Socialisme & capitalisme dans Babylon 5

Contrairement à ses équivalents dans des univers comme Stargate ou Farscape, la ligne géopolitique (teintée d'histoire, de socioculturel, de mysticisme, de philosophie) de Babylon 5 ne se contente pas d'être riche et se révèle d'une complexité considérable, avec ses tiroirs secrets, ses multiballes, ses extensions. La question que je soulève en fait partie.

La thématique socialisme/capitalisme n'est en effet pas absente de la série; plus encore, elle pourrait aller dans un sens plutôt surprenant pour une série US des années 90.

- Premier contact avec ce thème lors de l'épisode de la grève (que j'ai adoré^^) , sorte de Germinal dans l'espace où les ouvriers surexploités et sans compensation finissent par s'opposer ouvertement au cercle du pouvoir politico-économique, que la série dépeint sans ambiguïté comme la nébuleuse tentaculaire et insidieuse de la cupidité, de l'anti-humanisme et de la corruption des plus riches/des hommes de pouvoir. Ceux-là sont main dans la main lors de cet imbroglio, comme en atteste la suite indirecte de l'épisode de la grève, l'épisode "Eyes", où Sinclair manque de payer cher son opposition au système. Parlons-en de Sinclair, car son rôle et celui de son équipe pendant la grève est révélateur; sans eux, le "prolétariat" tend naturellement à la violence, une violence jugée stérile et inacceptable.
Lorsque le staff de Babylon 5 se retrouve à faire tampon entre la tentation extrémiste des uns et l'appel de l'intérêt personnel au détriment de la décence Humaine, chez les autres, nous nous retrouvons dans un archétype issu de Métropolis, le film de Fritz Lang et de Thea von Harbou : lorsque ce dernier plaide pour la médiation du coeur entre le cerveau et la main. (pas besoin d'expliciter la signification politique de cette parabole, j'imagine)

- Le régime de la Night Watch, clairement identifié comme une belle saloperie dans la série, a pour unique contribution à la question sociale l'idée de réécrire le dictionnaire, et de faire croire à la population que s'il existe des gens très pauvres, c'est parce que ce sont des marginaux qui l'ont désiré, et pas parce que le système économique est imparfait. Les deux idées ayant comme objectif de pouvoir ignorer le problème.

- Sans doute la chose était-elle plus discrète avec des aliens qu'elle ne l'aurait été avec les Terriens, en cours de série, la Fédération Minbarie écarte subitement ses castes dominantes traditionnelles (Religieux et Guerriers, Démocrates et Républicains?) pour donner d'un seul coup la majorité du pouvoir politique à ses ouvriers. Cette nouveauté est présentée comme une évolution sociétaire bénéfique, et Delenn y voit la justice de l'Histoire. (après des millénaires à suer dans l'ombre pour la gloire des deux minorités)

- Avec Edgards Industries, le patron d'une méga-corporation confirme cyniquement le pouvoir des lobbyings privés sur le monde politique (fortement soupçonné depuis l'épisode de la grève) et ne conçoit pas renverser un état d'oppression (relatif au Corps Psy) autrement qu'en inversant le rôle des prisonniers et des geôliers entre les deux factions.

- Pour finir, impossible d'oublier le conseil d'administration de la même entreprise, à la fin de la série : digne de Moon 44 ou d'Aliens, on retrouve la caricature des mafieux obèses en costard, cigare au bec, corrompus, vénaux, criminels, au point de s'être rendu coupables de tentative de meurtre. Vite éjectés, c'est leur système qui doit disparaître avec eux...

La seule exception que je vois, c'est l'industriel Martien visionnaire, ami de Tallia.

Alors, JMS, un scénariste plus à gauche que d'ordinaire pour une série US, surtout de cette époque? Qu'en pensez-vous?