
« Crichton ? » siffla Chiana à nouveau.
« Crichton ! » appela D’Argo avec autorité, et un rien de menace.
- Pourquoi est-ce que c’est à moi qu’ils choisissent tous de remettre leurs messages ? demanda l’astronaute au Pilote mutant, avec un rien d’hystérie dans la voix. Est-ce que j’ai une tête de réceptionniste ?
Ce dernier ne lui répondit rien, l’observant toujours du coin de l’œil avec une méfiance non dissimulée et une inquiétude d’un nouveau genre.
« John ? reprit Zhaan. John, le vaisseau a failli s’éveiller. Sa souffrance m’a à moitié assommée. Nous devons l’aider, il faut les aider tous… »
« Hey, est-ce que quelqu’un me reçoit ? Je vous dis qu’on est dans un frell de cimetière volant ! » répéta la Nébari, maintenant très énervée.
« Il y a des morts à bord, reprit tristement Zhaan. Des centaines. »
« Zhaan ? Qu’est-ce que tu dis ? »
« D’Argo ? »
« Crichton, Zhaan ! Une balise de Pacificateur s’est déclenchée dans le vaisseau ! » lança Pilote avec affolement. « Je viens de la capter derrière les interférence du pulsar ! »
« Une balise ? » s’inquiéta la dernière citée.
« Chiana ? Crichton ! Répondez, nom d’un smurk ! la coupa D’Argo. Je crois que le Léviathan est lui aussi un transport de prisonniers ! Je ne vois que ça, pour qu’il contienne ce type de balise ! Est-ce que vous m’entendez ? »
« Il me semble que le Léviathan a de nouveau perdu connaissance, enchaîna Pilote avec lenteur et circonspection, bien que la tension soit toujours nettement palpable dans sa voix. Commandant ? Devons-nous venir vous chercher ? »
- Je me souviens d’une époque où il m’arrivait de m’ennuyer, fit John platement, le front plissé d’aigreur. C’était il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine…
Le commandant soupira sèchement, et daigna enfin répondre à ses compagnons.
- Chiana, Pilote, Zhaan, D’Argo, Aeryn : bien reçu. Les deux du module, je suggère que vous vous amarriez à Tharnas, pour débarquer ou nous emmener, on avisera. Rygel, Chipie, Zhaan, je vous retrouve en salle d’embarquement. Ça marche ?
« Tharnas ? C’est… »
- Ouais, Zhaan, c’est ce Léviathan.
« Tu as trouvé le Pilote. »
- Je vous donnerai les détails en direct, si tu veux bien.
Il y eut un bref silence. Puis…
« Depuis quand est-ce que c’est le sous-Sébacéen qui commande ? » interrogea Rygel d’un ton revêche.
« Ce n’est pas lui qui commande » répondit aussitôt D’Argo, comme s’il n’attendait qu’une occasion pour donner son avis sur la question.
« Ça me ferait mal » confirma dans un grognement Chiana.
« Fichez-lui la paix, il fait ce qu’il peut » intervint Aeryn avec un sérieux un peu trop concerné pour être sincère.
- Okay, lança John en allongeant exagérément les syllabes, très bien ! La prochaine fois, vous n’aurez qu’à envoyer vos messages ailleurs !
« Trêve de bavardages, la situation est pressée ! s’emporta le Luxan. On se retrouve tous en salle d’embarquement ! »
- C’est exactement ce que je !... s’exclama John dans le vide.
Ses mains furent saisies de légers mouvements épileptiques pouvant évoquer le mime de la strangulation d’un être d’imposante stature et au cou très large. Puis, dans un mouvement qui semblait contenir encore un peu de cette énergie, Crichton fit volte-face.
- As-tu une quelconque idée de l’endroit où peut se trouver cette balise ? demandât-il avec l’air de ne pas y croire - et les mains pourtant ouvertes en un geste d’espérance.
- Hélas aucune, répondit le Pilote sombrement, avec lenteur.
- Alors on va se débrouiller.
- Vous ne nous abandonnerez pas ? le rappela le Pilote brusquement, comme si cela lui avait échappé, alors que John remontait rapidement la passerelle.
Ce dernier se retourna légèrement, et n’hésita guère.
- Pas si on arrive à couper la balise. Bougez pas d’ici.
Il s’immobilisa encore au bout de quelques pas.
- Qu’est-ce que je raconte, marmonnât-il, il a autant de mobilité qu’un navet.
Puis se remit en route au petit trot et franchit l’ouverture défraîchie d’un pas leste.


Rygel passa la porte hermétique avant qu’elle ne soit tout à fait ouverte, et immobilisa son trône près de l’endroit ou le module de Moya manœuvrait pour se poser. Le souverain déchu scruta les alentours d’un regard méfiant et peu amène, cherchant à vérifier l’absence de cadavres ou d’intrus. Tandis que le petit vaisseau descendait de plus en plus lentement, ses pattes se déployant sous son ventre, l’Hynérien ajusta sa tenue et lissa ses moustaches, soucieux de ne pas apparaître débrayé. Il vida son esprit de toute pensée parasite, bien décidé à ne rien lâcher lorsque viendrait le moment de convaincre les autres de quitter cet appareil de malheur aussi vite que possible.
Chiana fit irruption dans la pièce au moment où s’abaissait la passerelle du module. La jeune femme, essoufflée et en nage, resta un instant appuyée contre un mur à observer le bigorneau volant, qui ne lui avait pas accordé un regard ; puis elle se redressa et vint se placer à sa gauche d’une démarche plus calme.
- C’est gentil de m’avoir attendu, Rygel, sifflât-elle en donnant un coup de coude dans le fauteuil antigravitique, sans quitter des yeux D’Argo et Aeryn qui descendaient du module.
L’Hynérien lui rendit la politesse, la repoussant sans douceur de la masse de son trône. Son regard mauvais était resté braqué sur les nouveaux arrivants.
- Eh, tu l’aurais fait, peut-être, grande machine délavée ? grognât-il.
Quelque chose tomba de sa poche dans le mouvement, et rebondit sur le sol avec un claquement sec. Les deux aliens baissèrent les yeux sur le cristal Tolka qui cliquetiquait sur le sol comme une assiette qu’on aurait reposée trop brutalement, puis échangèrent un regard rapide, avant de reporter leur attention sur les deux militaires qui approchaient.
Chiana se glissa aussitôt en avant, de sa démarche souple qui évoquait irrésistiblement les déhanchements d’une danseuse exotique, et afficha son plus beau sourire de façade. Dans son dos, Rygel perdit prestement un mètre d’altitude, et, faisant dangereusement verser son véhicule, saisit le cristal entre deux doigts boudinés. Regagnant son niveau habituel, le souverain nota la proximité d’Aeryn et Ka D’Argo, et lâcha le cristal. Chiana le rattrapa avec habilité de la main qu’elle avait glissé derrière elle, et, feignant de s’étirer, le laissa tomber le long de son dos, à l’intérieur de son col, tout en se retournant sur le passage de l’officier Sun.
« Et on ne s’est même pas entraînés » s’émerveilla miss monochrome.
- Où est John ? interrogea sèchement la Sébacéenne, la fixant brièvement de son regard de Pacificatrice.
- Qu’est-ce que j’en sais ? rétorqua la Nébari avec son indolence habituelle, lui rendant un regard insolent.
- Je suis là ! se signala Crichton, qui fit irruption dans la pièce depuis un couloir attenant.
L’astronaute dérapa sur le sol souillé alors qu’il abordait un virage, et se vautra sans grâce, agitant les bras dans une tentative perdue d’avance pour rétablir son équilibre. Il fut à nouveau sur ses pieds en un instant, une grimace de douleur sur le visage.
- Tu es répugnant, John, remarqua Aeryn sobrement.
Ce dernier grimaça à nouveau et essuya piteusement la glue jaunâtre qui empoissait ses cheveux, dégoûté.
Rygel décrivit un arc de cercle latéral, revenant se placer aux côtés de son acolyte. Tous deux arboraient le même sourire artificiel.
- Rend-le moi, fit-il entre ses dents.
- Crève, répliqua Chiana sur le même mode.
D’Argo s’avançait à grand pas dans la pièce, ses bottes fouillant la brume. Il s’immobilisa un instant devant Chiana.
- Tu vas bien ? fit-il d’un ton presque embarrassé, qui contrastait considérablement avec son apparence brutale.
- Ouais, exhala la Nébari plus sagement qu’à l’ordinaire – contrecoup de son bref instant de tension. J’vais super. T’angoisses pas.
Le Luxan hocha la tête (« bien, alors »), et rejoignit les deux sébacénoïdes. Il croisa les bras et se campa sur ses jambes.
Inconsciemment, les trois fugitifs venaient de former le triangle directeur de Moya. Lorsque la situation se compliquait, lorsque le danger se faisait plus précis – au milieu d’une galaxie qui ne contenait pratiquement que ça -, c’était du trio de choc que venaient les meilleures idées, les plus démentes aussi.
Zhaan rejoignit à son tour la salle d’embarquement, la démarche hésitante. Elle balaya les alentours du regard, et parue soulagée de constater la présence de tous ses coéquipiers.
- Vous allez bien, énonçât-elle.
- Ouais. Toi par contre…
- Ne t’inquiète pas pour moi.
- T’arrives juste au bon moment. Le spectacle va commencer.
Un peu plus loin, le débat venait effectivement de s’engager.
- Nous devons partir d’ici, asséna D’Argo.
- Il a raison ! s’exclama Rygel.
- Shuis d’accord, grommela sombrement la Nébari.
- C’est trop risqué, John, fit Aeryn d’un ton ferme-doux, du genre que l’on emploie pour raisonner un gosse.
- Oui, je crois bien que je suis d’accord, répondit Crichton avec humilité. C’était dangereux dès le début, mais avec cette balise, ça devient trop tendu.
- Alors on y va, enchaîna immédiatement D’Argo tout en repartant vers le module.
Il ne croyait pas vraiment à une victoire si facile, mais était partisan de ne pas chercher les complications tant qu’elles ne le cherchaient pas.
- Non ! protesta Zhaan sans élever la voix, sourcils froncés.
- Attends ! intervint Crichton sans surprise, avant que le Luxan n’ait fait trois pas, et ce dernier leva les yeux au ciel en soupirant. Vous aviez raison, tous les deux. Ce Léviathan est un transport de prisonniers. Zhaan a trouvé les pensionnaires.
- Beaucoup sont morts, annonça la Delvienne doucement. Mais il y a des survivants.
- On n’a pas le temps pour ça ! éructa Rygel le XVIème. Laissons ces shmoks pourrir dans leurs geôles et quittons cet endroit putride !
- Allez, K, insista John. Ils sont captifs des Pacificateurs. Tu étais dans leur situation, il n’y a pas si longtemps.
- Les Pacificateurs ne sont pas une armée d’oppression, s’agaça Aeryn. D’Argo a été emprisonné à tort, pas arbitrairement. La plupart de ces détenus sont probablement des mercenaires, assassins, violeurs, pirates ou autres hors-la-loi.
- Ou alors ce sont des prisonniers politiques, comme la boule de poil ou Zhaan. D’Argo… Même si les Pacificateurs ne viennent pas, ils mourront. Ils vont se déshydrater et finir comme ce vaisseau.
- Nous devons les aider, confirma Zhaan.
- On peut les emmener, poursuivit John. Au moins en prendre autant que possible. Nous sommes littéralement cernés par les radiations du pulsar, il est possible que les Pacificateurs ne captent jamais cette balise…
- C’est de la folie, soupira Aeryn.
- De la folie pure ! braya l’Hynérien, qui projeta dans les airs une impressionnante quantité de postillons. Ne les écoute pas, D’Argo, il sont complètement farbots ! Ce vaisseau est une morgue à peine vivante !
- John, soupira le Luxan, plus conciliant, je t’assure que je ne demanderais pas mieux, simplement…
Il laissa sa phrase en suspend, laissant le reste au simple bon sens. Crichton se tourna alors vers Aeryn, tâchant de se faire aussi irrésistible que possible.
Il était bien conscient des risques que cela pourrait comporter. Outre le pulsar malsain au-dehors, il y avait cette balise des Pacificateurs qui pouvait à tout moment rameuter les anciens collègues de sa chère et tendre. Sans compter qu’elle avait raison, bien sûr : ces prisonniers n’étaient sans doute pas des enfants de chœur. Mais les laisser mourir, et ce Léviathan avec eux…
La jeune femme le fixa un moment sans paraître faiblir, et puis roula des yeux et soupira.
- Nous resterons dans l’ombre de la planète pendant encore seize arns, fit-elle sans enthousiasme. Si les Pacificateurs se montrent, nous seront avertis de leur présence avant qu’ils ne remarquent la nôtre. On aura le temps d’évacuer.
- Ils fileront s’abriter au même endroit que nous.
- Mais leurs systèmes de visée seront aveugles pour un moment. Suffisamment longtemps.
- Est-ce qu’ils resteront en mesure de nous suivre ? interrogea D’Argo avec réticence.
- Comment veux-tu que je le sache ? s’agaça Aeryn. Je pilote des patrouilleurs, pas des gros bâtiments. Ça va dépendre de ce qu’ils nous enverrons.
- Avec toutes ces radiations, ils ne pourront jamais lire la signature de notre combustion, mon vieux, affirma Crichton avec énergie. Et même les Pacificateurs doivent laisser leurs moteurs refroidir avant de repasser en interstellaire, s’ils ne veulent pas disparaître on ne sait où.
D’Argo coula un regard vers Aeryn. Cette dernière haussa les épaules.
Dans son coin, Rygel s’agitait à l’intérieur de son trône.
- Tsah, c’est pas vrai ! Ces trois-là vont encore réussir à nous fourrer dans la dren jusqu’au cou !
- Ben… lâcha Chiana avec une moue dubitative. Plus j’y pense, et… plus je me dis… que les morts… ben, ça fait plus de mal à grand monde, hein ? Par contre, les crédits, ça fait beaucoup de bien, et il y en a des tas… qui nous attendent en bas.
L’amphibien grassouillet répondit par un grognement, et, brutalisant les commandes de son fauteuil, il le fit foncer vers l’avant. Il surgit au milieu de la petite assemblée, dispersant les protagonistes.
- Tout ceci est très sympathique, oui, très sympathique, sifflât-il, ses yeux d’une indéfinissable couleur naviguant entre le vert et le brun emplis d’animosité. Vous jouez les généraux, vous débattez gentiment de la manière dont vous allez nous faire tuer, mais vous n’êtes pas tout seul !
- Tu veux qu’on vote, boule de poil ? interrogea Crichton d’un ton laconique.
- Ah, très malin, Crichton ! Non, je ne prendrais pas cette peine ! Tu as réussi à retourner tout le monde comme tu sais si bien le faire, surtout avec ce balourd de Luxan ! (D’Argo grogna violemment, et l’Hynérien se déporta vivement vers Aeryn, sans perdre pour autant de son assurance) En revanche, je vous inviterais à lever les yeux un instant !
Aeryn obtempéra la première, et haussa les sourcils. Le Luxan l’imita de mauvaise grâce, et émit un bruit de bouche ininterprétable.
Crichton s’exécuta à son tour, les bras ballants. Il haussa les sourcils et émit un bruit de bouche ininterprétable.
- Woh ! s’exclamât-il un peu trop fort, comme pour conjurer une étrangeté quelconque. Woh, répétât-il, reculant de quelques pas pour acquérir un meilleur angle de vue.
- Ce sont des… commença D’Argo.
- …modules, compléta l’officier Sun.
- Woh, fit Crichton, qui avait décidé d’être original.
A bord des Léviathans, le carré n’était pas à la noce. Le vivant, à une échelle macroscopique en tout cas, préférait en général les courbes et les cercles.
Les hangars de Moya n’étaient pas circulaires, pas exactement. Du reste, leur architecture était complexe, répondant à une organisation interne qui devait à la sélection naturelle et non à la logique optimisante d’un ingénieur. La moitié de la salle environ était haute de plafond, permettant à des appareils de taille réduite de manœuvrer ; l’autre partie, qui faisait office d’atelier de réparation, était plus exigue.
Tharnas présentait une organisation similaire, sinon que la salle d’embarquement était un peu plus vaste, et que la voûte au-dessus des établis s’arrêtait à la moitié de sa lancée ; pour reprendre plus d’un étage plus haut, ménageant un espace inédit. La paroi y était lisse, brune et veinée de câbles épais.
A une dizaine de mètres de hauteur, en partie dissimulé par la disposition particulière des lieux, une demi-douzaine de modules ébauchés aux formes rondes et imprécises en émergeaient partiellement. Ils sortaient du mur de manière anarchique, répartis aléatoirement, présentant ici une verrière opaque, là un propulseur incomplet, ici des pattes d’amarrage atrophiées. Leur coque était pâle, presque translucide, et abondamment irriguée par un réseau anguleux, qui évoquait le lignage d’un circuit informatique.
- Ça veut juste dire que l’équipage a eut un besoin urgent de modules d’évacuation, remarqua Aeryn. C’est cohérent.
- Ça veut dire qu’ils avaient l’intention d’évacuer entièrement le bâtiment, mais qu’ils n’en ont pas eu le temps !
- Et ça, c’est cohérent avec les cadavres, remarqua sombrement Chiana.
- Et comment on fait pousser ces trucs ? interrogea le terrien, ébahi malgré lui.
- Perforeuse à insémination et cartouches de semence adaptée. On charge, on vise la paroi au point de perméabilité maximale, on tire.
- J’adore quand tu dis des cochonneries.
Chiana s’avança à petits pas hésitants, penchant la tête à la manière d’un rongeur inquiet.
- Ce module… Il a deux cockpits, remarquât-elle d’une voix mal assurée.
- Et celui-là trois propulseurs. Je suppose que ce sont les radiations.
- Ils seront prêts dans combien de temps ? demanda Crichton.
- Pas beaucoup, répondit vaguement Aeryn. La moitié est presque à maturité, l’autre devrait déjà l’être. Je suppose qu’il y a un souci du côté des répartiteurs énergétiques. Il faut en parler au Pilote.
- Est-ce qu’ils vont fonctionner ? demanda la Nébari d’un ton incrédule.
Elle courbait l’échine de manière instinctive, comme si les modules avaient été des rapaces à l’affût d’une proie. John observa ses grands yeux noirs brillants et emplis d'appréhension, au milieu des tâches couleur de cendre qui allaient en se délayant jusqu’à se noyer dans la peau blanche de ses joues. Il s’attarda sur ses lèvres sombres et nettement dessinées, laissant son esprit vagabonder dans une direction dangereuse.
- Envoyons quelques DRD à l’intérieur pour vérifier que tout marche correctement, suggéra Aeryn, et l’astronaute se redressa brusquement et braqua son regard sur le mur, l’air nerveux.
- Ceux-là ne valent plus grand-chose, remarquât-il.
Il tapota la coque mauve de l’un des drones de Tharnas, qui se tenait immobile sur un pilier, les diodes de ses antennes éteintes. Quelques secondes après que l’astronaute se soit détourné, la coccinelle se détacha de la colonne et disparu dans la brume avec un bruit de ferraille.
- Je vais demander à Pilote de nous en envoyer quelques-uns dans un module.
- On a encore rien décidé, protesta D’Argo.
- Allons, vieux, tu sais bien que si.
- Pas du tout ! grinça Rygel.
- Très bien, alors moi, je vote pour le sauvetage de ces pauvres bougres ! Aeryn ?
- C’est faisable, se bornât-elle à admettre.
- Zhaan ?
- Je suis pour, affirma la Delvienne avec force. Mais le Léviathan…
- Et trois pour ! la coupa Crichton, qui agita la main à son intention aussi discrètement que possible.
Je-suis-d’accord-avec-toi-mais-ce-n’est-pas-le-moment-d’en-parler, disait ce geste.
- D’Argo ?
Le Luxan poussa un soupir excédé.
- On sauve les prisonniers et c’est tout ! assénât-il d’un ton menaçant.
- Bien sûr ! s’exclama Crichton, comme s’il n’envisageait même pas qu’il puisse en être autrement. Chiana ? reprit-il d’un ton excessivement séducteur.
- Oh, va te faire frell ! râla la Nébari, exagérant cependant son agacement. Je marche.
Plusieurs sourcils se soulevèrent.
- Ah oui ? s’étonna Crichton.
Rygel la considéra en plissant les yeux, méfiant.
- Il nous faut quelqu’un chez le Pilote, lança bien vite John. On aura besoin de ces modules.
- Je m’en occupe, intervint immédiatement Zhaan, passablement soulagée de pouvoir échapper aux cellules et à leur cohorte d’esprits.
- Les autres avec moi, grommela D’Argo. Rygel !
- Quoi ? rétorqua l’Hynérien d’un ton revêche.
- Tu viens avec nous, fit le Luxan d’un ton sans réplique. Je ne tiens pas à ce que tu disparaisses avec le module dès que nous aurons le dos tourné.
- Il y en a d’autres !
- Tu viens !
Il empoigna le trône par l’un de ses accoudoirs et le lança en avant dans le couloir, ballotant son occupant sans pitié.
Tandis que les deux aliens s’invectivaient vertement, Crichton se laissa légèrement distancer et activa son communicateur. Il obtint immédiatement l’attention de Pilote, qui avait probablement attendu le résultat de leurs délibérations avec inquiétude.
- Avertis-nous à la seconde où Moya repère un appareil des Pacificateurs, d’accord ?
« Qu’allez-vous faire ? »
- On reste encore un peu.
« Bien, soupira Pilote, manifestement soulagé. Pouvons-nous commencer à transfuser le Léviathan ? »
- Ce n’est… pas le plan.
« …Comment ça ? »
L’astronaute hésita, ne sachant comment formuler la suite. Les couloirs sombres et inhospitaliers de Tharnas ne l’aidaient pas à se concentrer.
Il exposa la situation avec autant de diplomatie que possible.
- Tu comprends, non ? s’enquit-il, un peu honteux. Avec cette balise, n’importe quel bâtiment des Pacificateurs passant à proximité va se ramener illico.
« Je comprends » fit Pilote d’une voix atone.
Crichton grimaça. Il faillit assurer que si les choses n’avaient tenues qu’à lui…, puis décida que ça ne serait pas très sport.
- Est-ce que Moya va accepter ça ? demandât-il, pensant déjà connaître la réponse.
« Moya ne peut pas vous forcer à prendre un tel risque. »
- Il nous faut des DRD. Les locaux ne sont bons à rien, et on a des… fœtus de module… à examiner.
« Une trentaine devrait suffire. Je m’en occupe. »
Le ton de voix de Pilote était d’une insupportable neutralité. Crichton aurait mille fois préféré y sentir de l’amertume.
Crichton contourna une masse de viande qui s’était détachée du mur. Le DRD de Moya qui venait à sa suite l’imita, presque indiscernable, signalé uniquement par les billes de lumière de ses antennes. Le terrien l’observa un instant, puis prit une décision.
- Et, Pilote ? (Il baissa un peu la voix) De combien d’unités Moya peut-elle se passer ?
« Que veux-tu faire de ces autres DRD ? »
- Les envoyer se balader un peu partout, répondit l’Humain, conscient que ses compagnons n’apprécieraient pas qu’il agisse derrière leur dos. Et si jamais, par le plus grand des hasards, l’un d’eux tombait sur une balise…
Un bref silence s’installa.
« Je charge un module en pilotage automatique, répondit Pilote simplement, et son timbre était plus vivant. Il sera à bord du Léviathan d’ici quelques minutes. »
- Bien. Et, Pilote ?
« Commandant ? »
- Le Léviathan. Il s’appelle Tharnas.





« 3 février 2000

Avons croisé des pirates Korec aujourd’hui. Nous sommes cachés dans un champ d’astéroïde pendant seize heures. Ennuyeux à mourir. Finalement, Moya leur a tendu une embuscade devant un nid d’aiguilles de l’espace. Ces idiots ont coupé leurs moteurs trop tard. Ont même réussi à se tirer dessus mutuellement. Avons pu nous éloigner en vol conventionnel jusqu’à pouvoir passer en combustion.
Suis à court de chenilles pour les dents. Penser à en racheter.
Plus de détails demain. Suis exténué.
That’s all Folks… »

Extrait du journal de bord de John Crichton


Dernière édition par Skay-39 le Lun 14 Fév 2011 - 15:37, édité 3 fois
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Rufus Shinra
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyLun 19 Oct 2009 - 6:24

Well (euh, non, Walls), well. La suite de ce texte est à l'image du premier : déjantée, originale, bourrée de descriptions annexes d'un univers farfelu occupé par des personnages tout aussi démentiels.
Franchement, je t'aurais bien vu dans l'équipe derrière la série originelle, car on a vraiment l'impression de voir l'un de ces épisodes (avec une meilleur VF, bien entendu).

Citation :
Ce dernier grimaça et essuya piteusement la glue jaunâtre qui empoissait ses cheveux, l’air dégoûté.
Rygel décrivit un arc de cercle latéral, revenant se placer aux côtés de son acolyte. Tous deux arboraient le même sourire artificiel.
- Rend-le moi, fit-il entre ses dents.
- Crève, répliqua Chiana sur le même mode.

Ah, les amitiés éternelles, la diplomatie interespèces en action ! Il n'y a pas à dire, c'est beau, cette relation de respect mutuel entre les deux zigotos chapardeurs de service !


Par contre, une incohérence majeure à signaler :
Citation :
Rygel lui lança un regard scrutateur tandis qu’elle fourrait l’objet dans son corsage, où il rejoignit quelques autres bricoles, mais sembla estimer que la situation ne se prêtait pas aux négociations. Cela, plus que n’importe quoi d’autre, montrait combien ils étaient en mauvaise posture.

Même face à une armada unifiée Scarran/Nebari/Pacificateur/Crichton excédée voulant quelque chose, Rygel trouvera toujours le moyen de négocier (admirablement, faut-il l'ajouter ?) le quelque chose en question :


Rygel : Quelqu'un d'autre veut négocier ?
Korben Dallas : Où.....où est-ce qu'il a appris à négocier comme ça ?
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyLun 19 Oct 2009 - 8:19

Comment ne pas bien commencer la journée en lisant pareil chapitre! C'est excellent! On progresse très peu au niveau de l'intrigue mais cela ne se voit quasi pas, tellement tu nous plonges dans l'univers déjanté de Farscape avec une maitrise digne d'un Scaper émérite!

Je ne vois pas quoi trouver à redire, tout est parfait. Peut-être que je regrette d'avoir tout lu si vite, mais je n'ai pu m'empêcher de dévorer ce chapitre. Bravo Skay! clap!

Humour, suspense, conversations colorées, situations rocambolesques, tu utilises tous les atouts de Farscape à merveille, chapeau bas Razz
j'aime aussi le fait que tu mets vraiment en avant les capacités de Zhaan, c'est très bien de ta part Heureux

Donc, j'adore, magnifique !

Rufus Shinra a écrit:
Franchement, je t'aurais bien vu dans l'équipe derrière la série originelle, car on a vraiment l'impression de voir l'un de ces épisodes (avec une meilleur VF, bien entendu).
+1



Mention toute particulière à ce passage excellent :

Citation :
- Perforeuse à insémination et cartouches de semence adaptée. On charge, on vise la paroi au point de perméabilité maximale, on tire.
- J’adore quand tu dis des cochonneries.
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyLun 19 Oct 2009 - 14:38

"Substance jaunâtre visqueuse..."
"Mélasse rose suintante..."
"Fluide bleu poisseux..."

Ho, une fanfiction Farscape. hi hi

C'est la digne suite de ton chapitre 1, avec une intrigue qui avance doucement mais sûrement. Nous voilà donc en présence d'autres bagnards de l'espace... j'espère que cette fois-ci, nous aurons droit à des "vrais", puisque pour moi, l'un des plus gros défauts structurels de Farscape est l'absence d'un vrai braqueur de vaisseaux spatiaux pur et dur, tout ce qu'il y a de plus coupable, à bord de Moya.

Tu retranscris toujours avec efficacité et humour le style de Farscape (mention spéciale au passage où John est assailli de "Crichton!", se fait rembarrer, et mime le meurtre de D'Argo^^) , tout en collant très bien aux personnages, à l'univers... auquel tu ajoute des idées intéressantes (les foetus de modules irradiés... Suspect biglol mais aussi, par exemple, l'idée qu'un Pilote puisse mentir à son Léviathan)

Mon soucis avec la représentation de la relation John/Aeryn, du bizutage John/les autres... c'est que tout cela est très changeant au cours de la série, et comme je n'ai plus très bien cette dernière en tête, je n'arrive pas vraiment à juger de la justesse du ton... aussi dois-je m'en remettre à ta connaissance de la série^^

Par contre, je ne suis pas fan du tout de la phrase choisie pour le premier contact Crichton/Pilote mutant : je ne la trouve ni très drôle, ni très marquante. Il y aurait eu moyen de faire mieux... clin d'oeil

Côté charismomètre des personnages, le tandem Chiana/Rygel s'équilibre, Zhaan monte pas mal en grade (en bonne partie grâce à la représentation de la façon dont son psychisme voit le monde, à savoir le surf perpétuel entre des forces élémentaires mystiques dont la seule évocation ferait sourire le moins cartésien d'entre nous) , D'Argo perd son petit plus du chapitre précédent mais reste à un niveau normal, Aeryn est un peu plus salée qu'au tour d'avant, Pilote/Moya restent à peu près dans le même ton.

J'aime bien la référence discrète aux pointes passagères de désir de Crichton vis-à-vis de Chiana (et tu y aurais adjoint un "vice-versa" que c'eût été cohérent aussi) . Cela rappelle qu'Aeryn ou pas, D'Argo ou pas, les choses n'ont jamais été très claires entre ces deux-là. On peut d'ailleurs regretter que la série n'ait jamais fait mettre de mots là-dessus aux personnages concernés.
Pour rester dans le "loooove", la mini-interaction entre D'Argo et Chiana est très bien aussi. Tu capte bien d'emblée cette différence/incompatibilité de ton, sérieux, profond et volontaire d'un côté, plus passif et affectueux que vraiment impliqué de l'autre, et qui mènera à ce que l'on sait (et si vous, vous ne savez pas ce que l'on sait, estimez-vous heureux que je ne vous dise pas ce que l'on sait!)
La relation Crichton/Aeryn est sympathique aussi, même si pour moi elle reste parasitée, dans les moments plus calmes, par un souvenir antérieur : ayant découvert Farscape par les commentaires... un peu trop exagérés, de La Sorcière, avant de voir la série, j'étais persuadé à l'époque que Aeryn passait toute la série habillée en guerrière sado-masochiste à fouetter le cul de Crichton... ce qui est en fait assez loin de la réalité de leur relation dans la série, vous en conviendrez.

'Fin bon, ça manque un peu de fusillades dans un troquet multiracial face à un escadron de soldats-cosmonautes Peacekeepers, sinon c'est très bien, à quand la suite?^^
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyLun 19 Oct 2009 - 23:25

Rufus Shinra a écrit:
Franchement, je t'aurais bien vu dans l'équipe derrière la série originelle, car on a vraiment l'impression de voir l'un de ces épisodes (avec une meilleur VF, bien entendu).
Ah ah, j'aurais aimé. ^^

Rufus Shinra a écrit:
Par contre, une incohérence majeure à signaler :
[...]
Même face à une armada unifiée Scarran/Nebari/Pacificateur/Crichton excédée voulant quelque chose, Rygel trouvera toujours le moyen de négocier (admirablement, faut-il l'ajouter ?) le quelque chose en question :
Je crois que chez Rygel, entre la couardise et l'avidité, c'est la couardise qui l'emporte. ^^

Rufus Shinra a écrit:
Rygel : Quelqu'un d'autre veut négocier ?
Korben Dallas : Où.....où est-ce qu'il a appris à négocier comme ça ?
Tu ne confondrais pas avec D'Argo par hasard ? mrgreen

Webkev a écrit:
Comment ne pas bien commencer la journée en lisant pareil chapitre! C'est excellent! On progresse très peu au niveau de l'intrigue mais cela ne se voit quasi pas, tellement tu nous plonges dans l'univers déjanté de Farscape avec une maitrise digne d'un Scaper émérite!
Tout de même, un pilote mutant, des prisonniers en danger de mort, une balise des Pacificateurs, un sol jonché de cadavres... Je ne sais pas ce qu'il vous faut ! ^^

Rufus Shinra a écrit:
Je ne vois pas quoi trouver à redire, tout est parfait. Peut-être que je regrette d'avoir tout lu si vite, mais je n'ai pu m'empêcher de dévorer ce chapitre. Bravo Skay! clap!
J'ai pris une bonne résolution pour cette fic : aucun de mes chapitres ne devra dépasser 12 pages, afin de ne pas perdre les lecteurs et afin de poster plus régulièrement. mrgreen
(Celui-là en fait treize McKay)

Mat Vador a écrit:
"Substance jaunâtre visqueuse..."
"Mélasse rose suintante..."
"Fluide bleu poisseux..."

Ho, une fanfiction Farscape. hi hi
^^ C'est assez vrai.

Mat Vador a écrit:
C'est la digne suite de ton chapitre 1, avec une intrigue qui avance doucement mais sûrement. Nous voilà donc en présence d'autres bagnards de l'espace... j'espère que cette fois-ci, nous aurons droit à des "vrais", puisque pour moi, l'un des plus gros défauts structurels de Farscape est l'absence d'un vrai braqueur de vaisseaux spatiaux pur et dur, tout ce qu'il y a de plus coupable, à bord de Moya.
Je dirais que ce sera assez hétéroclite... et c'est tout ce que je dirai. Wink

Mat Vador a écrit:
Tu retranscris toujours avec efficacité et humour le style de Farscape (mention spéciale au passage où John est assailli de "Crichton!", se fait rembarrer, et mime le meurtre de D'Argo^^) , tout en collant très bien aux personnages, à l'univers... auquel tu ajoute des idées intéressantes (les foetus de modules irradiés... Suspect biglol mais aussi, par exemple, l'idée qu'un Pilote puisse mentir à son Léviathan)
C'est l'un des éléments qui m'intéressent tellement dans la série : de part sa relative brièveté, Farscape n'a jamais donné de détails sur, en vrac, l'évolution des Léviathans, la combustion, les Anciens, les microbes traducteurs, la relation Pilote/Moya, l'origine de cette symbiose, la reproduction Léviathane, les Nébaris, et tant d'autres sujets... Ce qui laisse le champ libre à l'imagination.

Mat Vador a écrit:
Mon soucis avec la représentation de la relation John/Aeryn, du bizutage John/les autres... c'est que tout cela est très changeant au cours de la série, et comme je n'ai plus très bien cette dernière en tête, je n'arrive pas vraiment à juger de la justesse du ton... aussi dois-je m'en remettre à ta connaissance de la série^^
Je dois avouer que c'est un soucis pour moi aussi. Il m'arrive de miser sur ces changements d'ambiance pour introduire ces scènes. ^^

Mat Vador a écrit:
Par contre, je ne suis pas fan du tout de la phrase choisie pour le premier contact Crichton/Pilote mutant : je ne la trouve ni très drôle, ni très marquante. Il y aurait eu moyen de faire mieux... clin d'oeil
J'ai repris cette phrase à plusieurs reprises, sans jamais rien trouver de plus satisfaisant que cela. Si tu as des propositions... ^^

Mat Vador a écrit:
Côté charismomètre des personnages, le tandem Chiana/Rygel s'équilibre, Zhaan monte pas mal en grade (en bonne partie grâce à la représentation de la façon dont son psychisme voit le monde, à savoir le surf perpétuel entre des forces élémentaires mystiques dont la seule évocation ferait sourire le moins cartésien d'entre nous) , D'Argo perd son petit plus du chapitre précédent mais reste à un niveau normal, Aeryn est un peu plus salée qu'au tour d'avant, Pilote/Moya restent à peu près dans le même ton.
Difficile de donner la part belle à tant de personnages colorés à chaque chapitre. Ils auront tous leur moment de gloire...

Mat Vador a écrit:
J'aime bien la référence discrète aux pointes passagères de désir de Crichton vis-à-vis de Chiana (et tu y aurais adjoint un "vice-versa" que c'eût été cohérent aussi) . Cela rappelle qu'Aeryn ou pas, D'Argo ou pas, les choses n'ont jamais été très claires entre ces deux-là.
Et je n'ai pas finis. ^^

Mat Vador a écrit:
Pour rester dans le "loooove", la mini-interaction entre D'Argo et Chiana est très bien aussi. Tu capte bien d'emblée cette différence/incompatibilité de ton, sérieux, profond et volontaire d'un côté, plus passif et affectueux que vraiment impliqué de l'autre, et qui mènera à ce que l'on sait (et si vous, vous ne savez pas ce que l'on sait, estimez-vous heureux que je ne vous dise pas ce que l'on sait!)
:tealc:
Il faut dire que leur relation à tous deux ne m'a jamais convaincu...

Mat Vador a écrit:
c'est très bien, à quand la suite?^^
ça doit te faire bizarre d'écrire à nouveau ça, non ? ^^ Moi ça me fait bizarre de le lire...


Dernière édition par Skay-39 le Mer 28 Oct 2009 - 17:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMar 27 Oct 2009 - 22:22

Chapitre III
The Song of The God Ship

L’époque était incertaine, un temps dans un temps dans un temps, au milieu d’un million d’intersections qui liaient entre eux la nuit des temps et le crépuscule du cosmos. Le lieu était inqualifiable, un univers dans un rien dans une boucle, îlot d’existence au sein d’un abîme de néant, petite fleur de réalité dérivant au cœur du trou noir autour duquel orbitait la galaxie. On n’aurait su lui attribuer de coordonnées, ou bien elles eussent été si complexes qu’un cerveau Sébacéen n’aurait pas suffit à les interpréter ; pourtant, l’endroit existait, il était tout du moins, fragile balance qui vivait comme un soleil, en lutte constante entre son bouillonnement interne qui menaçait de le disperser et l’oppression autoinfligée qui lui assurait la cohésion.
Quelque part, dans cet enclos de physique, naissait un espace peuplé de vortex. Au centre de cet espace scintillait une monstrueuse montagne dorée qui reposait sur elle-même.
Au deux tiers de sa pente s’élevait un large palais d’or et d’ivoire, construit d’immenses coupoles, de vitraux irisés et d’arches ciselées. Il était étincelant, et encerclé par les brumes d’autres dimensions. Sa matière n’avait pas de nom, mais lui en avait un milliard.
On y croisait des êtres uniques aux formes difficiles à appréhender, faits de sang, de métal et d’énergie, des êtres dont l’architecture semblait parfois moins fonctionnelle qu’esthétique. Ils étaient immensément vieux, et d’aucuns étaient encore immensément plus anciens que les autres. Certains étaient sages ; tous étaient puissants.
Dans ce palais existait encore une infinité de lieux, au détour d’une infinité de couloirs. L’un de ces lieux exotiques était un ciel vaste, envahit d’un chœur timide et fragile. Quelques créatures s’y trouvaient, absorbées dans des tâches inappréhendables.
Il y avait un temple raffiné et aussi vaste qu’une ville, tout en tourelles et en murs d’enceintes, s’élevant haut au milieu d’une forêt extraterrestre ; quatre nageoires fines et tranchantes sortaient de son ventre de pierre, et à la queue plate, bleue marine qui battait dans son sillage s’opposait un long nez ciselé d’espadon, qui fendait l’air à sa proue. Le poisson-temple se mouvait avec grâce et nonchalance, comme si l’air était son élément. Ses yeux ronds écarlates et à la pupille fendue, qui scrutaient les nuages avec fièvre de part et d’autre de sa tête, contrastaient avec la finesse de ses mouvements.
Un peu plus loin, et beaucoup plus en altitude, une silhouette se découpait devant une lumière vive, trop lactescente pour provenir d’un soleil ; c’était une forme allongée qui évoquait un calamar géant aux tentacules gris et démesurés, dépourvus de ventouses. Ils étaient incrustés de pierres précieuses de plusieurs hectares et entourés de bracelets d’or. Ces appendices émergeaient d’une sorte de coquillage irrégulier qui ressemblait moins à un coquillage qu’à un bloc de pierre, et moins à de la pierre qu’à une graine qui se serait fendue de vrilles végétales. Il progressait à l’encontre de tout aérodynamisme, précédé de ses longs bras flexibles recouverts de motifs élaborés qui paraissaient tatoués à l’encre bleue. Devant lui brillait comme une lanterne un soleil minuscule, qu’il pétrissait avec un soin minutieux, le couvant ainsi qu’un oeuf.
Il possédait sur la gauche de son encéphale trois yeux ronds et verts de taille inégale, à la pupille en croix, nichés dans un creux ménagé par l’asymétrie de sa carapace. Tout autour de cette enveloppe minérale, un fleuve sinuait, se perdant dans ses circonvolutions et formant au final une boucle. Il entourait un arbre immense dont le feuillage gris, dérangeant, rappelait les ailes de papillons sphinx ; des centaines d’oiseaux y nichaient, qui l’entouraient comme des moucherons, emplissant le vide de leurs cris.
Une ombre commença soudain à recouvrir cet être multimillénaire. Au milieu des nuages, perdu dans une couche de l’atmosphère que l’on aurait su définir, il y avait un bâtiment au moins aussi formidable.
La forme gigantesque évoquait sept Léviathans (qui n’étaient pas que cela, car leur silhouette était nettement plus complexe et leur coque agrémentée d’artistiques excroissances) de taille peu commune et d’un blanc éclatant, parcourus d’étroites arabesques dorées et liés entre eux par la queue ; mais au lieu de se rejoindre, les trois broches des poupes s’évasaient, puis se divisaient en trois pour les tiges de combustion latérales, puis encore en deux, avant de n’entamer un mouvement de spirale dans un sens ou dans l’autre. Ces broches formaient une ligne ondulée en fusionnant avec celles des autres Léviathans, dédaignant cependant leurs voisins immédiats pour rejoindre plutôt des bâtiments du cercle suivant.
Cette structure en étoile ménageait un creux en son centre, les broches enspiralées esquissant les contours d’une sphère. Au centre de ce vide flottait un globe noir de dimensions à peine plus réduites, aux reflets émeraude et à la surface huileuse ; il était, lui aussi, décoré de fines lignes dorées, plus profondément marquées.
Cette architecture, comme vous venez sans doute de le constater, était extrêmement compliquée, et tout à fait indescriptible.
Le vaisseau flottait dans une brume magnifique, diaphane, et d’une finesse bouleversante, qui confinait aux aurores boréales. Il scintillait d’un éclat doux, comme un flocon de neige, dont il évoquait d’ailleurs un peu la silhouette.
L’œil se troubla, ses lignes dansant un instant. Le vaisseau soupira.
« Que dis-tu, Dieu des Léviathans ? » interrogea un être Sébacénoïde vêtu d’une toge, son visage écarlate encadré d’une barbe et d’une crinière de cheveux blancs, de longs éclairs brillant convulsant paresseusement dans sa main droite.
Il était à moitié avachit dans un grand trône de marbre vert, à la droite de la structure immense. Ses yeux d’un bleu électrique détaillèrent son voisin avec paresse.
« L’un de mes enfants affronte une épreuve sans précédent, soupira le dieu de sa voix immense et chantante. Ils n’ont pas été conçus pour cela. »
« Ah », fit simplement l’être au corps musculeux avec fatalisme. « De nouveau ce Talyn ? » interrogeât-il après un instant, comme le détail de ce Léviathan lui revenait.
« Un autre encore. »
« Ce n’est pas ton siècle. »
Un peu plus loin, les nuages s’effilochèrent, révélant une forme sombre et penchée au sommet d’un roc. A dire vrai, en même temps qu’ils chassaient, leur matière semblait fondre pour donner corps à un étrange totem noir et anguleux, hérissé de formes mécaniques. Il était à peine haut comme deux Sébacéens, et des câbles segmentés couleur de goudron s’arquaient à sa surface, laquelle était noire comme la suie, percée de diodes vertes de taille et de répartition en apparence aléatoire.
« Le segment initial reprend à l’horizon de la troisième conjoncture. Six par trois qui par huit qui par douze. Annulation des variables. D’un cercle le cône s’enfuit, neuf point trois par quatre-un-seize ; retour à la ligne. C’est une dimension de scission quantique, portail statistique, plancher théorique. Six par cinq qui par soixante, annulation des variables, retour à la ligne, initiation. »
Le Dieu des Machines de Sth’ continua à débiter ses probabilités d’une voix monocorde, brassant le flux des données. Le dieu-vaisseau écoutait attentivement. Il soupira à nouveau.
Un feu doré couru entre les arches entremêlées. Les coques se dilataient et se resserraient visiblement, comme un cœur, comme un poumon. L’œil de pétrole tourna sur lui-même, scrutant les frontières de son territoire. Puis un frémissement le parcouru comme le crépitement platine l’atteignait et venait mourir, se noyer dans sa surface. Il se ferma lentement.
L’étoile vivante entama un chant immense, une prière qui ne connaissait pas de fin. Lorsqu’il l’eut achevé, il la répéta encore, sa musique se mêlant au discours probabilitaire.
Cette fois-ci, cependant, il répéta le dernier couplet deux fois.





« 1er janvier 2000

Et oui, voila. Je me suis fais avoir. Noël à peine passé, j’aurais dû penser au nouvel an… Mais non, je me suis contenté de me morfondre en rêvant de sapins, de guirlandes et de dîners en famille, sans garder de capital lamentation pour les jours à venir… Du coup, j’ai un peu dépassé mon quota.
Le nouvel an. Deux millénaires écoulés depuis que notre ami barbu est descendu sur Terre pour prêcher la bonne parole. Le XXIème siècle…
Mon père et moi, on devait fêter ça ensemble. On avait prévu de s’éclipser un peu avant le décompte, et de monter au sommet du château d’eau, pas loin de la maison. On allait souvent là-bas quand j’étais gosse. On devait grimper avec des bières, parler un peu de l’espace et redescendre en essayant de ne pas se casser la figure.
Des Noëls, il y en aura d’autres. Des nouvels ans aussi. Mais des passages à un nouveau millénaire… Non. Ça, non.
J’en ai parlé un peu à Zhaan. Et, devinez quoi ? Pour la planète au-dessus de laquelle nous nous trouvons, c’était aussi un changement de millénaire. Bon, ils passaient au XIème, mais le principe restait similaire. Elle m’a proposé de l’accompagner en bas, pour assister à un genre de cérémonie religieuse qui célèbre l’évènement. Pas trouvé d’excuses pour y couper.
Les réjouissances avaient lieu dans une sorte de grand colisée. Il y avait des milliers de personnes, des espèces d’humanoïdes à tête de fourmi. Zhaan avait l’air de s’amuser. Moi, passé la première heure de prières et chants rituels, je commençais à désespérer.
Mais c’est là que quelque chose d’exceptionnel s’est produit. Je veux dire, Waoh ! Un truc vraiment spécial, même pour moi, même pour cette espèce de congrégation interstellaire ou n’importe quoi peut arriver.
L’air a semblé épaissir. Il s’est mit à onduler, et à s’échauffer peu à peu ; des étincelles pourpres ont commencé à s’élever vers le ciel, comme des braises en suspension, et l’atmosphère s’est chargée d’électricité statique.
En quelques secondes, le ciel s’est emplit de nuages immenses et sanguins, qui se bousculaient comme l’écume. Le tonnerre roulait contre les gradins, le vent se faisait de plus en plus fort et brûlant. Des milliers de papiers de toutes les couleurs s’envolaient et étaient happés à toute vitesse à des hauteurs incroyables, des prières abandonnées par les pèlerins. Comme je les suivais des yeux, je l’ai vu.
Ils l’appellent le poisson-temple, et ma foi, c’est exactement ce qu’il est. Un espadon bleu nuit, immense, de la taille d’une île, d’une montagne ; et sur son dos, un palais austère, sans la moindre courbe, au milieu d’une forêt – oui, une forêt. Il était d’une longueur monstrueuse, pourvut de deux paires de nageoires démesurées, et d’un nez – que dis-je ! Un cap, une péninsule !
Désolé.
Je ne respirais plus, j’en croyais à peine mes yeux. Il nageait dans les nuages, contre le soleil, et pourtant son ombre ne nous recouvrait pas. Il nageait sur le ventre, sur le dos, comme s’il n’y avait plus ni haut ni bas, et pourtant des rivières coulaient au pied des remparts, entre les arbres. Des rivières coulaient à plusieurs kilomètres du sol.
Cela ne se produit qu’une fois tous les mille cycles (ce qui équivaut à peu prêt à un millier d’années). Les locaux nous ont informé que le temple sur le dos du poisson existe vraiment, sur cette planète… sauf lors de l’apparition. A ce moment précis, il s’évapore, remplacé par un vide blanc qui ne rend jamais ceux qui s’y aventurent. Lorsque le sanctuaire revient, tous les prêtres et les pèlerins qui se trouvaient à l’intérieur ont disparu…Il parait que c’est un grand honneur. On ne voit pas ce genre de chose tous les jours, hein ? Bien qu’en fait, d’après Pilote et ses statistiques, un dieu visite, se manifeste ou s’incarne en moyenne une fois tous les six jours solaires (ce qui équivaut à peu prêt à six jours terrestres), sur une planète ou une autre.
Zhaan m’a posé quelques questions sur le Christ. J’espère qu’elle ne se rendra pas sur Terre tout de suite, parce que je me suis mal expliqué. Elle croit que Jésus revient sur Terre à chaque Noël. J’ai préféré ne pas lui dire qu’on avait plus de nouvelles depuis deux mille ans.
That’s all Folks… »

Extrait du journal de bord de John Crichton


Dernière édition par Skay-39 le Lun 14 Fév 2011 - 15:38, édité 5 fois
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Rufus Shinra
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMer 28 Oct 2009 - 9:16

.....
Tu as osé nous sortir le :
Citation :
Cette architecture, comme vous venez sans doute de le constater, était extrêmement compliquée, et tout à fait indescriptible.

Je crois que je te hais pour ça, Skay.....
Le gars, il parvient à nous faire une description de l'Olympe Farscapienne, un monde au-delà de toute notion, pour un univers qui est déjà au-delà de toute notion, et il le fait bien.....Bon, en même temps, ça motive les lecteurs à améliorer leur style pour arriver à ça, mais quand même, c'était pas très gentil de nous retourner le couteau dans la plaie.....

Autrement, la remarque selon laquelle une divinité se manifeste tous les jours.....logique. On est dans l'univers Farscape, et une galaxie, c'est grand, très, mais alors très grand (j'aurai presque eu tendance à dire que les manifestations seraient plus fréquentes, mais bon, c'est quand même pas mal :-P).

Mention spéciale à :
Citation :
C'est pas ton siècle.
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMer 28 Oct 2009 - 9:49

Magnifique. Rien de plus à ajouter, mes yeux étaient brillants d'excitations à la lecture de ce fantasmagorique monde des dieux.

Rufus Shinra a écrit:
Je crois que je te hais pour ça, Skay.....
Le gars, il parvient à nous faire une description de l'Olympe Farscapienne, un monde au-delà de toute notion, pour un univers qui est déjà au-delà de toute notion, et il le fait bien.....Bon, en même temps, ça motive les lecteurs à améliorer leur style pour arriver à ça, mais quand même, c'était pas très gentil de nous retourner le couteau dans la plaie.....
+ 1 protest

Ensuite, j'aimerais relever le clin d'oeil à BSG 2003 et les hybrides ^^ (à moins que ca n'en soit pas un, mais j'en doute). C'est bizarre, et.. en fait non, c'est Farscape Razz


Mentions spéciales à :

Citation :
« Ce n’est pas ton siècle. »
Quoi que j'aurais peut-être mis millénaire, mais ce n'est que du détail mrgreen

Citation :
d’un nez – que dis-je ! Un cap, une péninsule !
clap! (bien que Crichton étant anglophone, je doute qu'il connaisse le célèbre Cyrano - encore une fois un détail Razz -)

Chapitre court, c'est étonnant de ta part Razz
Mais cela permet d'avoir un peu plus de posts, ce qui n'est pas un mal Razz

Bravo (ai-je déjà dit que je suis fan de cette fic ? drunken )
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Mat
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMer 28 Oct 2009 - 15:28

*Lit la réponse de Skay aux commentaires*
*Réfléchit*
*Survole à nouveau le post*
*Réfléchit encore*
*Dépose un brevet sur les ^^ *

Citation :
Citation :
c'est très bien, à quand la suite?^^
ça doit te faire bizarre d'écrire à nouveau ça, non ? ^^ Moi ça me fait bizarre de le lire...
ça me fait bizarre que tout le monde ne soit plus à se rouler à poil par terre en hurlant Stargate alors qu'il existe de bien meilleures franchises, oui mrgreen

Alors, ce micro-chapitre...
Evidemment! Que serait Farscape, fédération de la SF déjantée, du Merveilleux burlesque et du Fantastique baroque, sans un Olympe plein de Zeus à tentacules roses et à cuirasses d'or blanc? C'était tellement évident que c'est presque grotesque qu'on ne voit pas cela dans la série...
Je regrette juste un peu que tu ne donne pas particulièrement l'impression que le regard "basique" de ces êtres sur l'univers est si extraordinaire que cela. Quand je montrais l'univers par les yeux d'un ascendant, dans Héliopolis, il visualisait chaque chose comme une galaxie d'atomes et comme le reflet de plusieurs phases, dimensions et réalités alternatives. Il visualisait en tout point de l'univers l'empreinte de son passé, ainsi que son futur probable apparaissant comme par divination au milieu des voiles écartés de la Création, sans oublier les émotions qui y avaient été imprimées dans le flux-même de l'espace-temps par des mortels disparus depuis mille siècles. Il visualisait le temps comme nous voyons l'espace, et inutile de préciser qu'il voyait chaque pensée, chaque onde, chaque énergie autour de lui, comme il voyait toutes les couleurs, tous les sons, toutes les odeurs, toutes les textures, dans leur passé comme dans leur présent. Enfin, bref, tu comprend où je veux en venir.
Mis à part cela, tout est évidemment formidablement bien rédigé, est-il encore besoin de le dire?

L'idée que tu travaille, à propos de la balance [quotidien Terrien absent et souhaité / galaxie Farscape présente et refusée] sur laquelle danse maladroitement l'équilibre mental de Crichton, préfigure aussi le sentiment qui devra immanquablement l'accabler lorsqu'il finira par revoir la planète bleue : l'ennui. Le déphasage. La déprime. Comment supporter un monde où rien n'est jamais possible, un monde où il ne se passe jamais rien, un monde où tout est plat, terne et normal, quand on a vécu avec le guide du voyageur galactique, une serviette de bain et des aliens sexy sous le bras pendant plusieurs années?

D'ailleurs, a-t-on jamais su si Crichton croyait en quelque chose? Si oui, confronter ses possibles sentiments religieux à cet outrageux, burlesque et décadent olympe païen volant, qui au moins a le mérite de ne pas laisser les fidèles dans l'inconnu le plus total, aurait été très intéressant. Comment ne pas être désespéré d'attendre vainement un signe de son dieu dans chaque caillou qui roule, ou qui ne roule pas, quand on assiste à un tel carnaval de mysticisme absolu et orgasmique, une telle ivresse d'ésotérisme exhibitionniste et mythologique, chez le voisin? Comment se persuader que la moindre extase religieuse véritable ait jamais pu avoir réellement lieu sur Terre, après ça?

J'aurais également aimé savoir en quoi consistait la foi de ces têtes de fourmis vis-à-vis de tels dieux : j'imagine mal ces êtres transmettre des préceptes moraux à respecter, comme dans nos monothéismes. S'agit-il plutôt d'un modèle où des divinités plus qu'imparfaites sur le plan de la personnalité, ont donné vie à leur espèce, et où, étant donné leur puissance, on apporte offrandes et sacrifices en échange de coups de pouces divins?

Ho, et, onzième millénaire seulement? Petits joueurs^^

Citation :
Mention spéciale à :
Citation :
C'est pas ton siècle.
J'ai largement préféré :

Citation :
Un peu plus loin, les nuages s’effilochèrent, révélant une forme sombre et penchée au sommet d’un roc. A dire vrai, en même temps qu’ils chassaient, leur matière semblait fondre pour donner corps à l’étrange totem noir et anguleux, hérissée de formes mécaniques. Il était à peine haut comme deux Sébacéens, et des câbles segmentés couleur de goudron s’arquaient à sa surface, laquelle était noire comme la suie, percée de diodes vertes de taille et de répartition en apparence aléatoire.
« Le segment initial reprend à l’horizon de la troisième conjoncture. Six par trois qui par huit qui par douze. Annulation des variables. D’un cercle le cône s’enfuit, neuf point trois par quatre-un-seize ; retour à la ligne. C’est une dimension de scission quantique, portail statistique, plancher théorique. Six par cinq qui par soixante, annulation des variables, retour à la ligne, initiation. »
Le Dieu des Machines de Sth’ continua à débiter ses probabilités d’une voix monocorde, brassant le flux des données. Le dieu-vaisseau écoutait attentivement. Il soupira à nouveau.
rigole rigole rigole rigole rigole
C'est vrai qu'il y a un côté Doctor Who et H2G2 dans Farscape, c'est indéniable... 42!

En bref, c'est un excellent chapitre, mais je pense qu'il mériterait de faire le double de sa taille pour être encore plus approfondi (entres autres par rapport aux points que j'ai soulevé) .
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMer 28 Oct 2009 - 19:03

Rufus Shinra a écrit:
.....
Tu as osé nous sortir le :
Citation :
Cette architecture, comme vous venez sans doute de le constater, était extrêmement compliquée, et tout à fait indescriptible.

Je crois que je te hais pour ça, Skay.....
Quoi, tu veux me faire croire que tu as pigé à quoi ressemblait le dieu des Léviathans ? ^^

Rufus Shinra a écrit:
Autrement, la remarque selon laquelle une divinité se manifeste tous les jours.....logique. On est dans l'univers Farscape, et une galaxie, c'est grand, très, mais alors très grand (j'aurai presque eu tendance à dire que les manifestations seraient plus fréquentes, mais bon, c'est quand même pas mal :-P).
En fait, c'est tous les six jours. Il faut savoir que dans mon Farscape, tous les peuples n'ont pas leur dieu, tandis que certains peuples en ont plusieurs. Il y en a aussi qui croient en un dieu inexistant.

Webkev a écrit:
Magnifique. Rien de plus à ajouter, mes yeux étaient brillants d'excitations à la lecture de ce fantasmagorique monde des dieux.
C'est un plaisir de lire cela, c'était l'effet recherché. :vala:

Webkev a écrit:
Ensuite, j'aimerais relever le clin d'oeil à BSG 2003 et les hybrides ^^ (à moins que ca n'en soit pas un, mais j'en doute).
C'en est un. ^^ Je suis tombé littéralement amoureux des discours décousus tenus par les hybrides Cylon, et je voulais mettre un peu de ce délire fascinant dans ma fic.

Webkev a écrit:
Citation :
« Ce n’est pas ton siècle. »
Quoi que j'aurais peut-être mis millénaire, mais ce n'est que du détail mrgreen
Voyons, l'expression correcte est "Ce n'est pas ton jour"... Si on voit qu'un être humain vit en moyenne soixante-dix ans, et qu'il y a trois-cents soixante-cinq jours par an, cela nous fait 25 550 jours pour une vie humaine - soit, ici, autant de siècles. Deux millions cinq cent cinquante-cinq mille ans, c'est tout de même une jolie vie, même pour un dieu. ^^

Webkev a écrit:
Citation :
d’un nez – que dis-je ! Un cap, une péninsule !
clap! (bien que Crichton étant anglophone, je doute qu'il connaisse le célèbre Cyrano - encore une fois un détail Razz -)
Quoi, tu ne connais pas les célèbres vers d'Hamlet "To be or not to be ?", ou encore "Roméo, Roméo, pourquoi es-tu Roméo ?"
Parce que c'est du Shakespeare, hein. ^^

Webkev a écrit:
Chapitre court, c'est étonnant de ta part Razz
Mais cela permet d'avoir un peu plus de posts, ce qui n'est pas un mal Razz
C'était un format particulier. =P Et puis avec une série comme Farscape, je me permets davantage de libertés qu'avec SG-1 par exemple.

Mat Vador a écrit:
*Lit la réponse de Skay aux commentaires*
*Réfléchit*
*Survole à nouveau le post*
*Réfléchit encore*
*Dépose un brevet sur les ^^ *
xD Touché. Je devrais me restreindre de ce côté là...

Mat Vador a écrit:
Alors, ce micro-chapitre...
Eh, oh. C'est pas la taille qui compte. roi
(vous n'imaginez pas combien de temps j'ai hésité à sortir cette vanne éculée)

Mat Vador a écrit:
Je regrette juste un peu que tu ne donne pas particulièrement l'impression que le regard "basique" de ces êtres sur l'univers est si extraordinaire que cela. Quand je montrais l'univers par les yeux d'un ascendant, dans Héliopolis, il visualisait chaque chose comme une galaxie d'atomes et comme le reflet de plusieurs phases, dimensions et réalités alternatives. Il visualisait en tout point de l'univers l'empreinte de son passé, ainsi que son futur probable apparaissant comme par divination au milieu des voiles écartés de la Création, sans oublier les émotions qui y avaient été imprimées dans le flux-même de l'espace-temps par des mortels disparus depuis mille siècles. Il visualisait le temps comme nous voyons l'espace, et inutile de préciser qu'il voyait chaque pensée, chaque onde, chaque énergie autour de lui, comme il voyait toutes les couleurs, tous les sons, toutes les odeurs, toutes les textures, dans leur passé comme dans leur présent. Enfin, bref, tu comprend où je veux en venir.
Je n'en sais rien... disons qu'il m'a semblé que ce n'était pas le moment. Peut-être n'est-ce pas évident, mais ce chapitre à un but précis, au-delà de l'aperçu que vous avez eu de l'Olympa Scapien. Je ne crois pas qu'il soit souhaitable de me disperser ici.
De plus, les perceptions de ton ascensionné sont très nettement supérieures à celles dont disposent la plupart de mes dieux. Par exemple, tu l'as constaté : le dieu Léviathan écoute les probabilités du dieu-ordinateur, parce que ce dernier sait des choses que lui ignore. Mes dieux possèdent ainsi tous des capacités différentes.
Concernant le dieu des Lévithans, je vois la sphère en son cœur comme un œil à la Sauron, capable de voir d'une manière extraordinaire en abolissant les distances. Mais j'évoque aussi les limites de son territoire...

Mat Vador a écrit:
Mis à part cela, tout est évidemment formidablement bien rédigé, est-il encore besoin de le dire?
Bof, tu sais, il m'arrive de connaitre des baisses de régime. Wink

Mat Vador a écrit:
L'idée que tu travaille, à propos de la balance [quotidien Terrien absent et souhaité / galaxie Farscape présente et refusée] sur laquelle danse maladroitement l'équilibre mental de Crichton, préfigure aussi le sentiment qui devra immanquablement l'accabler lorsqu'il finira par revoir la planète bleue : l'ennui. Le déphasage. La déprime. Comment supporter un monde où rien n'est jamais possible, un monde où il ne se passe jamais rien, un monde où tout est plat, terne et normal, quand on a vécu avec le guide du voyageur galactique, une serviette de bain et des aliens sexy sous le bras pendant plusieurs années?
Je quote parce que c'est très exactement ça, même si je n'ai pas finis d'insister là-dessus. ^^

Mat Vador a écrit:
D'ailleurs, a-t-on jamais su si Crichton croyait en quelque chose? Si oui, confronter ses possibles sentiments religieux à cet outrageux, burlesque et décadent olympe païen volant, qui au moins a le mérite de ne pas laisser les fidèles dans l'inconnu le plus total, aurait été très intéressant.
Pour moi, soit Crichton n'est pas croyant, soit il l'est d'une manière plus philosophique que fervente, si bien que ça n'influe pas vraiment sur son comportement. Je ne me souviens pas que le sujet ait jamais été abordé le concernant.
Il faut aussi se montrer prudent, concernant mes dieux : ils ont des parcours variés pour la plupart, et des niveau de puissance et de connaissance différents, mais aucun ne ressemble vraiment à notre Dieu, omniscient, omnipotent, éternel (même si certain le prétendent).

Mat Vador a écrit:
Comment ne pas être désespéré d'attendre vainement un signe de son dieu dans chaque caillou qui roule, ou qui ne roule pas, quand on assiste à un tel carnaval de mysticisme absolu et orgasmique, une telle ivresse d'ésotérisme exhibitionniste et mythologique, chez le voisin?
:tealc: C'était tout de même l'idée. A voir maintenant si ces dieux païens et guère transcendants sont satisfaisants...

Mat Vador a écrit:
J'aurais également aimé savoir en quoi consistait la foi de ces têtes de fourmis vis-à-vis de tels dieux : j'imagine mal ces êtres transmettre des préceptes moraux à respecter, comme dans nos monothéismes. S'agit-il plutôt d'un modèle où des divinités plus qu'imparfaites sur le plan de la personnalité, ont donné vie à leur espèce, et où, étant donné leur puissance, on apporte offrandes et sacrifices en échange de coups de pouces divins?
Pour certains, oui. Pour le poisson-temple, ce n'est pas vraiment cela : il s'est manifesté à une civilisation déjà établie, et use de son aura divine pour obtenir des services de ses fidèles à moindres frais. En l'occurence, il doit s'assurer que les pélerins continuent à venir se donner la mort dans son temple, qui se trouve à la fois sur son dos et sur la planète (sauf durant la période de l'apparition, ou le temple planétaire s'évapore).
A la limite, je peux toujours ajouter cela dans le récit de Crichton. ^^

Mat Vador a écrit:
Ho, et, onzième millénaire seulement? Petits joueurs^^
Pour leur défense, ils ont connus plusieurs retours en arrière. ^^

Mat Vador a écrit:
C'est vrai qu'il y a un côté Doctor Who et H2G2 dans Farscape, c'est indéniable... 42!
Dans mon Farscape, la réponse est 39. mrgreen

Mat Vador a écrit:
En bref, c'est un excellent chapitre, mais je pense qu'il mériterait de faire le double de sa taille pour être encore plus approfondi (entres autres par rapport aux points que j'ai soulevé).
Suite à tes remarques, je vais peut-être ajouter une précision ici ou là, mais pas doubler la longueur, je ne veux pas m'éparpiller dans ce chapitre qui à une intention particulière.
Mais ne t'en fais pas, nous aurons l'occasion d'y revenir. Wink
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMar 13 Avr 2010 - 17:51

Chapitre IV
All This Dren Looks a Little Too Familiar

Grondements de colère et interjections peu amènes accueillirent Aeryn Sun lorsqu’elle se présenta vêtue de son uniforme réglementaire dans l’embrasure de la porte, qui n’avait pas trouvé la force de se refermer après le passage de Zhaan. Une partie de la brume s’y était engouffrée, rendant l’atmosphère de la salle plus respirable ; en revanche, il y faisait toujours excessivement sombre, et le grand espace était peuplé d’ombres sournoises. Aeryn avisa à son tour les escaliers en spirale en pleine formation, et évalua l’âge du cartilage d’un regard expert. Elle estima que la reconversion du Léviathan était récente, quelques semaines tout au plus.
- Pacificateurs de frell ! lançât-on hargneusement depuis l’étage supérieur.
Il y avait de la haine dans cette insulte, une haine si brûlante et débordante que la voix en avait tremblé. Le cri, qui s’acheva sur une quinte de toux, était tout simplement pitoyable, résonnant trop fort dans l’atmosphère trop silencieuse, percée seulement de voix éparses et maladives.
L’officier Sun jeta un bref coup d’œil dans cette direction, puis se remit à avancer imperturbablement. Les marmonnements déplaisants continuèrent de l’accompagner tandis qu’elle captait au passage des instantanés de visages aux formes et couleurs variées, mais à l’expression à peu de chose près similaire. Même elle, qui n’avait pourtant pas sourcillé tandis qu’elle parcourait les conduits d’un Léviathan mutilé, était sensible à l’atmosphère sinistre du lieu.
- Frelnik de dren.
- Allez au Squag !
L’agitation ne changea pas de teneur quand John pénétra dans la pièce à sa suite, redoubla même. L’Humain ralentit bientôt le pas, son regard se perdant dans les hauteurs. Il émit un peu sifflement, ignorant superbement la malveillance dont il était l’objet.
- Echo ! lançât-il.
Malheureusement, les parois humides du vaisseau ne se prêtaient pas au jeu.
Les protestations diminuèrent cependant lorsque Ka D’Argo s’engagea à son tour dans l’espace malodorant, la mine revêche et l’épée Kalta armée et prête à faire feu. Des commentaires égarés s’échangèrent. La diplomatie à l’œuvre entre les Pacificateurs et le gouvernement Luxan était de notoriété publique, mais ces derniers n’en étaient pas pour autant exemptés de préjugés xénophobes ni intégrés à leur armée.
Une franche perplexité fit taire les derniers à l’apparition d’un Hynérien d’une humeur massacrante, vêtu de riches atours et juché sur un trône volant. Hynéria ouvrait certes son territoire à la milice interstellaire, mais on n’avait jamais vu pour autant un membre de leur noblesse pénétrer dans un transport de prisonnier de ce type. Tout cela était franchement anormal.
Lorsque Chiana enfin s’avança, son fusil monstrueux en main, des murmures incrédules montèrent peu à peu, brisant le silence à peine établit. Une Nébari ! Les représentants du beau peuple étaient à peine moins rares dans les Territoires Libres qu’un banc de Boudong. En dépit de la situation des plus morbide, quelques sifflements et commentaires salaces accompagnèrent la jeune femme. Celle-ci parut hésiter, incertaine de ce que cela lui inspirait, et puis afficha finalement un sourire en coin satisfait. Celui-ci reflua cependant lorsque les remarques se firent plus doucereuses et inquiétantes.
D’Argo lâcha un soupir nerveux qui tenait tout autant du grognement.
- Aaaah, je n’aime pas ça, murmurât-il. Toute cette dren m’est un peu trop familière.
- Je te comprends, marmonna Rygel sombrement dans son sillage. Je pensais ne plus jamais me retrouver dans ce genre d’endroit.
Nul ne lui fit remarquer qu’il vivait actuellement dans un endroit à peu près semblable. Ils comprenaient, eux aussi.
- Idem ici, fit Aeryn avec un sérieux affecté.
D’Argo, ne goûtant pas à la plaisanterie, lui jeta un regard dénué d’amabilité.
- Hé, les gars ! fit une voix incrédule et excitée, dont les compagnons ne purent localiser l’origine. Ce vrolnux ! C’est John Crichton !
Ce qui donna lieu à un nouveau brouhaha, composé de « Sérieux ? » et de « C’est qui ? » en passant pas « On s’en garnoof ! ».
John parcouru du regard les rangées de cellules, hésitant. Il ne savait toujours pas très bien ce qu’il pensait de cette relative notoriété que lui avaient valu la destruction de la base Gammak et ses autres démêlées avec les Pacificateurs. Se penchant vers le Luxan à ses côtés, il l’interrogea avec une ingénuité volontaire.
- C’est gentil, ça, vrolnux ?
- Ça dépend. Est-ce que les humains sont hermaphrodites ?
L’astronaute le fixa un moment de ses yeux clairs.
- Non, répondit-il enfin en faisant traîner la première consonne.
- Alors oui, c’est plutôt sympa.
- Pour tout te dire, ça m’inquiète un peu que tu ne m’ais pas posé la question plus tôt.
- J’avais cru comprendre que tu étais capable de suppléer à l’absence de partenaire sexuel.
- …C’est autre chose.
- Je sais faire ça aussi, fit remarquer Chiana avec une malice suggestive.
Aeryn s’était approchée de l’une des cellules. Braquant sans pitié l’éclat cru de sa lampe sur l’intérieur, elle avisa une créature de grande taille, dont la tête évoquait celle d’un requin marteau. Elle possédait cependant une longue moustache blanche et une bouche qui, si elle était bien emplie de dents pointues, se trouvait à la verticale.
- Reculez, fit l’ancienne Pacificatrice avec autorité, fixant le captif droit dans les yeux.
Ce qui représentait une sorte d’exploit, car ils étaient distants l’un de l’autre de soixante bons centimètres.
Le sébacénoïde obtempéra sans un mot, ses longs bras simiesques couverts de lésions effleurant le sol, ses petits crocs découverts par un rictus peu engageant. L’officier Sun attendit qu’il eut atteint le fond de la cellule, puis apposa contre l’œilleton biotechnologique sur le côté de la porte un petit objet plat en forme d’octogone, fixé à une courroie de cuir brun, ou ce qui y ressemblait. Rien ne se produisit. Passant les doigts au travers des barreaux, elle imprima une puissante traction à la grille, qui ne bougea pas d’un pouce.
- A mon avis, ils ont déjà essayé ça, intervint Crichton qui l’avait regardé faire ainsi que les trois autres.
- Il nous faut du courant dans ce secteur, répliqua Aeryn. (Elle tripota son communicateur) Zhaan ?
« J’écoute », fit cette dernière avec dans la voix des accents de tristesse bien connus.

Tout en prenant la communication, la Delvienne s’éloigna inconsciemment de la vaste console ou le Pilote fatigué s’activait avec assiduité dans l’obscurité, au milieu des fumigènes, tel un DJ de soir d’Halloween. La perspective de bientôt peut-être l’abandonner à son sort la culpabilisait grandement.
« Tu es avec le Pilote ? » s’enquit Aeryn.
- Je lui ai fais part de nos… besoins immédiats. Il s’affaire à réalimenter les matrices à modules. L’inconscience du Léviathan ne lui facilite pas la tâche… mais s’il était éveillé, la douleur les empêcherait tous deux de raisonner.
Zhaan s’arrêta au bord de l’une des passerelles, surplombant la mer de nuages. Son épiderme était désagréablement tendu, la tiraillait à chacun de ses mouvements. Les pores de sa peau s’étaient instinctivement contractés pour la préserver des miasmes acides qui constituaient la brume faussement inoffensive saturant ces lieux.
Elle n’aimait pas se sentir ainsi diminuée. La membrane élastique qui recouvrait tout son corps était son interface privilégiée avec le monde extérieur ; il lui était déjà pénible de la recouvrir quotidiennement de vêtements, de la priver d’air et de lumière afin de satisfaire à des inhibitions qu’elle jugeait insensées… Son inconfort en cet instant était vraiment intense, plus encore maintenant qu’elle y pensait, une sorte de nausée épidermique. Ajouté au malaise psychique que lui occasionnait son trop-plein de perceptions extralucides, on atteignait vite un seuil de saturation, et le moral ainsi que la patience de la Delvienne baissaient en flèche.
« Est-ce qu’il saurait réactiver les DRD ? Ils ne sont bons qu’à encombrer les couloirs pour le moment » la relança la Pacificatrice sans pitié, et Zhaan souffla, tendue.
- Peut-être… Pas dans l’immédiat. Ils sont trop dépendants du vaisseau.
Zhaan repoussa encore la souffrance latente du Léviathan, malheureuse ; mais celle-ci était prompte à refluer, se coulant dans chaque brèche que la lassitude ouvrait. Elle n’aspirait qu’à quitter cet endroit. Elle avait besoin de méditer, longuement. Elle avait besoin d’ôter ses vêtements et de se plonger toute entière dans un bain purificateur, de laisser le soleil caresser sa peau et l’emplir de félicité, régénérer ses cellules végétales et vider son esprit.
Elle culpabilisa encore un peu d’envisager avec impatiente l’instant de sa libération, lorsqu’il condamnait aussi l’être diminué qui s’affairait dans son dos. La jeune-femme serra les paupières un instant, s’abandonnant à l’injustice de cette situation. Un vague début de larmes mouilla le bord de ses yeux ; elle l’aurait voulu plus conséquent. Si la déesse la voyait en ce moment, comment la jugerait-elle ?

Vraiment exaspérante. Toute cette situation était grotesque, tout à fait surréaliste. Si on lui avait dit, à l’époque où elle servait chez les Pacificateurs, qu’un jour elle se trouverait à risquer sa vie pour une bande de racailles… L’officier Sun mâchonna le bout de sa langue, agacée. Elle souffla pour remettre en place quelques cheveux indisciplinés qui lui tombaient sur les yeux.
- On aurait aussi besoin d’un circuit fonctionnel sur les cellules, reprit-elle sèchement, ne s’étant jamais bien familiarisée avec les subtilités de la cohabitation avec des civils. Histoire de commencer à évacuer tous ces… à évacuer. Est-ce qu’il peut s’occuper de ça aussi ?
« Je vais voir ce que je peux faire », répondit Zhaan avec raideur.
Aeryn était revenue vers le centre de la pièce sans attendre la réponse, le doigt sur la gâchette. La Sébacéenne maniait les armes à impulsion avec une décontraction que même D’Argo n’égalait pas.
- Il nous faudrait une liste d’équipage, fit-elle d’un ton autoritaire. J’aimerais bien savoir à quelle proportion de salopards on va avoir affaire.
- On compte les gardiens dans le lot ? interrogea Chiana d’un ton acide.
L’officier Sun pianota sur la gâchette de son arme, plissant le front. Crichton n’était pas le seul à fantasmer sur miss monochrome, mais les envies de la Sébacéenne étaient d’une teneur toute différente.
- Ouais, j’aimerais savoir le plus tôt possible combien de personnes on va avoir à déplacer, grommela D’Argo en baissant la voix. Je veux être sûr qu’on les ait tous à l’œil.
- Faudrait aussi vérifier si y’en a pas quelques-uns qui savent faire des trucs bizarres, intervint Crichton laconiquement - il fit claquer sa langue.
D’Argo haussa une arcade sourcilière.
- Des trucs bizarres ? répétât-il d’un ton bourru, avec un dodelinement de la tête qui invitait à de plus amples précisions.
Aeryn imita le bruit de bouche du terrien et le mouvement de tête du Luxan, ce qui était sans doute une manière de se payer leur tête à tous les deux.
- Ouais… Tu sais bien. Tu vois ce que je veux dire. Enfin… Assommer les gens avec leur langue, se dissimuler, lire dans les pensées, marcher sur les murs, qu’est-ce que j’en sais ! Juste… des trucs bizarres.
- D’accord, fit le Luxan avec mauvaise humeur, on va vérifier les trucs bizarres. En attendant que le Pilote nous sorte les données sur la cargaison, je propose qu’on procède à l’ancienne.
- Je prends l’étage, répondit Aeryn, ce qui était sa manière d’approuver.


La lumière dansait doucement, ondulant par vagues, avec une régularité toute mécanique. Elle formait un cercle doré incandescent, de la dimension d’une assiette, parcourut d’une enflure plus brillante ; c’était cet éclat qui se mouvait inlassablement, tournait avec une lente indolence, et le mouvement imprimait à l’anneau un léger balancement.
De part et d’autre de l’étrange manifestation, deux mains fines et blafardes brillaient, irradiaient même. On aurait dit qu’elles volaient, reliées à rien. L’éclairage intense soulignait avec netteté des arabesques en surimpression, qui sourdaient de la chair laiteuse telles des scarifications.
Le torse était plongé dans l’obscurité, nid d’ombres indistinctes, zébré parfois d’une forme plus claire découpée par l’artistique maillage qui constituait tout un mur de la pièce exiguë ; une élégance qui ne parvenait pas à occulter la nature toute carcérale de l’endroit.
Plus haut, paraissant flotter dans le noir, se dessinait un visage – menton, pommettes, un reflet dans des yeux indiscernables, un nez pointu au bout mutin, l’ébauche d’un front. Quelques runes indistinctes semblaient gravées sur sa moitié gauche.
Sans y penser, Grey remua légèrement, et fut envahi d’un soulagement immédiat lorsque le sang circula à nouveau dans ses jambes. Sentant cependant un froid minéral l’envahir, il se tança furieusement. Il avait décidé de faire le nécessaire pour ne pas attirer l’attention du sorcier psychopathe. Bien qu’il ne les vit pas, il savait que ses yeux de cinglés étaient maintenant fixés sur lui, par-delà l’anneau de lumière dorée. La chair de poule sur sa nuque était un indice sans équivoque.
Grey soupira et se força à détourner le regard, comptant que l’autre ainsi retournerait bientôt à ses occupations. La fraîcheur déplaisante qui le balayait finit par se détourner, et il respira mieux.
- T’soh ! Vous m’avez entendu ? Il y a des gens en bas, fit Le Toodnourf à demi-voix – on devinait cependant l’excitation qu’il s’efforçait de maîtriser, une nervosité que l’on savait immédiatement perpétuelle, stupide et, à n’en pas douter, exaspérante.
- Ferme-là, débile, lança sèchement Grey.
- Tu t’en fiches ? bégaya l’autre. Je croyais qu’on mourrait ici ! T’soh !
Le Toodnourf se trouvait dans la cellule voisine, séparé d’eux par une grille en acier maddium, laide et fixée à la va-vite. Il tenait son visage de blatte pressé contre le l’entremêlement de la porte, qu’il avait escaladé jusqu’en haut afin de disposer d’un meilleur point de vue sur les nouveaux arrivants, en contrebas.
- Les Pacificateurs ont envoyé une escouade récupérer le vaisseau et ceux qui ne sont pas crevés, la belle affaire. Pour moi, ça ne change pas grand-chose.
Il frissonna, dérangé soudain par la fraîcheur du métal dans son dos. Il mit un instant à comprendre ce que cela signifiait.
- Ce ne sont pas les Pacificateurs, fit Zhakanas Zec Machin-chose, ses dents trop lisses brillant un instant dans la lumière dorée qu’il veillait. Il y a un Luxan avec eux, un Hynérien, et une Nébari. Et une curieuse créature que je ne saurais identifier.
Son timbre neutre s’était teinté de curiosité sur la fin, signifiant que cette lacune l’intriguait.
Grey ne demanda pas comment son codétenu savait cela, alors qu’il n’avait pas bougé de sa place depuis que le silence de mort s’était mué en un brouhaha anormalement faible, amputé de trop de voix. Il ne tenait pas à le savoir. Lorsqu’il avait été bouclé dans cette cellule, il ne croyait pas à la magie. Maintenant, un millier de cycles plus tard, il regrettait amèrement son ignorance d’alors, bien que son orgueil s’offusquait de cette forme de lâcheté.
- Mince, p’t’être que c’est du bon, hein ? babillait Le Toodnoorf, plein d’un espoir pathétique. Je veux dire, peut-être qu’ils vont nous laisser sortir. Après tout, si c’est pas des Pacificateurs, hein ? T’soh !
Sa voix variait sans cesse en intensité, épousant le rythme irrégulier de ses pensées chaotiques. Grey détestait cette insuffisance. Bien qu’il s’efforçait de le cacher, elle lui répugnait.
- Hey ! Y’en a qui disent que c’est Crichton.
- Je ne suis pas sourd, grinça Grey. J’ai entendu.
- Tu sais qui c’est, ce Crichton ?
- La ferme, répéta Grey, qui l’ignorait et aurait bien voulu le savoir.
Pirate ou justicier ? Et surtout, lequel serait préférable ?
- Ah, fit l’autre, et il se fit manifestement violence pour ne rien ajouter.
Il était incapable de se taire, ils le savaient tous les deux. Mais s’il parvenait à se retenir suffisamment longtemps, peut-être éviterait-il quelques violences.
N’y tenant plus, Grey se tira hors de sa couche sommaire et gagna la porte de sa cellule. Il accrocha ses quatre mains à la grille épaisse, ignorant avec superbe le soulagement fugitif qu’il avait ressentit en ne se sentant pas transir par le regard de Zhakanas. Il ne pouvait cependant distinguer les nouveaux venus, et son amour-propre lui interdisait d’imiter le Toodnourf.
De l’obscurité s’éleva à nouveau la voix doucereuse, dont les ondes évoquaient la caresse d’une araignée. Elle était chantante d’une manière lugubre, un peu empruntée, et maladive, maladive surtout ; elle semblait appartenir à un adolescent exsangue, sur le point de défaillir, ou bien à un esprit errant.
- Tu vois ? faisait cette voix avec ironie. La chance tourne, dirait-on. Des Pacificateurs à la grande incertitude et de l’incertitude à cette intriguante compagnie. Voila qui devrait être intéressant. Cela aura valu la peine de survivre, finalement.
Une rage suffocante envahit Grey, noua sa gorge et son ventre ; ses narines se dilatèrent, un tremblement agita ses mains. Il sentit dans sa nuque cet étrange ruissellement acide que suscitait en lui une émotion brutale, et devina les réactions chimiques dans ses iris, la couleur sang qui devait les envahir en cet instant.
Il ravala sa colère, cependant, la musela et endura la frustration. Soudain, la perspective de quitter cet endroit lui parut aussi merveilleuse qu’au Toodnourf, mais il s’interdit de trop y songer.
Inévitablement, ses pensées allèrent à celui qui, en revanche, n’irait plus nulle part.
Grey baissa les yeux vers le cadavre sanguinolent du troisième occupant de leur geôle, s’attardant malgré lui sur les traits de son visage pathétiquement distendus. Le corps tordu gisait sur le sol maculé, sa poitrine ouverte sur un vide béant.
Zhakanas rit doucement.


Pour qui suivrait les péripéties de John Crichton et de ses compagnons malgré eux depuis suffisamment longtemps, les Pacificateurs présenteraient une multitude de visages strictes et dénués de passion, s’ensuivant par milliers sans qu’on puisse trouver sur aucun la moindre étincelle de fantaisie ; un patchwork immense et flou d’identités interchangeables, réunis et confondus jusqu’à ne plus former qu’une main colossale s’étendant sur la moitié de la galaxie. Il faut dire que les Moyans avaient toutes les raisons de nourrir quelques rancœurs envers la milice interstellaire ; après tout, ils étaient entre proscrits. Il n’est pas nouveau, cependant, que ceux qui demeurent du bon côté de la loi s’en accommodent bien souvent, aussi absurde, dangereuse et abusive soit-elle. Ainsi, nombreuses étaient les planètes qui se réjouissaient chaque jour de l’étouffante protection offerte par le corps Sébacéen. En contrepartie de quelques concessions, ces gouvernements héritaient d’une force armée prête à intervenir à tout moment pour mater les rébellions et traquer les criminels issus de ou enfuis dans l’espace profond. La restitution des détenus à leur monde d’origine faisait l’objet d’une législation extrêmement complexe, si d’aventure ces derniers en avaient fait demande, ce qui était loin d’être systématique ; pour la plupart, les malheureux échouaient dans les immenses complexes-prisons d’une incroyable rusticité que les Pacificateurs avaient battis sur plusieurs lunes du système Tajik, baptisé « le carré » en raison de sa position centrale dans les territoires Pacificateurs (bien qu’à dire vrai, cet état de fait ne soit plus correct depuis plus de quatre mille cycles, au cours desquels la zone d’influence des gardiens de la paix n’avait presque cessée de s’étendre).
Les critères des Pacificateurs pouvaient sembler iniques, et à juste titre, mais bien souvent, ils n’étaient jamais que ceux des mondes employant leurs services. Les criminels qui emplissaient leurs geôles avaient tous fautés, selon un code de loi obscur, issu d’une petite planète souveraine isolée au milieu de l’espace Pacificateur. L’assassin côtoyait celui qui avait refusé de tuer ; le citoyen qui prêchait le renoncement à la science incarcéré au même titre qu’un autre ayant refusé de la renier. Les prisons du carré Tajik étaient un cirque absurde, la vivante incarnation de la folie procédurière, lorsque Justice n’était plus que le nom d’un ministère, sinon celui d’un homme.

Tharnas avait été affrété afin de recueillir des détenus en attente sur plusieurs dizaines de mondes en vue de leur transfert vers la prison de Hu’tot Franton, située sur l’une des lunes les plus inhospitalières de tout le système Tajik – à peine plus qu’un astéroïde, en fait. Là-bas, les forçats se voyaient confier un équipement sommaire, ainsi que la mission d’extraire suffisamment de minerai de pronenchose pour justifier l’importation de leur oxygène et de leur nourriture. Huit bagnards sur dix n’y survivaient pas plus de deux ans. Environ soixante pour cent des décès étaient dus à des défaillances des masques respiratoires rudimentaires. Quatre-vingt trois pour cent de ceux qui passaient les deux premières années survivaient au moins jusqu’à la dixième. L’astuce consistait à toujours traîner avec un nouveau. Les nouveaux n’avaient pas le réflexe de s’agripper à leur masque.
Les mondes de Denaï et Faross étaient de ceux qui avaient remplis le plus grand nombre de cellules, ainsi que Shogrom et To et Xépol et Abydos. Mais bon nombre de planètes de moindre importance avaient contribué dans la mesure de leurs moyens, confiant ici un tueur cannibale, là une épouse infidèle. Ainsi, ses geôles contenaient un échantillon aussi varié que coloré du gibier de potence habituellement traité par les Pacificateurs.


Aeryn Sun avait cette considération bien à l’esprit tandis qu’elle passait en revue les cellules exhalant une puanteur de cadavre. Elle espérait qu’il en allait de même pour ses compagnons de route, tout en nourrissant de sérieux doutes à ce sujet. D’Argo était trop sûr de lui, Chiana pensait avec son nihliss et Crichton… bref.
Dans chaque regard qu’elle croisait, elle tâchait de déceler l’étincelle du meurtre. Hélas, elle la retrouvait un peu partout, dès que les chevrons de son uniforme luisaient dans le faisceau de la lampe fixée au canon de son arme. Compte-tenu de la situation, même un commandant de cargo incarcéré pour pilotage en état d’ivresse pourrait légitimement se sentir des velléités d’assassin à l’encontre d’une Pacificatrice.
Ce qui ne signifiait pas qu’elle hésiterait une seconde à loger un laser dans la tête de celui qui entendrait passer de la théorie à la pratique.
- Cent quarante-six… Cent quarante-sept… Cent quarante huit… Huit… Cent quarante-neuf… Cent cinquante… Neuf…
Aeryn tenait deux décomptes. La plupart des Humains auraient des difficultés à faire de même, mais c’était à la portée de n’importe quel Sébacéen normalement constitué.
Le second concernait les prisonniers encore en vie.
Une main énorme se referma sans force sur son bras.
- Hé, Pacificatrice ! siffla une voix déplaisante, chargée d’une ironie féroce.
Aeryn bougea comme l’éclair et frappa du canon de son arme sur les doigts qui prétendaient la retenir. D’une pression sur un bouton, elle infligea une puissante décharge de nature électrique, qui fit se rétracter bien vite l’appendice. Une exclamation de douleur monta de l’intérieur de la cellule.
La jeune femme s’approcha des barreaux, décidée à ne pas se laisser intimider. Son visage n’avait pas exprimé la moindre émotion – ni surprise, ni colère – et demeurait toujours impassible. Elle avait l’air, en fait, de s’ennuyer. Poussant la puissance de sa torche au maximum, elle examina son agresseur.
C’était un genre d’arthropode massif, telle fut sa première constatation. Elle ne connaissait pas cette espèce – en avait déjà croisé sur des planètes commerciales, en fait, mais cela ne lui avait rien appris sur leurs dangers ni leurs faiblesses, et était donc totalement dépourvu d’intérêt.
Ce qu’elle remarqua en second lieu fut qu’il était à l’agonie. Sa carapace blanchie par la moisissure était corrodée en plusieurs endroits, et un liquide corporel translucide suintait de toutes ses articulations. Une pellicule blanchâtre couvrait ses yeux, et une odeur de renfermé si puissante qu’elle vous prenait à la gorge émanait de l’alcôve. Certes, elle n’avait aucune preuve que cela ne constituait pas une norme de cette espèce, mais le sentait viscéralement.
- Nerveuse, Pacificatrice ? grogna la créature, ses mandibules hérissées de crocs en aiguille s’agitant sèchement. Est-ce que je t’intimide ?
L’officier Sun nota distraitement que cette configuration buccale était parfaitement inappropriée à la pratique du langage Pacificateur, ce qui n’empêchait pas les microbes traducteur d’en tirer des phrases impeccables. Elle se demanda fugitivement à quoi devait ressembler un monde comme celui de Crichton, ou le franchissement d’une frontière virtuelle coupait toute possibilité de communication, à moins d’un apprentissage long et laborieux. Elle fut incapable de se le représenter
Puis ses yeux aiguisés de Sébacéenne s’attardèrent sur une marque plus claire contre la carapace chitineuse, et elle se sentit durcir de l’intérieur. Le motif en croix barré d’encoches réveilla en un instant tous ses instincts Pacificateurs, et dès lors, ce fut comme si une muraille intangible s’était dressée tout autour d’elle, l’isolant et la protégeant tout à la fois.
- Une marque d’infamie, nota-t-elle d’un ton presque distrait, dont la froideur n’était pas directement perceptible.
Le prisonnier eut un ricanement gras qui dégénéra en quinte de toux et projeta des glaires noirâtres sur le sol. On sentait les convulsions pénibles ; il n’en avait plus pour longtemps.
- Qu’est-ce qui t’a valu ça ? Terrorisme ? Mutilations ? Meurtres ou viols en série ? Asservissement psychique ? Qu’est-ce qui peut bien être considéré comme suffisamment abjecte par chez toi pour valoir cette marque ?
L’insecte massif la regarda par en-dessous de ses yeux vitreux.
- Viens donc me voir, Pacificatrice, et tu sauras, articula-t-il difficilement, la douleur ayant chassé tout sarcasme de sa voix.
Aeryn évalua la distance. Elle vérifia rapidement, d’un regard nonchalant, l’absence de témoins, puis diminua la puissance de son arme, enclencha le silencieux magnétique, et, alors que le regard de l’alien s’éveillait à peine à la compréhension, tira une décharge précise dans l’interstice de sa carapace séparant la tête du thorax. La lueur de l’impulsion filtra assez loin sous les fentes de son exosquelette, et l’alien poussa un cri rauque, considérablement étouffé par sa gorge endommagée.
- Tralk !... éructât-il encore avant de s’affaisser.
Ç’avait en fait davantage été un râle. Encore un point pour les microbes traducteurs.
Aeryn passa son chemin sans s’attarder plus longtemps. Elle ignorait ce qui, sur ce colosse, pouvait être considéré comme un organe vital, mais estimait être bien tombée. Il serait sans doute mort avant que quelqu’un ne repasse, et nul ne s’y attarderait.
- Cent cinquante-et-un, murmurât-elle pour elle-même, et l’expression d’ennui sur son visage n’avait pas changé.


Rygel volait rapidement le long de son allée, balayant du regard les infortunés pensionnaires sans se donner la peine de les recenser. Il tenait étroitement serré dans sa main potelée un pistolet à impulsion plus grand que lui.
- Hynérien ? Non ? Empire Hynérien ?
Les phares incrustés dans les accoudoirs de son fauteuil fouillaient la pénombre, révélant plus de cadavres que de vivants. Et ceux qui respiraient encore n’allaient peut-être pas continuer très longtemps.
- Y’a-t-il quelqu’un ici qui appartienne au glorieux empire de Rygel le XVIème, souverain d’Hynéria ?
Le bigorneau répétait inlassablement la même question chaque fois qu’il apercevait un être vivant. Quitte à risquer sa vie dans cette entreprise insensée, autant voir à en profiter pour dénicher un ou deux serviteurs zélés – où, à tout le moins, obtenir quelques informations substantielles sur la politique de son royaume.
- Hynérien ? Empire Hynérien ?
- Hey, là, là, là, moi, reviens ! Je veux dire, revenez, vot‘ souveraineté !
Rygel s’arrêta brusquement, et manoeuvra une marche arrière plus en douceur.
- Mhm ? fit-il d’un air soupçonneux.
Un grand échalas jaunâtre se pressait contre les barreaux suintants le séparant du couloir, ses grands yeux saumâtres luisant faiblement dans l’obscurité. Ils étaient assez hallucinants, du reste : la pupille centrale bleu vif nageait au centre d’un iris brun rouille, lui-même cerclé d’une fine ligne d’un vert criard. Le reste du globe oculaire était jaune jonquille, complétant cet étalage de mauvais goût.
Le corps aurait été élancé s’il n’avait eu une étrange tendance à gonfler aux extrémités ; l’épaisse cuirasse garnie de crampons qui le recouvrait s’ornait en ces endroits de pédicules rigides. Elle arborait une autre nuance de jaune, cette teinte clinquante qui annonçait d’ordinaire les engins de chantier. Deux paires de pattes segmentées, atrophiées et dépourvues de doigts, demeuraient recroquevillées sur sa poitrine. C’était au final un déplaisant mélange de crustacé, de Sébacéen et de reptile.
- Tu appartiens… à l’empire d’Hynéria ? répéta Rygel d’un air soupçonneux, ses sourcils dignes de la savane africaine se rapprochant au-dessus de son groin.
- Si j’y appartiens ? Ah, mais je suis né dedans ! Oh, une toute petite planète, je ne suis même pas sûr que vous ayez entendu parler de nous, votre grandeur, mais nous vivons depuis toujours dans la lumière bienfaitrice du trône… heu… qui est le votre. Votre seigneurie…
Son grand sourire de crocodile faisait presque tout le tour de sa tête. Sur l’arrière de ses mâchoires, deux bouquets d’aiguillons empoisonnés se redressaient lentement.
- Et si je décidais de… d’ordonner à ma suite de te tirer de cet endroit ou tu as été à n’en pas douter injustement incarcéré…
- Ça oui, messire, injustement, tout à fait !
- Tu me servirais alors fidèlement à compter de ce jour pour t’acquitter de ta dette ? (le batracien plissa ses petits yeux fendus d’un air rusé) Il est évident que celui qui m’aura suivit dans les… périodes difficiles… sera généreusement récompensé lorsque le temps de mon règne reviendra.
- Bien évidemment, mon seigneur, je vous servirai si vous m’en jugez digne, répondit l’autre – un sourire sardonique découvrant plusieurs rangées de dents minces et tranchantes. Ses griffes pianotèrent légèrement sur le cartilage du Léviathan, trahissant une impatience contenue.
Rygel se frotta le menton, dubitatif, examinant son pseudo-sujet d’un œil globuleux et critique.
- Oui, tu pourrais faire l’affaire… concédât-il. Mais avant toute chose, tu dois me baiser la main.
L’autre hésita une seconde, ses yeux au mélange de teintes improbable sautant de gauche à droite tandis qu’il analysait cette annonce insolite. Son visage s’assombrit.
- C’est la tradition, souligna sèchement Rygel. Tout les Hynériens savent cela.
Il tendit charitablement son appendice à la peau fripée.
Le prétendant tergiversa encore un instant ; dans ses yeux torves brillait l’éclat d’une colère froide et méthodique, qui semblait bien plus tangible que le sourire crispé qu’il affichait présentement. Puis il inclina docilement la tête, avec un empressement sensé peut-être compenser son manque d’entrain initial. Ecrasant de mauvaise grâce son visage entre les barreaux, il avança les lèvres vers les doigts sertis de bagues tapageuses, que Rygel n’avait pas amenés très près de la grille.
L’Hynérien abattit brutalement la crosse de son arme sur le nez cuirassé de l’alien, qui du quand même en concevoir quelque douleur, puisqu’il recula en glapissant, les aiguillons vaguement translucides de ses joues se hérissant farouchement.
- Idiot ! pesta Rygel. Tu es un Dakjala, je le vois bien ! Ignores-tu que ta pitoyable nation à défié Hynéria il y a de cela deux cent cycles ? J’ai personnellement mené l’assaut contre ton monde ! Si tu es de l’empire Hynérien, alors je suis un Pacificateur !
L’emprisonné émit un feulement qui évoquait davantage un moteur électrique poussé au-delà de ses limites que le rugissement d’un animal. Il percuta la porte de sa cellule avec une telle violence que le barreau le plus fragile se fractura, et griffa l’air frénétiquement, dans ses tentatives pour empoigner le trône de Rygel. Ce dernier bâtit en retraite et partit d’un rire cordial.
- Je vais te saigner ! hurla le Dakjala en roulant des yeux fous au dessus de son nez amoché, le venin giclant de ses aiguillons en fines traînées. Pewnkah Hynérien de frell ! Je vais te saigner ! Je vais te tirer tes trois frekka d’estomacs hors du ventre ! Enfant de Coshtz ! Grétine frajiqu !
Il s’acharnait encore à atteindre sa cible, ses longs ergots pâles accrochant la lumière des phares.
- On m’a déjà traité de ça aujourd’hui, fit le souverain avec un sourire mauvais.
Il s’éloigna en ricanant, de bien meilleure humeur.
- Empire Hynérien ? Empire Hynérien, non ? Ah ! Hynéria ?


- Je vous prrie de nous excuser, par exemple.
Ka D’Argo s’immobilisa, jetant un regard méfiant vers les quatre individus qu’il venait de recenser. Avant de s’intéresser à eux de plus près, il traça quatre bâtons supplémentaires sur son bras, où ils étaient loin de se bousculer. Un être sensé aurait pour cela utilisé un stylo. Le Luxan en avait d’ailleurs un à porté de main, dans la poche de sa veste. Il fonctionnait très bien. Son extrémité dépassait même légèrement. Il lui aurait été très facile de l’attraper.
Il préférait cependant tenir ce compte en s’entaillant le bras à l’aide de l’un de ses ongles. Il devait ensuite frapper régulièrement les plaies afin de s’assurer que le sang demeure clair, et ce jusqu’à ce que les bords des entailles se resserrent – sans quoi il risquait une déplaisante infection.
C’était là un comportement très… Luxan.
Ceci fait, il daigna reporter son attention vers le groupe qui venait de l’interpeller, et avait poliment attendu la fin de son rituel. Mais son regard fut d’abord attiré par l’arrière-plan, qu’il n’avait initialement pas remarqué. Plissant les yeux, il tâcha de distinguer les formes intrigantes qui se dissimulaient dans l’ombre. Elles lui semblaient très familières sans qu’il puisse pour autant les identifier ; pendant quelques instants, il demeura perplexe, tâchant de comprendre l’intriguant spectacle… Puis, il cligna des paupières, et, sans que rien n’ait changé, tout sembla soudain avoir trouvé son sens. Sa bouche s’arrondit alors, les extrémités de ses tentacules frémissant de saisissement. La cellule évoquait autant un charnier qu’un magasin de pièces détachées aérospatiales.
Des bras étaient alignés sur le mur par ordre de taille, les gauches à droite et les droites à gauche – plus deux petites rangées à part pour les gauchers. Ils se tenaient tous accrochés d’une poigne ferme à la même barre transversale, le coude plié à quatre-vingt dix degrés, tels d’étranges chauves-souris ; on aurait dit les membres de squelettes trapus aux os anormalement épais.
Un peu en dessous, une armée de doigts segmentés se tenait au garde-à-vous sur un petit rebord qui courrait au milieu de la cloison. Les pouces se suivaient par taille décroissante, puis venaient les index, et les majeurs ensuite – et cætera, et cætera.
Des paires de jambes s’alignaient au pied du mur à la manière de bottes fantaisie, genoux à demi fléchis dans une posture avachie. Les orteils griffus aux articulations apparentes évoquaient des crevettes brunes recroquevillées. En ne levant pas trop les yeux, on aurait eut la sensation de faire face à une petite foule.
Sur le sol s’étalait un inventaire effarant qui n’était pas sans évoquer un jour de marché – dans le cas ou tous les exposants auraient été soit charcutiers, soit trafiquants d’organes. Les foies s’entassaient pêle-mêle, à côté des rates, pancréas, reins (noués par paires), intestins, vessies et langues (ces deux derniers disposés à distance respectable) ; les poumons étaient mieux soignés, organisés selon leur calibre, de même que les cœurs (dont il existait manifestement deux modèles) et estomacs. Suivaient d’autres amoncellements de formes molles et gluantes, dont D’Argo n’aurait su cependant évaluer l’usage.
De part et d’autre de cet étalage, appuyés contre les murs, il y avait des torses épais comme des barriques, pourvus de trous dans lesquels s’inséraient de toute évidence bras et jambes. Ils étaient ouverts en deux comme des noix, les moitiés reliées ensemble par des charnières tendineuses au niveau des épaules. A l’intérieur, le rose dominait, suivit de près par le violet. Des sacs de chair translucides pendaient, flasques, dans l’attente d’occupants. Dans tous les coins, des nerfs et des veines pendouillaient ainsi que des câbles électriques dans un bâtiment en construction. Ils saillaient par ailleurs d’un peu partout, de chaque vésicule, du moindre petit doigt solitaire.
Au premier plan, des globes oculaires soigneusement astiqués s’alignaient par paires (bleus, rouges, verts, bruns, rouges, jaunes, rouges, gris), à proximité de quelques mâchoires inférieures proéminentes toutes ornées de la même barbe surnaturelle (qui se composait d’une seule ligne de poils de deux centimètres de large d’où jaillissait une longueur improbable de crins raides, noirs ou roux). Une demi-douzaine d’yeux dépareillés s’entassaient dans un bol qui, examiné de plus prêt, s’avéra être une moitié de boîte crânienne retournée. Une seconde juste à côté débordait de dents plates, et d’autres s’empilaient un peu plus loin ainsi que de vulgaires casquettes. Cette tour instable voisinait avec quelques faces inusitées, qui n’étaient pas sans rappeler des crânes Sébacéens en plastique que l’on aurait laissé trop longtemps au soleil – si l’on omettait les sourcils, aussi fournis que ceux d’un Hynérien.
Au fond de la pièce, enfin, s’entassant ainsi que les sinistres reliefs de quelques massacres, il y avait tous les membres et organes que l’on n’avait sans doute pas jugés dignes d’être récupérés. Le regard du Luxan s’attarda sur un bras tendu émergeant du monticule, et sur un visage aux yeux vides à demi enseveli sous la guirlande d’un gros intestin gangrené.
Si cauchemardesque qu’elle puisse paraître, cependant, la scène ne comportait pas la moindre trace de sang. C’était si surprenant qu’on ne le remarquait pas immédiatement ; et pourtant, c’est en vain qu’on aurait cherché ici les signes trahissant d’ordinaire de multiples démembrements. Pour être tout à fait honnête, il y avait bien une petite flaque sous quelques cœurs, mais cela ressemblait davantage à un fond de réservoir qu’à autre chose.
- Je vous demande parrdon ?
- Monsieur ?
D’Argo se secoua. Il parvint à détourner son regard de cette boucherie pour le diriger, avec de gros efforts, sur les locataires du lieu. Lesquels… et bien, ressemblaient à ce qu’on aurait obtenu si l’on avait assemblé avec soin tous les éléments précités.
Et il semblait évident, à les observer, que c’était effectivement ce qu’il s’était produit : les quatre individus n’étaient apparemment pas parvenus à se procurer des organes parfaitement adaptés à leurs besoins. Il en résultait ici une jambe plus courte que l’autre qui se manifestait par un boitement marqué, là une mâchoire qui ne tenait pas bien en place, ici une main à la teinte trop foncée, là un œil ou un croc manquant. L’ensemble avait un air bancal et artisanal, à la fois cocasse et effrayant.
Leur absence de nez leur conférait un aspect de mort-vivants cosmiques, de même que les yeux flottant au milieu d’orbites trop larges, dont le dessin étrange s’étirant sur leurs pommettes leur conférait un air perpétuellement larmoyant.
Les prisonniers le considéraient avec curiosité, sagement alignés à un mètre des barreaux. Ils se tenaient droit ; c'est-à-dire, en fait, qu’il n’en était rien, car leur grosse tête oscillait au bout d’un cou de vautour, fixé à un torse qui tenait largement de la pomme de terre – l’ensemble étant soutenu par deux jambes arquées. Cependant, quelque chose dans la courbe de leurs sourcils broussailleux, le sérieux mortel de leurs bouches sans lèvres, la discipline de leurs mains squelettiques aux longs doigts crochus indiquaient très clairement qu’ils devaient se tenir droits. Au sein de ce mouroir où l’on ne s’exprimait guère plus que sous forme de gémissements, ils se montraient remarquablement alertes.
Pour l’heure, les captifs attendaient tous avec une patience et une politesse extrême, irréprochable, limite agaçante, que D’Argo daigne leur répondre.
Le guerrier roux (de peau et non de cheveux, qu’il ne possédait pas) dut encore se rappeler comment il devait s’y prendre pour activer sa langue – un comble, pour un Luxan.
- C’est pourquoi ? demandât-il faiblement.
Par la suite, il devait longtemps se demander, vaguement traumatisé, si quelque chose chez ces étranges individus n’aurait pas dû le prévenir contre ce qui allait se produire. Il était difficile cependant d’imaginer à quel genre d’indices il aurait pu s’attendre.
- Tout d’aborrd, mes camarrades et mwô-même –
- Par exemple.
- Tenons à vous faire parrt –
- Sans attendrre ;
- De notrre immense soulagement –
- Et notrre intense grratitude ;
- Concerrnant votre prrésence –
- Pourr le moins inespérrée !
- En ces lieux inhospitaliers –
- Et même franchement hostiles ;
- Alorrs que nous guettions au mieux –
- Et sans grrand enthousiasme ;
- L’arrrivée –
- Parr exemple.
- D’un commando Pacificateur.
L’improbable quatuor se tut brusquement, trois paires d’yeux plus un fixant d’Argo sans ciller, dans l’attente d’une réponse.
- Heuuu… Merci, fit ce dernier d’une voix rauque au bout d’un long moment.
Ses interlocuteurs échangèrent un bref regard, puis se remirent immédiatement en action, tel un chœur d’acteurs atypique qui attendait simplement que lui soit donné la réplique.
- Ceci ayant été dit –
- Côrr c’était nécessairre ;
- Tout ô fait indispensôble.
- Un autrre sujet –
- D’imporrtance égale ;
- Peut-être légèlement supérrieure ;
- J’aurais dis le contrraire.
- Nous prréoccupe parr ailleurs.
- C’est un bien grrand mot.
- Nous intérresse plutôt.
- Nous nous interrrogions –
- Vivement ;
- Parr exemple.
- Avec quelques inquiétudes –
- Apprréhensions serrait plus juste.
- Sur les intentions de votrre équipée –
- Parr ailleurs forrt intrrigante ;
- A l’égarrd de nos perrsonnes.
- Tout à fait coopérratives. ;
- Et parrfaitement inoffensives.
- Sans vouloirr vous prresser.
- Ni parraîtrre prrésompteux.
- Du tout.
- Parr exemple.
D’Argo resta immobile, bouche entrouverte. Au bout de quelques secondes, les aliens commencèrent à échanger de brefs regards interrogateurs, leur tête bougeant avec une vivacité d’écureuil. Qu’en pensez-vous, camarades ? semblaient dire ces regards. Ma foi, je crois que notre ami est un peu lent, mais il serait bien impoli de notre part – et combien mal avisé – de nous en agacer.
- Vous êtes… fit enfin le Luxan. Qu’est-ce que vous êtes ?
L’un des prisonniers s’éclaircit la gorge, et son voisin prit la parole.
- Nous sommes des Vons Chabat –
- De la trribu des Kobolt ;
- Secteurr brrun douze, neuvième cadrran ;
- Système de Fhziu ;
- Parr exemple.
- Deuxième planète, continent de Don, Asthadie.
- Une petite prrovince ensôleillée ou il fait bon vivrre.
- Ajouterrais-je.
Leur discours se déroulait sans heurt, comme une pièce bien orchestrée ; il ne tolérait nulle interruption, et si l’un d’eux avait tenté de suivre ce rythme sans aide extérieur, sans doute serait-il mort d’asphyxie avant la seconde phrase. D’Argo ne savait plus ou porter le regard, et les incessantes variations de tonalité, depuis le timbre grave de n’a-qu’un-œil jusqu’à celui murmurant de court-sur-patte, lui tapaient sérieusement sur le système.
- Et tout ça… parvint-il à glisser, désignant l’amoncèlement carmin en arrière-plan.
- Il s’agit des rreliquats –
- Hélas ;
- De nos compagnons –
- Ô combien inforrtunés ;
- Paix à leur âme.
- Trristement décédés –
- Dans rrien moins que de pénibles souffrrances ;
- Des suites d’une irrradiation dont –
- Ajouterrais-je ;
- Nous ignorrons encore l’orrigine.
- Leurr sacrrifice –
- Hérroïque ;
- Bien qu’involontairre ;
- Les deux ne sont pas toujourrs liés.
- Parr exemple.
- Nous a cependant perrmis –
- A moi et à mes compagnons ;
- D’échapper à la morrt –
- Rrien moins que pénible et doulourreuse ;
- Vous l’avez déjà dit ;
- Cerrtaine en tout cas ;
- Assurément.
- Qui nous guettait.
Ils parlaient avec emphase, accompagnant leurs brèves interventions de gestes de la main, révérences et mouvements de sourcils ; l’un faisait un pas en avant lorsqu’un autre reculait, et celui qui s’était tut un moment avait le don pour apparaître soudainement, arrachant un sursaut. Leurs incessantes interruptions s’accompagnaient d’attitudes déférentes, comme si ce chaos verbal était parfaitement sensé, comme s’il n’y avait rien dans ce charivari qui soit susceptible de donner la migraine. Les Vons Chabat se coupaient la parole et se reprenaient sans cesse, sans paraître considérer que cela pouvait constituer une impolitesse. Un grand gaillard à la barbe rousse taillée en pointe s’infiltra au premier plan, et reprit comme si ses compagnons ne s’étaient pas arrêtés.
- Leurrs orrganes prréserrvés –
- Puis prrélevés et rréparrtis ;
- En toute équité ;
- Bien entendu ;
- Parr exemple.
- Continuent de vivrre –
- Si cela leurr sied ;
- A trraverrs nous.
- Et nous continuons de vivrre –
- Parr bonheurr ;
- A trravers eux.
- (C’est un chiasme) ;
- (Je n’en suis pas sûr).
- C’est donc aussi en leurr nom ;
- Carr il nous incombe de veiller sur ce qui nous fut –
- Forrt civilement ;
- Quoique involontairrement ;
- Vrraiment, vous vous rrépétez, trrès cherr ;
- Prrêté ;
- Que nous nous enquerrrons –
- Rrespectueusement ;
- De vos plans concerrnant…
- …Nos humbles personnes Von Chabat.
D’Argo prit une lente inspiration. Devant lui, les Von Chabat clignèrent des yeux l’un après l’autre, de gauche à droite.
- On est ici… pour faire sortir tout le monde, reprit-il enfin, tâchant de maîtriser son exaspération. Pour le reste, on vous tiendra informés.
- Pouvons-nous… commença n’a-qu’un-œil.
- Non ! fit D’Argo en levant un doigt, un seul.
Les aliens le fixèrent sans rien dire, l’air poliment interloqué, si tant est que cela fut possible.
- Non, répéta le Luxan en reculant lentement, dardant sur chacun d’eux un regard menaçant.
Il fit volte-face et reprit là où il s’était arrêté, encore un peu étourdit. Lâchant un grognement, il asséna un coup puissant sur son bras, dont les plaies exsudaient un liquide noir.
Les Vons Chabat échangèrent encore un regard, haussant ou fronçant leurs sourcils en bataille, haussèrent les épaules et retournèrent à leur travail de classement – à l’exception notable de celui qui avait perdu son bras droit dans l’étape précédente.


« Entre le ciel et les étoiles,
Passe une comète de pierre de lune,
Sa queue est d’or et sur son dos,
Il y a une enfant qui danse,
Qui danse…
Elle laisse un chemin derrière elle,
Une voie toute dorée,
Des notes de musique, des chants,
Des pleurs et des blessures ;
C’est toute une vie qui passe sur les nuages… »
Elle s’aperçut qu’elle chantonnait à voix basse, à peine un murmure, lorsqu’elle se surprit à chercher le couplet suivant. Chiana ralentit un instant, intriguée. Cette comptine idiote que la nourrice leur chantait. C’était du vieux Nébari, une vieille chanson, quelque chose qu’elle n’avait jamais entendu avant ni réentendu depuis. Pas le genre de chose qu’on appréciait sur Nébari Prime. Un peu trop fantasque. Lorsque son père en avait entendu parler, il… et bien, il avait fait ce qu’il faisait toujours, quoi que ce fut. La nourrice ne leur avait plus jamais rien chanté. Et elle n’avait plus jamais regardé Chiana dans les yeux.
La jeune femme grogna, contrariée. Elle n’avait pas envie de penser à ses parents, ni à Nébari Prime, cette planète tordue. Elle adressa un regard massacrant à l’occupant de la cellule suivante, qui recula prudemment en avisant son fusil presque aussi grand qu’elle.
Elle s’arrêta et s’approcha de la rambarde ondulée, scrutant les étages inférieurs. Au bout d’un bon moment, elle finit par remarquer un mince faisceau lumineux, en contrebas. Elle plissa les yeux, mais ne put dire s’il s’agissait de Crichton ou de Sun.
Plus tranquille, elle reprit son inventaire.
Elle s’était déjà retrouvée en cellule. Du temps de Nébari Prime, où cela aurait pu avoir de très graves conséquences, puis sur diverses planètes des territoires Pacificateurs. Rien qui lui eut valu un emprisonnement véritable ; des broutilles. Ivresse sur la voie publique, atteinte à la pudeur, quelques bagarres, un peu de vol à l’étalage. Elle s’en était toujours sortie. Elle avait appris à se tirer des mauvais pas. A vingt cycles, elle avait déjà vécu, à sa manière, qui n’était pas celle de la plupart des gens, mais, hé, la plupart des gens étaient des pewnkah, alors quelle importance ? Ils pouvaient aller se faire freller.
Et puis les siens l’avaient rattrapé, finalement. Après des années de vagabondage à frayer jusqu’à l’écœurement avec les bas-fonds, ils étaient venus la chercher alors qu’elle moisissait dans une énième cellule, réfléchissant à ce qu’elle ferait sans un crédit en poche lorsqu’on la libèrerait au matin. Elle se rappelait encore la terreur.
Elle avait porté ce frelling collier de contrôle, et elle s’était déjà vue lobotomisée, réduite à l’état de gentille fille obéissante, dépossédée de ses pulsions, de ses envies, de toute passion.
Une fille correcte. Plutôt crever.
Mais, bon, ce n’était que l’une des extrémités par lesquels elle aurait pu chuter. Elle avait maintenant un aperçu de l’autre, sur laquelle elle s’était déjà largement engagée. Elle trouvait assez extraordinaire que, malgré leur situation, certains bagnards trouvent la force de lui lancer des obscénités ou des menaces, ou, le plus souvent, des menaces obscènes.
Elle arriva au bout de sa rangée avec soulagement. Il lui semblait avoir vu suffisamment de cadavres pour toute une vie – plusieurs, même. Elle avait compté seize survivants, et était prête à parier que la moitié n’allait pas tarder à nourrir Tharnas. Elle approcha la dernière cellule.
Deux antennes se déployèrent comme des fouets et virent caresser son visage, lui chatouillant le nez. Chiana recula instinctivement et éclaira, remarquant au passage que le prisonnier se tenait accroché à la grille comme un DRD sur son mur. Un visage l’observait, passé entre les barreaux. Une tête insectoïde aux grands yeux oranges, montée sur un long corps filiforme.
- Jolie demoiselle, fit joyeusement l’étrange personnage en passant sa langue grisâtre, fine comme un ruban, sur sa double paire de mandibules. T’soh !
La Nébari lui adressa un sourire amusé. Elle approcha de la grille. Une plaque de métal séparait grossièrement l’alcove en deux parties, et elle se déplaça pour essayer de distinguer ce qui se dissimulait dans l’obscurité.
Moins obscure qu’on aurait pu le croire. Une lumière diffuse pulsait à l’intérieur, un halo doré, riche, et étonnamment… dense, elle n’aurait su mieux l’exprimer. Cela provenait de derrière une couchette. La Nébari se haussa sur la pointe des pieds, approchant son visage de la grille jusqu’à presser sa joue contre.
Un sébacénoïde était assit contre le mur, jambes croisées, le dos droit – un adolescent plutôt, jugea Chiana. Il était mince à l’excès, et aussi blanc qu’un Nébari ; mais elle voyait dans la manière dont sa peau renvoyait la lumière des choses auxquelles un Sébacéen n’aurait pas prêté attention, et savait que cet alien n’était pas apparenté à son peuple. Il portait des vêtements noirs étroits, et des cheveux noirs étroits, avec la raie au milieu. Entre ses longues mains fines, presque féminines, un anneau de lumière ondoyait.
Le jeune-homme leva les yeux vers elle et sourit. Chiana se contenta de le regarder, fascinée, insensible à la fraîcheur de l’air. Ses pupilles ne se réduisaient pas à un point, comme chez les Sébacéens, ni ne recouvraient l’iris, à la Nébari ; elles formaient une spirale, qui partait du centre et s’en éloignait jusqu’à en rejoindre le tour. Elle ne voulait pas en détourner le regard, et se demandait vaguement pourquoi. Il avait un certain magnétisme. Plus elle le regardait, et plus elle le trouvait attirant…
Il l’examina des pieds à la tête, intrigué, avec une curiosité très gentleman, sans qu’elle y sente le moindre vice. Non pas que la chose l’eut forcément dérangé – au contraire des autres, celui-là pourrait être à son goût. Au premier regard, elle l’avait pensé malade, mais elle n’en était désormais plus sûr. Il semblait fragile, oui, mais… pas faible, en aucun cas.
Chiana frissonna, surprise par une nouvelle baisse de température, comme si un courait d’air glacé l’avait balayée en passant outre ses vêtements. Sans quitter l’homme étrange du regard, elle ajusta son corsage.
Quelque chose bougea sur la droite de la cellule. Elle arracha laborieusement son regard à celui de l’étranger, examinant le reste de la pièce. Elle distingua un corps ensanglanté en arrière-plan, le thorax éventré. Ses côtes se dressaient, brisées, comme une palissade. Puis elle remarqua autre chose.
Deux braises obscures dans l’obscurité ; une luminescence improbable, sorte de lueur lactescente autour de deux disques noirs. Ce fut un choc lorsqu’elle comprit qu’elle connaissait cela. Elle demeura figée un moment, ébranlée, laissant son regard rivé dans celui du captif. S’aidant de ses souvenirs, elle compléta ce que ses yeux de Nébari, pourtant excellents, distinguaient à peine.
Un autre visage blanc dont les sourcils osseux se haussèrent, deux yeux cernés de cendres qui s’écarquillèrent. La Nébari vit leur teinte sombre, auréolée d’indigo, pâlir jusqu’à frôler la luminescence d’un métal chauffé à blanc ; puis – ainsi qu’un miroir dont l’image se modifie le temps d’un battement de paupière lorsqu’on l’incline – virer à un vert pétant avant de passer, presque aussitôt, à un bleu vif, électrique, chargé d’espoir.
- Chiana Cyr ? fit l’autre avec incrédulité.
La voix chaude et murmurante fit courir un frisson électrisant le long de ses bras, de son dos. La jeune femme se sentait légèrement essoufflée, et, mal à l’aise, se balança d’un pied sur l’autre. Elle ne savait pas comment réagir à sa présence ici, dans cet esmana. Elle n’était pas sensé connaître qui que ce soit dans cet endroit. Son timbre familier aux échos bas et traînants avait réveillé une myriade de souvenirs qui la laissèrent presque étourdie.
- Grey ? répondit-elle de ce ton presque craintif qu’elle adoptait parfois sans en avoir conscience.
Un sourire hésitant se peignit sur ses lèvres. Chiana secoua légèrement la tête, l’air de retenir un amusement dont elle ne semblait pas arriver à déterminer s’il était approprié.
- Frell. C’est p’tit, l’univers.
Son sourire s’élargit lorsqu’elle le vit figé dans sa stupeur. Son visage pâle vira du rouge au vert lorsque les luminaires changèrent de teinte.
Un vague vrombissement courut dans les murs, et le sifflement de gaz s’échappant de fissures lui parvint de multiples endroits. Lentement, une luminosité diffuse éloigna un peu les ombres.
Un grincement lent et puissant fit trembler la grille, qui s'écarta sur un soubresaut. Chiana recula, agrippant instinctivement son fusil à deux mains, tandis que des morceaux de chair racornis tombaient du plafond.
La porte de la cellule voisine s'ouvrit à son tour, puis, sur une gerbe de vapeur, celle de la suivante, et, avec une seconde de décalage, les gémissements et craquements métalliques occultant bientôt tout le reste, il en alla de même avec toutes celles de la rangée ; Chiana recula, tandis que, de l’autre côté du vide, les cellules en face s’ouvraient également les unes après les autres, leur éclairage clignotant par intermittence. La Nébari sentit la rambarde dans son dos, tâtonna pour s’y agripper, et, se retournant, regarda le même phénomène se produire aux étages inférieurs.
Une main blafarde et maladivement fine se posa avec délicatesse sur la rampe. La Nébari leva les yeux, égarée, et contempla le profil souriant du jeune-homme aux pupilles enspiralées. Si près de lui, elle vit que ses dents ne méritaient le pluriel que de justesse : elles étaient deux. Deux dents en demi-cercle, qui emplissaient entièrement sa bouche comme le faisaient celles de Chiana. Elle se demanda vaguement à quoi cela devait ressembler que d’embrasser un homme pourvu d’une telle dentition.
- Bien, bien, rit-il. Voila qui devrait être intéressant.


Une forme humanoïde s’avança lentement hors de sa geôle, surveillant les alentours prudemment de ses yeux noirs et ronds. Elle s’arrêta au milieu du couloir, scrutant les environs, observant les rangées de cellules en cours d’ouverture. Un rictus découvrit ses gencives noires hérissées de crocs recourbés, et un sifflement ténu, proche de l’ultrason, monta de sa gorge.









« 14 mai 2002

Je. Drok. L’espace.
La journée d’aujourd’hui fut, sachez-le, proprement exécrable.
La dernière traque des patrouilleurs a polidan trop longtemps. Moya était contrainte de passer en combustion dès ses réserves d’énergie renouvelées, pas le temps pour nous de refaire les nôtres. Le temps que nous les larguions enfin, c’était la famine. Nous avons hot¨ch le plein de vivres yotz un petit astéroïde du secteur 14, coquettement nommé 339E’’6Ervak. Je le sentais mal, hein, je l’avais dis. Enfin, je ne suis pas du satteguana à dire que je l’avais bien dit, mais, frell, je l’avais dis ! Je l’avais dis je l’avais dis je l’avais dis. Je l’avais dis.
Devinez quoi ? Les caisses de nutriments (des petites formes géométrique de toute les couleurs à la consistance de plâtre et au goût proprement ignoble, vous savez bien, ces trucs qu’on est sensé glisser dans les trous qui correspondent quand on à huit mois), les caisses, donc, proprement dégueulasses soit dit en passant (si l’on me pardonne cette antinomie), contenaient un virus. Lequel glaghan, comme de par hasard, s’est avéré particulièrement agressif envers les fryt-nood de Moya qui gèrent les mises à jour des microbes traducteurs. Le mucus a englué les connexions entre les neurones, les synapses ont été irritées, et tout un tas d’autres symptômes balaj et dégoûtants dont Pilote ne nous a rien épargné.
Bref, les germes se sont affolés et ils ont commencé à ¤||~/’ n’importe quoi. Tout à coup, plus personne ne se comprenait. Du pur derentis. Et, bien entendu, mes propres germes se sont 0110001101 à piocher aussi allègrement qu’aléatoirement dans le vocabulaire le plus ordurier de la galaxie. D’Argo m’a cassé deux côtes avant que le problème ne soit identifié. Je vous l’avais dis : une journée ignoble. Sans parler du mal de fron que je me suis traîné du matin au esmana.
Dieu merci, Pilote a travaillé là-dessus toute la journée, et je crois bien que maintenant, c’est tralk.
That’s all Folks… »

Extrait du journal de tsook de John Crichton


Dernière édition par Skay-39 le Lun 14 Fév 2011 - 15:43, édité 6 fois
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMar 13 Avr 2010 - 18:51

Entre superbe et magnifique, je ne sais que dire! Splendide, peut-être?

On n'apprend quasi rien, mais d'une superbe manière. Je ne me suis pas embêté du tout. On a donc droit à la découverte des cellules de ce léviathan, et y a pas à dire, c'est pas du joli.

J'aime beaucoup la pensée d'Aeryn a propos du "Carré" et du fait que les Pacificateurs, malgré le fait qu'ils soient présentés sous un mauvais jour, ne sont en fait qu'une police qui applique la justice sur des milliers de mondes, ce qui fait qu'un assassin peut se retrouver avec comme copain de cellule un gars parfaitement innocent selon nos valeurs.

J'aime aussi les caractères des personnages que je retrouve totalement, de Zhaan à Rygel en passant par Chipie, tu fais preuve d'une rigueur qui me laisse pantois d'admiration et qui est le reflet de ton talent et de ton admiration pour Farscape.

Pas de passage avec Moya ou Pilote, ce qui n'est pas si dommage vu ce à quoi on a droit! Non content de nous avoir estomaqué avec ton panthéon Farscapien, voilà que tu uses de ton imagination afin d'imaginer pas mal d'aliens, tous plus bizaroïdes les uns que les autres, de l'alligator au quatuor recycleur d'organes sans oublier ce mystérieux Grey qui est familier avec notre jeune Nébari.
Et cet anneau, mystérieux anneau (pourquoi je pense à Gollum et son préciiiiieux moi? Razz), qui irradie de couleur... Tiens il irradie, et on parle d'une irradiation? Lien ? mrgreen

En tout cas, on va connaître les intentions de chacun des prisonniers maintenant que les cellules ce sont ouvertes (bien joué, Pilote de Tharnas. maintenant on est pas dans la dren! Razz)


Je ne sais pas quoi dire de plus, sinon tu vas crouler sous les éloges. Je me permettrais de faire une mention spéciale à l'extrait du journal de Crichton, particulièrement tordant ^^

Bravo, bravo et encore bravo!
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyMar 13 Avr 2010 - 23:19

Frell.....

Comment mieux résumer ce qui arrive ? Chacun des valeureux fuyards interstellaires se retrouve à se socialiser tout ce qu'il y a de plus normalement avec les prisonniers, l'ambiance est au beau fixe, sur fond de respect mutuel et de coexistence pacifique. Journée standard, où l'auteur nous berce dans un monde merveilleux avec ses descriptions, son ambiance, ses personnages qui ont capté l'âme de leurs équivalents télévisuels. Là-dessus, chapeau, Skay, pour avoir réussi à capturer cette essence, sans rester conventionnel ni tomber dans l'exagération.

Et, évidemment, la situation s'améliore de manière spectaculaire à la fin de ce chapitre, nous laissant envisager une petite fête entre amis où chacun saura extérioriser ses sentiments de manière intense et précise (et préférablement à grande cadence de tir, les sentiments amicaux).

Bien sûr, mention pour le journal de tsook de ce pauvre Crichton, qui doit vraiment faire une liste de ce qui ne lui est pas encore arrivé pour savoir quelle tuile va lui tomber dessus dans la semaine.
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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyJeu 15 Avr 2010 - 15:09

J'ai un peu tardé pour commenter ce nouvel écrit, puisque me souvenant mal de la situation, j'ai préféré tout relire depuis le début et aborder le IV dans la foulée. Cela m'a permis de réaliser à quel point la cohésion de ce début d'histoire était appréciable, même si en voyant le tout sous un jour nouveau, je déplore quelques détails tel que : trop d'espèces insectoïdes différentes parmi les multiples figurants alien de la fic, ou la terreur de Rygel et Chiana qui semble un peu exagérée compte tenu de l'impact de leur découverte, certain mais bien inférieur à ce qu'ils ont déjà connu.
J'en profite pour faire remarquer, à propos de la série des "Oh, frell", que le tandem Hynério-Nébari est le seul pour lequel nous soyons informé de la découverte de frell dés la fin du chapitre 1, contrairement aux découvertes frellisantes de tous les autres, éclaircies en début de chapitre 2, et quand on lit tout d'une traite, ça casse un peu le rythme, ainsi que la globalité de l'effet de suspens et de surprise : on en sait déjà un petit peu plus, et un petit peu trop, sur ce dont il peut retourner.

Autre chose que j'ai remarqué à cette relecture, mais cette fois c'est un point neutre, c'est la désinvolture qu'affiche Crichton, visiblement sincèrement, quant à la perspective de sa propre mort. Entre deux grincements d'humour noir, on dirait que c'est la dernière chose à laquelle il penserait tandis que le coup du Pilote mutant l'a projeté dans le vide, où sa survie ne tient qu'à un câble visqueux. Comme si à ses propres yeux, il était déjà mort depuis son agalaxisation, comme si le vortex l'avait tué et non pas exilé...
J'ai envie de mettre ça en relation avec le fait, évoqué dans ce même passage, que le souvenir de sa vie terrestre ne lui apparaisse plus désormais que comme les réminiscences des rêves d'un autre. Si Crichton était un astronaute en vogue sur la Terre, Crichton pense-t-il encore qu'il est Crichton, au point où il en est? Qui est-il, lui? Se peut-il qu'il soit devenu à ses yeux une sorte d'avatar délavé et apatride de lui-même, pour qui vivre vaudrait à peine le coup? Certes, ce serait paradoxal avec la dépendance aux péripéties étranges, qu'il montrera par la suite en s'ennuyant à mourir avec le retour à la normalité du quotidien terrestre, mais l'Homme n'est pas à un paradoxe près...

Pour en revenir au temps présent, voici donc un impressionnant chapitre de transition, qui prend le temps de nous présenter finement l'autre moitié des protagonistes avec lesquels il va falloir compter. Ou le tiers, si un escadron des forces spéciales Peacekeeper doit débarquer sous peu à cause de la balise? Ou le quart, si jamais nos dieux à tentacules verts et roses prennent un rôle plus concret qu'anecdotique par la suite?

RAS donc, tu nous présente ces nouveaux héros, le détail de leurs interactions personnalisées avec les différents Moyans, et enfin la retranscription du caractère de ces derniers connu via la série, selon le même luxe de détails judicieux, d'humour, d'émotions, de jeux et d'approfondissements littéraires, qu'il est de coutume avec toi. Bravo, d'ailleurs, pour ton bestiaire alien, excluant les insectoïdes. Tout à fait Farscapesque, très Whoien. Et j'ajoute que la touche Cronenbergienne, voire Gigerienne, que tu ajoute via l'allure de Tharnas et de certains de ses habitants, morts ou vivants, se marie très bien avec du Farscape pur et dur, généralement crado mais rigolo et coloré, plus que véritablement organique et horrifique.
Je te félicite pour ton abnégation concernant la scène des Von Chabat, parce qu'il a dû t'en falloir pour l'écrire.^^ J'espèce que ce genre de passage ne se résumera pas à la curiosité conceptuelle marrante mais s'inscrira nettement dans l'intrigue globale.

Tu as également très bien réussi ton coup sur un autre plan, moins récurrent chez toi : la digression politico-sociale, tantôt par le narrateur omniscient, tantôt par la pensée de miss Sun. Ta description de la réalité des bagnes Pacificateurs, bien que linéaire, concrète, pragmatique, un peu mécanique, puis contrebalancée à la toute fin par l'anecdote horrible sur les réflexes des nouveaux, impose tout à fait au lecteur l'ambiance de cet océan de cauchemar tel qu'on ose à peine l'imaginer. Horreur accentuée par la description de cet univers carcéral intersidéral où l'enfant qui a braconné sur les terres du prince Trukmush pour survivre, partage la petite cellule insalubre du célèbre Ecorcheur Hilare de Zblrog VI. Et les Pacificateurs de se courber sans mal devant ce système, incapables de percevoir à quel point leur complicité, leurs convictions flottantes, et leur inclinaison à se réfugier lâchement derrière la procédure pour faire taire leurs doutes face aux défaillances et aux complications du système, ont à ce point désintégré de l'intérieur, et depuis longtemps maintenant, les notions de loi, d'ordre et de sécurité qu'ils chérissent tant.

Crais en tant qu'officier en service pouvait donner l'impression de dénaturer excessivement le monde des Peacekeepers, par sa bassesse qui l'a finalement perdu auprès même de ses pairs, mais ces descriptions sont là pour rappeler que les Peacekeepers, c'est l'Empire, c'est un système pervers, une saloperie qui doit être abattue.

Citation :
J'aime beaucoup la pensée d'Aeryn a propos du "Carré" et du fait que les Pacificateurs, malgré le fait qu'ils soient présentés sous un mauvais jour, ne sont en fait qu'une police qui applique la justice sur des milliers de mondes, ce qui fait qu'un assassin peut se retrouver avec comme copain de cellule un gars parfaitement innocent selon nos valeurs.
Mais un système de justice légale peut-il prétendre en englober plusieurs à ce point différents les uns des autres, s'il n'établit pas de loi commune à tous, à la base? Je ne prétend pas connaître la réponse, mais je pense que ce n'est pas honnête intellectuellement.

J'ai aussi remarqué le détail concernant le bagne Abydos, et je ne veux pas croire qu'il puisse ne s'agir que d'un simple clin d'oeil. Je ne crois pas au crossover avec SG-1, car l'intrigue Terrienne de la saison 4 interdit toute cohérence dans une telle fusion et je sais que cela te serait intolérable, cependant, Abydos ayant été une prospère ville sainte de l'Egypte ancienne, et alors même que les Eidelons ont arpenté cette zone de la Terre quelques millénaires avant, à l'époque où ils régentaient les Pacificateurs, je met permet un : mhm mhm, lourd de sens...

Pour ce qui est du détenu éventré, j'avais d'abord supposé qu'il avait été sélectionné par ses camarades pour être dévoré cru avant que tous ne meurent de faim, mais la référence ultérieure aux chairs écartées de cette manière me donne à m'interroger sur la possible irruption future d'un noir vélociraptor E.T au célèbre acide sanguin... lol

Toujours heureux de te voir te faire si bien aux inclinaisons Fantastique et Fantasy de Farscape, malgré son fond essentiellement SF, sans avoir à deviner les boutons qui te poussent sur le visage en direct.^^

Tes épilogues déconnectés sous forme de journal de bord sont toujours aussi savoureux, et je me faisais la réflexion que ça ne serait pas mal d'adapter ta petite nouvelle Farscape du concours d'écriture pour en faire une entrée prochaine du journal.^^

En guise de conclusion, trois choses à dire :
-Je vais vraiment avoir du boulot pour intéresser quelque lecteur encourageant à mon Millenium 2 vs lé super-wrayths a la teknologie oriie est assurAne Kaliam, face à une telle richesse dans la narration...
-Qui aurait cru qu'une telle lumière (enfin, un tel clair-obscur) lancée sur Farscape puisse jamais venir de la langue Française, dans ce pays où se procurer la distribution boiteuse des DVD de la série équivaut à la quête de l'Anneau et de la Montagne du Destin?
-Non mais sans blague, on est vraiment que trois à suivre ce petit bijou? Mais c'est grotesque, comme situation!


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MessageSujet: Re: Walls   Walls EmptyJeu 15 Avr 2010 - 15:25

Citation :
Mais un système de justice légale peut-il prétendre en englober plusieurs à ce point différents les uns des autres, s'il n'établit pas de loi commune à tous, à la base? Je ne prétend pas connaître la réponse, je ne suis même pas sûr qu'il y en ait une, mais je pense que ce n'est pas honnête intellectuellement.
Oh, je ne je dis pas que le système Pacificateur est bon, je voulais simplement pointer le fait que les Pacificateurs ne sont pas les forces noires que la série peut laisser entendre (tout du moins au départ). Je voulais simplement souligner le fait que les Pacificateurs respectaient toujours leur mission de départ, avec de grosses nuances bien sur, mais vu les milliers de cycles qui se sont écoulés, cela ne pouvait se passer autrement.


Citation :
-Je vais vraiment avoir du boulot pour intéresser quelque lecteur encourageant à mon Millenium 2 vs lé super-wrayths a la teknologie oriie est assurAne Kaliam, face à une telle richesse dans la narration...
Tu t'en sors plus que bien, ne t'inquiète pas Wink


Citation :
-Non mais sans blague, on est vraiment que trois à suivre ce petit bijou? Mais c'est grotesque, comme situation!
Le problème avec Farscape, c'est comme tu le mentionnes : parvenir à dénicher les DVDs (de façon légale) est une entreprise ardue...
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