Media suprême

À une époque où EDVIGE fait scandale et où la plèbe n'apprécie guère les caméras urbaines et autres radars routiers, c'est à dire une époque marquée par un climat de défiance envers les indiscrétions de la collectivité, j'ai pu constater que certaines personnes considéraient pour acquis que le monde irait beaucoup mieux si nous avions tous un modem sans fil greffé sous la boîte crânienne.

Je peux comprendre ce point de vue. Si les moyens de communication actuels ne font qu'effleurer la surface de nos êtres, quelque chose de beaucoup plus poussé mettrait à nu ceux que nous sommes réellement. Or, nous sommes tous bons dans le fond et il n'est aucune malveillance qui ne puisse se guérir par la compréhension. Pour contempler cette utopie, je vous conseille le roman Lumière des jours enfuis (Arthur C. Clarke & Stephen Baxter), le roman L'incident Jésus (Bill Ransom & Frank Herbert), le webcomic A miracle of Science (Jon Kilgannon & Mark Sachs) ou une conversation avec Skay-39 (lui & vous).

De nombreuses oeuvres de SF, notamment télévisuelles, sont d'un tout autre parti. Bien loin de transcender les travers connus d'une médiatisation et d'une interpénétration culturelle à outrance, le lien télépathique est ici montré comme les amplifiant encore. Deux thémes en particulier sont abordés :
- La pensée unique.
- L'émergence d'un ultraleader (reine borg, Skynet, dieu cylon, Saddler...) dont les autres sont autant d'appendices sacrifiables.
Visuellement, le résultat s'apparente au mode de fonctionnement d'une secte, dont le gourou bénéficierait d'une méthode futuriste pour exercer son ascendant psychologique. Sur la question de l'ultraleader, les raisons invoquées sont, au choix :
- L'inclinaison humaine à donner un visage au groupe.
- La nature informatique du lien, entrainant la création d'un OS humain.
- Les deux.

Qualifiez-moi de pessimiste si ça vous chante et d'athée assurément, mais je suis partisan de la seconde prédiction.

Et vous, qu'en pensez-vous ?

Citation :

Qualifiez-moi de pessimiste si ça vous chante et d'athée assurément, mais je suis partisan de la seconde prédiction.

Pas pessimiste mais réaliste malheureusement.
Les textes utopistes montrent clairement leurs limites à notre époque où l'on est plus proche des oeuvres que l'on disait pessimiste à l'époque (on continue dans cette appellation alors que ce n'est plus vraiment le cas)

Citation :

- La pensée unique.

C'est clairement cela, avec une manipulation par les médias sous couvert d'une pseudo vulgarisation (il suffit de voir tout le tapage sur le climat et l'inexistence médiatique des opposants au "consensus", mot aussi barbare que digne des ignorants en sciences)

C'est d'ailleurs la vision de Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 ( du Equilibrium en mieux^^).
Il expose même les causes de la venue de la société exécrable qu'il décrit :
La non-mobilisation des scientifiques et surtout l'émergence de la culture de masse. On ne peut pas dire que nous ne sommes pas exactement sur ce chemin.

Citation :

- L'émergence d'un ultraleader (reine borg, Skynet, dieu cylon, Saddler...) dont les autres sont autant d'appendices sacrifiables.

Disons que là ou la SF personnifie le pouvoir sous une seule entité la plupart du temps, dans la réalité c'est plutôt une "élite" quasi immuable (on peut dire ce que l'on veut mais c'est toujours la même couche sociale qui se retrouve en exécutif...)

Mon propos n'était pas exactement celui-là. J'avais simplifié afin que nous puissions aborder directement nos points de désaccord essentiel. Je n'ai jamais rêvé d'une humanité connecté de manière permanente, dans une communion totale des esprits, ou chaque être saurait tout de son voisin et ou le concept de secret disparaitrait. Peu importe en fait l'avenir que je prédirais à une telle société, qu'il se rapproche ou non de votre description, puisque ce n'est pas ce à quoi je songeais.

J'envisageais davantage un lien à la fois plus "essentiel" et moins "profond". Un lien qui ne dévoilerait pas les secrets que l'on désire garder ou les épisodes les plus intimes de nos vies, mais qui permettrait difficilement d'ignorer qui souffre et qui aime, qui est trop confiant ou trop découragé, qui s'éloigne des autres et qui voudrait s'en rapprocher. Un lien en fait qui nous interdirait en quelques sorte de nous désintéresser de nos voisins, à moins d'être réellement d'un égoïsme à toute épreuve, qui permettrait à deux personnes de se connaitre vraiment si elles le souhaitent, qui offrirait enfin l'opportunité de faire la preuve de ses sentiments, qui interdirait de dissimuler de manière absolue les aspects les plus noirs de notre personne. Un lien que l'on pourrait conserver superficiel, voir couper dans certaines situations, ou bien au contraire rendre si profond qu'il toucherait alors à la fusion que Sylvouroboros évoquait.
Je n'envisageais pas un lien à l'échelle de l'espèce, ni même de la ville ou du quartier. Je me contenterais d'une portée de quelques mètres, et de dispositifs de substitution via internet ou tout autre réseau similaire.
Même dans le cas d'une secte, je suis sûr qu'une telle capacité serait salutaire. Car voir à la fois chez un autre le miroir de ses pensées et l'image que lui-même se fait de nous est une remise en question qui pourrait, j'en suis persuadé, se révéler éminemment bénéfique.

Qualifiez-moi de naïf si ça vous chante et d'idéaliste assurément, mais voici en quoi je suis enclin à croire... ou tout du moins, à espérer.

Quant aux risques que tu évoques, je suppose qu'ils existent avec le système que tu décris. Et assurément, si c'est là ce que l'on pourrait souhaiter à notre petite planète bleue, il en va autrement des 6 milliards d'inconscients qui la peuplent.