Ca fait plusieurs semaines que je bosse sur un texte, pour ne pas perdre la main en attendant de reprendre
quand il m'inspirera de nouveau.
sera en fait un recueil de quatre courtes nouvelles autour du même thème. J'ai posté ici la première, la plus longue, et la seule écrite pour le moment.
Je compte écrire les autres, ne vous inquiétez pas, même si ça prendra un certain temps, mais je tiens à poster au moins celle-ci pour avoir quelques conseils et, s'il le faut (et il le faudra surement), retravailler ce premier texte.
je vous avais habitué à des titres en latin approximatif. Ici, ce sera des titres en anglais. Ah, et ces titres proviennent tous d'une chanson (différente). Comme ceux-ci peuvent encore être sujets à changement, je ne les mettrai qu'en même temps que la nouvelle correspondante.
Je suis comme d'habitude ouvert à toutes suggestions, corrections orthographo-syntaxiques etc...
Les ténèbres avaient envahi
Déméter depuis bien longtemps, et les pluies acides avaient commencé à ronger l’acier des bâtiments qui jonchaient chacune des côtes, autrefois paradisiaques. Les nuages noires, chargés de haine, traversaient le ciel dans un vacarme tonitruant, laissant derrière eux un sillage d’éclairs plus blanc les uns que les autres. La mer, déchainée comme jamais, avait maintenant repris ses droits sur le littoral, baignant les édifices dans une mixture foncée dont la couleur exacte était indescriptible.
Rien n’avait survécu. Ni les plantes, ni les animaux, ni les hommes. Personne n’était en mesure de décrire précisément ce qu’il s’était passé sur
Déméter, et il en était peut être mieux ainsi.
Un sifflement assourdissant régna bientôt sur la ville, produit pas les rafales de vent qui remuaient l’air empoisonné et s’abattaient violemment contre les parois extérieures des immeubles. Au sol, quelques voitures magnétiques jonchaient les rues, souvent dans des positions fantaisistes, accompagnées de nombreux morceaux de verres et autres débris, ainsi que des traces d’explosions non identifiées. Rien ne pouvait témoigner d’une activité humaine récente.
Et pourtant.
Pourtant trois hommes étaient passés par là quelques minutes auparavant. Ils s’étaient rapidement réfugiés à l’intérieur de la Tour de Com. après s’être rendu compte de l’intensité de la tempête. Leurs combinaisons grisâtres paraissaient immanquablement lourdes au premier abord, mais il n’en était rien. Le matériau hybride utilisé permettait une isolation totale tout en conservant au porteur une mobilité presque parfaite. Seuls les mouvements de la tête étaient ralentis, à cause du casque, plus imposant.
Les trois individus se déplaçaient, deux d’entre eux torche à la main, l’autre portant une petite valise, dans le hall de la grande tour, à la recherche de la moindre interface tactile opérationnelle. Le marbre froid était recouvert d’une fine pellicule de poussière et chaque pas laissait sa trace, tout comme dans le sable mouillé. Les écrans derrière les bureaux de l’accueil semblaient éteints depuis la nuit des temps, ayant échangé leur noir mâte contre un gris cendré. De la paperasse, qui avait voltigé après l’ouverture de la porte, trainait au sol, témoignant des derniers actes des employés de la Tour de Com.
« Bon sang, tout est mort ici.
-C’est le moins qu’on puisse dire. Quoiqu’il se soit passé, ce fut bref et violent.
-Le Comité n’en a vraiment aucune idée ?
-Aucune. C’est ça qui est flippant, avec
Déméter. »
Ils continuèrent douloureusement à avancer à l’intérieur du building, se dirigeant vers l’élévateur le plus proche. La machinerie n’avait visiblement pas servi depuis des années, et c’aurait été un risque inconscient d’avoir tenté de la remettre en fonction. Ils considérèrent quelques secondes les escaliers avant de grimper les marches une par une jusqu’au dixième étage. Une demi-heure avait passé depuis leur entrée dans le bâtiment.
Dehors, l’orage continuait de plus belle, redoublant ses efforts pour faire plier les derniers vestiges de civilisation qui témoignaient du passage de l’homme sur
Déméter.
Les trois hommes s’arrêtèrent pour reprendre leur souffle, puis s’enfoncèrent plus profondément dans l’obscurité, avant de découvrir ce pourquoi ils étaient venus. L’un d’entre eux poussa la porte blanchâtre et leur regard se posa sur les différentes interfaces de la salle de contrôle de la Tour de Communication.
« Branchez le générateur et allumez-moi tout ça.
-Bien chef.
-Franchement chef, qu’est-ce qu’ils ont bien pu foutre sur
Déméter ?
-On est là pour le découvrir. »
L’un des hommes s’exécuta, et bientôt, chacun des appareils reprit vie dans un chuintement presque inaudible.
« Vous aviez raison, chef ! Les radars fonctionnent toujours ! Il nous fallait juste une interface pour déchiffrer leurs données.
-Je vous l’avais dit, ces bêtes-là ont une longévité presque extravagante. Alors, qu’est-ce que ça donne ? »
Ils s’approchèrent de l’interface principale qui affichait une carte de la planète, entremêlée de divers chiffres dont la signification pouvait échapper au plus grand nombre.
« Ca y est, j’ai repéré leur signal… Ils étaient là il y a une semaine.
-Bien, rassemble toutes les données. On traitera ça sur le vaisseau. »
Deux des trois individus s’éloignèrent. L’un s’avança vers une fenêtre tandis que l’autre s’installa devant un second écran.
Le « chef » contemplait la vue que lui offrait la baie vitrée, partagée entre immeubles crasseux, éclairs lumineux et bourrasques incroyables.
« Dépêchez-vous, cet endroit me fiche les jetons. »
Ils firent comme si de rien était et continuèrent leur tâche. L’homme se retourna et s’attarda quelques instants sur l’intérieur de la pièce. Tasses de café, vêtement, sacs, tout indiquait que les employés étaient partis à toute vitesse, dans une évacuation d’urgence. Sauf que rien n’expliquait pourquoi. Pas un signal de détresse, radio ou vidéo, n’avait été envoyé. Soudain, le deuxième s’agita.
« Oh oh.
-Qu’y a-t-il ?
-Un vaisseau.
-Quel type ?
-Officiel.
-Eh merde…
-Qu’est-ce qu’il vient foutre là ?
-La même chose que nous, je suppose. Bon, faut pas perdre de temps. Zack, tu finis de prendre les données puis tu m’effaces tout ça de l’interface. Deck, tu prépares le générateur et tu le débranches dès qu’il a terminé.
-Bien chef.
-Oui chef. »
Il se dirigea vers le deuxième écran et s’intéressa à ce qu’il affichait. Un vaisseau officiel du Comité venait d’entrer dans l’atmosphère et descendait en trombe vers la ville. Cette ville. Encore quelques minutes, et il allait atterrir à quelques centaines de mètres de la Tour de Com. Encore quelques minutes, et ils risquaient leur vie.
Le stress commença à s’emparer de lui. Si le Comité le retrouvait là, il aurait un mal de chien à se justifier. Il jouait avec sa vie, et plus encore, avec celle de ses hommes.
« Bon, bougez-vous, on part.
-Chef, j’ai pas fini le téléchargement.
-Peu importe, on se débrouillera avec ce qu’on a. »
Les deux hommes s’activèrent, et quelques dizaines de secondes plus tard, ils étaient sur le qui-vive, prêts à faire demi-tour. Sans un mot, ils redescendirent les escaliers, un peu plus vite qu’à l’aller, mais pas assez rapidement pour prendre de l’avance sur le vaisseau du comité. Une fois en bas, l’un des hommes se précipita vers la porte principale, mais fut rapidement retenu par son supérieur.
« Nan, on peut pas prendre le risque de se faire repérer. On passe par la porte de derrière. »
Ils avancèrent dans la direction opposée à la grande porte vitrée et se dirigèrent vers l’arrière du bâtiment, aussi habilement que le permettait leurs étroites combinaisons. Il leur fallut peu de temps pour se retrouver à l’extérieur, toujours sur leurs gardes. Ils firent quelques pas et atteignirent le coin de la rue, qui suivait l’angle de la tour. L’un d’eux passa un regard bref de l’autre côté du mûr.
« Ils sont là, une demi-douzaine de patrouilleurs.
-Ce n’est qu’une avant-garde, ils seront très vite plus nombreux. Dès qu’ils sont hors de vue, tu files de l’autre côté de la rue.
-Bien chef. »
L’homme attendit quelques secondes puis se précipita pour rejoindre le coin d’un bâtiment adjacent. Le chef et l’autre type firent de même. Ils continuèrent leur chemin jusqu’à une nouvelle rue transversale.
« Le vaisseau est à deux pattés de maisons et demi sur notre droite. Il faut absolument qu’on traverse la rue de la Tour avant qu’une nouvelle patrouille se ramène. »
Ils tournèrent, avancèrent aussi rapidement que possible, tout en se cachant périodiquement à l’intérieur des halls d’immeubles pour s’assurer de la sûreté de leur parcours. Au bout de quelques secondes, ils avaient fait la moitié du chemin. Aucune patrouille n’était visible, de même pour le vaisseau officiel. Ils traversèrent, continuèrent, et firent bientôt face à un appareil de taille honorable, prévu pour accueillir une dizaine de personne, mais avec assez d’espace pour transporter du fret.
D’une forme globalement rectangulaire, il possédait également une roue en son centre, sur laquelle étaient greffés plusieurs petits ailerons. Le « chef » appuya sur quelques boutons sur sa combinaison, et une trappe s’ouvrit, leur permettant de rejoindre l’intérieur de leur vaisseau. Une fois celle-ci fermée, l’air fut purifié, ce qui déclencha l’ouverture d’une seconde porte, donnant sur la salle de chargement du petit appareil. Peu de temps après, chacun avait retiré sa combinaison et son casque proéminent.
« Bon, Deck, mets-toi aux commandes. Zack, va en salle des machines. Je m’occupe des données. »
Les deux hommes acquiescèrent, et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, le vaisseau décolla, dans un vacarme détonnant qui n’avait certainement pas dû échapper aux officiels.
Après quelques minutes, ils quittèrent l’atmosphère infectée de
Déméter et firent face à l’immensité spatiale. La petite carlingue faisait figure de poussière face à la planète, la quantité infinie d’étoiles et leur lumière aveuglante, perdues dans un noir ténébreux qui n’inspirait jamais rien de bon.
A l’intérieur, le chef entra dans la salle de contrôle, et s’installa au siège de copilote, près du dénommé Deck.
« Vous avez déjà terminé, chef ?
-Pour le moment, oui.
-Et alors ?
-Je vous le dirai plus tard. Encore combien de temps avant de pouvoir enclencher les moteurs intersystèmes ?
-Dix-huit minutes.
-C’est trop long…
-On a tout notre temps, chef, s’ils avaient fait décoller leur vaisseau, on l’aurait déjà remarqué.
-Ce n’est pas vraiment d’eux que j’ai peur.
-De qui alors ? »
Soudain, un grésillement résonna dans les haut-parleurs, puis il fit place à quelques secondes de l’Hymne Communautaire, suivi d’un léger raclement de gorge.
«
Vaisseau non-identifié, ici le Commandant William Shirt, du CSB Tempest. Vous allez être inspecté. Préparez-vous à l’arrimage.-De ça… Je me doutais bien qu’ils ne seraient pas venus seuls.
-Qu’est-ce qu’on fait ?
-Rien. Lâche les commandes, leur rayon tracteur va se débrouiller. Va chercher Zack, et rejoignez-moi près du sas.
-Bien chef. »
Le bruit du métal se contractant sous les changements de pression résonna à l’intérieur du vaisseau, lorsque le rayon tracteur du Tempest s’en empara. Deck et Zack étaient dans la salle de chargement, devant la porte du sas, armes à la main. Leur patron descendit un escalier et arriva derrière eux.
« Rangez-moi ça. On ne va attaquer personne.
-Mais chef, s’ils savent ce qu’on est venu foutre sur…
-Obéissez. Point final. »
Les deux individus posèrent leur arsenal sur une caisse et revinrent se positionner de part et d’autre du troisième homme. Après quelques secondes, les deux vaisseaux étaient enfin liés, et quelqu’un frappa contre la coque du plus petit.
« Ouvrez ! »
Le « chef » s’exécuta, et fit face à un officiel, et six hommes armés, portant un uniforme noir et un gilet pare-balle en métal hybride. Ils s’avancèrent vers les trois types qui n’avaient pas attendu l’ordre pour mettre les mains en l’air.
« Qui commande ce vaisseau ? »
L’homme du milieu remua sa main. Un signe de tête suffit à l’officiel pour que deux des soldats viennent l’attraper et le ramener sur l’autre bâtiment.
« Vous deux, restez ici. »
Il fit demi-tour, suivi le « chef » et les deux hommes qui l’escortait, et fut lui-même suivi de deux autres types, laissant les deux derniers avec l’équipage de la carlingue.
Il fut mené à une petite salle close aux mûrs blanc immaculé, installé sur une chaise étroite, devant un bureau noir mâte, derrière lequel était positionné un fauteuil qui semblait on ne peut plus confortable.
Les deux soldats le quittèrent, et il fut rejoint par un homme, presque chauve, l’air vicieux, des petites lunettes rondes sur le nez, mince comme un clou, en uniforme gris anthracite et aux bordures noires, au col relevé et avec un petit badge en forme de losange bleu qui indiquait sa position sociale. Le chef n’eut alors plus aucun mal à découvrir son identité.
« Commandant William Shirt, je suppose. Que pouvons-nous faire pour vous, moi et mon équipage ?
-Votre vaisseau s’est posé sur
Déméter, je me trompe ? Vous savez pourtant que c’est une zone interdite, n’est-ce pas, Monsieur Sharps ? »
Il avait gagné. Sans le savoir, le Commandant Shirt venait de montrer toute son incompétence et celle de son service de renseignement. Une petite pirouette juridique, et ils allaient pouvoir repartir.
« Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? Vous vous êtes trompé de route ? Vous avez du vous poser sous peine de voir votre rafiot exploser ?
-Pour affaires.
-Hum, vous avouez, donc ?
-Que devrais-je avouer ?
-Votre acte de piraterie. Vous avez dérobé des données au Comité, puis vous les avez effacées de la banque de mémoire. Nos agents fouillent actuellement votre vaisseau, avec l’aide, volontaire ou non, de vos deux comparses, pour retrouver ses informations. Une fois fait, votre vaisseau partira à la ferraille, et vous serez jeté en prison, pour une durée… indéterminée.
-Vous ne pouvez pas faire ça.
-Et pourquoi donc ?
-J’étais là pour affaires, je vous l’ai dit.
-Le Comité ne cautionne pas vos pirateries, Monsieur Sharps.
-C’est là que vous vous trompez, Commandant Shirt. Je suis le Corsaire Anton Eastwood, numéro d’identification 00087346CSB. Actuellement en mission pour le Comité, ordre n°5973. J’utilise le
Yuren enregistré au nom de Monsieur Sharps comme couverture.
-Je vais aller vérifier cela.
-Mais je vous en prie. »
Le Commandant sortît de la petite salle d’interrogatoire et refit surface plusieurs dizaines de minutes après, un demi-sourire aux lèvres.
« Bien, Corsaire Eastwood, il semblerait que vous soyez en règle. A une exception près. Même si votre ordre de mission vous autorise à vous poser à peu près n’importe où, il n’implique pas pour autant la permission de voler des données officielles au Comité. Je vais me voir dans l’obligation de vous les reprendre.
-Qu’il en soit ainsi.
-Par ailleurs, votre ordre de mission semble n’avoir aucun lien avec
Déméter. Alors, joueriez-vous un double jeu, Anton ?
-Qu’entendez-vous par là,
William ?
-Ne jouez pas l’enfant. Vous savez aussi bien que moi quel vaisseau s’est posé ici il y a trois jours. Tout comme l’endroit vers lequel il est parti.
-Je…
-Attention à ce que vous allez dire.
-Je suppose que vous avez retrouvé le périphérique de stockage. Vous en savez donc autant que nous.
-C'est-à-dire ?
-Qu’il s’est posé ici il y a une semaine. Rien de plus. Nous n’avons pas eu le temps de recueillir plus d’informations, puisque vos gus ont débarqué. Résultat, ni vous ni moi ne savons où il est parti. Vous bluffiez. »
Le sourire sur le visage du Commandant s’effaça.
« Bien. Vu votre… statut, vous retenir ici prendrait beaucoup trop de temps, d’appels, de paperasse, et encore, je ne serais même pas sûr de pouvoir vous garder plus de quelques heures. De plus, ni vous ni vos hommes n’ont manifesté d’actes de résistances, et vous avez restitué le peu de données que vous avez volées. Je vais donc vous relâcher et laisser le sale boulot à vos supérieurs, qui se feront une joie d’apprendre votre petit détour. Mais si je vous recroise encore une fois sur ma route, à empiéter sur mes plates bandes, car nous savons aussi bien vous et moi que votre mission n’a strictement aucun rapport avec le
Normandy, je vous jure que vous finirez vos jours dans une cellule si noire que l’espace intersidéral vous paraitra aussi blanc que ces mûrs en comparaison.
-Alors bonne journée, William. »
Anton se releva, tapa sur l’épaule du Commandant et sortît de la pièce. Les deux soldats qui l’attendaient devant la porte le raccompagnèrent jusqu’au
Yuren, et quelques minutes après, ils étaient de nouveau libres, détachés du
Tempest.
« Comment vous avez fait, chef ? demanda Deck.
-J’ai… négocié.
-Vous avez révélé votre couverture, n’est-ce pas ? fit Zack.
-C’est exact.
-Allez, vous en faites pas ! Ils nous ont laissé partir, non ?
-Certes. Mais maintenant le Comité sait que je m’intéresse au
Normandy au lieu de remplir ma mission. Et ils risquent de me demander des comptes.
-On se débrouillera chef, rassura Deck. Par contre, on est désolés, mais ils ont eu le périphérique.
-Je sais. Mais c’est sans importance.»
Il mit la main dans sa poche et en retira un petit appareil circulaire avec un point rouge en son centre.
« Ils n’ont découvert qu’une copie partielle des données. J’avais le vrai sur moi pendant qu’il fouillait le vaisseau. Bon, fini de jouer. Reprenez votre poste et sortez-nous de là.
-Quelle direction ?
-
Akragas. On se rapproche de la civilisation. »
Peu de temps après, les moteurs intersystèmes vrombirent, et le
Yuren disparût dans un éclair blanc aveuglant.
**
*
Blanc. C’était également la couleur des mûrs de l’
Astroport Aristotélês d’Akragas. Des millions de citoyens le traversaient chaque jour, des centaines de vaisseaux s’y posaient simultanément, et pourtant, rien n’arrivait à ternir l’éclat stupéfiant de ses palissades. Derrières les vitres à résistance amplifiée s’agitaient des hommes, des femmes, des marchands, des officiels, des bandits en cavale ; et chacun feignait de s’ignorer. C’est ainsi que se maintenait le fragile équilibre d’
Akragas, dernier rempart entre le
Kentron et la
Périphéréia, respectivement le centre et la périphérie du Premier Déka ; le premier, et pour l’instant le seul, dixième de la galaxie colonisé par l’espèce humaine.
Tara Wells, jeune réceptionniste de vingt-huit ans, s’occupait d’une femme dans la fleur de l’âge, derrière son bureau posté à l’entrée de l’astroport. Elle tapa quelque chose sur son clavier, entra une commande, puis s’adressa à son interlocutrice.
« Je suis désolée, mais ça risque de prendre quelques minutes.
-Un problème avec mon identité ?
-Non, non. Tout est en règle. C’est juste que le hangar vers lequel on vous a dirigée était réservé pour un autre client. On va arranger ça. »
Elle mentait. Et elle espérait en son for intérieur que l’autre femme ne le remarquerait pas. Il y avait effectivement un problème avec son identité. Les registres de l’astroport avaient été grossièrement falsifiés. Elle avait donc un complice parmi les employés, et il fallait l’arrêter. Au plus vite. Si le Comité découvrait cela, il ferait mainmise sur la planète, prétextant un échec du régime si difficile à mettre en place qui faisait le succès d’
Akragas.
Cela faisait plusieurs secondes que Tara avait subtilement contacté la Garde Terrestre, grâce au petit bouton incrusté sous son bureau. Et elle commençait à avoir peur que l’autre protagoniste s’échappe.
« Ca ne devrait plus tarder, merci de votre compréhension, fit-elle avec un large sourire. »
Bon sang ! Elle ne savait plus quoi inventer pour la retenir. Qu’est-ce que fichait ces foutus gardes ? Elle en vint à regretter les véritables bandits qui, malgré leur allure singulière, ne se faisait pas avoir à un simple contrôle d’identité.
Soudain, trois hommes en combinaison par balle complète arrivèrent, attrapèrent la fautive par les bras et lui intimèrent de les suivre, sans poser de question.
L’homme suivant, qui attendait derrière la jeune femme depuis plusieurs minutes eut un regard interrogateur, un haussement de sourcil, et enfin un sourire en coin.
Il portait un caban bleu de la Marine Spatiale ainsi qu’un jean synthétique ; il avait le visage fin et glabre, les cheveux, bruns, plutôt coupés courts, des yeux verts envoutants, et une stature relativement athlétique. Il s’avança et posa les deux mains sur le bureau de Tara Wells.
« Golven Sharps. Numéro d’identification 00054931CSB. Je suis avec le Yuren, hangar 876.
-Bien Monsieur Sharps, laissez-moi quelques secondes pour vérifier tout cela.
-Prenez le temps qu’il vous faut. Et… dîtes, ça vous arrive souvent, ce genre d’incidents ?
-Non, n’ayez crainte, c’est exceptionnel.
Akragas et
L’Astroport Aristotélês vous assurent une sécurité optimale.
-Si vous le dîtes.
-Voilà. Tout est en règle. Passez un agréable séjour sur
Akragas. Oh, attendez…
-Quelque chose ne va pas ?
-Non c’est juste… Il semblerait qu’un message prioritaire vous soit adressé. Je vous le télécharge de suite. »
Quelques secondes après, Anton quitta Tara Wells, un périphérique de stockage à la main. Il se hâta de rejoindre une borne de lecture afin de savoir de quoi il en était. A peine l’engin eut-il avalé le petit appareil qu’un homme au visage bouffi, les joues roses, le cheveu rare et portant un uniforme gris officiel apparut sur l’écran.
«
Anton Eastwood, vous devez rejoindre un comptoir de la Marine Spatiale dans les plus brefs délais pour un débriefing complet. Prévenez au moins une heure avant votre arrivée. »
Le Yuren.
Quatorze heures plus tôt.Les trois membres d’équipage étaient réunis dans la salle de contrôle, pourvue de deux postes de pilotage, et donc deux fauteuils. Zack, le mécano, portait un bleu de travail sali par de l’huile de moteur par-dessus un t-shirt gris au motif indescriptible. Il avait une taille moyenne, des cheveux courts ébouriffés, noirs comme l’espace, un visage fort et bien dessiné, ainsi qu’une barbe naissante. C’était le seul debout. Devant lui était assis Deckland, le pilote. Il portait une veste en tissu marron ainsi qu’un jean, tout deux synthétiques. Il n’avait que quelques millimètres de cheveux châtains sur le crâne. Son front, légèrement trop grand, descendait sur des petits yeux marron et une barbe d’une semaine.
Anton, assis sur l’autre fauteuil, sortît le périphérique de stockage et le relia à l’ordinateur principal. L’écran afficha des données dont le déchiffrage coûta quelques secondes de concentration aux trois individus.
« Ils sont restés dix-huit heures sur
Déméter. C’est assez étrange, s’inquiéta Eastwood.
-Malheureusement, il n’y a pas moyen de savoir ce qu’ils ont fait. En revanche, on sait où ils sont partis : Akragas, continua Zack.
-C’est exact. C’est pour ça que nous allons là-bas.
-Mais chef, intervint Deck, vous n’avez pas peur que les officiels nous suivent ?
-Ils nous suivront, c’est certain. Mais la chance est de notre côté.
Akragas abrite un comptoir de la Marine Spatiale, et il y a de grandes chances qu’ils me convoquent dès notre atterrissage. Ainsi, le Commandant Shirt croira qu’on y est allé pour cette raison précise, et non pour rechercher le
Normandy.
-Et s’ils vous gardaient ?
-C’est un risque à prendre.
-Et que ferons-nous, une fois là-bas ? demanda le mécanicien.
-Moi, j’irai au comptoir. Vous deux, vous devrez découvrir ce qu’ils ont fait sur
Akragas, et surtout, où ils sont repartis ensuite, s’ils sont repartis.
-Mais, chef, des milliers de vaisseaux passent par
Akragas chaque jour… On ne pourra jamais identifier leur signature…
-Vous trouverez un moyen. Bon, allez vous reposer, je m’occupe des commandes. Une longue journée nous attend. »
Ils se quittèrent, deux d’entre eux rejoignirent leurs quartiers respectifs, puis les lumières se tamisèrent ou s’éteignirent en fonction des sections du vaisseau.
Le voyage fut long et fastidieux, mais après avoir parcouru le quart du Premier Déka,
Akragas apparût sous le
Yuren, prête à accueillir la modeste carlingue.
La coque de cette dernière chauffa et vira au rouge en traversant la dense atmosphère de la planète limitrophe. Ils atteignirent la principale ville en quelques minutes.
Une lumière intense s’était emparée de celle-ci depuis le début de la journée. Le puissant soleil, source inépuisable, envoyait ses rayons lumineux contre les vitres innombrables des luxueux buildings qui jonchaient les grandes artères où se côtoyaient voitures magnétiques, piétons agités et parcs naturels verdoyants.
La vie faisait partie intégrante de l’effervescence tumultueuse d’
Akragas. La ville ne cessait jamais de respirer, jour et nuit. Des millions de personnes se frôlaient sans même sans rendre compte sous ce ciel d’un bleu clair sans aucune imperfection, dont le manque de naturel paraissait flagrant au premier coup d’œil. Le temps, assez frais, était également une manifestation de la manipulation humaine de l’environnement.
Le
Yuren s’approcha de l’Astroport
Aristotélês dont le blanc éclatant pouvait presque aveugler tout pilote novice qui s’aventurait dans les parages. A l’intérieur, une voix impersonnelle provenant de la Tour de Contrôle prît possession des haut-parleurs de l’appareil.
« Veuillez vous présenter au hangar 876 puis vous rendre à l’accueil pour l’identification.
-Entendu, répondit Deck.
-Passez un agréable séjour sur
Akragas. »
Le
Yuren glissa, comme une feuille dans le vent, avant de définitivement se poser sur l’emplacement qui lui était attribué. Les trois comparses se rejoignirent devant l’entrée, tous équipés d’un pare-balle et d’un revolver dans leur holster.
« Bien. Je m’occupe des papiers, vous des infos. On se rejoint ici dans vingt-quatre heures. Utilisez votre émetteur en cas de pépin.
-Bien, chef, firent-ils en chœur. »
Et ils se séparèrent en deux groupes aux desseins bien différents.
Deckland et Zack vagabondaient parmi la jungle sauvagement urbaine que représentait
Akragas. Au milieu des employés de bureaux en retard, des touristes en plein shopping et des officiels en mission de surveillance, les deux contrebandiers faisaient presque tâche, sans pour autant dénaturer le tableau d’art moderne qui s’offrait à tout possesseur d’un appartement dans les étages supérieurs des hauts buildings de verre et d’acier.
Ils avaient à présent atteint le cœur de la ville, premier choix logique qui leur avait traversé l’esprit, mais ne savaient pas pour autant par quoi commencer.
« Cette chasse au lapin commence à me taper sur les nerfs, lâcha Zack.
-Le pire, ajouta Deck, c’est qu’on sait même pas pourquoi on cherche ce foutu vaisseau…
-Ce qui m’étonne, c’est qu’un Corsaire de la Marine Spatiale se mette soudainement à défier la loi pour rechercher un vaisseau quelconque…
-Je sais pas toi, mais perso, je compte lui demander à notre retour. Et pas de réponse implique pas de décollage.
-Ouais, j’te suis. En attendant, va falloir trouver quelque chose. »
Sur cette dernière phrase, les deux hommes levèrent les yeux au ciel et purent admirer l’impressionnante Tour de Communication d’
Akragas. Un sourire se forma alors sur leurs deux visages.
Lorsque Anton Eastwood franchît le seuil du comptoir de la Marine Spatiale, le doute, qui avait commencé à s’accumuler depuis son départ de l’astroport, s’empara de lui et le paralysa sur place. Les jambes clouées au sol et tremblantes, il se demandait si ça avait véritablement été une bonne idée de s’être jeté dans la gueule du loup. Il avait parié sur son dossier irréprochable, à une ou deux exceptions près, pour le faire échapper au pire qui, dans l’état actuel des choses, pouvait varier entre un emprisonnement à durée indéterminée et une exécution en place publique. Le Comité aimait particulièrement ce genre de petits spectacles, mais pas lui. Surtout s’il en était le principal acteur.
Une voix féminine et lointaine lui rappela l’endroit où il était, et l’étrangeté qu’il devait représenter, planté là, le regard vide, pour les autres employés. Il se reprit et fit la queue derrière une dizaine de personnes qui attendaient devant l’accueil.
Son regard fit le tour des locaux, dont les mûrs ressemblaient curieusement à ceux de l’astroport, excepté l’imposant insigne CSB entouré d’un losange horizontale sur fond violet, qui arpentait tous les bâtiments officiels du Comité. Un homme en costume sortît de l’un des nombreux couloirs et s’approcha de la file d’attente. Après avoir jeté un coup d’œil attentif, il se dirigea vers Anton.
« Corsaire Eastwood ? Veuillez me suivre, s’il vous plaît. »
Il obéît, sans poser de question, et se mît en marche derrière l’homme en noir qui traversait avec assurance l’incroyable dédale. Il fut conduit à une petite pièce sombre possédant une table et deux chaises, puis fut convié à s’asseoir. L’homme qui l’avait accompagné sortît et fut aussitôt remplacé par un second officiel, en uniforme gris de la marine, plutôt grand, les cheveux mi-longs descendant sur un visage carré.
C’était un ami.
« George ! Ne me dis pas que tu es venu de
Loxias exprès pour ça ?
-Non, j’étais déjà là pour affaire.
-Tant mieux, je ne voudrais pas t’avoir fait déplacer pour si peu de chose.
-Si peu de chose ? Bon sang Anton mais où avais-tu la tête ?! Tu t’es foutu dans un sacré pétrin ! Tout membre de la Marine a reçu pour ordre de
ne pas s’approcher du
Normandy s’il le croisait, de
ne pas s’intéresser à son cas et surtout de
ne pas se lancer à sa poursuite !
-J’ai mes raisons.
-Je m’en doute bien Anton, mais merde ! Comment veux-tu que je te sorte de là ? Le Comité veut ta tête, comme exemple !
-Ce n’est qu’un vaisseau !
-Un vaisseau hybride ! Même si le
Projet Normandy a été tenu secret, je suis persuadé que tu sais ce que ça signifie vraiment, hybride.
-Hybride de technologie humaine et alien provenant du vaisseau qui s’est crashé sur
Déméter avant la colonisation.
-Exactement ! Et tu sais pourquoi on n’a pas le droit de le rechercher ? Parce qu’ils ont peur, là haut ! Ils ont peur que l’on s’approprie le vaisseau ! Avec un engin pareil, on peut distancer n’importe quel bâtiment officiel ! Et qui se l’est approprié ? De vulgaires contrebandiers ! Merde Anton ! Ils doivent déjà croire que tu es dans le coup !
-Je n’y suis pour rien George !
-Je le sais ! Mais tu crois qu’ils en ont quelque chose à foutre, là haut ?
-Couvre-moi !
-Te couvrir ?! Bordel Anton, je sais que je t’en dois plus d’une, mais là, je ne sais même pas ce que je pourrais faire ! Je peux peut-être t’éviter la peine de mort, peut être même la prison, mais tu resteras cloué au sol !
-Comment ça ?
-Ils vont te confisquer ton vaisseau et vider tes comptes. Tu seras coincé ici, sur
Akragas. Sans job, sans vaisseau, sans argent.
-Je ne peux pas. Je dois retrouver le
Normandy avant qu’ils le fassent.
-Je suis désolé, mais parti comme c’est, tu n’iras nulle part.
-File-moi ton vaisseau.
-Mon… quoi ? Attends, tu plaisantes j’espère ? Dès qu’ils sauront que tu es parti avec, ils me jetteront en cellule !
-Dis-leur que je te l’ai volé, que je t’ai tabassé et que je t’ai pris tes affaires pour m’enfuir.
-Ca ne passera jamais Anton…
-Ecoute George, je n’ai pas le choix.
-Je ne comprends pas, tu avais une mission sur Ixion, et elle ne comportait pas de partir après le
Normandy ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
-Ils l’ont prise.
-De quoi tu parles ?
-Ils ont pris Sidney. »
L’homme en uniforme se stoppa net, son regard se plongea au plus profond des yeux de son ami, et il put y lire la peur, la détresse, le chagrin, et plus profond encore, une infime lueur d’espoir.
Quelques pots-de-vin bien placés permirent à Zack et Deckland d’infiltrer la Tour de Communication d’
Akragas. Tous deux habillés d’un bleu de travail de techniciens, ils furetaient de tous les côtés pour trouver le bon endroit. Après plusieurs dizaines de minutes de recherche, ils finirent par arriver dans une salle remplie d’ordinateurs, mais dont la population humaine avoisinait le néant. Ils s’approchèrent de l’un d’entre eux et mimèrent une réparation des plus banales.
Pendant que Zack s’afférait à démonter une unité centrale, Deck, sur le côté, essayait d’entrer dans le système de données pour retrouver la liste des départs et arrivées des derniers jours.
« Tu t’en sors ?
-Ouais, je pense que ça devrait aller. Encore quelques secondes… Voilà ! Qu’est-ce que je recherche à ton avis ?
-Je sais pas, essaye à
N comme
Normandy.
-Bien vu. Alors… Hum… Non. Visiblement, aucun vaisseau de ce nom là s’est posé entre aujourd’hui et il y a quinze jours.
-Evidemment. Ils ne sont pas non plus suicidaires. Ils ont du utiliser un autre nom.
-Qu’est-ce qu’on fait ?
-Copie les données, on les ramènera sur le Yuren. Le capitaine s’en occupera. »
Deck sortît un périphérique de stockage circulaire, le brancha à l’ordinateur, et le retira quelques secondes après.
« On est bons.
-
Attention. Des visiteurs non autorisés se sont introduits dans le bâtiment. Veuillez rester dans votre bureau jusqu’à l’intervention des forces de sécurité.-Tu crois que notre indic’ s’est soudainement senti coupable de nous avoir laissé entrer ?
-A moins qu’on se soit fait rouler dans la farine depuis le début. »
Une lumière rouge avait remplacé la pâleur des lampes, et une certaine agitation se fit sentir dans les couloirs.
« On n’a pas beaucoup de temps, commença Zack, regarde les plans de l’immeuble ! »
Deckland se pencha vers l’ordinateur et accéda aux données historiques du bâtiment.
« Là, au sous-sol, il y a un tunnel qui ressort plusieurs rues plus loin.
-On fonce. »
Ils quittèrent à toute vitesse la grande salle informatique et se dirigèrent vers les escaliers les plus proches. Après quelques minutes de cavale, ils se retrouvèrent au niveau moins un de l’édifice, plongé dans obscurité intense.
« Merde ! Où est la lumière ?! grogna Deck. »
Des bruits de pas et quelques chuchotements les fit se cacher derrière une paroi indistincte, où ils espéraient passer inaperçu.
La lumière s’alluma, ils purent vérifier qu’ils étaient hors de vue, puis quatre soldats en combinaison de sécurité noire, une mitrailleuse à la main, entrèrent et arpentèrent les environs.
« Il y a une sortie au bout de ce tunnel, je crois bien.
-Okay. Trouvez-la et montez-y la garde. Je reste derrière la porte au cas où. »Les bruits de pas s’apaisèrent, et ne furent bientôt qu’un écho lointain.
« On est coincés, chuchota Deck. Active l’émetteur, on sait jamais.
-On peut attendre, voir s’ils repartent en arrière.
-Qui ne tente rien n’a rien… »
Et c’est ainsi qu’ils patientèrent une bonne dizaine de minutes cachés dans un recoin du sous-sol de la Tour de Communication. Alors que leur situation n’avait pas évoluée d’un iota, Deckland sortît son revolver et s’apprêta à sortir.
« Qu’est-ce que tu fous ?
-On n’a pas le choix. Il faut qu’on y aille. »
Ils quittèrent tous deux leur position, arme à la main, et se dirigèrent vers le tunnel qui abritait leur unique voie de sortie.
Près de l’échelle qui donnait sur une ancienne plaque d’égout, trois hommes en combinaison noire patientaient, sur le qui-vive. Un bruit métallique les surprit tous au même moment. Ils pointèrent leur mitrailleuse en direction du couloir, mais ne virent aucun mouvement.
« J’y vais, couvrez moi. »
L’un d’eux s’aventura dans le tunnel et, lorsqu’il arriva de l’autre côté, se prit une balle en pleine tête et s’effondra. Ses deux coéquipiers ripostèrent mais leurs balles n’atteignirent que le vide.
« Tant qu’on reste là, ils ne peuvent pas sortir. Alors on ne bouge
pas. »
A l’autre bout, dans le sous-sol de la Tour, Zack et Deckland commençaient à s’impatienter.
« Il en reste encore deux… Si on ne s’en débarrasse pas, on est coincés.
-Mains en l’air ! »
Le quatrième soldat, qui était resté derrière la porte et avait certainement entendu le coup de feu, venait d’entrer dans la pièce et pointait son arme en direction des deux contrebandiers.
« Sergent ? C’est vous ? fit l’un des deux autres, au loin, devant la sortie. »
Son attention fut distraite suffisamment longtemps pour que Deckland lui tire une balle dans le crâne.
« Bon, il a certainement du appeler des renforts avant de débarquer. Ce n’est plus qu’une question de secondes. »
Ils entendirent alors deux autres coups de feu, vers la sortie, puis un bruit de pas. Ils pointèrent leurs revolvers en direction du tunnel ténébreux d’où sortit un homme portant un caban bleu foncé de la Marine ainsi qu’un petit calibre encore fumant. Anton Eastwood.
« On devrait peut être y aller, non ? »
Après quelques formalités administratives, Zack, Deck et Anton se retrouvèrent à l’intérieur d’un vaisseau flambant neuf, à l’extérieur gris laqué, de forme relativement triangulaire.
« Messieurs, je vous présente le
Trafalgar.
-Qu’est-il arrivé au
Yuren ? demanda le pilote.
-Rien. Mais il ne volera plus. Du moins, plus avec moi. D’ailleurs, à partir de maintenant, pour toute démarche officielle, vous m’appellerez George Szech.
-Qui est-ce ? continua-t-il.
-Un ami, qui m’en devait une.
-On ne va pas lui attirer des ennuis ? interrompit l’autre.
-Ne vous inquiétez pas pour ça. Vous avez eu ce qu’on voulait ?
-En quelque sorte. On a enregistré tous les arrivées et départs des deux dernières semaines. Rien ne correspond au
Normandy. Vous aurez peut être un peu plus de chance en regardant vous-même.
-Je m’en occupe. Allez vous reposer, vous l’avez bien mérité. »
Ils se quittèrent, les deux contrebandiers cherchant leurs nouveaux quartiers, Anton se dirigeant vers la salle de pilotage. Il fit décoller le vaisseau, le plaça en orbite autour d’une des trois lunes, puis brancha le périphérique et commença à parcourir la liste de noms.
Plusieurs heures plus tard, il fut rejoint par Zack et Deckland venus lui prêter main forte. Mais ils le trouvèrent avachi sur le poste de contrôle entrain de dormir.
A son réveil, ils continuèrent pendant encore quelques temps, sans grand espoir. Quand soudain, le visage du Corsaire se métamorphosa, ses yeux s’agrandirent et ses lèvres formèrent un large sourire.
« Vous l’avez ?! demanda Deck.
-Je crois bien.
-Et alors ? lâcha Zack.
-L’
Ydnamron. Ou Normandy à l’envers.
-Sans vouloir vous vexer chef, commença le mécanicien, ça parait un peu simple. Ca pourrait être un barjot qui a trouvé sympa d’appeler son vaisseau comme ça…
-Excepté qu’il est enregistré au nom de Katrina Weedpath.
-Qui est ? fit Deckland.
-Ma défunte femme.
-Comment ont-ils pu atterrir avec le nom d’une femme morte ? Et la votre, qui plus est ? s’étonna le pilote.
-A l’aide d’une des meilleurs informaticiennes du Premier Déka. Sidney Weedpath. Ma fille. »