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Skay-39
The Vortex Guy
The Vortex Guy
Skay-39


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Localisation : TARDIS 39th room (blit), on Moya third level, in orbit around Abydos (Kaliam galaxy)

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MessageSujet: Contact   Contact EmptyVen 26 Fév 2010 - 21:15

Voici une histoire courte écrite dans l'urgence pour un concours sur le forum. Le thème ni le scénario ne sont très originaux, mais j'ai essayé de rendre la chose vivante et imagée.

_______________________________________

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Le vide était comme une toile d’araignée vibrante, une galaxie grésillante d’atomes furtifs, qui s’esquivaient le temps d’un battement de paupière.
Des milliers d’étincelles, de braises fantomatiques dérivant en périphérie, aussi incertaines que des impressions lumineuses s’accrochant à la rétine.
Des fils innombrables louvoyaient dans cet univers, étincelaient de blanc, de noir ou de rouge selon une logique complexe, qu’elle n’avait jamais su appréhender.
Cela allait et venait en elle, s’échouait et refluait comme les vagues sur une île. Ces étincelles, ces braises, ces atomes suivaient tout à la fois le rythme de sa respiration, les battements de son cœur – et leurs échos dans ses chevilles, son cou, ses poignets -, le cours de ses pensées.
Elle oublia les images irréelles qui venaient se superposer à la réalité, ainsi que la réalité elle-même. Elle cessa de prêter attention aux murmures pour mieux s’ouvrir à eux. Elle cessa de ressentir pour n’être plus que le miroir des émotions d’ailleurs.
La part de son esprit encore consciente sut que tout était bien.
Elle prononça le nom, paisiblement, à haute et intelligible voix. Elle le sentit courir de fils en fils, goûter les consciences, cherchant l’écho d’une reconnaissance. Elle n’était plus inquiète. Elle savait comment s’y prendre, désormais. Cela prenait le tour d’une habitude.
« C’est toi ? »
Les mots lui arrachèrent un frisson, balayant un peu de son assurance. Le malaise familier l’envahit à nouveau, lui rendait sa position inconfortable. Une sueur froide humidifiait son dos. La chair de poule couvrait ses bras, sa chaleur drainée ailleurs, en un endroit si lointain qu’elle ne voulait pas l’imaginer.
Elle inspira deux fois pour préserver sa concentration, et ouvrit les yeux.
Il était là, suspendu entre deux eaux, diaphane et chagrin. Son corps sans substance semblait étrangement dépourvu d’épaisseur, comme une peau de soie fripée à la surface de rien. Le contempler ainsi, c’était comme de regarder à travers un miroir, ou bien sous la surface d’une mare, avec la certitude que derrière le reflet, il n’y avait rien.
« Je t’avais dis de ne pas revenir », fit-il.
Ses lèvres pâles ne bougeaient pas, sinon pour un soupir. Ses cheveux noirs et raides flottaient autour de sa tête comme s’il était au fond d’un lac, de même que ses vêtements en lambeaux.
« Je voulais juste… »
Elle s’interrompit, incertaine. Que voulait-elle ? Pas ce face à face froid et épuisant, pas cette illusion de proximité, alors qu’ils n’auraient pu être plus loin l’un de l’autre. Elle savait bien qu’il n’y avait rien à retirer de ces rencontres… mais c’était plus fort que la raison. Ce don qui était sien depuis toujours, elle devait l’utiliser pour satisfaire cette addiction, se gorger de son souvenir. S’aveugler.
Quelque chose attira son attention, soudain. Le temps d’un battement de cœur, et il regardait par-dessus son épaule, guettant le monde de l’invisible. Son corps suivit bientôt le mouvement, opérant une lente révolution.
Elle prononça son nom, incertaine, mais il ne répondit pas. Ne serait-ce la lente ondulation de ses vêtements en lambeaux, on aurait pu le penser statufié.
Puis il disparut.
Elle s’affola, éperdue, désorientée. Elle crut avoir perdu sa concentration, mais elle comprit que c’était la concentration qui l’avait perdue. Il lui fallut un instant pour comprendre que le miroir n’était plus, que les fils étaient rompus. Elle ne distinguait presque plus les étincelles du monde des esprits. Peut-être encore s’agissait-il maintenant vraiment d’images sur le fond de son œil. Quelque chose avait brisé le schéma, fait voler en éclat le pont qu’elle avait tissé avec son esprit.
« Qu’est-ce que c’est ? »
Elle écarquilla les yeux, regarda autour d’elle, apeurée, scrutant les coins d’ombre. Elle ne pouvait croire que la voix était de même nature que celle de son époux défunt. Cela ne pouvait venir de l’au-delà ; l’au-delà était loin, plus loin que tout, et elle devait s’y rendre un peu pour toucher ceux qui y résidaient ; et elle était ici et maintenant, sans aucun doute possible. Son esprit n’était que là, son âme n’était que là.
Alors, c’est que c’était ici également.
« Qu’est-ce que c’est ? »
Une bougie s’éteignit, et un mince filet de fumée s’en éleva, montant vers le plafond incliné de la mansarde, mais non ; il se courbait, se penchait, s’enroulait en spirale. Aux quatre coins de la pièce, d’autres flammes minces chavirèrent, et d’autres phénomènes aberrants écorchèrent sa raison.
Qu’était-ce que cette voix-là ? Ce n’était pas celle de son mari, sans doute aucun. Ce n’était pas même la voix d’un esprit, du moins, elle en doutait : elle était trop vibrante de vie. Etait-ce un homme, ou bien une femme ? Un enfant ? Non, pas un enfant. Les enfants ne parlaient pas ainsi.
« Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est ? »
Elle comprenait le sens de ces paroles, mais le timbre n’avait rien de guttural. Les mots ne comptaient pas, lorsqu’elle contactait les esprits, mais elle était certaine de ne pas connaître ceux-là. De n’être pas même capable de les prononcer, de les entendre sans grincer des dents.
« Oh… C’est cela ? Vraiment ? Cela ? »
- Qui ?... commençât-elle, mais elle se tut, stupéfiée par une déferlante glaciale si brutale qu’elle lui donna la nausée. Ses poumons la brûlèrent, et elle exhala un nuage de vapeur blanche. Des tremblements incontrôlables agitèrent ses épaules, les muscles de ses bras, dont elle avait une conscience douloureuse.
- Qui es-tu ? parvint-elle à prononcer d’une voix heurtée, rendue à peine discernable par ses frissons convulsifs.
« Et toi, qu’es-tu, petite créature ? Je suis, et cela est normal. Mais toi ? Comment peux-tu exister ? »
Le visiteur ne semblait pas s’exprimer au bénéfice d’un autre que lui-même. Il parlait ainsi que celui qui ne pense pas être écouté.
« Tu es si étrange. Il ne devrait rien y avoir ici. Comment ai-je pu ignorer ta présence ? »
Une vigueur nouvelle l’avait gagné. Il semblait désormais animé d’une intense curiosité, d’un intérêt confinant à l’avidité. L’obscurité avait désormais presque entièrement envahi le grenier. Elle s’aperçut avec horreur que l’ampoule électrique elle-même semblait prête de défaillir, ne dispensant plus qu’une clarté anémique.
Rassemblant ses forces éparses, la jeune femme ferma les yeux, tâchant de retrouver son état de rêve éveillé, de voir à nouveau. Elle désespérait cependant d’en avoir la force, celle du corps et de l’esprit. Mais ce ne fut pas nécessaire. A peine eut-elle entrouvert le voile que le chaos se révéla à elle.
La toile étincelante était là, comme toujours, plus perceptible que jamais peut-être ; et quelque chose l’écartelait, quelque chose qui était échoué entre les mondes, se maintenant à la fois dans l’un et dans l’autre. Elle chercha le miroir, l’insupportable mirage ; mais il avait disparu, et lorsqu’elle le comprit elle eut la sensation vertigineuse de se tenir penchée au-dessus d’un abîme qu’elle avait toujours cru impénétrable.
Elle se concentra un instant sur le visiteur… et se détourna presque aussitôt, pétrie d’horreur. Mais pas avant de n’avoir distingué cette impossible teinte à mi-chemin du pourpre et de l’émeraude, pas avant de n’avoir compris un peu cette gueule entourée de harpons, ces yeux qui allaient là où ils voulaient, ces ouies grouillantes d’obscénités. Elle se trouva étendue sur le sol, haletante, regrettant de connaître de cet être impossible plus que sa seule voix raisonnable, maudissant ce savoir nouveau, qu’il existait quelque part des consciences si irrémédiablement étrangères. Cela n’avait duré qu’un instant, mais elle en était marquée au fer rouge.
« C’est trop excitant, fit la voix, qui ne parlait qu’à elle-même. Tellement inattendu. Je dois comprendre. »
A nouveau, le froid descendit sur elle, et elle serra paupières et mâchoires, contracta chacun de ses muscles avec autant de force qu’elle vida son esprit. Se préparant à endurer la souffrance, effleurant l’idée que la mort, après tout…
Mais une masse immense l’écrasa cette fois-ci, vidant ses poumons, pressant son cœur ainsi qu’une pince ; elle s’arc-bouta, hoquetante, griffant le plancher à s’en briser les ongles.
Elle sentit une pointe brûlante s’enfoncer dans sa poitrine, écarteler ses côtes. Le souffle lui manquait tandis que la chose se forçait en elle, emplissait bien vite plus d’espace qu’elle n’en avait à sa disposition, se pressant bien vite contre ses côtes.
Elle avait la certitude que son thorax allait maintenant céder, qu’il ne pouvait que se briser sous cet assaut, s’ouvrir comme une fleur. Maintenant… Maintenant…
Mais alors que la pression augmentait, se faisait insoutenable, portait la douleur à un paroxysme, son corps résistait, contre toute attente. La chose continuait de se couler en elle, interminable, semblant ne jamais vouloir finir, et pourtant sa fragile enveloppe résistait encore.
Ses jambes s’agitaient de manière frénétique et désordonnée, comme suivant une musique insensée. Ses pieds nus se tordaient selon des angles à peine humains.
Ses bras s’emplirent de feu, les chairs à l’étroit, luttant pour fendre la peau qui les abritait. Du moins était-ce ainsi qu’elle le ressentait, tandis que dans ses membres se coulait une présence implacable, incandescente.
Elle attendait le sang. Elle attendait les craquements, les déchirures, la rupture. Et elle vint finalement, mais différente, très différente de ce qu’elle avait craint.
Elle sentit son ventre s’ouvrir en deux, enfin. Elle sentit la vie jaillir hors de cette plaie, s’envoler en un geyser épais, s’extirper avec peine de ce lit de souffrance. Les derniers ligaments cédèrent, se rompirent les uns après les autres. La brûlure la quitta, enfin, la pression l’abandonna. Elle put respirer, et en pleura de bonheur.
Cependant, ce n’était plus pareil.
Sous ses yeux, son corps se débattait encore, quoique moins violemment. Les yeux révulsés, les lèvres bleus, les tendons du cou saillant ; les membres tordus par les crampes ; une boursouflure étrangère s’accrochant à sa colonne vertébrale, s’accommodant de ce vaisseau imparfait. Elle n’était pas assez grande, malgré tout, pour le contenir tout entier ; même ainsi, il ne restait pas assez de place. Mais qu’importe, après tout, car nul ne pourrait voir. Nul ne distinguerait ce dos hérissé de crampons, cette gueule et ces vrilles, ces évents, ces plaies. Ce n’est pas ainsi qu’ils comprendraient.
Une main se glissa doucement dans la sienne, retrouvant sans peine sa juste place. Elle noua ses doigts aux siens, comme ils faisaient autrefois.
Elle n’arrivait pas encore à se détourner. Elle n’arrivait pas à quitter des yeux la jeune femme mince cambrée sur le sol, ses cheveux noirs étendus autour de sa tête comme les tentacules d’une méduse, son ventre musclé agité de l’intérieur par une présence indésirable.
Au bout d’un moment, cependant, on l’éloigna peu à peu. On l’attira délicatement en arrière, la détournant de ce spectacle qui ne la concernait plus. On la mena à travers une brume opaque, un fleuve tranquille.
Elle sentit à peine le voile lorsqu’il l’effleura.
« C’est ainsi que c’est vraiment ? » murmurât-elle.
La main dans la sienne resserra son étreinte. Elle accentua la sienne en retour.
Prenant une dernière inspiration, elle ferma les yeux et s’oublia.
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