Non-dits
Le colonel Samantha Carter ouvrit la porte de sa maison et la referma juste derrière elle. Sans allumer la lumière, elle se dirigea vers sa chaîne Hi fi par habitude. Dès qu’elle eut appuyé sur le bouton, une musique douce emplit la pièce. Elle ferma les yeux en se laissant bercer.
« Bonsoir à nos auditeurs très fidèles, comme toujours. Il est quatre heures du matin et nous vous accompagnerons toute la nuit… » Sam regarda sa montre. Déjà quatre heures ! Elle haussa les épaules, elle n’avait pas sommeil. Elle alla dans la cuisine, se choisit un pot de glace dans le frigo et ensuite alla s’asseoir dans son canapé. Dès qu’elle fut assise, ses muscles endoloris se détendirent. Elle écouta de nouveau le commentateur.
« Comme vous le savez, cette émission passe des chansons d’artistes méconnus mais pas sans talents ! Celle-ci parle d’amour, elle s’appelle Non-dits d’Olivia Ruiz en duo avec Christian Olivier. Ecoutons là et laissons parler nos cœurs. » - Ouais. Si on en a un, déclara cyniquement la jeune femme, sombre.
Non-dits non mais, non mais dit donc
Dis moi le donc ce non-dits là
Ce non-dit ci, dis le moi dont
Non-dit non mais non mais dit donc
Sam soupira. Cette chanson lui rappelait son existence. Non-dits… Deux mots qui résumait neuf années de sa triste vie. IL avait toujours été aussi distant, mais la faisait rire. Elle l’aimait, mais lui non, de ça elle en était sûre. Quand elle allait lui rendre son rapport, elle l’avait entendu avec Kerry. Les larmes lui montèrent aux yeux et elle les essuya rageusement. Elle allait se lever pour changer de station quand les paroles la transpercèrent.
N’attendons pas d’être plus là
Pour me raconter tout cela
Depuis jamais, qu’on se le dise
Les années passent sans merci
On aurait dit que la femme qui chantait lui racontait son existence, sa vie amoureuse. Elle se rassit, attendant la suite.
Si l’on se frôle c’est déjà ça
Chacun son rôle, pas plus que ça
Non-dits non mais, non mais dit donc
Dis moi le donc ce non-dits là
Ce non-dit ci, dis le moi dont
Non-dit non mais non mais dit donc
On s’est mentit autant de fois
Que l’on se disait tout cela
Tous les matins et les midis
Et toute la semaine aussi
C’est ridicule mais c’est comme ça
Si on recule on voit tout ça
On voit s’éteindre dans le ciel
Les étoiles et les arcs-en-ciel.
On verra bien tu me disais
Ce que cela fera après
Dans les lits de tous les non-dits
Sommeillent tout nos paradis
Non-dits non mais, non mais dit donc
Dis moi le donc ce non-dits là
Ce non-dit ci, dis le moi dont
Non-dit non mais non mais dit donc
Puis on s’dira s’qu’on voulait pas
Se dire mal où ça fait là
Tu sais les enfants c’est comme ça
Dira pas, dira, dira pas
Mais quand dira, ça fera là
Mal à mon estomac
N’attendons pas d’être plus là
Pour me raconter tout cela
N’attendons pas d’être plus ici
Pour me raconter tout ceci
Ceci cela s’envolera
Et vite s’oubliera
Non-dits non mais, non mais dit donc
Non-dits non mais, non mais dit donc
Dis moi le donc ce non-dits là
Dis moi le donc
Ce non-dit ci, dis le moi dont
Non-dit non mais non mais dit donc
La jeune femme laissa alors les larmes couler en deux traces symétriques sur ses joues. Elle se recroquevilla dans le canapé et pensa aux paroles, pleines de bons sens, de cette chanson. Elle l’avait bouleversé au plus profond d’elle-même.
Va-t-il oublier lui ? Va-t-il l’oublier ? Au bout de quelques années, ils ne se verront plus et alors ? Que va-t-il se passer ? Il la considérera comme un bon souvenir ? Comme un trophée ?
Dans un relent de fierté, elle se releva et sécha ses larmes. Elle monta dans sa chambre, se maquilla un peu, se recoiffa, prit son manteau et partit à toute vitesse. La radio marchait toujours.
« Bien, j’espère que cela aura fait réagir plusieurs personnes sur l’importance des sentiments avoués. Cette chanson magnifique est dédiée à tous ceux en mal d’amour. »***
Sam roulait sans se soucier des radars et des flics. Elle roulait vers le Minessota. Il était partit en vacances hier au soir, donc il devait toujours y être. La nuit était noire et elle dû se pencher pour voir la route. Ses phares tremblotaient. Elle arriva enfin devant un grand chalet de bois. Elle sortit de sa voiture, réalisant enfin son acte. Elle allait avouer son amour à son supérieur hiérarchique ! Elle rassembla tout son courage pour frapper à sa porte : il fallait qu’elle sache. Et pas dans dix ans. Il ouvrit la porte et elle se figea. Jack O’Neill était, à ce moment, l’homme le plus sexy qu’elle ait jamais rencontrée.
- Carter ? Un problème à la base ? demanda Jack, les sourcils froncés
- Euh… Non je euh… J’étais dans le coin et… bafouilla Sam.
- D’accord… Entrez, fit Jack avec un sourire en coin.
Elle le remercia du regard et il referma la porte derrière elle.
- Que voulez vous ? demanda Jack alors qu’il se dirigeait vers la cuisine.
- Pardon ?! S’exclama la jeune femme, troublée.
- A boire, expliqua-t-il. Que voulez vous ? Un soda light ou un café?
- Un soda, merci, lui répondit-elle avec un sourire.
Il lui apporta un verre pour elle et une bière pour lui un peu plus tard et ils s’assirent dans le salon face à face.
- Que vient faire un colonel dans le Minessota ? fit le général après une gorgée de boisson.
- Je venais vous voir, déclara franchement la jeune femme.
- Tiens vous ne passiez pas dans le coin par hasard ? lui répondit-il en levant un sourcil.
- Excuse stupide, fit-elle en baissant la tête.
- C’est pas la pire ! essaya-t-il de la réconforter
Elle lui fit un regard éloquent, ne croyant pas un instant de son mensonge. Le général, gêné par le regard fixé sur lui de son second, tenta de la faire sourire.
- Bon d’accord, c’est peut-être la pire mais Daniel n’aurait pas fait mieux, admit-il au bout de quelques instants.
Elle rit doucement et bu une gorgée du soda. Frais, piquant, idéal. Elle se racla la gorge. Ce qui allait suivre allait les rendre mal à l’aise mais il fallait qu’elle sache.
- Mon général, je peux vous poser une question indiscrète ? demanda-t-elle en le regardant dans les yeux.
- Allez-y. On verra si j’y réponds, répondit-il sérieux en reprenant une gorgée de boisson glacée.
- Que ressentez-vous pour moi ? se jeta-t-elle à l’eau.
Elle rougit comme une pivoine dès qu’elle eut prononcé le dernier mot. Jack la transperça de son regard. Il prit le temps de boire une gorgée de bière pendant que la jeune femme se trémoussait sur le canapé, mal à l’aise. Enfin il brisa le silence sans la regarder.
- Tu le sais bien Sam, fit-il, froid tout d’un coup
La jeune femme fut surprise par cette réponse. D’abord car il n’essayait pas de détourner la question avec une blague et ensuite par ce tutoiement. Inattendue comme phrase.
- Non je ne sais pas, secoua-t-elle la tête.
- Le test Zatark ne t’as pas suffit ? dit-il en se levant.
- Dis-le moi. J’en ai besoin, le tutoya-t-elle.
Elle ne se reconnaissait pas ce ton suppliant. Mais elle avait déjà ravalé sa fierté quand elle avait décidé d’aller le voir alors…
Il se dirigea vers elle, la prit dans ses bras, la força à se lever et l’embrassa fougueusement. Elle répondit à son baiser immédiatement, entraînée par des émotions qui la hantaient depuis presque neuf ans. Elle l’aimait. Oh oui ! Elle l’aimait. Et lui ?
Ce fut elle qui rompit leur baiser la première. Elle croisa ses yeux assombris par le désir de son supérieur. Malgré elle, elle frissonna.
- S’il te plait… le supplia-t-elle.
- Je t’aime plus que tout. Tu es ma vie. Je veux fonder une famille avec toi, qu’on se marie, qu’on vieillissent ensemble dans notre maison, qu’on aille voir nos petits-enfants. Je veux vivre avec toi, à tes côtés, lui déclama-t-il.
- Pour toujours ? sourit-elle à travers ses larmes
- Pour toujours, répondit-il en essuyant ses joues
- Je t’aime moi aussi, à la folie, lui avoua-t-elle.
Elle l’embrassa alors. Le baiser fut plus long que le précédent. Puis Jack la conduisit doucement vers sa chambre et ferma la porte derrière lui.
***
Plus tard, dans l’obscurité de la chambre.
- Et le règlement ? lui demanda-t-elle, soucieuse.
- Je vais démissionner.
- Quoi ? Mais tu aimes ton travail ! s’exclama-t-elle choquée.
- Je t’aime encore plus, répondit-il gravement
- Et pour les enfants ?
- On pourrait appeler le garçon Jack junior ? répondit Jack candide.
- Pourquoi pas ! ria Sam
Le soleil se levait, éclairant de sa lumière blafarde la chambre où reposaient deux amants enlacés souriants à leur avenir commun. Enfin, tous les non-dits étaient dits.
FIN
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