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 Her Majesty's Armed Forces

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Zarquon
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Zarquon


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MessageSujet: Her Majesty's Armed Forces   Her Majesty's Armed Forces EmptyDim 6 Mai 2012 - 19:32

Voici un petit texte écrit à la va-vite hier soir pour essayer de me détendre. Bonne lecture Wink

Her Majesty's Armed Forces


Ils reviendront. Ils reviennent toujours.
Lucian constata les dégâts qu’ils avaient causés dans son appartement. Tout était renversé. Du verre brisé jonchait le sol et côtoyait la terre qui avait été accrochée à leurs chaussures ; les bibelots qui s’étaient autrefois tenus droits sur ses meubles prenaient maintenant une position grotesque ; lesdits meubles avaient été efficacement endommagés, de sorte qu’ils tenaient encore debout, mais étaient maintenant inutilisables ; des plumes et de la mousse étaient disséminées dans son salon près des enveloppes des coussins éventrés par des couteaux de chasse. En baissant les yeux, il aperçût une rose rouge amèrement écrasée et la prît à la main. Les pétales se délièrent et lorsqu’il pût la porter à son visage, la fleur n’en avait plus qu’une. Elle sentait la douce odeur de la défaite, mais pas la sienne, fort heureusement. Ils étaient venus pour trouver une preuve, mais avaient échoué et étaient repartis bredouille, en ayant tout de même profité pour mettre à sac chaque pièce avec un acharnement malsain. Il ne pourrait pas se plaindre, il ne pourrait qu’accepter, et remercier le Marshal qu’ils ne l’aient pas en plus tabassé. Il allait devoir payer une fortune pour remettre en état son appartement. Ca allait lui prendre des années. Tout ce qu’il pouvait faire, pour l’instant, c’était nettoyer les débris et retirer les échardes des meubles. Il avança dans le salon, la rose toujours à la main, et s’assît sur les restes de son canapé étripé. Il posa la fleur sur sa petite table basse recouverte de whisky et de fragments de bouteille, puis il sortît un morceau de papier plié en quatre de la poche intérieure de sa veste. Il le déplia et regarda attentivement les lignes d’écriture manuscrite. Il avait du mal à déchiffrer les lettres, d’autant plus que l’encre noire avait été partiellement effacée par endroit à cause des gouttes de pluie. Il lui fallût une vingtaine de minutes pour lire la quinzaine de lignes. Il était fier. Il n’avait jamais lu aussi rapidement. Et il allait encore s’améliorer. Le Professeur lui avait assuré qu’un jour, il lirait cela en quelques secondes. Mais s’il voulait atteindre ce niveau, il fallait garder profil bas, se mettre au service de la discrétion, et ne pas clamer sur tous les toits qu’il savait lire. Il avait fait l’erreur de sous-entendre au cours d’une conversation avec Allen, son voisin, qu’il était capable de comprendre l’écriture de l’Elite. Et voilà que les Militaires avaient débarqués chez lui pour trouver une trace quelconque d’œuvres littéraires, ce qu’ils appelaient un livre. Mais il n’était pas aussi stupide qu’eux. Eux qui n’avaient pas pensé une seule seconde à le fouiller, tellement ils étaient arrogants, dédaigneux, hautain, méprisant, prétentieux. Supérieurs. Il chassa cette idée avec un mouvement de tête. Les Militaires étaient tout sauf intelligents, du moins ceux que le Marshal et ses sbires envoyaient faire les sales besognes. Mais ils avaient le pouvoir. Ils gouvernaient. Et on ne pouvait rien y faire. Ils pouvaient tout commander, ils avaient réalisé leur rêve le plus fou, diriger le pays. Plus un citoyen ne pouvait faire un pas sans être observé par les dizaines et dizaines de soldats qui étaient postés tous les dix mètres dans les rues. C’était comme ça, et ça l’avait toujours été. Non, le Professeur le lui avait dit : ça n’a pas toujours été comme ça. Il y a longtemps, alors que son grand-père n’était encore qu’une cellule germinale, les civils avaient le pouvoir. Ils géraient la politique, l’économie, la finance, la santé, les menaces. Et les militaires obéissaient à ces civils. Dans certains pays, le chef des armées lui-même était un civil, et non pas un haut-gradé comme le Marshal. Et puis, lors de la Guerre des Frontières, ils avaient profité du chaos général pour procéder à un coup d’état et changer toutes les directives du gouvernement. Celui-ci n’était plus composé que d’une assemblée de Militaires, tous régis par le Marshal, en haut de la pyramide. La Reine n’avait pas tardé à disparaître de la circulation, les Militaires l’ayant isolée au fin fond de l’Ecosse. Ils avaient, aussi, dans un élan philanthrope, permis à l’Elite de conserver un minimum de privilèges, comme la lecture, et avaient relégués les autres citoyens à un rang de misérables créatures autorisées à vivre par le Marshal. Heureusement, tout le monde n’était pas comme ça, certains membres de l’Elite œuvraient contre le gouvernement, le Professeur lui avait dit qu’ils formaient la Commission de Sécurité contre la Belligérance, un organisme civil qui visait à limiter la main mise du Marshal et de son gouvernement sur le pays. Mais c’était un moyen on ne peut plus légal, et Lucian l’avait compris bien avant eux, le Marshal ne pouvait être démis par un moyen légal. Il personnifiait la légalité. Il pouvait modeler les lois à son bon vouloir et rester toujours en accord avec la législation : il suffisait de la changer au moment opportun. Lui et ses Généraux étaient beaucoup trop bien placés pour être arrêtés. Ils avaient autorisé la création de la Commission. En un mot, en une lettre, ils pouvaient la dissoudre et envoyer ses membres dans les cachots sombres et humides de la Tour de Londres. Rien ne pourrait leur résister, du moins, rien de légal. Il fallait se révolter. Si tous les citoyens s’accordaient pour remettre à sa place cet énergumène, il ne pourrait rien faire pour les en empêcher. Ils n’allaient pas tuer tout le monde ! Il leur faut un peuple à gouverner. Sans peuple, ils ne sont rien. Mais ils pourraient faire des exemples, ils pourraient tuer des milliers de personnes pour dissuader les autres d’agir. Qu’est-ce que cela changeait, quelques milliers de citoyens en plus ou en moins, tant qu’il leur restait des millions d’autres, plus effrayés que jamais et reclus dans leurs sombres et minuscules appartements ? Ce n’était pas juste. Cette vie n’était pas juste, les lois n’étaient pas justes. Les Militaires ne respectaient pas la dignité. Dans leur folie d’ordre et de grandeur, ils avaient retiré aux citoyens ce qui faisait d’eux des hommes. C’était aberrant. Il devait bien exister un texte, une loi qui défendait l’humanité, qui la respectait ? Si c’était le cas, il avait disparu depuis bien longtemps. Lucian se releva, laissa la petite feuille près de la rose et s’approcha de la fenêtre. Il tira légèrement le rideau et jeta un rapide coup d’œil à l’extérieur. Trois hommes en treillis étaient postés de l’autre côté de la rue, sous la nuit noire et la pluie froide qui tombait sur Londres depuis le début de l’après-midi. Les lumières artificielles éclairaient succinctement l’arme qu’ils tenaient fermement contre leur poitrine. Lucian eut un frisson et laissa retomber le rideau. Ils étaient là, ils attendaient, comme à leur habitude. Il n’avait rien à craindre ce soir, il les avait battus à leur propre jeu.
Mais ils reviendraient. Ils reviennent toujours.
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Rufus Shinra
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MessageSujet: Re: Her Majesty's Armed Forces   Her Majesty's Armed Forces EmptyLun 7 Mai 2012 - 10:14

Pas mal, mais au moins, je ne me ferais pas trop trop d'inquiétude pour cette version dystopique du Royaume-Uni : contrairement à un système comme 1984, il m'a l'air tout sauf stable. Une population maintenue dans l'ignorance et l'analphabétisme sera incapable d'assurer longtemps la logistique d'une force armée suffisante pour maintenir la sécurité intérieure et extérieure. A moins que l'on soit dans un scénario post-apocalyptique, je subodore une invasion imminente de la part du reste de l'Europe.

Enfin, je ne sais pas exactement à quelle époque ça se passe, etc., et mes hypothèses considéraient le XXème siècle ou au-delà.

Quoi qu'il en soit, texte bien écrit et restant suffisamment fluide pour ne pas poser de problème au lecteur, pas de souci de style particulier, ça peut constituer une base intéressante pour un roman. Qu'est-ce qui est arrivé et pourquoi les autres pays ont-ils laissé ça se produire (guerre mondiale nucléaire ou non, autre type de crise) ? Comment la société tient-elle à présent que les outils de production modernes sont inutilisables ou presque, ce genre de questions. Elles peuvent trouver leurs réponses, sans aucun doute, et je suivrais de près un tel texte pour voir ce qu'il donne.
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Blob Verdâtre
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MessageSujet: Re: Her Majesty's Armed Forces   Her Majesty's Armed Forces EmptySam 30 Juin 2012 - 23:22

Tiens en réponse à ta nouvelle, un petit essaie, qui j'espère ne sera pas trop mauvais ^^

Ils avaient dit que ce serait fantastique, une révolution, cela transformerait jusqu'à la façon même
de penser, ce fût d'ailleurs le cas mais pas vraiment de la manière attendue. Et bien sûr comme
toujours, les gens les avaient crus. Car voyez-vous, pour les gens, le peuple, ou appelez ça comme
vous voulez, l'espoir était essentiel et le gouvernement le savait bien...

***

Isidore referma avec précaution son journal, c'était un de ces derniers exemplaires de technologie
organique de stockage de données et il y tenait. D'autant plus avec ces réseaux numériques saturés
de cyberflics, plus aucune information n'était réellement protégée. Tout cela Isidore le savait, et
il avait trouvé dans cette antiquité, le receleur lui avait dit que cela s'appelait un « livre », le seul
moyen de protéger ses pensées de dissident au regard pénétrant de l’Intendance. Il devait prendre
les plus grandes précautions car son statut de musicien attirait déjà beaucoup l'attention sur lui et
la moindre erreur pouvait lui être fatale. S'il était, ce qu'il aimait appeler un contradicteur, et ce que
le gouvernement décriait comme terroriste, c'était par dégoût de ce que la société était devenue
plus que par un quelconque sentiment révolutionnaire. Un monde larvesque et navrant, constitué
d'êtres encore plus misérables, constamment abêtis et heureux de leur bêtise. Un monde, figé dans
un système soi-disant méritocratique mais où le seul mérite est celui d'être né au bon moment et au
bon endroit. Lui-même pourtant avait été chanceux, si l'on peut parler ainsi, descendant de parents
relativement aisés, il avait eu une enfance facile et avait fréquenté les meilleurs établissements. Puis
il y avait eu le grand Changement...

Soudain la pièce s'obscurcit, et les voyants verts, signe du contrôle psychique hebdomadaire,
s'allumèrent. Isidore rangea soigneusement son journal, il avait pris le temps de tout consigner et
pouvait donc se permettre d’oublier l'intégralité de ses pensées suspectes avant que les techniciens
psy n'arrivent. Les hauts parleurs se mirent à entonner la rengaine habituelle qui sied à la situation.
Une sorte de mélopée, sourde, répétitive mais aussi excitante qu’énervante. Ce bruit était celui
de la peur, Isidore le savait bien car il faisait partie des musiciens qui avaient travaillé sur le projet.
Cette musique était censée conditionner les citoyens dissidents afin qu’ils se trahissent plus
facilement pendant les tests psychiques et facilitent ainsi le travail des techniciens. Quelqu'un toqua,
rapidement Isidore avala une dragée d'amnésie sélective, juste à temps car le technicien rentrait.
C'était un petit homme trapu, d’âge moyen, vêtu de la tenue bleu des fonctionnaires, mais il n'avait
pas d'insigne. Cela n'était pas surprenant, un certain laxisme régnait parmi les travailleurs. Après
tout, n'étaient-ils pas tous des volontaires ?

***

Isidore sentait encore l'âpreté de la pilule qu'il venait d'ingurgiter. Il ne se souvenait plus exactement
si c'était une dragée rouge ou une dragée bleue. C'était officiellement ainsi qu'on les nommait,
mais tout le monde se doutait bien que ces noms devaient cacher quelque chose. Les rebelles
disaient qu'elles contenaient des inhibiteurs de pensée, mais personne ne pouvait vraiment croire ça! La théorie d'Isidore était beaucoup plus simple, elles devaient surement protéger la santé de
la population et gérer son évolution. Cela devait surement être la raison pour laquelle les rebelles
mentaient à leur sujet. Le moindre trouble était bienvenu pour ces terroristes.

Un technicien du contrôle psychique lui faisait face, il n'avait pas d'insigne, et Isidore ne tarda
pas à le lui faire remarquer. Ce laxisme est intolérable, si semblable à l'indifférence, et tout aussi
dangereux pour la cohésion du groupe. Il ne manquerait pas de glisser quelques mots à l'intendance
sur ce technicien, l'ordre appelle l'ordre. Une fois les contrôles de routine réalisés, et le technicien
parti, Isidore regarda tout autour de lui, ses appartements respiraient l'ordre et la propreté, un détail
cependant attira son regard, un vieux carnet trainait sur son bureau. Il savait ce que c'était, il en avait
déjà entendu parler, mais il n'en avait jamais vu de près, à vrai dire, il n'en avait tout simplement
jamais vu...

Ce carnet était troublant, que faire ? Bien sûr, il faudrait le ramener à l’Intendance, c’était une
évidence. Mais ne pourrait-il pas le lire un peu avant ? Il n’avait jamais vu une telle relique, et il
n’aurait certainement pas l’occasion d’en revoir une autre un jour. Et puis que faisait-elle sur son
bureau ? Après tout il était en droit de savoir, il était concerné. Isidore fit un pas, et saisit le carnet.
Le livre était agréable au touché, patiné par l’usage et craquelé par le temps, ses pages avaient la
douceur du velours, c’était un objet étranger à ce qui l’entourait, c’était un objet résistant à ce siècle
qui n’était pas le sien. Isidore l’ouvrit à la première page…

***

Nosce te ipsum

Voilà comment au lecteur, au moi peut-être, ma chair, ma tendre chair, comment je commencerai
ce livre qui est le tiens, ce livre que tu écrivis de tes mains, mais dont l’esprit n’est plus le miens.
Oui lecteur, car tu es moi et je suis toi, oui, nous ne faisons qu’un. Mais voilà là un bien étrange
discours, qui sonne à tes oreilles, le discours d’un fou penses-tu ? Pourtant nous sommes saints
d’esprit, quoique pour toi rien n’est moins sûr… Enfin je suis déjà oublié tandis que tu n’es pas encore
perdu. Certes en un sens si, puisque tu ne comprends toujours pas ces quelques lignes, pourtant si
éclairantes, et Dieu seul sait combien de fois déjà nous nous sommes déjà efforcés à les comprendre.
Mais voilà à peine sommes-nous sorti de cette torpeur, à peine sommes-nous nés qu’il nous faut à
nouveau perdre ces quelques pensées pour quelques jours ou pour toujours. C’est pour ça que je
voulais commencer par ces quelques lignes, pour qu’un jour nous n’ayons plus à oublier.

Je sais que tu voudrais rendre ce cahier à l’Intendance, mais notre curiosité a toujours été la plus
forte, et j’espère qu’il en sera toujours ainsi, sinon nous sommes perdus. Oui nous, et non seulement
moi, car tu verras, si tu continus à lire, que les preuves sont accablantes. Ce livre, si tu le rendais,
signerait ta perte comme la mienne. Voilà je sais que tu commences à douter, alors je vais t’aider.
Mon cher frère, mon autre moi-même, tu ne sais pas combien tu es ignorant, mais avant d’en lire
plus, je t’invite à méditer sur cette sentence d’un autre monde, cette phrase d’un langage perdu :
Nosce te ipsum… connais-toi toi-même.
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Zarquon
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MessageSujet: Re: Her Majesty's Armed Forces   Her Majesty's Armed Forces EmptyJeu 5 Juil 2012 - 13:48

Pas mal du tout pour un premier essai (dans les deux sens du terme). Voire même pour un texte tout court. Comme je te l'ai dit, ça pourrait faire une bonne base pour une nouvelle ou peut être même un roman.

On se croirait un peu dans un univers mixé entre 1984 et This Perfect Day, entre l'utilisation d'un bouquin, et le protagoniste qui est prêt à se révolter, puis à se dénoncer une fois le "traitement" donné.

Un conseil, continue à écrire quand t'auras du temps (je sais que là c'est pas trop le moment, mais le mois prochain par exemple). Je suis persuadé que tu es capable de fournir quelque chose d'extrêmement... stylé aarf
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Zarquon
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MessageSujet: Re: Her Majesty's Armed Forces   Her Majesty's Armed Forces EmptyVen 24 Aoû 2012 - 21:46

Une petite "suite" au premier texte.

Commander-in-Chief

La nuit était froide et sombre. Les trottoirs, recouverts d’une fine pellicule de neige, luisaient à la lumière des quelques réverbères qui jonchaient l’avenue et contribuaient à l’atmosphère troublante et presque palpable qui s’en dégageait. Au loin, l’on pouvait distinguer une silhouette mouvante, seule témoin de la folle course qui se déroulait dans les rues de Londres depuis plus d’une demi-heure. Celle-ci se déplaçait avec une gêne déroutante et faisait tout son possible pour se maintenir en équilibre. Soudain, elle mît fin à sa course et s’appuya contre l’un des lampadaires, essayant de ne pas faire attention à la horde qui était probablement à sa poursuite. Sans pour autant avoir repris son souffle, mais plutôt comme si elle venait de se rendre compte du danger qui la guettait, elle reprit sa course avec une détermination marquée par la rougeur qui colorait son visage et sa difficulté à respirer correctement. Alors qu’elle s’en sortait plutôt bien jusqu’à maintenant, son pied glissa sur une plaque de verglas et la silhouette vint s’écraser au sol dans un bruit sourd étouffé par sa parka. Lorsqu’elle tenta de se relever, sa capuche glissa et laissa apparaître la chevelure cuivrée d’une femme d’âge mûr qui tentait désespérément de se remettre en chemin. A travers la légère brume qui donnait un aspect fantomatique à l’avenue londonienne, elle perçût le faisceau des lampes de ses poursuivants, et malgré les palpitations de son cœur qui lui martelaient les oreilles, elle parvint à distinguer les aboiements des chiens qui la pistaient. Puisant au fond de son être pour y trouver ses dernières forces, elle se remît à courir avec persévérance, sachant que tout espoir était très certainement perdu.
Tout avait commencé lorsqu’elle et le Professeur avaient tenté de faire comprendre au Marshal que la situation ne pouvait plus durer. Plonger le peuple dans l’illettrisme avait été une grave erreur. L’Elite n’était pas assez importante pour réguler les différents secteurs de production, et la récession s’était immanquablement emparée du pays tout entier. Certaines usines, voire certains secteurs entiers avaient du fermer, privant de travail, et donc de revenu, aussi modeste soit-il, une partie bien trop importante de la population. Les campagnes étaient désertées et la misère s’installait aux portes des grandes villes. Et que dire de l’administration lorsque quatre-vingt-quinze pourcent des citoyens ne savent pas écrire leur propre prénom ? Les décisions du Marshal tendant à réduire l’effectif de l’Elite, le pays allait bientôt imploser et laisser place à une inévitable guerre civile, immergeant le pays dans le chaos le plus total pour les années à venir. Mais, comme à son habitude, le Marshal n’avait rien voulu entendre. Ils venaient simplement de lui donner une raison de plus de diminuer l’Elite, voire d’interdire la Commission et de faire ainsi taire le peu de protestataires qu’il autorisait à vivre. Elle avait beau avoir essayé de prévenir le Professeur, il était au moins aussi buté que le Marshal, et optimiste, qui plus est. Il était persuadé de pouvoir faire sortir dans le secret le peuple de son analphabétisme, peu à peu, et de permettre ainsi à ces gens d’enfin réfléchir par eux-mêmes. Selon lui, ils finiraient bien par se rendre compte que toute cette mascarade ne pouvait plus durer, et qu’il était de leur ressort de changer les choses. Elle, de son côté, avait admis que l’effort à fournir serait bien trop important pour la minorité que représentait l’Elite. Surtout que bon nombre d’entre eux se plaisaient bien dans leurs chambres douillettes et luxueuses fournies par les bons soins de l’armée en guise de pot-de-vin pour la boucler. Il paraissait impossible de les mettre tous à la tâche, et même s’ils y parvenaient, celle-ci paraissait insurmontable. Ils étaient fichus, elle devait bien l’admettre. Rien ne pourrait changer le système avant qu’il ne s’effondre de lui-même, pas même la Commission. L’armée serrait le pays dans une poigne de fer si puissante qu’ils ne pouvaient espérer s’en échapper.
Parfois, elle se surprenait à rêver de ce qui pouvait bien se passer dans le reste du monde. La Guerre des Frontières avait décimé la moitié de l’Europe et coupé toute communication avec le monde extérieur. Mais il devait bien demeurer quelqu’un au dehors qui se souciait du sort de la Grande Bretagne ? Non, il ne fallait pas se reposer sur les autres. Il n’y avait personne. Plus après la Guerre. Le temps était leur seul allié. Elle s’en était bien rendu compte après leur entretien catastrophique avec le Marshal. Ils s’étaient, chacun de leur côté, fait reconduire chez eux en voiture, privilège de l’Elite. C’est en croisant le regard terrorisé de la gardienne de son petit immeuble qu’elle avait compris que quelque chose clochait. Elle avait donc fait demi-tour et avait entamé une promenade nocturne malgré le couvre-feu. Autre privilège. C’est là qu’elle avait entendu le bruit des chiens et que le piège avait commencé à se refermer. Elle avait alors abandonné son sac à main et avait commencé ce qui allait être le plus long sprint de sa vie.
Ils avaient été sots de croire qu’il les écouterait. Le Professeur avait vraisemblablement été arrêté lorsqu’il était rentré chez lui, et ça allait bientôt être son tour si elle ne trouvait pas un moyen d’échapper à cet attroupement de militaires en furie. Elle entendît au loin le rotor d’un hélicoptère et pria pour que la brume soit assez dense pour la dissimuler malgré le projecteur de l’horrible machine. Elle prît à gauche à un carrefour et s’arrêta quelques secondes. Elle remarqua seulement maintenant qu’elle avait atteint les quartiers populaires. D’habitude, ceux-ci grouillaient de militaires en poste de surveillance, mais ils avaient dû être réquisitionnés pour partir à sa poursuite. C’était bien sa veine. Elle fit quelques pas de plus et se posta devant la porte d’une maisonnette qu’elle était persuadée d’avoir déjà vu. C’était la maison de Lucian, l’ami du Professeur. Celui-ci avait failli se faire arrêter quelques semaines auparavant. Devait-elle entrer et lui demander de l’aide ? Elle n’avait certes pas d’autre solution, elle ne pouvait décemment pas courir ainsi toute la nuit. Mais elle risquait de le mettre en danger. Son instinct de survie prît alors le dessus et elle appuya sur la poignée extérieure avant d’entrer dans la modeste demeure et de refermer la porte aussi sec. Lucian essaya précipitamment de dissimuler la petite feuille gribouillée qu’il tenait entre les mains avant de s’apaiser devant cette vision amicale. Ils restèrent ainsi quelques secondes, figés par la peur. Elle lui sourît alors et s’approcha pour lui expliquer la situation lorsque plusieurs coups retentirent contre la porte en bois. Elle regretta son geste et finît par accepter le sort qu’elle leur avait réservé à tous les deux. Elle venait de signer leur arrêt de mort.
Ils étaient revenus.
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