Babylon 5 - Trancher le nœud

-…de sédition et haute trahison. Dès réception de ces ordres, tout contact est strictement interdit avec la station Babylon 5 et les forces renégates s'étant faites complices du capitaine John Sheridan. Tout manquement à ces consignes sera considéré comme un acte de mutinerie envers l'Alliance Terrienne.
Nul n'osa briser le silence de mort suivant l'annonce faite dans les haut-parleurs.
-Général Lefcourt, avez-vous bien pris connaissance de ces ordres ? demanda la voix.
-Oui, monsieur.

La communication se coupa alors qu'elle se rasseyait lentement dans son siège, prenant garde à ne pas faire de mouvement trop brusque dans l'environnement à faible gravité. Il regarda le général quelques secondes, puis, celui-ci hochant de la tête, fit un geste de la main vers l'intercom général.
-Votre attention, ici le capitaine Weiss. Le central Terrien vient de nous faire part d'un nouveau développement dans la crise agitant actuellement notre patrie. Nous venons d'apprendre que le général Hague ainsi que le capitaine John Sheridan, commandant de la station Babylon 5, se sont rendus coupables, avec leurs équipages, de mutinerie envers l'Alliance Terrienne. Tout contact avec ces officiers et leurs commandements est dorénavant interdit, mesure effective immédiatement. Ce sera tout.
Sheridan, qu'est-ce qui vous a pris, bon sang ?, pensa Lefcourt en quittant lentement le CIC, tous les visages tournés vers lui.
-Bon, reprit Weiss en s'adressant au reste du CIC. Ces dernières heures, nous avons été mis au courant de certains évènements s'étant produits sur Terre et Mars. Je n'ai pas toutes les informations, comme tout le monde ici, alors je rappellerai que notre premier devoir en tant que militaire de l'Alliance Terrienne est la défense de celle-ci contre ses ennemis, intérieurs comme extérieurs. Le président Clark ayant légitimement reçu le pouvoir après la catastrophe de Io et, tant que le Sénat n'émettra pas un avis contraire, les actions du capitaine Sheridan et du général Hague relèvent de la mutinerie. Je demanderai donc à chacun de faire son devoir en gardant cela à l'esprit…



-Rapport de contacts, demanda Weiss en entrant dans le CIC, cinq semaines plus tard.
-Convoi IPX en direction de l'espace Centauri à 11h05, lui répondit son second. Deux navires de plaisance à 12h46 et 15h18, pas de contrebande, autorisations de vol valables.
-Très bien. Je prend le quart, dit-elle.
-Entendu, mons…
-Alerte, message flash ! l'interrompit l'officier des communications. Message d'urgence EAM. Code d'identification confirmé, bureau de la présidence.
-Merde. Passez moi-ça, M'kuba, aboya Lefcourt.
Suivant le protocole, l'officier imprima le message et le lui apporta pour le lui donner en main propre. Il parcourut alors le feuillet, ne s'attardant que quelques instants sur les identifiants de l'expéditeur et du destinataire, pour lire les nouveaux ordres.
-Capitaine, je crois que cela va vous intéresser, dit le général en lui tendant le document.
Celui-ci prit quelques secondes pour le parcourir avant de se tourner vers le navigateur.
-Lieutenant Kamarov, amorcez les moteurs de saut. Nous nous rendons au point de rendez-vous 44-89. Passage en condition 2. Ordre aux autres navires de nous suivre.
Le jeune moscovite s'exécuta aussitôt alors que, sur un geste de son commandant, l'appel au postes de combat retentissait au travers du vaisseau.
-Que se passe-t-il ? murmura le second à Weiss.
-Ils ont retrouvé l'Aleksander, et nous sommes…conviés…à la curée.
-Le vaisseau du général Hague, s'exclama l'officier, avant de reprendre, à voix basse : n'avait-il pas été détruit corps et biens lors de l'offensive contre Babylon 5 ?
-C'était bien ce que le haut-commandement avait annoncé, intervint Lefcourt. Enfin…nous allons rejoindre les forces du général Moore au point de rendez-vous où il nous donnera nos ordres.
-Passage en hyperespace dans quinze secondes, annonça le navigateur.
Le second se dirigea d'une impulsion sèche vers un siège libre où elle s'accrocha, alors même que l'immense vortex s'ouvrait devant le puissant navire.
Vous avez fait une erreur, Hague, se dit-elle alors que les caméras extérieures se mettaient à afficher la lueur rougeâtre de l'hyperespace. Ni Moore, ni le président Clark n'auraient voulu faire face aux Sharlin minbaris, même pour vous avoir votre peau. Alors que tout seul, isolé comme vous l'êtes, ce n'était qu'une question de temps avant de vous faire retrouver…

La navigation dans un hyperspace aussi incompréhensible que potentiellement dangereux, laissa aux équipages de l'Apollo et de ses escorteurs le temps de préparer leur vaisseau au combat contre la proie ayant attiré la furie de l'escadre se rassemblant au point de rendez-vous. La mise à mort, éclatant final d'un lent processus de collecte d'informations, apparaissait comme inéluctable, alors que le général faisait les cent pas dans sa cabine. Il fut interrompu par le bruit du carillon de sa porte.
-Entrez ! dit-il en s'immobilisant alors que la porte s'ouvrait, révélant son capitaine de pavillon. Qu'y a-t-il,Weiss ?
-J'aurais une question à vous poser, monsieur.
Il eut un très léger sourire, qui s'estompa rapidement.
-La même question que je me pose depuis une semaine, n'est-ce pas ?
-…probablement.
-Les ordres qui nous ont été donnés, quelque soient nos doutes moraux à leurs sujet, ne sont en rien illégaux, dit-il avec un air las. Le général Hague n'a pas non plus reçu d'ordre illégal, donc, techniquement…il est un mutin en fuite, et notre devoir est de l'arrêter ou de le tuer.
-Et, qu'en pensez-vous, personnellement ?
-Vous me connaissez, non, Manfred ? répondit-il avant de rajouter. Et, quelque soit mon avis à ce propos, nous avons désormais une mission à accomplir…et un ami à tuer.

Une demi-heure plus tard, le Apollo déchira la structure de l'espace-temps dans un déferlement d'énergie, sortant brusquement de l'hyperespace pour ajouter sa masse à celle d'une flotte où se côtoyaient une douzaine de destroyers et de croiseurs de l'Alliance Terrienne.
Lefcourt n'eut pas le temps de parler qu'une jeune voix masculine sortit des hauts-parleurs pour emplir la salle de commandement tactique :
-Ici le EAS Tiger's Claw, au groupe de vaisseaux en approche. Identifiez-vous immédiatement ou vous serez détruits.
-Passez-le moi, dit Lefcourt au responsable des communications.
Celui-ci fit quelques brèves manipulations avant de lui faire signe qu'il pouvait parler.
-Ici le général Robert Lefcourt, avec le Apollo et ses escorteurs. Nous venons rejoindre la Task Force 2.15 pour l'interception de l'Aleksander.
-Mettez-vous en position d'attente, Apollo, dit la voix avant de se couper. L'instant d'après, l'un des écrans à proximité de Lefcourt s'activa, affichant le visage d'une femme âgée d'une cinquantaine d'années.
-Ici le général Patricia Moore. Bienvenue, général Lefcourt, dit celle-ci en souriant.
-Merci, madame.
-Désolée d'être brusque, mais nous n'avons pas de temps à perdre. Un de nos croiseurs suit les mutins en ce moment-même, et il semblerait que nous ayons une opportunité exceptionnelle pour les surprendre. Si nous attendons trop longtemps, nous pourrions perdre plusieurs semaines, ou même voir notre cible nous échapper. Rejoignez-moi dès que nous serons en hyperespace.
-Entendu, répondit le général en voyant que sa supérieure lui transmettait des fichiers de navigation avant de couper la communication.
Il se tourna vers l'un des officiers de la salle.
-Transmettez les fichiers de navigation au capitaine, et dites-lui de venir me rejoindre dans la navette de transport dès que nous serons en route.
L'officier acquiesça, et Lefcourt se retourna pour quitter la salle.
Alors que les haut-parleurs claironnaient une fois de plus le passage de l'Apollo en hyperespace, le général eut un léger sourire en voyant que son capitaine de pavillon l'avait devancé jusqu'au hangar. Celui-ci, après les formalités d'usage, rentra, comme l'imposait le protocole, en premier dans le petit vaisseau dont les moteurs terminaient leur cycle de chauffe.
-Il semble que Moore ait l'intention d'attaquer rapidement, commença brusquement le général.
-Savons-nous ce qu'il en est de son plan, monsieur ? demanda Weiss.
-Pas encore…répondit Lefcourt en orientant lentement son regard vers l'anachronique hublot.
-Quelque chose vous préoccupe, monsieur ? s'enquit le capitaine, alors que la navette quittait le hangar pour rejoindre l'hyperespace dans lequel naviguait l'escadre.
-Elle agit précipitamment, et ça ne lui ressemble pas. Hague est un fin stratège, comme l'a prouvé son évasion, et si Patricia s'imagine pouvoir arriver en force pour lui damer le pion, ça risque d'avoir des conséquences désastreuses, et elle le sait.
Il se tut et, quelques secondes plus tard, se tourna brutalement vers son capitaine de pavillon.
-Manfred, quoi qu'il se dise à ce briefing, ne dites rien de plus que le bla-bla habituel. Aucune réflexion d'ordre tactique ou stratégique.
-Mais…commença l'officier, blessé par l'insulte ouverte que lui faisait son supérieur.
-Ne vous trompez pas sur mes intentions. Je connais vos qualités, et c'est justement parce que vous êtes un bon tacticien qu'il faut à tout prix que vous vous taisiez. Faites-moi confiance, là-dessus.

Le capitaine acquiesça silencieusement, et ne dit mot, alors que le général regardait les brumes opaques de cette dimension dont les ombres mouvantes rappelaient au marin expérimenté les risques omniprésents de cette zone où tant de ses semblables de tant d'espèces avaient plongé pour ne jamais ressortir, à jamais perdus dans les limbes.
Vous jouez un jeu dangereux, Pat. Très dangereux.


Lorsque Lefcourt et Weiss entrèrent dans la salle de briefing du Tiger's Claw, ils remarquèrent immédiatement le silence qui régnait dans la salle, et se pressèrent de s'installer, avant de se rendre compte qu'ils n'étaient pas la cause de ce mutisme. En effet, les différents officiers, capitaines et généraux, présents à la table fixaient du coin de l'œil la seule civile présente. Celle-ci, brunette âgée d'une quarantaine d'années, était habillée sobrement, à l'exception d'un morceau de tissu sur le bras.
Bien sûr, se dit Lefcourt en la détaillant discrètement du regard. La Garde de Nuit ne pouvait pas ne pas se mêler de cette opération. A défaut de mettre la main sur Sheridan, ils vont se passer les nerfs sur Hague. Logique.
-Votre attention, s'il vous plait, annonça inutilement Moore à un public silencieux et apparemment tout ce qu'il y avait de plus concentré. Nous avons reçu un nouveau rapport du Yokohama, qui reste actuellement à la limite de l'hyperespace, avec ses Starfuries à bonne distance de l'Aleksander. Les ordres des autorités politiques, dit-elle avec un regard en coin à la civile qui lui répondit par un sourire, sont de capturer le navire mutin ou, le cas échéant, de le détruire.
Elle laissa l'information tomber, puis continua.
-Le plan, ici, est une arrivée simultanée de 12 de nos destroyers et croiseurs autour de l'Aleksander alors que, selon nos informations, il est en train d'effectuer des réparations nécessaires après les affrontements de Babylon 5, apparemment sur ses générateurs de saut hyperspatial. L'encerclement se fera dans les règles, suivant le plan de bataille standard Yankee-7, le Yokohama nous rejoignant, comme vous pouvez le voir sur cette carte, conclut-elle en affichant sur un écran géant une simulation tactique.
Les icônes représentant les navires loyalistes se regroupaient à proximité du seul point rouge, avant de surgir brutalement en formant une sphère autour de lui, le croiseur de reconnaissance occupant l'un de ses points cardinaux.
-Les autres navires de la Task Force attendront en hyperespace pour intercepter l'Aleksander s'il venait à sauter. Vous trouverez en rentrant sur vos navires respectifs les instructions détaillées de positionnement et de timing.
Elle regarda attentivement chacun des individus présents, avant de demander, d'une voix où pouvait se percevoir un certain stress :
-Des questions ?
Lefcourt croisa brièvement le regard de son capitaine avant de le reporter vers le général Moore qui, voyant que nul ne pipait mot, s'empressa d'annoncer la fin du briefing.
-Une seconde, dit d'une voix douce la représentante de la Garde de Nuit, alors que les officiers commençaient à se lever. Je tiens à vous présenter, à tous et à toutes ici, les plus sincères encouragements du Ministère de la Paix, dont vos actions permettront de faire avancer sa noble cause, à savoir la sécurité physique et morale des citoyens de l'Alliance Terrienne, en cette heure de crise. Nous comprenons à quel point il doit être difficile pour de vaillants officiers tels que vous de devoir faire face à vos semblables, mais soyez assuré que MiniPax et la Garde de Nuit garderont en mémoires l'ensemble de vos actions aujourd'hui. Merci.
Après quelques hésitations alors qu'ils assimilaient le véritable message de la femme devant eux, les officiers se levèrent un à un pour saluer leur supérieure et, sans un mot, quittèrent la pièce pour retourner au hangar où les attendaient leurs véhicules, sans jeter un regard à la femme qui semblait discuter avec Moore.

-Il y a une faiblesse dans sa stratégie, dit Weiss de but en blanc aussitôt que la navette de l'Apollo eut décollé.
-Effectivement, j'aurais été déçu que vous ne vous en soyez pas rendu compte. Mais précisez votre propos, Manfred.
-La tactique suggérée implique de manière tacite une force homogène, avec uniquement des destroyers ou des croiseurs, mais pas les deux.
-D'où une faiblesse intrinsèque de la structure d'encerclement, compléta Lefcourt.
-Mais si vous le saviez, pourquoi n'avoir rien dit ?
-Je ne trouverais pas de plaisir à reprendre Patricia, non seulement devant ses pairs, mais surtout en présence d'une civile qui semble ne pas avoir toute son expérience. De plus, je suis pour ainsi dire certain qu'elle s'est rendu compte de cet aspect particulier, pour l'inclure dans sa stratégie à…plus long terme.
-Permission de parler franchement.
-Accordée, bien sûr.
-Si vous avez tant confiance en le général Moore, pourquoi avez-vous l'air si soucieux depuis que nous avons rembarqué ? A vous voir, on a l'impression qu'on se dirige tout droit vers la catastrophe.
-…
Lefcourt resta silencieux quelques instants, puis se tourna à nouveau vers le hublot, tout en répondant à voix basse :
-Je suis un militaire, et mon premier devoir est d'obéir aux ordres, sans poser de question. Mais il y a une question que je ne peux pas éviter.
-Laquelle est-ce ? demanda Weiss en baissant à son tour sa voix.
-Dois-je suivre mes ordres selon leur lettre, comme l'attend un supérieur que je connais et respecte depuis des années, ou selon leur esprit, comme le voudraient des autorités politiques désagréables, mais au demeurant légitimes ?
Le capitaine commença à répondre quand il fut interrompu par un murmure :
-Cette discussion est terminée, capitaine. Vous connaîtrez bien assez tôt ma réponse, conclut Lefcourt, ne disant plus rien le restant du trajet.


Lorsque les deux officiers sortirent de la navette, le capitaine suivant protocolairement le général, ce fut pour assister aux préparatifs effrénés des techniciens de l'escadron de Starfury Thunderbolt qui s'attroupaient en gravité réduite autour des appareils au nez allongé. Ceux-ci, la plus récente des modifications du vénérable appareil, avaient été livrés en remplacement des anciens chasseurs datant de la Bataille de la Ligne une semaine à peine avant les bombardements des colonies martiennes.
Le général s'attarda quelques minutes sur les appareils, aux dents de requins peintes entourant son imposant canon frontal qui lui rappelaient leurs homonymes du XXème siècle, dont un exemplaire demeurait présenté au Musée de l'Air et de l'Espace. Les hommes et femmes affairés ne le remarquèrent qu'au bout d'une trentaine de secondes, et n'eurent pas le temps de tenter de se mettre au garde-à-vous qu'il leur fit signe de continuer leur travail, avant de rejoindre Weiss au niveau de l'ascenseur axial principal du navire.
Celui-ci traversait, comme les cinq autres l'entourant, l'ensemble du navire, demandant en contrepartie à ses passagers de bons réflexes pour se retourner lors des quelques secondes où il cessait d'accélérer avant de commencer à ralentir. Les parois anti-choc, dénuées de toute aspérité, témoignaient de la volonté des architectes navals de réduire autant que faire se peut les dangers à bord de vaisseaux où la gravité artificielle tenait encore du rêve rappelant jour après jour le retard technologique terrien face aux Centauri ou aux Minbari.
-Commandement tactique, dit Lefcourt, s'immobilisant en accrochant la main à l'un des creux disposés ça et là dans le revêtement absorbant alors que Weiss faisait de même en prenant soin d'éviter de percuter son supérieur.
-Capitaine, reprit le général alors que l'accélération de l'ascenseur se faisait sentir, cette opération a une importance vitale pour l'avenir. En conséquence de quoi, je pourrai être amené, au cours de celle-ci, à prendre des décisions d'ordre tactique et opérationnelles, qui normalement vous reviendraient.
-Bien…monsieur, répondit Weiss d'un ton laissant transparaître son étonnement face à une décision qui laissait penser que ses compétences étaient mises en doute.
Lefcourt leva la tête et fit un signe discret vers le module de reconnaissance vocale à qui il avait donné sa destination quelques secondes plus tôt.
-Je respecte vos qualités, capitaine, continua le général, comme lisant dans ses pensées. Mais ici, une coordination parfaite sera nécessaire pour donner entièrement satisfaction au général Moore…ainsi qu'aux autorités politiques. Ma plus grande expérience commune avec elle sera ici indispensable, même si je réduirai bien entendu ces ordres opérationnels autant que possible.
-Bien entendu, dit le capitaine avec une voix à peine moins dépitée, alors que l'accélération s'atténuait sensiblement, les faisant, lui et le général, lentement quitter le sol.
Les deux officiers, avec une efficacité traduisant les années d'expérience à bord des vaisseaux de l'Alliance Terrienne, se retournèrent d'un geste, pour se réceptionner sur ce qui était quelques secondes plus tôt le plafond de la cabine de l'ascenseur, alors que ce dernier se mettait à décélérer doucement pour parcourir la seconde moitié du trajet.
Le tube bardé d'électro-aimants mit fin, quelques instants plus tard, au déplacement de l'ascenseur, qui commença alors à tourner sur lentement lui-même pour suivre le mouvement de la partie centrale de l'Apollo. Celle-ci était en rotation permanente pour assurer, grâce à la force centrifuge, une pseudo-gravité qui contrastait avec l'intérieur de l'ensemble des vaisseaux terriens, où le haut et le bas n'avaient de sens que lors d'une accélération du vaisseau. L'architecture des destroyers de classe Omega s'en voyait chamboulée, par rapport à celle des croiseurs et autres navires antérieurs, où le "haut" était assimilé à la proue et le "bas" à la poupe. Dans la section centrale du destroyer, cependant, la "gravité" était présente à chaque instant, et permettait aux membres d'équipage d'éviter l'atrophie musculaire qui avait été l'un des principaux facteurs limitant l'autonomie des vaisseaux de l'Alliance Terrienne.
Le poste de commandement stratégique, réservé aux généraux et à leurs personnels particuliers, était donc un compromis entre la profondeur dans la coque, synonyme de protection, et l'écartement avec celle-ci qui amenait une gravité plus proche de celle de la Terre, et ainsi de meilleures conditions de travail.
Avec ses nombreux écrans, cartes tactiques et chartes stellaires, la salle constituait un CIC secondaire donnant aux officiers généraux tous les outils nécessaires à la domination de l'espace de bataille. Habitué à la voir remplie d'hommes et de femmes affairés à communiquer avec les navires escorteurs pour faire du général le véritable cerveau de la flotte, Weiss se sentit comme déçu en voyant l'activité réduite, qui faisait écho à l'escadre de l'Apollo, qui était jusqu'au mois dernier à la tête d'une force de la taille de celle à laquelle il appartenait désormais.

-Ça devient plus clair, désormais, lui avait dit Lefcourt quelques jours plus tôt, alors que le message confirmant la trahison de Sheridan et Hague, deux héros de la guerre contre les Minbari, avaient comme paralysé tout l'équipage, lui compris. Vous n'êtes pas sans savoir que je suis considéré comme le mentor de John. Selon mes informations, qui ne sortiront pas de cette pièce, bien entendu, la sécession de Babylon 5 est venue alors même qu'une flotte était déjà en route vers elle pour relever Sheridan de son commandement. Si le secrétaire à la défense avait autant de suspicions à mon encontre, il ne faut pas s'étonner que notre, non, ma puissance de feu ait été aussi drastiquement réduite et ramenée dans une zone moins sensible de notre espace. Une décision logique.
-Que voulez-vous dire ? avait demandé Weiss, ce jour-là.
-Quand deux officiers de cette envergure et avec ces responsabilité commettent le crime de haute trahison l'un après l'autre, il risque de falloir beaucoup de temps avant que les autorités politiques aient à nouveau confiance en nous.

La voix du général le ramena brusquement à la réalité.
-…nous serons sur place pour le début de l'opération d'ici un peu moins de deux heures, capitaine. Je vous recontacterai à ce moment-là.
-Oui monsieur, répondit l'officier en saluant son supérieur, celui-ci lui indiquant d'un signe de tête qu'il pouvait se retirer.
Il retourna vers l'entrée de la salle, alors que Lefcourt rassemblait les membres de son état-major autour de lui, pour écouter leurs rapports.


Se guidant sur les balises hyperspatiales communes à toutes les espèces ayant découvert ce formidable moyen de transport, la Task Force arriva finalement à proximité du Yokohama, minuscule ilot de matière et de vie au milieu d'une dimension foncièrement hostile n'attendant qu'une opportunité pour le faire disparaître à jamais dans ses entrailles.
Le petit croiseur était affiché en surbrillance sur l'un des écrans principaux du CIC, où la gravité affaiblie ne ralentissait aucunement les activités des sous-officiers et autres officiers présents dans la salle pour coordonner les systèmes de détection, de navigation, de communication et d'armement de l'imposant destroyer.
-Nous sommes arrivés au point de rendez-vous, monsieur, annonça le navigateur.
Le capitaine acquiesça silencieusement, avant de rentrer en contact avec le général.
-Monsieur…
-Je sais, capitaine, je sais, l'interrompit Lefcourt. Le général Moore vient de me donner confirmation des dernières données tactiques en provenance des chasseurs déployés. Nous restons en formation jusqu'au saut. Interdiction de tirer sans ordre explicite. Est-ce clair ?
-Parfaitement, monsieur.
-Espérons que Hague saura se montrer intelligent et voir qu'il n'a désormais plus qu'une seule issue.
-Espérons-le, général, conclut Weiss alors que son interlocuteur mettait fin à la communication.
Une seule issue, probablement. Mais à laquelle pensez-vous ?
-Maintenez la formation, dit-il après quelques instants de réflexion. Défense absolue de tirer pour l'instant, ordres du général.
Il hésita quelques instants, puis rajouta :
-Préparez les escadrons pour lancement immédiat lors de notre retour dans l'espace normal.


Le Yokohama franchit rapidement la petite distance le séparant du groupe de vaisseaux terriens, et s'inséra avec souplesse dans la formation jusqu'alors incomplète. Celle-ci se dirigea alors vers un point apparemment quelconque de l'hyperespace, autour duquel les propulseurs avant des différents vaisseaux les firent s'immobiliser.
Pendant quelques instants, l'escadre demeura inerte, l'éclairage périodique de ses feux de positions demeurant la seule activité discernable à l'extérieur de ceux-ci, où des milliers d'hommes et de femmes attendaient avec appréhension le possible combat contre leurs semblables, menés de part et d'autre par des officiers se respectant mutuellement, mais dont les décisions les avaient opposés tant politiquement que militairement.

Puis, simultanément, chacun des douze navires fit décoller ses appareils, qui se regroupèrent en une brève série de manoeuvres devant leurs vaisseaux respectifs. Les escadrons alignés devant la proue de chacun de leurs transporteurs, ceux-ci activèrent leurs générateurs de saut, créant une série d'immenses brèches dans l'hyperespace, menant à proximité immédiate du destroyer en fuite.

Les vortex recrachèrent alors les chasseurs, croiseurs et destroyers en un même mouvement d'ensemble se concluant instantanément par l'encerclement de l'Aleksander par les vaisseaux les plus lourds, tandis que les chasseurs se déployaient pour former une sphère intérieure chargée d'intercepter tout projectile lancé vers la zone extérieure.

L'appel se faisant sur la fréquence d'urgence militaire, il fut automatiquement transmis au CIC.
-Ici le général Moore, officier en charge de la Task Force 2.15, au destroyer de l'Alliance Terrienne EAS Aleksander. Veuillez désactiver immédiatement vos armes, propulseurs et générateurs de saut, ou nous ouvrirons le feu. Ceci est mon seul avertissement. A vous.
Une chape de silence tomba alors sur le centre de commandement, habituellement parsemé d'échanges verbaux et, pendant de longues secondes, chaque officier et sous-officier présent s'immobilisa, attendant avec appréhension la réponse du destroyer de Hague.
-Moore à toute la flotte, annoncèrent une vingtaine de secondes plus tard les haut-parleurs. A mon commandement…
-Ici le major Ryan, de l'EAS Aleksander. Le général Hague ne négociera pas avec un gouvernement illégal. Le président Clark est directement responsable de l'assassinat du président Santiago, et tous les ordres qu'il a pu donner n'ont aucune valeur.
-Major, vous, le général Hague et vos hommes vous êtes rendus coupables de mutinerie et de haute trahison envers l'Alliance Terrienne et…
-Nous défendons sa constitution et ses idéaux ! l'interrompit Ryan. La Garde de Nuit, la loi martiale, les bombardements des colonies martiennes ! Est-ce que vous voulez défendre ? L'Alliance Terrienne a sombré dans la dictature, et vous en devenez son bras armé.
-Major Ryan…
-Non, général ! Tout comme moi, vous avez fait le serment de défendre l'Alliance Terrienne contre ses ennemis intérieurs comme extérieurs. Nous avons tenu parole contre les Minbari, tenez parole contre Clark, implora-t-il, sa voix s'affaiblissant légèrement. Madame, nous sommes dans le même camp ! Regardez les choses en face !
-Cela suffit, monsieur Ryan, intervint alors une seconde voix féminine, que Weiss identifia aussitôt comme étant celle de la membre de la Garde de Nuit qui avait assisté au briefing, quelques heures plus tôt. Dites au général Hague de se rendre immédiatement, ou nous détruirons impitoyablement votre vaisseau et son équipage.
-Allez en enfer, répondit le major d'une voix encore plus ténue, qui trahissait son désespoir.
-Vous d'abord, major, ajouta froidement la représentante de la milice politique avant de continuer d'un ton fier, ironique que ce soit votre ancien vaisseau, le Yokohama, qui vous ait pisté pour finalement vous donner le coup de grâce, non ?
Weiss entendit alors Ryan inspirer brutalement devant le micro, touché de plein fouet par cette dernière pique, avant qu'il ne mette fin à la communication.
Aussitôt après, la voix de Moore se fit à nouveau entendre.
-Tiger's Claw à la flotte. Préparez-vous à ouvrir le feu sur mon commandement.

Les membres du CIC se raidirent brutalement, et Weiss posa son regard sur chacun de ceux-ci, alors que les secondes s'égrenaient, lentement, sans un son. Le timonier regardait attentivement l'écran tactique, sa main tremblant faiblement sur sa règle et son stylet posés sur l'écran tactile. Les sous-officiers devant les consoles d'armement se regardaient du coin de l'œil, leurs mains immobilisés dans le geste qu'ils s'attendaient à devoir terminer d'un instant à l'autre. Et lui-même, régulièrement, scrutait son terminal de communication, attendant l'ordre, qu'il vienne de Lefcourt ou de Moore, qui mettrait fin aux incertitudes.
-Évolution du contact, annonça brutalement un lieutenant derrière lui. Activation des propulseurs, accélération de l'Aleksander !
Weiss inspira profondément.
C'est parti…
-Feu à volonté, annonça alors Moore par les haut-parleurs. Neutralisez la cible.
-Manfred, intervint l'instant d'après Lefcourt. Ciblez ses systèmes de défense. S'il les perd, Hague devrait comprendre qu'il ne pourra pas continuer le combat.
-Quartier-maître Hansen, ouvrez le feu. Cible prioritaire : les batteries anti-aériennes.
Le sous-officier acquiesça et aussitôt, l'imposante masse métallique se mit à cracher de multiples projectiles d'énergie en direction de son semblable.
Les premières secondes du combat ne furent qu'un spectacle pyrotechnique presque artistique que Weiss se surprit, comme tant d'autres, à admirer sur les écrans.
-Impacts confirmés, dit une voix qu'il ne s'attarda pas à identifier. Section rotative ennemie touchée, dégâts mineurs. Pas de riposte pour le moment.
-Continuent-ils toujours à accélérer ?
-Oui, monsieur. L'Aleksander se dirige à présent vers la zone défensive du…du Yokohama, monsieur.
-Activation des propulseurs, poursuivez la cible.
-Négatif, intervint Lefcourt par les haut-parleurs. Restez en position et continuez à tirer. Si nous rompons la formation, le barrage de tir perdra toute son efficacité.
-…bien monsieur, répondit Weiss d'un ton agacé.
-La cible subit des dommages importants. Tirs défensifs en nette diminution et …ils ouvrent le feu, capitaine ! entendit-il dire, alors que la carte tactique se remettait à jour devant lui, indiquant le flot de projectiles se dirigeant vers le petit croiseur.
-Changement de cible, frappez ses armements principaux. Armement des missiles thermonucléaires, tous tubes.
A cet instant, l'icône du Yokohama changea brusquement de couleur, passant au jaune sombre. La légende indiqua alors la raison de ce changement, rapportant une panne générale dans le vaisseau suite aux tirs reçus. Il n'eut pas le temps de lire la suite du petit rapport que l'un des officiers d'état-major de Moore le contacta :
-La cible s'enfuit. Ordre à tous les vaisseaux de se lancer à sa poursuite, vitesse maximale.
-Propulsion avant, vitesse de combat maximale. Cap d'interception. Lancez les missiles, maintenant ! aboya le capitaine.
Merde, qu'est-ce qui s'est passé sur le Yokohama ? Il aurait dû tenir plus longtemps, vu ce que Hague lui a balancé !
Les multiples tubes crachèrent alors leurs engins de mort qui, en quelques instants, s'orientèrent vers le destroyer en fuite pour alors activer leurs propulseurs principaux.

Une fois de plus, la voix du major Ryan se fit entendre au travers des haut-parleurs du CIC, alors qu'il se servait de la fréquence d'urgence de l'Alliance Terrienne pour faire passer son message.
-A tous ceux et celles qui peuvent m'entendre, réfléchissez à vos actes, je vous en prie ! Ne vous faites pas les complices de dictateurs et d'assassins, ne…, commença-t-il à dire avant que sa voix ne se fasse recouvrir de parasites.
Weiss se retourna vers le responsable des communications, qui lui dit l'instant d'après :
-Brouillage intensif des communications, en provenance du Tiger's Claw.
Le capitaine soupira, et, voyant sur la carte tactique la sphère se disperser en une série de formations de deux ou trois vaisseaux, vérifia le temps de vol restant pour la bordée de missiles qu'il avait tiré et dont il savait qu'elle toucherait son but.
Trente secondes. Désolé, major Ryan, général Hague, mais je n'avais pas le choix, pensa-t-il sombrement. Enfin, je crois… Hein ?
Il vit une série de valeurs clignoter sur l'écran devant lui, qu'il reconnut rapidement comme des données de navigation, cap et vitesse. Un indicateur à côté de celles-ci indiquait qu'il s'agissait de modifications d'urgence appliquées depuis le poste de commandement de l'état-major, qui contournait ainsi l'officier navigateur du destroyer. Weiss fit une projection rapide de la nouvelle trajectoire, et vit qu'elle amènerait l'Apollo à proximité immédiate des autres groupes de combat, mais sans pour autant présenter de danger notable.
Le général m'avait prévenu…"des décisions tactiques et opérationnelles", se dit-il en validant la nouvelle trajectoire.
Une dizaine de secondes plus tard, alors que les icônes des missiles terminaient leur long chemin vers celle du destroyer, la voix d'un sous-officier vint écraser le léger brouhaha de la salle de commandement :
-Formation d'un vortex. L'Aleksander s'enfuit en hyperespace !

Voyant comme tous les officiers supérieurs de la Task Force sa proie lui échapper, Weiss se laissa retomber dans son fauteuil aussi lourdement que la gravité limitée le lui permettait.

Chapeau, général !

-Pouvons-nous sauter en hyperespace à sa poursuite ? demanda-t-il d'une voix détachée à son timonier, alors qu'il connaissait pertinemment la réponse.
-Négatif, monsieur, répondit celui-ci. Nous sommes trop près des autres vaisseaux. Le vortex risquerait de les endommager gravement.
-Très bien…virez de bord et éloignez-nous de la flotte avant de sauter.
Il posa négligemment ses bras sur les accoudoirs en tentant d'ignorer autant que possible la voix de Moore, qui semblait donner le même ordre à Lefcourt d'une voix réprobatrice.

Mais elle ne semblait pas aussi énervée qu'elle aurait dû l'être en voyant que l'Aleksander avait gagné de précieuses minutes d'avance dans l'hyperespace.





EAS Aleksander

-Lancez les drones de guerre électronique en direction de l'espace Minbari, puis sortez de l'hyperespace.
Le major Ryan jeta un coup d'œil autour de lui, voyant les lumières d'alarme clignoter autour de lui telles des guirlandes, annonçant les avaries dans l'ensemble des systèmes touchés lors de l'attaque-surprise. Les armements avaient été lourdement endommagés, tout comme les communications…et les systèmes de propulsion, rendant impossible tout long voyage en hyperespace, sans parler d'une éventuelle poursuite.
Le vortex apparut alors devant le vaisseau meurtri, lui arrachant un dernier cri de douleur alors que la structure de la coque s'étirait bruyamment aux différentes zones où les projectiles énergétiques terriens avaient laissé leurs scarifications.
-Évacuation puis ventilation immédiate des compartiments extérieurs, lâcha-t-il. Priorité sur la réparation des capteurs passifs et de la propulsion. Je n'ai pas envie d'être encore là quand Moore se rendra compte qu'elle s'est lancée à la poursuite d'une poignée de drones.
Même si elle ne fera probablement pas preuve de beaucoup de zèle dans la battue qui va venir, pensa-t-il en souriant brièvement, avant de reporter son attention sur les dégâts de l'affrontement.




EAS Apollo, douze heures plus tard.

Weiss rebondit légèrement sur les parois de l'ascenseur lorsque celui-ci ne décéléra pas en passant le milieu de son trajet. D'un geste brusque, Lefcourt plaqua sa main sur le micro d'urgence, contactant un technicien.
-Incident ascenseur 1, dit-il d'une voix calme.
-Bien compris, monsieur, répondit aussitôt la voix féminine. Activation de l'arrêt d'urgence d'ici huit secondes, décélération de un point deux g.
-Entendu.
Les deux officiers furent brutalement ramenés au sol pendant la poignée de secondes de la décélération, avant que la gravité ne disparaisse aussi soudainement qu'elle était venue.
-Monsieur ? demanda la voix de la technicienne.
-Oui, quartier-maître ?
-Le diagnostic logiciel indique que nous allons devoir redémarrer les systèmes de contrôle de l'ascenseur. Cela risque de prendre quelques minutes. Encore désolée du retard, conclut-elle d'une voix contrite.
-Ne vous inquiétez pas, dit Lefcourt d'une voix rassurante. La sécurité passe avant tout, non ?
-Heu, oui, monsieur. Coupure du système dans dix secondes.

Le général acquiesça et fit rapidement signe à Weiss de couper son communicateur personnel, ce qu'il fit quelques instants avant que les lumières ne s'éteignent.
-Très bien, dit le général sans préambule. Vous aviez des questions à me poser, il me semble ?
-Pardon, mon général ?
-Je crains de ne pas particulièrement chercher à me souvenir d'une panne d'ascenseur, le jour où j'écrirai mes mémoires. Ou n'importe quel autre jour, en fait.
-Je…je vois. Vous saviez donc ce qui allait arriver, lorsque vous avez fait modifier le cap de l'Apollo. C'est cela, la réponse dont nous avions parlé hier ?
-Certains pourraient le penser, capitaine, répondit Lefcourt, son sourire s'entendant dans le noir absolu de la cabine désactivée.
-Il y a quand même un évènement qui a…retenu mon attention depuis l'embuscade.
-Lequel ? demanda le général, qui savait parfaitement où son subordonné voulait en venir.
-Le Yokohama.
-Ah, ce cher vieux croiseur. Un bel engin à l'histoire aussi longue que glorieuse. Sans doute l'un des plus fiers représentants de la première série des Hyperion. Un navire parfaitement adapté aux rôles de reconnaissance et d'exploration auxquels il a toujours été assigné.
-Comment cela ?
-Le premier rôle de ces croiseurs était d'explorer les systèmes inconnus pour les cartographier, leur véritable rôle militaire offensif n'étant apparu que dans la seconde série…un détail de l'histoire malheureusement méconnu dans la flotte…et totalement ignoré en-dehors.
-Je comprends, le major Ryan a dû reconnaître par hasard son ancien navire…et en connaissait les faiblesses.
-Oui, à quoi tient une bataille ?
Weiss inspira bruyamment.
-Oui, capitaine ?
-Pourquoi ?
-J'ai toujours respecté des officiers de la carrure de Moore et Hague, capitaine. Je désapprouve entièrement ce que dernier a fait, à savoir détruire toute confiance du nouveau régime en place dans la flotte et ses officiers. Sheridan, lui, quelques soient ses motifs, a commis le pire crime qui soit, à savoir s'allier avec une puissance étrangère contre son propre gouvernement. Mais ça ne veut pas dire que j'approuve les actions de celui-ci. Et encore moins ces arrivistes de la Garde de Nuit. Mais notre premier devoir est d'obéir strictement aux ordres de nos supérieurs. Sans exception…hier, je n'ai fait qu'obéir d'une manière un peu trop stricte à la seule personne m'ayant donné des ordres, qui n'ont en aucun cas été illégaux.
-Mais vous en connaissiez les conséquences.
-Bien sûr, capitaine, mais, à partir de maintenant, c'est peut-être la seule liberté qui me reste…et je compte en profiter dans la mesure du possible.
Weiss voulut parler quand les lumières se rallumèrent d'un coup, l'aveuglant.
-Mon général ? demanda la voix de la technicienne, alors que l'ascenseur redémarrait.
-Nous sommes toujours là, quartier-maître.
-Encore désolée du retard, monsieur.
-Il n'y a pas à être désolée. Vous n'êtes pas responsable de cet incident, à ce que je sache.
-Euh, non monsieur.
-Très bien, alors il est clos.

Weiss resta silencieux le restant du trajet vers les quartiers des officiers. Lorsque les portes s'ouvrirent, il laissa son supérieur sortir de la cabine, et s'apprêta à le suivre lorsque celui-ci se retourna brusquement et, d'une impulsion, se lança vers un petit panneau de contrôle. Il ouvrit celui-ci et en sortit un petit bloc qu'il rangea aussitôt dans son uniforme.
Revenant au niveau du capitaine, qui l'observait d'un air étonné, il lui murmura brièvement :
-Le jour où vous serez général, et vous le serez, capitaine, n'oubliez pas que la préparation est la clé de toute opération réussie : une invasion, un blocus…ou une panne d'ascenseur.

Ben, quant on dit à Rufus "Space Opera", il fait du Space Opera. ^^

Et, en effet, Babylon 5 fait bien partie des séries qui donnent aux vaisseaux et à tout ce qui leur est lié une place d'importance. Ajoutons à cela un univers vaste et par beaucoup d'aspect à compléter, et l'on obtient une base attrayante pour des récits en tout genre.

Tu t'attaches ici à ce que tu maîtrises le mieux, à savoir la tactique militaire en milieu spatial. Comme d'habitude, toute la terminologie de mise est impeccablement employée, les tactiques évoquées semblent pertinentes, et le déroulement de l'action parfaitement logique. J'ai particulièrement apprécié le coup des vortex impossibles à employer en formation serrée, c'est une manière très très habile d'employer la supériorité numérique des croiseurs (je ne sais pas si c'est le bon terme mais vous m'aurez compris) à leur désavantage. Je crains hélas que la responsabilité d'une bourde de cette ampleur ne retombe immanquablement sur quelqu'un... Lefcourt, sans doute.

Le tout sur fond de questionnement morale. Il y a ceux qui servent par conviction, ceux qui servent par devoir même si leurs actes sont en contradiction avec leur morale, ceux qui rompent leur serment parce qu'ils estiment que c'est la seule manière de le respecter vraiment... Et, en arrière plan, la grande question du "Est-ce la mauvaise manière de faire une bonne chose, ou juste la seule manière ?"

Ainsi, Weiss servira Clark avec autant de mauvaise volonté que possible, tandis que Moore et Lefcourt, me semble-t-il, feront tout leur possible pour saboter ses plans de l'intérieur. Aucun, cependant, ne désertera à la manière de Hague. Est-ce réaliste, ou bien pessimiste ?

En tout cas, cet affrontement se sera fait sur plusieurs plans - moral, physique et intellectuel - et ce fut un plaisir que d'y assister.

Par contre, c'est terrible, j'ai un mal fou à mémoriser les personnages lorsqu'ils ne sont pas décris un minimum. J'ai lu Hague, Moore, Weiss, Ryan, mais à l'exception des insurgés, il m'a parfois été bien difficile de savoir à qui j'avais à faire. Mon manque de familiarité avec les différents grades évoqués n'a bien sûr pas aidé. C'est une chose qui m'a un peu gêné : dans un milieu de double-jeu, de prudence et de faux semblants, ne pas s'emmêler en plus les pinceaux entre les protagonistes est plutôt indispensable. ^^

Sinon, le style devient parfois un peu confus sur la deuxième moitié de l'histoire (qui a dit "Celle que je n'ai pas bêta-lu" ?), ou j'ai trouvé quelques phrases un peu délicates à démêler. Pour exemple :

Rufus Shinra a écrit:

Weiss se sentit comme déçu en voyant l'activité réduite, qui faisait écho à l'escadre de l'Apollo, qui était jusqu'au mois dernier à la tête d'une force de la taille de celle à laquelle il appartenait désormais.

Que quelqu'un m'apporte de l'aspirine !

En conclusion, malgré parfois ce que je considère comme de légères faiblesses "structurelles", c'est une fan-fiction format nouvelle bien agréable et bien pensée.

PS : Mention spécial pour le titre, c'est très bien choisit.

Tout comme celle de Mat, cette fic est de très bonne qualité. J'y ait retrouvé un univers que j'apprécie tout particulièrement à un des moments les plus capital de cette histoire. La description stratégique et tactiques de l'ensemble est de très grande qualité et nous immerge parfaitement. On se prend au jeu et je me suis parfaitement imaginé dans un des CIC à être un des témoins de cet épisode cruciale de Babylon 5.

L'ensemble est très bien mené, avec un rythme assez soutenu mais parfaitement dans l'ambiance de ce genre de mission.

Et puis on en arrive à des considérations plus politiques que j'apprécie généralement. Et c'est surtout là où est le gros plus de ton histoire. On est plongé dans les méandres des officiers qui doivent sans cesse jongler entrer leurs convictions et leurs ordres. La façon dont chacun compose entre ces différentes contradictions était vraiment géniale et décris comme il le fallait. Un grand bravo sur ce point

Et puis la chute finale concernant l'ascenseur (bien qu'attendue) est un conclusion remarquable.

Voilà Rufus. Mon avancée de B5 m'a permis de lire ton récit

La première chose que j'ai à dire, c'est bravo. En effet, je n'ai eu aucun mal à plonger dans l'univers de ta fiction, qui dépeint l'univers de la franchise aussi parfaitement que JMS aurait pu le faire. Tu témoignes là d'une maitrise d'une part de l'écriture, d'autre part d'une connaissance excellente de cette franchise.
Comme à ton habitude, les termes militaires sont parfaitement utilisés, employés à bon escient et compréhensible néanmoins pour le commun des mortels

Mais surtout, tu parviens dans ce récit à transcrire ce fil conducteur de la saison 4 : la session de Babylon 5 et du général Hague, et la tentative de Sheridan & Co de faire entendre raison à leur adversaire. On peut constater à quel point certain tenteront de gêner le plus possible les manoeuvres, car ils comprennent ce que Sheridan a fait tout en ne le cautionnant pas, et ceux qui suivront les ordres mais qui ne feront rien de plus. Et enfin, les autres qui approuvent presque la nouvelle politique de Clark.

Mais ce qui m'attire le plus dans ta fiction est que tu nous parles de l'Aleksander, alors que dans B5 (tout du moins jusqu'à l'épisode 5x06) il n'en es plus fait mention... J'avais trouvé ça dommage, et ce récit permet d'y remédier, en partie bien sur, mais j'aime beaucoup

Donc voilà, félicitations et j'espère que tu ne t'arrêteras pas là, car ma foi tu te débrouilles plus que très bien avec l'univers B5