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Millstone
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Millstone


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MessageSujet: Outrevie   Outrevie EmptyDim 23 Mar 2008 - 1:14

Outrevie.
Une fanfiction sur les Annales du Disque-Monde.

Outrevie Copiedesymbolevj4

Il était une fois un rocher dérivant dans le vide. Au cours des deux derniers millions d’années, il ne lui était rien arrivé d’autre qu’un impact avec un caillou de moindre taille.

Ce qui devait advenir de ce corps céleste dans les prochaines minutes aurait par contre eu de quoi susciter l’étonnement d’un éventuel observateur. Vu de loin, cela se résumait à une seconde collision, cette fois avec un corps céleste beaucoup plus grand que lui. Dans le détail, le rocher commença par pénétrer une aura d’énergie émanant de l’autre masse. Il ne s’agissait pas là d’un champ magnétique mais de quelque chose de beaucoup plus singulier ; une sorte de lumière en boule dont le comportement n’était pas sans rappeler certaines propriétés de la vie. A l’intérieur, la lumière conventionnelle peinait à se frayer un chemin et se trouvait limitée à une vitesse plus ou moins équivalente à celle du son, tandis que des particules d’obscurité s’écartaient sur son passage. Plus imperceptiblement, de nombreuses constantes de la physique y étaient radicalement modifiées, de sorte que l’on y trouvait de l’ophisium en abondance quand bien même cet élément aurait donné de l’urticaire à Mendeleïev.

Le rocher n’en décrivit pas moins une trajectoire semblable à celle qui aurait été la sienne au dessus de notre bonne vieille planète Terre, traînée de feu incluse. La scène différait tout de même en ceci que le paysage était dépourvu d’horizon, s’étendant à plat sur des kilomètres et des kilomètres. Au loin et de tout côté se dressait une unique chaîne montagneuse d’un noir plus profond que celui du ciel. Elle semblait encercler ce monde, ce qui était effectivement le cas. En dehors de cela, une lune pâle éclairait des forêts, des déserts, des océans et des steppes remarquablement similaires à l’idée que nous nous en ferions.

L’aérolithe termina sa course sur le bord d’un lac, propulsant eau, terre, arbres et animaux malchanceux sur une grande distance. Etrangement, le bolide était resté un et entier durant sa traversée de l’atmosphère, ne perdant qu’une fine croûte dans le brasier. L’intérieur du rocher était encore froid mais la chaleur accumulée sur les bords gagna peu à peu les profondeurs. Au bout d’une heure ou à peu prés, une fissure s’ouvrit à la surface du météorite. Une cornée de marbre blanc promena de droite et de gauche un cristallin vraiment cristallin, puis une seconde fissure se révéla. Enfin, le rocher se leva, gravit la pente du cratère puis lança un nouveau regard sur les alentours.

« Ca pas trop tôt », soupira le troll.

Outrevie Copiedesymbolevj4

A plusieurs centaines de kilomètres de là se dressait une demeure d’apparence lugubre. Les coloris y allaient du noir de deuil au blanc de linceul en passant par diverses teintes de violet. Même la mousse poussant sur les pierres séculaires paraissait avoir adopté ces couleurs, tandis que les parterres de fleurs dans l’enceinte semblaient faits pour des tombes. Des corbeaux peuplaient les arbres aux feuilles rares et aux branches secouées d’une brise froide. Tous les rideaux du vaste édifice étaient tirés et aucun bruit n’émanait des salles au delà.

Dans l’une de ces pièces, quelque part au troisième étage, se trouvait pourtant un résident. Ses traits étaient ceux d’un homme d’une trentaine d’années. Il était d’une pâleur et d’une maigreur maladives mais aussi impeccablement rasé et coiffé. Il portait un long manteau noir qu’il n’avait pas quitté avant de s’asseoir derrière son bureau, n’abandonnant au portemanteau que son chapeau à larges bords, noir lui aussi. Pour le moment, l’homme dormait. A son absence de respiration, on aurait pu le croire mort.

On n’aurait d’ailleurs pas été loin de la vérité.

Soudain, ses oreilles parurent frémir et il ouvrit brusquement les yeux. De son regard violet, faiblement iridescent, il inspecta l’environnement familier à la recherche de la source de son trouble. Repoussant sa chaise, l’homme se leva du haut de son mètre quatre-vingt quinze, occultant la lumière qui filtrait à travers les rideaux derrière lui. Il marcha d’un pas qui semblait inarrêtable jusqu’à une sculpture posée sur un socle dans un angle de la pièce. Celle-ci représentait un disque décoré de monts et de mers, mais aussi ceinturé par un unique serpent qui se mordait la queue. L’homme se pencha au-dessus de l’étrange géographie et haussa un sourcil. Puis il repartit du même pas de métronome rapide vers le couloir hors de son bureau et se rendit dans une salle au premier étage. Là se trouvaient d’innombrables rangées d’étagères et il paraissait impossible que la demeure, aussi grande soit elle, puisse les contenir toutes. Ces étagères étaient par ailleurs toutes aussi vides les unes que les autres.

Pourtant, quelque part dans ce labyrinthe, le maître des lieux croyait bien entendre un son. Parcourant les allées, il finit par en trouver l’origine. Sagement posé sur le bois noir était un sablier solitaire, dont le sable chutait dans un faible crissement. Il était difficile de dire quelle quantité exacte de sable restait dans la partie supérieure de l’objet car il paraissait se déverser sans s’épuiser. L’homme se permit pourtant une estimation.

« ONZE JOURS », déclara t’il à sa propre attention. « C’EST PEU ».

Sa voix rappelait une dalle de plomb tombant au fond d’une crypte.

« MAIS CELA SUFFIRA PEUT-ÊTRE ».

Outrevie Copiedesymbolevj4

La cité d’Ankh-Morpork se tenait sur les rives de l’Ankh, un fleuve au sujet duquel les brochures touristiques affirmaient que son eau ne pouvait qu’être pure après avoir été filtrée par autant de reins. Le courant recueillait également une partie des déchets ménagers et industriels de la mégalopole, ainsi que les rebus de l’université des mages et de la guilde des alchimistes, ce qui expliquait peut être l’évolution accélérée de ses poissons vers des formes dotées de poumons et de pattes. Malgré le taux élevé de criminalité, on se risquait rarement à y jeter un cadavre, de peur que les hommes du Guet Municipal puissent tracer une silhouette à la craie autour du corps avant qu’il ait eu le temps de s’enfoncer. Les vapeurs émanant du fleuve venaient se mélanger au parfum en provenance des champs de choux qui constituaient la quasi-totalité des alentours de la ville. Les habitants n’étaient pas peu fiers du fumet si inimitable qui en résultait.

Ankh-Morpork s’était plus ou moins bâtie autour de l’Université de l’Invisible, le plus grand centre de sciences occultes appliquées de tout le Disque-Monde (bien que ce titre lui soit souvent contesté par ses équivalents de Quatricks et de Krull). L’UI était elle-même construite autour de la Tour de l’Art, laquelle était à la fois le plus haut et le plus ancien édifice de la ville. Sans l’activité magique régnant à ses pieds, la tour serait certainement effondrée depuis des siècles, un détail qu’il était difficile d’oublier lorsque les circonstances vous forçaient à gravir un escalier circulaire sans rampe qui tanguait au moindre souffle de vent.

Cette merveilleuse cité était également célèbre pour ses guildes. On y trouvait la Guilde des Voleurs, faisant office de service fiscal, la Guilde des Assassins, dispensant l’éducation la plus complète et la plus louée en haute société, la Guilde des Couturières, femmes expertes dans l’art d’insérer les aiguilles de toute taille dans leur chat avec doigté et délicatesse (sauf demande spéciale du client) dans une maison accueillante bien que close, la Guilde des Mendiants, dont il fallait au moins trois membres pour assembler un individu ayant tous les siens, la Guilde des Alchimistes, explosant une fois par mois, la Guilde des Joueurs, située en face de la précédente, la Guilde des Fous, gens d’éducation sévère pour qui l’humour était une affaire sérieuse et la tarte à la crème d’un comique indémodable, la Guilde des Commerçants, auteurs des brochures touristiques évoquées plus haut, la Guilde des Avocats, faisant de bons prix sur les juges, ainsi que bien d’autres guildes encore. Le Patricien siégeait au pied des marches du trône depuis la mort du dernier roi (décapité par la révolution). L’actuel dirigeant en poste était passé maître dans l’art de jongler avec les guildes, laissant les alliances se faire et se défaire sans qu’il paraisse en décider.

Originellement dédiée aux humains, Ankh-Morpork avait désormais à la fois l’une des plus grandes populations d’humains et de trolls ainsi que la plus grande population de nains dans tout le Disque. Il s’y trouvait également un nombre croissant de lycanthropes, de vampires, de golems, de zombies et de croque-mitaines, ainsi que d’Igors.

Ankh-Morpork était encore célèbre pour son journal, le Disque-Monde, ainsi que pour son rayonnement économique. Enfin, qui avait été flic à Ankh-Morpork pouvait combattre efficacement le crime n’importe où ailleurs, un fait de notoriété disque-mondiale.


Dernière édition par sylvouroboros le Mer 24 Sep 2008 - 17:23, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Outrevie   Outrevie EmptyDim 23 Mar 2008 - 1:15

Outrevie Copiedesymbolevj4

La bibliothèque de l’UI était très spéciale. Les grimoires des mages de jadis s’y trouvaient enchaînés aux étagères non pas par crainte que l’on cherche à les voler mais de peur qu’ils ne cherchent à mordre les lecteurs. Des barres métalliques disposées le long des rayons absorbaient le trop plein de mana et l’amenaient à la terre. Les ouvrages étaient classés non par ordre alphabétique mais par compatibilité d’humeur. Depuis qu’il avait été victime d’un accident magique, le bibliothécaire était un orang-outan, ce qu’il trouvait très pratique pour assurer toutes les tâches de sa fonction. Enfin, mieux valait s’abstenir de regarder le plafond, à moins de vouloir s’apercevoir à quel point l’espace-temps pouvait être distordu entre les murs de la bibliothèque.

En cet instant, un étudiant en magie déambulait aussi calmement que possible parmi les ouvrages, à la recherche d’un grimoire disposé à l’aider dans ses révisions. Tandis qu’il dépassait une série de livres, il crut distinctement entendre un « pssst ». Se retournant, il ne vit personne. Alors qu’il allait reprendre son chemin, le « pssst » revint, plus insistant, et l’étudiant entendit une étagère grincer. L’un des grimoires remuait, cherchant visiblement à se faire remarquer. Cédant à un réflexe idiot, l’étudiant approcha une main du livre. Lorsqu’il se ravisa et voulut ramener sa main vers lui, le grimoire bondit hors de son emplacement et captura le bras imprudent. L’étudiant laissa échapper un cri de terreur puis tomba dans les pommes.

Lorsque le Bibliothécaire arriva, il se demanda pourquoi, dans un monde où la magie prenait parfois les expressions au pied de la lettre, on ne s’évanouissait pas plutôt dans des bananes. Ramassant l’un des fruits, il jeta au grimoire un regard lourd de reproches, tandis que le livre passait d’une tranche sur l’autre d’un air coupable. « Oook ? » demanda le Bibliothécaire. Le livre se laissa tomber sur sa quatrième de couverture, laissant son titre bien visible. Il s’intitulait Agenda des prophéties et prédictions à échéance millénaire ou plurimillénaire. « Oook ? » demanda maintenant le Bibliothécaire. Le livre s’ouvrit à l’une de ses nombreuses pages. « Oook » dit le Bibliothécaire après une lecture rapide de la page présentée. Il libéra le livre de sa chaîne, le prit sous un bras, puis réveilla l’étudiant et lui offrit une pomme. Il s’en alla ensuite en direction du bureau de l’Archichancelier.

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L’Archichancelier Mustrum Ridculle était résolument réfractaire à l’usage de la « machine pensante » connue sous le nom de Sort. Pianoter sur des touches avec des lettres inscrites dessus était amusant une ou deux fois mais un mécanisme dérouté par « comvien ça fzit ? » ne méritait pas qu’il lui consacre son temps. Mustrum ne perdait toutefois jamais une occasion de confier aux petits jeunes un problème à soumettre à leur bidule moderne, parfois au grand dam du Bibliothécaire qui restait convaincu de l’intérêt d’aller soi-même éplucher les livres.

L’appareil avait régulièrement de nouvelles extensions sur sa périphérie, parfois surgies d’on ne sait où et parfois sciemment ajoutées par Cogite Stibon et ses collaborateurs. Parmi celles qui s’étaient installées sans prévenir, nombre étaient d’une utilité pour le moins mystérieuse. C’était notamment le cas de la souris (à moins qu’il s’agisse d’un mulot) pour laquelle Sort réclamait constamment du fromage, ou de tous ces bouts de rames qu’il fallait aller chercher sur de vieilles barques. La trompette qui lâchait désormais une notre stridente à chaque mauvaise manipulation n’était pas non plus du goût de tout le monde. Malheureusement, retirer quoi que ce soit s’avérait toujours très compliqué car Sort refusait alors de fonctionner.

Cogite s’afférait à présenter la dernière nouveauté en date.
-Monsieur l’Archichancelier, vous n’êtes pas sans savoir que les clic-clacs ont fait d’énormes progrès depuis quelques années. Autrefois, les gens transmettaient des messages simples sur de grandes distances par simple obturation manuelle d’une source lumineuse. Aujourd’hui, avec les mécanismes d’horlogerie sophistiqués, les formules mathématiques avancées et les démons iconographes, il est devenu possible de transmettre des images. C’est pourquoi nous avons greffé à Sort un mécanisme similaire.
-Ca marche comment ? demanda Ridculle en avisant l’énorme amas mécanique.
-Il suffit de mette une feuille ou un livre dans ce tiroir puis d’actionner ce levier.
-Et ça fait quoi ?
-Cela fait que Sort « voit » le document présenté.
-Ah bon ? Il a des yeux maintenant ?
-Non mais les démons iconographes, eux, ont des yeux.
-Il lui faut bien voir ce qu’ils peignent.
-Ils ne peignent pas vraiment dans notre cas. Ils se contentent de passer leur pinceau sur un tapis de fines barres métalliques qui agissent comme autant de petits leviers.
-Alors il n’a jamais l’image ?
-Pas en tant que telle, non. Il l’acquiert… euh… virtuellement.
-C’est pas de la pensée concrète, ça, monsieur Stibon.

Cogite hésita. Avec l’Archichancelier, il valait souvent mieux ne pas relever.
-Vous avez raison, monsieur. Sort ne connaît pas la « pensée concrète ».
-Ah ! C’est ce qui nous différencie de lui !
-Tout à fait exact, monsieur.
-Voyons ce qu’il va nous sortir à partir de ça, alors !

Mustrum plaça le grimoire apporté par le Bibliothécaire dans le tiroir désigné par Cogite puis actionna le levier. Les démons iconographes observèrent l’objet puis appuyèrent sur le tapis de barres métalliques, bouchant certains tuyaux de la ferme à fourmis qui constituait l’essentiel de Sort, modifiant la procession des insectes dans ce que Cogite appelait justement le « processeur ». Sur le poste de travail de Sort, un sablier surgit au bout d’un ressort tandis qu’une plume plongeait dans un encrier puis écrivait « +++ Acquisition image en progrès +++ » sur un parchemin. Après un temps, le sablier réintégra son emplacement à l’intérieur du bazar et la plume écrivit « +++ Il faut ouvrir le livre à la page voulue monsieur l’Archichancelier +++ » sur fond de « pouing » discordant.
-Ah bon ?
-Oui, monsieur, les démons ne voient pas à travers la couverture. Je vous rappelle qu’ils n’ont de surcroît aucune imagination. Ils peignent ce qu’on leur présente, c’est tout.
-Bon, très bien.

Le livre ouvert à la bonne page, l’opération fut réitérée. Après une nouvelle présentation du sablier, Sort écrivit « +++ Image acquise +++ » puis ressortit encore le sablier et écrivit « +++ Recherche banque de données en progrès +++ » pendant que les fourmis allaient rendre visite aux abeilles et à leur rayons de cire savamment agencés. Lorsque le sablier se décida à quitter la scène, Sort écrivit « +++ Données acquises et traitées +++ » puis « +++ Impression résultat en progrès +++ » en sortant une dernière fois le sablier. Finalement, un démon iconographe ouvrit une trappe dans une autre partie de la machine et tandis une feuille.
-C’est quoi ? demanda Ridculle.
-C’est une image sur laquelle Sort a résumé les conclusions de sa recherche, expliqua Cogite.
-Il l’a peinte ?
-Il a indiqué au démon comment la peindre.
-Il l’a vue où cette image ?
-Nulle part. Il l’a… euh… imaginée.

Mustrum Ridculle fixa son subordonné d’un regard inquisiteur.
-Enfin, plutôt, il l’a assemblée à partir de bouts de plusieurs autres images, rectifia Cogite.
-Ah ! dit Mustrum du même air satisfait qu’il avait eu un moment auparavant.
- +++ Manque de fromage +++, écrivit Sort.


Dernière édition par sylvouroboros le Sam 29 Mar 2008 - 19:29, édité 1 fois
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Skay-39
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MessageSujet: Re: Outrevie   Outrevie EmptyDim 23 Mar 2008 - 15:50

Je ne connais pas grand choses des Annales du Disque-Monde, mais le peu qu'on m'en a dit ainsi que les téléfilms diffusés à la période de Noël semblent pour l'heure constituer une base suffisante pour comprendre ton histoire. Si cela change par la suite, je risque de te harceler de MP... Te voila prévenu. mrgreen

J'ai rapidement tiqué sur la description que tu donnes de la mort dans le début de ton récit - et pourtant, on ne peut s'y tromper, c'est bien d'elle (de lui ?) qu'il s'agit. Il y avait là de quoi déstabiliser un néophyte du Disque-Monde, et sans les lumières de l'auteur, je serais encore en train d'agiter mon propre petit sablier et de faire cavaler mes fourmis dans mon processeur personnel. Mais chut, je n'en dis pas plus, voyons si d'autres seront plus malins que moi. farao (il va sans dire que ceux-là, s'ils existent, je les bannis peuh ).

J'apprécie toujours autant l'univers du Disque-Monde, qui se marie à merveille avec ton propre style - sans doute n'est-ce pas un hasard. Sort est un ordinateur au moins aussi sympathique que l'androïde dépressif de H2G2, et j'adore les extensions que tu lui décris ; quand à la bibliothèque... Et bien, je ne vais pas te citer. Un univers ou on tombe dans les pommes pour de bon, ou il est déconseillé de plonger dans un libre sans sa bouée de sauvetage et ou les livres se chamaillent dans les rayonnages, ça donne envie de s'y émerger.

Pour ce qui est de ton histoire, je ne peux en dire grand chose, puisqu'elle commence tout juste. Mais connaissant ton style, je m'attends à apprécier. clin d'oeil
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MessageSujet: Re: Outrevie   Outrevie EmptyDim 23 Mar 2008 - 19:22

Skay-39 a écrit:
Si cela change par la suite, je risque de te harceler de MP...
Il faut dire qu'une trentaine de bouquins, ça vous pose un univers. J'ai pris le parti de références nombreuses dans le courant du récit, au lieu d'un trés long prologue explicatif.
Skay-39 a écrit:
J'ai rapidement tiqué sur la description que tu donnes de la mort dans le début de ton récit - et pourtant, on ne peut s'y tromper, c'est bien d'elle (de lui ?) qu'il s'agit.
Cet homme pâle de 1m95 est trés éloigné du squelette de 2m10 personnifiant la mort dans les Annales. Toutefois...
Spoiler:


Outrevie Copiedesymbolevj4

Le climat au sein de l’Université de l’Invisible avait grandement évolué au cours des siècles. A l’époque d’Alberto Malich, le fondateur, l’université servait surtout à exercer un contrôle sur la nouvelle génération de mages. Puis il y avait eu une longue période où les archichanceliers s’étaient succédés les uns aux autres à une cadence infernale de verres empoisonnés, d’araignées venimeuses sous les draps, de boules de feu, de transformations en cancrelat et autres homicides. Les luttes de pouvoir internes de l’UI s’étaient ensuite mises à déborder sur le monde extérieur et l’on n’avait jamais été aussi proche d’un retour à l’époque honnie des Guerres Thaumaturgiques. Aux yeux du monde, désormais en permanence fixés sur Ankh-Morpork, il devenait alors important que l’UI offre un visage apaisé. Et de l’avis même des mages, le poste d’archichancelier venait de franchir la limite où le risque n’en valait plus la gloire. Ainsi était on allé chercher Mustrum Ridculle au fond de sa cambrousse pour lui offrir le chapeau du maître ; du moins l’aurait on fait si le chapeau en question n’avait péri lors de récents et regrettables événements. Mustrum, se disait on, était proche de la nature, ce qui ne manquerait pas de rassurer les citadins d’Ankh-Morpork. Mustrum était également sans lien aucun avec les affaires récentes, ce qui permettrait au reste de la faculté de s’en laver les mains. Même s’il s’avéra que Ridculle vouait aux bêtes la passion du chasseur-pêcheur-traditionaliste et collectionnait les trophées naturalisés, sa promotion surprise eut globalement l’effet espéré. La période Mustrum Ridculle se caractérisait maintenant par deux tendances parallèles. D’une part, l’empattement des anciens dans une routine de bonne chère et de sieste, sans qu’il soit plus besoin de lancer un sortilège de détection de toxine sur le moindre biscuit. D’autre part, un investissement nouveau et enthousiaste des étudiants dans des projets collectifs, fait inédit au sein de la profession. De cette seconde tendance étaient nées des réalisations comme Sort, le réacteur thaumique ou le dernier modèle d’omniscope (entendez par là une simple boule de cristal, mais avec plus de canaux, des options de réglage du contraste, un système d’enregistrement, une image plus large et moins d’interférences dans la réception). Malgré toute sa bonne volonté, Cogite Stibon n’aurait guère plu à l’opinion publique avec ses « 0,1% de risque de faire sauter le Disque ».

Pour l’heure, professeurs et étudiants se tenaient attablés dans la grande salle commune, cédant à une tradition culinaire que même un hobbit jugerait excessive. Ce n’était pas grave parce qu’il n’y avait pas de hobbit sur le Disque-Monde. L’Archichancelier maniait comme à son habitude un plein arsenal de condiments, tout en faisant profiter l’assistance d’un monologue sur un sujet de son choix. Au bout d’un moment, il passa du coq à l’âne pour une question qui semblait attendre une réponse.
-Au fait, dit il, saviez-vous qu’un dolmen en sommeil depuis dix mille ans allait bientôt se réveiller ?
-Je dois dire que non, admit distraitement l’Assistant des Runes Modernes.
-C’est ce qu’un vieux recueil de prémonitions affirme. Il s’appelle le Dolmen du Chat Paille, allez savoir pourquoi.
-Les hommes de l’art nomment souvent les choses d’après leurs familiers, commenta le Doyen.
-Ca se passerait du côté de Trou d’Ucques.
-De… Vous parlez d’un nom !
-Un peu de respect pour les localités de ma région natale, je vous prie.
-Parce que c’est dans les Montagnes du Bélier ? J’aurais du m’en douter.
-C’est précisément là que j’ai grandi, intervint la Directrice de l’Association pour la Parité et accessoirement seule femme de la faculté en dehors des cuisinières et des lavandières. C’était peut être l’animal de compagnie d’une sorcière.
-Qu’est-ce que les sorcières connaissent en matière de portails entre les mondes ?
-Oh, seulement plus que qui que ce soit d’autre.
-Tout cela pour dire, prévint Mustrum, que nous pourrions peut-être envoyer quelqu’un sur place.
-Voulez-vous dire à Trou d’Ucques ou à travers le dolmen ? demanda le Major de Promo.
-Ben, les deux, en fait.
-Elle s’inscrirait dans quel domaine, cette étude ?
-D’astronomie, je pense, répondit la Directrice de l’AP. Je me souviens que Mémé Ciredutemps parlait du dolmen comme d’un « truc à propos des étoiles qui sont des soleils ».
-Mouais, cracha l’Archichancelier. C’est aussi ce qui ressort des investigations de Sort. Mais c’est des racontars de troll. Ces histoires de tomber par dessus le bord du monde et de se retrouver sur un autre disque, tout ça.
-On n’a qu’à dire que c’est un problème de géographie, trancha le Doyen. Ca nous évitera de parler de marcher dans le ciel.
-C’est donc un travail pour le Fameux Prof…

Ailleurs dans la salle, une chaise glissa sur le parquet, tandis qu’une silhouette d’un rouge fatigué, rendu floue par la vitesse, se dirigeait à toute berzingue vers la sortie. L’Archichancelier hurla alors l’un des nombreux noms de l’entité : « Attrapez le ! ».

Un appariteur effectua un parfait plaquage de rugby alors que le fugitif était presque hors de la salle, rapidement assisté par l’un de ses collègues tandis que le captif continuait à polir le sol avec ses jambes et l’un de ses bras. L’individu qui fut finalement apporté devant l’Archichancelier était un homme d’apparence chétive en dehors de ses jambes taillées pour le marathon au sprint, dont le visage exprimait si souvent le désespoir que celui-ci s’était imprimé dans ses traits. Il portait la barbe comme un mage se devait de le faire, mais courte parce qu’elle était toujours en bataille. Sa robe de mage possédait autrefois des motifs de paillettes, désormais uniquement visibles sous forme de zones un peu moins sales. Sur son chapeau pointu, autre symbole de la profession, on pouvait lire en lettres majuscules le mot « MAJE ». Une fois que l’on avait constaté qu’il ne savait même pas l’écrire, on avait tout dit sur ses talents de magicien.
-Rincevent ! dit Mustrum d’un ton enjoué. Comment se porte notre Fameux Professeur de Géographie Insolite et Cruelle ?
-Il préférerait se porter seul, monsieur, dit Rincevent en cherchant le sol de la pointe du pied.

Curieusement, Rincevent le maje était réellement le membre de l’UI le plus qualifié pour ce poste. Véritable disque-trotteur malgré lui, il savait demander grâce dans presque toutes les langues et dialectes de ce monde. Rincevent y avait été l’un des premiers hommes à marcher sur la Lune. Il avait remonté le temps jusqu’à l’époque même du Créateur. Il était allé aux enfers et s’en était échappé. Il était également revenu des Dimensions de la Basse-Fosse, sans doute bien pires encore. Il avait rendu visite aux Cavaliers de l’Apocalypse en le domaine de la Mort en personne. Et même si l’UI préférait taire ce détail, Rincevent avait sauvé le Disque-Monde de la destruction en plusieurs occasions, y compris une fois où il avait empêché un attentat à la bombe sur Dunmanifestine, résidence du panthéon discal.
-La question est : vous sentez vous prêt pour une nouvelle aventure ? interrogea Ridculle.
-Non, monsieur.
-Je savais que nous pouvions compter sur vous ! Pour votre joie, notre charmante mademoiselle Lefèvre vous accompagnera sur une partie du trajet, car je ne crois pas que vous ayez déjà visité les abords du Royaume de Lancre.

Rincevent convint en son fort intérieur que c’était effectivement un motif de consolation, aussi risqua t’il un sourire d’excuse à l’adresse de la Directrice de l’AP. En revanche, la perspective de découvrir de visu une région du Disque qui avait plus de trous de ver et bestioles transdimensionnelles assimilées que tout autre n’était pas pour le rassurer.
-Vous partirez à des millions d’années-exolumière, dit Cogite Stibon.
-Reviendrais-je ? soupira Rincevent.

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-ANNEE-EXOLUMIERE ? s’étonna l’homme aux yeux violets.
-La distance parcourue par la lumière en une année lorsqu’elle n’est pas ralentie dans un champ de mana, à ce que j’ai cru comprendre, expliqua Albert.
-ET CET HOMME EST LE SAUVEUR DE VOTRE MONDE ?
-On ne le croirait pas, hein ? Le maître garde son compte-vie sur une étagère à part. C’est pour lui une curiosité.

L’individu aux yeux violets regarda encore l’image de Rincevent dans les reflets du sablier. Il devait reconnaître que l’objet en lui-même avait de quoi dérouter. C’était comme s’il était l’œuvre d’un souffleur de verre tout à la fois fin saoul et atteint de hoquet. Le sable d’ordinaire si discipliné y chutait de haut en bas mais aussi de bas en haut et horizontalement, disparaissant parfois dans un méandre de boursouflures pour aller se perdre à travers les réalités alternatives.
-IMMORTEL ? hésita t’il.
-Peut-être. Allez savoir ! Le maître a passé des heures à étudier ce compte-vie et tout ce qu’il a pu en conclure est qu’avec cet homme même l’incertitude n’est pas certaine.
-MAIS JE PEUX ATTENDRE SA VISITE IMMINENTE.
-Selon toute vraisemblance, oui. Le maître pense que la Dame s’intéresse à nouveau à lui.
-LA DAME ?
-Celle dont il ne faut pas prononcer le nom de peur qu’elle vous abandonne.
-OH, CETTE DAME LA.
-Cela ne semble pas vous plaire.
-VOUS SAVEZ CONTRE QUI JE DOIS ME BATTRE. ESCOMPTER UNE INTERVENTION DIVINE SERAIT UNE MAUVAISE STRATEGIE.
-N’êtes vous pas vous-même un dieu ?
-JE PREFERE ME VOIR COMME UNE PERSONNIFICATION ANTHROPOMORPHIQUE.
-Oui, c’est aussi ce que dit le maître. Enfin bref, le sablier est à vous. Une fois encore, le maître s’excuse de ne pas pouvoir vous recevoir en personne.
-JE COMPRENDS. CONTRAIREMENT À MOI, IL N’EST PAS, EUH…
-Au chômage technique ?
-ON PEUT DIRE CELA, OUI.

Outrevie Copiedesymbolevj4

Avant de fuir le jour naissant pour la fraîcheur de sa caverne, le troll jeta un dernier coup d’œil à celui gigantesque qui l’observait depuis la limite de cet autre disque-monde. Le troll était originaire d’un monde plat juché sur le dos de quatre éléphants gigantesques, reposant eux-mêmes sur la carapace d’une tortue encore plus grande. Quant à la tortue, elle flottait dans le vide comme n’importe quel autre caillou. Mais le monde sur lequel il venait de s’écraser semblait obéir à une autre logique animalière. Sauf erreur, l’œil démesuré posé dans le lointain était celui d’un serpent, qui devait se tenir enroulé sur la tranche du disque.


Dernière édition par sylvouroboros le Sam 29 Mar 2008 - 19:30, édité 1 fois
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Webkev
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MessageSujet: Re: Outrevie   Outrevie EmptyDim 23 Mar 2008 - 21:06

Je ne connais absolument rien de l'Univers dont tu nous parles.
Cependant, je dois dire quel est mon émerveillement lorssque je lis ce texte. Tu parviens à rendre parfaitement compréhensible à un néophite le caractère presque burelesque des Annales du Disque Monde.

J'adore beaucoup !
J'ai surtout beaucoup rit. A quand la suite des aventures de Rincevent, au dolmen du Chat Paille, à Trou d’Ucques very happy ?

cheers
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MessageSujet: Re: Outrevie   Outrevie EmptyDim 23 Mar 2008 - 22:50

Je vois que tu es motivé... C'est génial de retrouver ce rythme de production ! Ca nous promet notre dose régulière de prose Sylvouborosienne. Wink Mais non, on ne te met pas la pression...

Ce nouveau... chapitre, disons, éclaire bien la situation - même si le valet de notre Mort et le collègue de cette dernière ajoutent quelques nouveaux mystères. Je ne suis généralement pas un grand fan des prophéties - elles deviennent trop souvent omniprésentes et prennent un rôle de Deus Ex Machina pour justifier les activités des protagonistes - mais j'attends de voir comment tu vas gérer ça. je crois que je peux te faire confiance pour exploiter ce ressort scénaristique au mieux.

Et le coup du Chat Paille, je ne l'ai pas vu venir, et pourtant j'aurais pu ! Même si ce n'est pas un crossover, ça reste très cool de retrouver la porte des étoiles.

Et j'ai beau ne pas connaitre ce Rincevent, le peu que j'en ai vu me laisse à penser que c'est l'exemple même du gars embarqué malgré lui dans toute sorte d'aventures dont il se passerait bien. En plus, j'aime bien les majes. mrgreen

Bref, j'attends une fois encore la suite avec impatience. farao
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MessageSujet: Re: Outrevie   Outrevie EmptySam 29 Mar 2008 - 19:03

Webkev a écrit:
Je ne connais absolument rien de l'Univers dont tu nous parles.
Il gagne à être connu. Tu peux m'en croire!
Skay-39 a écrit:
Ce nouveau... chapitre, disons
Le principe des petits dessins entre des passages sans titre vient justement des Annales. Il me plait, parce que j'ai déja eu un mal fou à trouver un titre convenable pour l'ensemble (mais il a un sens, si si).
Skay-39 a écrit:
Je ne suis généralement pas un grand fan des prophéties - elles deviennent trop souvent omniprésentes et prennent un rôle de Deus Ex Machina pour justifier les activités des protagonistes
Skay-39 a écrit:
Et j'ai beau ne pas connaitre ce Rincevent, le peu que j'en ai vu me laisse à penser que c'est l'exemple même du gars embarqué malgré lui dans toute sorte d'aventures dont il se passerait bien.
Le problème est qu'ici les deux sont liés. Rincevent se passerait bien de l'intérêt qu'on lui porte parmi les dieux.
Webkev a écrit:
A quand la suite des aventures de Rincevent, au dolmen du Chat Paille, à Trou d’Ucques very happy ?
Il va falloir lui laisser le temps d'arriver sur place. clin d'oeil


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Les prévisions climatiques sur le Disque-Monde avaient peu à voir avec l’étude des masses d’air et tout avec l’entomologie. La faune discale comptait en effet parmi ses effectifs une espèce de lépidoptère capable, par le seul battement de ses ailes aux ingénieux motifs fractals, de déclencher sur ses prédateurs divers microclimats propres à les faire fuir. De l’étude attentive des populations de papillons dépendait donc l’anticipation des tempêtes. Par corollaire, lorsque l’on voyait une grenouille sortir de sa mare, sans doute poussée par ses instincts insectivores, on était alors en droit de s’attendre à un ciel tourmenté. L’état de certaines chambres d’enfant dont on aurait dit qu’une tornade s’y était abattue trouvait quant à lui parfois sa cause dans la jolie bébête du rebord de la fenêtre qui n’avait pas voulu se laisser capturer.

Guillaume des Mots se faisait parfois l’effet d’être lui-même une sorte de papillon météo quantique. Une époque fût où il recevait quelques sous de membres de la bonne société des villes voisines en échange d’une correspondance régulière sur les potins d’Ankh-Morpork. Bien que tout récent encore, cet âge lui paraissait désormais une autre vie. Une foule d’éléments étranges était soudainement venue transformer son quotidien, en commençant par lui donner un titre et un rythme de parution. Que son premier contact avec l’imprimerie moderne ait été le fait d’un couple de nains dont il n’avait jamais pu déterminer lequel des deux n’avait pas de pomme d’Adam sous sa barbe était de loin le moins bizarre de ces événements. Il en allait de même de la façon dont il s’était rapidement acquis les services d’un photographe passionné par le travail de la lumière au mépris de sa condition de vampire. Ces choses là étaient somme toute assez naturelles à Ankh-Morpork. Mais Guillaume avait vu émerger autour de lui des phénomènes beaucoup plus surprenants. Il y avait par exemple la façon dont les gens changeaient soudainement d’attitude et de vocabulaire aussitôt que Guillaume sortait son petit carnet. Il lui suffisait de demander l’avis d’un badaud sur une charrette de travers pour recevoir le témoignage à chaud d’un citoyen témoin de l’engorgement du trafic urbain. Guillaume avait également réussi l’exploit de donner à Planteur Je-Me-Tranche-La-Gorge sa seule activité rentable en dehors de la vente ambulante de saucisses dans des petits pains. Il était à noter que ces saucisses se vendaient aussi bien à Ankh-Morpork que les poissons dans un petit village que nous connaissons bien et cela avec la même vraisemblance. Quoiqu’il en soit, Planteur JMTLG rencontrait désormais un certain succès dans ce qu’il appelait lui-même le commerce du vide, négociant sur les pages de Guillaume l’espace nécessaire, par exemple, au visage souriant d’un soldat bord-klatchien voisinant un bol de chocolat chaud et la devise « Y a bon Nababia ». Guillaume s’était fait un ennemi, ou plutôt un rival sportif, de Samuel Vimaire, dit l’incorruptible du Guet des Orfèvres, une situation qu’il n’aurait autrefois pas cru possible, pas plus qu’il n’aurait envisagé que des dignitaires étrangers en visite officielle prennent dorénavant le soin d’une préparation minutieuse à leur entretien avec l’homme de la presse.

De toutes ces conséquences à long terme, il y en avait évidemment de moins flatteuses. Une concurrence disgracieuse avait vu le jour, se déclarant à la fois proche du peuple et dans l’intimité des puissants, ou « pipole » comme elle-même l’écrivait. On y apprenait récemment comment le Tyran d’Ephèbe, dirigeant élu de la première et sans doute seule démocratie du Disque, avait en grande pompe et dans le plus grand secret épousé Carla la Brune, célèbre héroïne barbare. En plus d’une publicité envahissante, Guillaume avait du accepter dans son journal une place pour les dessinateurs, qu’ils soient caricaturistes ou amateurs de croquis identiques à une demi-douzaine de détails prés, ainsi qu’une autre pour les cruciverbistes. Il avait également donné son accord à la diffusion intégrale d’un roman à raison d’un court extrait par numéro. De fait, beaucoup de gens achetaient le numéro suivant pour savoir quelles erreurs en neuf lettres avait commises l’assassin.

Guillaume des Mots s’attaquait à présent à un chantier aussi nouveau que délicat. Tout juste habitué au concept de journalisme, le Disque-Monde ne connaissait pas encore la presse de vulgarisation scientifique. Dans ce monde où le savoir était synonyme de pouvoir, mais de pouvoir tangible aux éclairs multicolores, le financement des travaux d’un mage se trouvait inféodé à l’absence d’application pratique de leurs résultats. Le Patricien allouait volontiers des fonds pour l’amélioration d’un sortilège de malédiction du moment qu’il n’entendrait parler ni de la nouvelle version ni de l’ancienne en dehors des murs de l’université. Difficile dans ces conditions d’intéresser la population à ce qui se tramait dans les laboratoires. Les gens savaient de l’UI qu’il ne fallait rien cultiver à proximité à moins d’aimer les tomates mangeuses d’homme et de la Guilde des Alchimistes que toutes ses anciennes girouettes se trouvaient à présent quelque part en orbite. Les gens ne voulaient surtout rien savoir d’autre.

Mais Guillaume s’était gagnée la collaboration d’un jeune étudiant mage nommé Voxpope. Ce dernier venait justement de lui relater une histoire dont il pensait pouvoir faire son cheval de bataille.
-Rincevent, méditait à haute voix Guillaume. Un professeur incapable ne serait ce que d’une boule de feu modèle cigarette. On dit pourtant de lui qu’il aurait vaincu un sourcellier, maître suprême de la magie, au moyen de… Rappelez-moi quoi ?
-Une demi-brique dans une chaussette, répondit Voxpope.
-Un personnage qui plairait sûrement à nos lecteurs, c’est certain.
-Il les ferait surtout beaucoup rire. Pas que de lui, d’ailleurs.
-On se moque déjà des mages, mon cher Voxpope. Vous connaissez la chanson Le bourdon du mage a un nœud au bout ou la façon dont vos orbes de décharge de mana sont surnommées « les boules de mage ». N’ayez crainte ! On respectera toujours suffisamment assez un individu capable de vous changer en moineau.
-Ce que je sais, c’est que la DAP elle sera au mieux de son image à ses côtés. Nul doute qu’une femme peut faire aussi bien en magie qu’un homme lorsque cet homme est Rincevent.
-Ma charmante collaboratrice ne se plaindrait pas de ce type d’influence sur l’opinion publique. C’est décidé ! Nous allons couvrir l’événement !
-Couvrir… Comme avec une couverture ? Etouffer l’affaire, quoi ?
-Non ! Non. Au contraire. Pleins feux sur cette expédition !
-Vous voulez carrément les descendre, maintenant ?
-Vous le faites exprès, là.

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Rincevent enfonça une nouvelle pile de vêtements dans son vieux coffre de voyage. Il s’agissait essentiellement de robes usagées dont l’ancien propriétaire ne voulait plus. Pour être exact, chaque robe récupérée dans les rejets d’un mage donnait à Rincevent le matériel pour au moins deux de ses robes à lui, eu égard à l’embonpoint de ses confrères et à sa propre maigreur.

Rincevent ferma le couvercle du coffre puis le rouvrit. Dans l’espace désormais vide et au revêtement interne un brin différent, il entreprit de déposer la pile de linge suivante. Le Bagage était le seul objet magique dont personne ne contestait la propriété à Rincevent. Certes, la boule de verre renfermant le Globe-Monde en était un autre, mais elle ne faisait même pas un presse papier convenable. Le Bagage lui pouvait contenir plusieurs fois son volume apparent. Il rendait aussi toujours le linge propre et impeccablement repassé, ce qui était difficile avec un utilisateur comme Rincevent. Le Bagage disposait également d’un système antivol efficace, puisque des dents poussaient à son couvercle et qu’une langue de bois était susceptible d’engloutir le contrevenant. Enfin, il suivait son propriétaire où qu’il se rende, ce qui dans le cas de Rincevent impliquait des voyages à travers l’espace, le temps et les réalités.

Si le Bagage avait un défaut, c’était… Eh bien… Même les Portes de l’Enfer lui avaient trouvé un sale caractère. Dans cette optique, il était sûrement une bonne chose que la parole ne compte pas au nombre de ses talents.

Ses dernières affaires dans le coffre, Rincevent quitta sa chambre à contre coeur. Tandis que le Bagage crépitait d’étincelles octarines, des dizaines de petites jambes sortirent du bois et le soulevèrent. Le coffre se trouva bientôt sur les talons de Rincevent, dans son habituel bruit de troupe miniature en marche.

Eskarina Lefèvre attendait Rincevent à la sortie de l’université. Elle était vêtue d’une robe de mage de couleur bleue marine tandis qu’un chapeau pointu assorti et piqué de deux étoiles d’argent était posé sur sa tête. Elle portait un grand sac brun en bandoulière et s’appuyait sur un bourdon orné d’arabesques compliquées. Rincevent ignorait s’il s’agissait ou non du même bourdon qu’un mage mourant était venu légué à Eskarina à l’heure même de sa naissance. En tant que huitième enfant d’un huitième fils, Eskarina n’avait pas manqué d’attirer sur elle l’attention presciente du vieux mage, lequel ne s’était en revanche aperçu que trop tard qu’après sept garçons la nature s’était autorisé un peu de variété. Le bourdon en question avait par la suite été mis à rude épreuve et dépossédé de ses anciens pouvoirs mais peut-être s’était il depuis lors chargé d’une magie à l’image de sa nouvelle maîtresse.

Il existait trois principaux corps d’artisans de la magie sur le Disque-Monde : les prêtres, les sorcières et les mages. La magie elle-même s’en trouvait divisée entre trois catégories distinctes. Celle des prêtres se fondait sur l’invocation des pouvoirs des dieux ou de ceux des démons, ce qui permettait de faire fi de la plupart des difficultés inhérentes à l’usage de la magie mais imposait en revanche de se conformer aux règles de vie édictées par la divinité avec laquelle on se trouvait en affaire. Celle des sorcières s’en remettait à la nature, selon une démarche qui tenait de l’apprivoisement. Elle ne fallait ignorer ni l’intelligence ni la bêtise du sujet et tirer son parti de l’un comme de l’autre, ce qui s’appliquait aussi à la nature humaine. Enfin, celle des mages perdait en cérémonie ce qu’elle gagnait en pile de parchemins, passant sur les phénomènes surnaturels un scalpel désireux d’en démêler les fils. Les trois groupes se vouaient une haine non dissimulée, même si l’Archiprêtre et l’Archichancelier passaient parfois les fêtes du Porcher ensemble chez maman.


Dernière édition par sylvouroboros le Sam 29 Mar 2008 - 19:24, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Outrevie   Outrevie EmptySam 29 Mar 2008 - 19:07

La vieille Esméralda Ciredutemps avait essayé de faire d’Eskarina une sorcière. Il lui avait pourtant fallu se résoudre à l’emmener chez les mages lorsqu’il était devenu clair que la magie sommeillant en elle avait un chais pas quoi d’inapproprié. Esk se montrait depuis lors assez douée dans son domaine, même si elle échouait encore à faire recruter ne serait-ce qu’une autre étudiante.

Rincevent, lui, malgré tout le temps passé à l’UI et la quantité considérable de mana nécessairement absorbée en ce lieu, ainsi qu’en d’autres beaucoup plus envoûtés encore, ne manifestait toujours aucun talent paranormal en dehors de celui de survivre in extremis aux pires situations. Peut-être cela demandait il plus d’énergie qu’on ne le croyait.

Il reçut de la part d’Eskarina un accueil que l’on pouvait qualifier de poli. Ils n’avaient jamais vraiment eu l’occasion de faire connaissance et tous deux se méfiaient des réputations. Ils quittèrent l’enceinte de l’université et s’engagèrent dans les allées marchandes au dehors, se frayant un chemin à travers une foule aussi hétéroclite que dense. Leur progression se serait trouvée grandement facilitée s’ils s’étaient faits précéder du Bagage au lieu d’en être suivis. Hélas, anticiper un trajet n’était apparemment pas dans ses capacités. Tandis qu’ils franchissaient le plus vieux des anciens remparts de la cité, ils remarquèrent un autre vide dans la foule que celui généré par le Bagage. Les gens au regard soudain éteint s’écartaient inconsciemment de la trajectoire d’une haute silhouette noire visiblement habituée à ce qu’on lui fasse place. Il s’agissait d’un squelette de deux mètres dix portant une robe noire à capuchon et tenant une large faux. Dans chacune de ses orbites creuses scintillait une petite lumière bleue que l’on retrouvait également sur le fil de sa lame. Voyant Rincevent et Esk, la Mort sourit, comme d’habitude.
-CELA NE FAISAIT IL PAS LONGTEMPS ? demanda le faucheur.
-Avec vous, il me semble que c’est toujours trop tôt, soupira Rincevent.

Le problème lorsque, du fait de vos rapports avec la magie, vous possédez la capacité de voir ce qui échappe au commun des mortels, c’est que vous risquez d’être surpris à parler dans le vide. Mais la Mort ne posait pas cette difficulté car son invisibilité n’en était pas réellement une. Techniquement, tout le monde pouvait voir ce mâle nécessaire. Mais personne ne voulait en croire ses yeux, préférant faire comme s’il n’était pas là puis l’oublier rapidement. Toute personne s’adressant effectivement à la Mort se trouvait donc pour un temps aussi loin des préoccupations d’autrui que son interlocuteur.
-VOUS PARTEZ EN VOYAGE ?
-Effectivement, reconnut Eskarina en tâchant de garder son sang froid.
-VOUS SAVEZ CE QU’ON DIT. PARTIR, C’EST MOURIR UN PEU.
-Mais mourir c’est partir beaucoup, grimaça Rincevent.
-Pourquoi êtes vous là ? demanda Esk.
-OH, VOUS SAVEZ CE QUE C’EST. LE BOULOT.
-Vous êtes venu tuer quelqu’un ?
-COMBIEN DE FOIS ME FAUDRA T’IL DIRE QUE JE N’AI JAMAIS TUE PERSONNE ? LES GENS MEURENT DE MALADIE, DES SUITES D’UN ACCIDENT OU DE VEILLESSE MAIS ILS NE MEURENT PAS DE MORT.
-Il demeure que vous pouvez anticiper un trépas.
-OUI.
-Et vous êtes venu y assister.
-ET ASSISTER L’AME DU DEFUNT.
-Qu’est ce qui pourrait lui arriver de pire ?

La Mort pencha le crâne de côté et posa sur Eskarina un regard lourd de sens.
-Je crois qu’on ne tient pas à le savoir, dit Rincevent. Maintenant, si vous voulez bien nous excuser, une diligence nous attend.
-BIEN. J’AIME LES GENS PONCTUELS.

Après que les deux mages se soient éloignés, la Mort promena son regard sur la population. Il reconnaissait là quelques vampires que le ciel couvert autorisait à une promenade. Ces créatures n’avaient jamais affaire à lui, pour cette raison qu’elles étaient dépourvues d’âme, ce qui sur le Disque-Monde signifiait concrètement qu’il n’existait pas de fantôme de vampire. Elles pouvaient en revanche renaître de leurs cendres à la moindre goutte de sang tombée dessus, parfois même après des siècles et des siècles d’attente. Un vampire était présentement occupé à courtiser une demoiselle et semblait l’avoir convaincue de le suivre dans une ruelle à part. La Mort se dit qu’il lui faudrait bientôt expliquer les déceptions de la vie à une jeune fille venant juste de rompre avec elle.

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Le troll poursuivait son exploration du monde sur lequel il était tombé la nuit précédente. Les trolls n’aimaient pas autant la vie en solitaire qu’on le croyait parfois et celui-ci commençait à se sentir très seul, de plus en plus inquiet de ne rencontrer personne. Il marchait donc beaucoup et en ligne droite.

Trois silhouettes encapuchonnées se tenaient pourtant à quelques pas de lui. D’une part et bien que leurs plis prétendent le contraire, il ne faisait aucun doute que ces robes étaient inoccupées. D’autre part et même pour un observateur capable de les voir, les robes elles-mêmes étaient transparentes. Enfin, toutes trois étaient rigoureusement identiques. C’était comme si un spectre de linceul avait été par deux fois dupliqué.

Qu’était ce donc exactement qu’un dieu ? S’il s’agissait d’un être aux pouvoirs phénoménaux, alors certains mages, certaines sorcières, certains vampires et bien d’autres particuliers du Disque-Monde devaient mériter ce titre. On le leur accordait pourtant rarement. Peut-être était il plus juste de définir un dieu comme un principe personnel d’explication du monde. Si par exemple la foudre tombait, alors elle avait du être lancée par quelqu’un, explication au combien plus plausible qu’un jeu de forces aveugles (bien que le dieu discal du tonnerre ait justement été Io l’Aveugle, mais on va pas chipoter). Sur le Disque-Monde, la seule foi collective en de tels êtres suffisait à faire converger de grandes quantités de mana en ce qui devenait alors effectivement un large panthéon. Il faut dire que la fée des dents et le canard du gâteau de l’âme (qui une fois l’an pondait partout des œufs en chocolat), ainsi que les vilains croquemitaines cachés sous les lits et dans les placards, avaient eux aussi une existence relativement concrète, mais les dieux de Dunmanifestine eux jouaient dans la cour des grands. Les athées du Disque-Monde pouvaient difficilement nier leur réalité. Pas lorsque les agents du guet venaient encore récemment de ramasser le dieu du vin ivre à la sortie d’une taverne. Ces athées affirmaient en revanche que si les dieux pouvaient lancer la foudre, il lui arrivait aussi de tomber sans rien demander à personne. S’ils avaient raison, alors enfermer la Mort dans une bouteille n’empêcherait pas de mourir mais obligerait simplement les ombres des défunts à trouver toutes seules leur chemin. Or, un fait semblable s’était déjà produit et venait confirmer ce point de vue. Les prêtres et leurs fidèles s’en moquaient éperdument mais pas l’homme qui avait en une occasion tenté d’éliminer le Père Porcher en lançant un sort de non-croyance sur tous les enfants du Disque (scénario repris dans un téléfilm terrien appelé L’Arche de Vérité).

En parallèle de ces « faux » dieux, l’univers du Disque-Monde comprenait des entités omnipotentes qui se disaient nécessaires à son fonctionnement et n’avaient aucun fidèle. Il s’agissait des Huit Hauts Anciens et des innombrables Contrôleurs de la Réalité. Leurs rapports exacts avec le Créateur du Disque-Monde étaient flous mais le discours de ce dernier étant essentiellement du type « Moi on me dit construire là, je construis » on pouvait faire l’hypothèse d’un quelconque contrat. Les Contrôleurs se définissaient quand à eux comme les fonctionnaires administratifs de l’univers, raison pour laquelle leur nécessité absolue dans l’existence de ce dernier demeurait sujette à caution. C’était justement eux les capuchons transparents.
L’un dit : C’est très fâcheux.
L’un dit : Nous avions ici une situation pacifiée.
L’un dit : Plus aucun elfe, aucun nain, aucun gnome ni singe savant pour nous déranger.
L’un dit : La cité des dieux elle-même désertée.
L’un dit : Par des dieux enfuis ou dissipés.
L’un dit : Rien qu’une vie primitive.
L’un dit : Ce qui est déjà trop.
L’un dit : Mais déjà moins gênant qu’une vie humaine.
L’un dit : Il restait aussi le faucheur.
L’un dit : Nous l’avions mis au placard. Il ne comptait plus.
L’un dit : Pensons nous vraiment qu’il cherche à exploiter cet incident ?
L’un dit : Nous n’en doutons pas.
L’un dit : Le mauvais exemple de son homologue sur la tortue A’Tuin.
L’un dit : Oh, lui, je le déteste.
L’un dit : Il nous a causé bien des pertes.
L’un dit : L’avantage d’être nous, c’est qu’il y a tellement de nous.
L’un dit : Oui.

Puis il y eut un bref silence dans cette conversation déjà techniquement dénuée de son.
L’un dit : Avons-nous dit « je » ?
L’un dit : Je ne crois pas, non. Oh merde !

Le capuchon qui venait de s’exprimer se volatilisa. On aurait pu croire assister à sa réapparition mais il s’agissait en réalité du clonage de l’un des deux autres.
L’un dit : Cela se produit trop souvent.
L’un dit : Nous sélectionnons la norme. Cela ne peut venir de nous.
L’un dit : Les conditions sont fautives.
L’un dit : Nous avons laissé la situation se dégrader.
L’un dit : Plus que jamais, nous devons surveiller ce faucheur.
L’un dit : Ce troll est son dernier espoir.
L’un dit : Non, il y en a un autre.

Sur cette réplique pas très originale, les Contrôleurs se fondirent dans l’arrière plan du cosmos.

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La diligence emportant Eskarina et Rincevent vers les montagnes du Bélier offrait à ses voyageurs le spectacle de champs de choux à perte de vue. Rincevent se disait qu’il avait au cours de sa vie parcouru des distances phénoménales d’une façon qui à défaut d’être confortable avait le mérite d’être proche de l’instantané. Il s’apprêtait d’ailleurs à se rendre sur un autre disque en passant simplement sous un dolmen. Mais les trajets plus cours ne valaient apparemment pas la peine d’y employer des réserves de magie, aussi et en plus d’être inconfortables duraient ils très longtemps.

Et puis, bien sûr, il y avait les voleurs.

La diligence se trouva stoppée dans sa progression par une vingtaine de brigands. Celui qui était le chef passa une arbalète dans le cadre de la fenêtre et déclara « La bourse ou la bourse et la vie ».
-C’est bien d’être précis, dit calmement Rincevent. Toutes nos affaires sont sur le toit.
-Merci bien mon bon monsieur, ricana le voleur.

Lorsqu’il se trouva sur le toit, qu’elle ne fut pas sa surprise d’y découvrir un coffre débordant de colliers de perles et de pièces d’or, exactement comme dans ces histoires de pirates qu’on lui lisait étant petit. Il plongea les bras dans le trésor qui s’offrait à lui.

De la suite, nos deux passagers perçurent essentiellement des cris de peur et de souffrance mêlées, des chocs sur le toit, une giclée de sang et le bruit du reste de la bande prenant la fuite. Le conducteur, lui, préféra ne pas se retourner.
-Ca me serait utile, tout cet argent, dit tristement Rincevent. Mais on dirait qu’il le garde exprès pour ce genre d’occasion. Cocher ! En route !
-En tout cas, dit Esk tandis que la diligence s’en repartait, mes compliments pour votre calme.
-Allons, dit avec entrain Rincevent, il en faut plus pour me faire peur.
-Certes, sourit Esk.
-Mais quand il y aura vraiment du danger, vous pouvez compter sur moi pour être le premier à déguerpir.

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Voxpope avait observé la scène depuis sa cachette entre les choux. Il tenait dans la paume de sa main un fragment de boule de cristal, lequel se trouvait selon un phénomène encore mal compris en communication permanente et stable avec le reste de ladite boule. C’était par ce moyen qu’il gardait le contact avec Guillaume des Mots, resté à Ankh-Morpork.
-Une attitude héroïque ! approuva Guillaume.
-Ben voyons ! Avec un coffre tueur et une sorcière… je veux dire une femme mage pour le protéger. C’est facile.
-Vous êtes sûr qu’il n’a aucun contrôle magique sur ce truc ?
-Non, aucun. Par contre, le Bagage a une obéissance magique envers lui, ça oui.
-Bah, ça revient au même.
-Pas du tout ! Vous en feriez autant si ce truc vous avait été offert à vous plutôt qu’à lui.
-Aucune importance. Il faut parfois maquiller un peu les faits pour les faire connaître.
-C’est un principe de journalisme ?
-L’un des premiers. Ca et mettre les errata en tout petit.
-Bon d’accord. Alors Rincevent a brillamment fait face à une embuscade de bandits, tendant à leur chef un piège issu de ses grands pouvoirs.
-Excellent. Et sinon, dites moi ! Comment se passe votre propre voyage ? Vous ne m’avez pas dit comment vous vous déplaciez.
-Aheum… Avec un objet de transport magique.
-Un balai volant ?
-Non.
-Un tapis volant ?
-Non.
-Un cheval volant ?
-Non.
-Des bottes de sept lieux ?
-Aheum… Presque.
-Sans vouloir vous offenser, ce petit jeu devient lassant, mon ami.
-Ben… Une botte de sept lieux.
-Pardon ?
-Il n’en restait qu’une. Je ne sais pas où est l’autre.
-Alors quoi ? Vous allez à cloche-pied ?
-Oui.
-Ah. D’accord.
-Remarquez que c’est aussi bien ! Je n’aurais de toute façon pas pu les utiliser de concert.
-Ah bon ? Pourquoi ?
-Mettre un pied à sept lieux devant l’autre, ce n’est pas la meilleure façon de marcher. Ca vous laisse rarement l’occasion de recommencer.
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MessageSujet: Re: Outrevie   Outrevie EmptyDim 30 Mar 2008 - 3:08

Le coup des papillons, c'est vraiment excellent ! ^^ Si tout dans les Annales suit ce modèle, alors il faut absolument que je me mette à cette collection. Je crois que je vais adorer ! hi hi
Plus généralement, ces petits éléments que tu nous donnes sur le Disque-Monde nous permettent de mieux cerner cet univers qui ne nous est pas familier. Les dieux, la magie, la politique, les moeurs, et aussi la morale commune. C'est utile, pour s'immerger dans le récit.

Les histoires de journalistes m'ont bien fait rire, même si je ne connais pas assez la série pour distinguer les personnages déjà existants de ceux que tu inventa. J'ai supposé qu'il y avait un jeu de mot avec JMCLG, mais je ne l'ai pas trouvé.

J'ai également beaucoup rit à toutes les allusions au bagage magique de Rincevent, bien qu'étant encore une fois incapable de dire ce qui vient des Annales et ce qui est de ton propre fait. Cette valise me semble aussi intéressante que les autres protagonistes, pourtant dotés d'une sacré personnalité.

Je vois que tu as introduis tes Contrôleur de la Réalité... Des personnages qui m'avaient beaucoup plus dans les téléfilms consacrés. J'avais adoré leur côté à la fois brutal, spectral et étrangement civilisé. On devine qu'ils tiennent une part importante dans le mystère qui tire Rincevent à lui telle une grosse araignée velue, et je suis curieux de savoir dans quelle mesure.

Sinon, quelques citations pelle-mêle parmi les passages qui m'ont le plus amusés...
sylvouroboros a écrit:
C’est décidé ! Nous allons couvrir l’événement !
-Couvrir… Comme avec une couverture ? Etouffer l’affaire, quoi ?
-Non ! Non. Au contraire. Pleins feux sur cette expédition !
-Vous voulez carrément les descendre, maintenant ?
-Vous le faites exprès, là.
sylvouroboros a écrit:
Les trois groupes se vouaient une haine non dissimulée, même si l’Archiprêtre et l’Archichancelier passaient parfois les fêtes du Porcher ensemble chez maman.
sylvouroboros a écrit:
L’un dit : Il nous a causé bien des pertes.
L’un dit : L’avantage d’être nous, c’est qu’il y a tellement de nous.
sylvouroboros a écrit:
L’un dit : Avons-nous dit « je » ?
L’un dit : Je ne crois pas, non. Oh merde !
sylvouroboros a écrit:
Celui qui était le chef passa une arbalète dans le cadre de la fenêtre et déclara « La bourse ou la bourse et la vie ».
-C’est bien d’être précis, dit calmement Rincevent.
sylvouroboros a écrit:
-Excellent. Et sinon, dites moi ! Comment se passe votre propre voyage ? Vous ne m’avez pas dit comment vous vous déplaciez.
-Aheum… Avec un objet de transport magique.
-Un balai volant ?
-Non.
-Un tapis volant ?
-Non.
-Un cheval volant ?
-Non.
-Des bottes de sept lieux ?
-Aheum… Presque.
-Sans vouloir vous offenser, ce petit jeu devient lassant, mon ami.
sylvouroboros a écrit:
-Mettre un pied à sept lieux devant l’autre, ce n’est pas la meilleure façon de marcher. Ca vous laisse rarement l’occasion de recommencer.
hi hi hi hi hi hi



Ah, si, une question tout de même : comment un mage dépourvu de pouvoirs magiques peut-il être professeur à l'Université de l'Invisible ? scratch
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MessageSujet: Re: Outrevie   Outrevie EmptyDim 30 Mar 2008 - 14:19

Skay-39 a écrit:
Le coup des papillons, c'est vraiment excellent ! ^^
Le papillon météo quantique est un classique. Il y a aussi le coucou constructeur de pendules et le Babar l'Ermite, pour ne citer qu'eux.
Skay-39 a écrit:
je ne connais pas assez la série pour distinguer les personnages déjà existants de ceux que tu inventas.
Mes personnages sont le troll tombé du ciel, le faucheur aux yeux violets et le mage Voxpope.
Le personnage d'Eskarina Lefèvre n'a plus été vu dans les Annales depuis longtemps et certains fans la supposent morte au cours des événements du tome Sourcellerie. Une rumeur annoncerait cependant son retour dans un tome encore à paraitre.
Skay-39 a écrit:
J'ai supposé qu'il y avait un jeu de mot avec JMTLG, mais je ne l'ai pas trouvé.
Moi non plus.
Skay-39 a écrit:
J'ai également beaucoup rit à toutes les allusions au bagage magique de Rincevent, bien qu'étant encore une fois incapable de dire ce qui vient des Annales et ce qui est de ton propre fait.
Je crains de n'avoir fait montre d'absolument aucune originalité.
Skay-39 a écrit:
Je vois que tu as introduis les Contrôleur de la Réalité... Des personnages qui m'avaient beaucoup plus dans les téléfilms consacrés.
Ce qui signifie que je reprends en fait la trame scénaristique que j'aime le moins dans le Disque-Monde, un peu de la même façon dont ma fansérie se déroule dans l'univers de SGA. Je ne sais pas exactement pourquoi je fais cela. Peut-être pour avoir une excuse en cas d'échec, à moins que je cherche inconsciemment à corriger ce que je n'ai que moyennement aimé.
Skay-39 a écrit:
Ah, si, une question tout de même : comment un mage dépourvu de pouvoirs magiques peut-il être professeur à l'Université de l'Invisible ?
L'archichancelier lui avait longuement expliqué qu'on le désignait peut-être comme le fameux professeur de géographie insolite et cruelle, mais uniquement parce que ça revenait moins cher que de repeindre le titre sur la porte. Il n'était pas abilité à toucher un salaire, n'avait pas le droit d'enseigner, d'exprimer des opinions, de donner des ordres, de porter des robes particulières ni de publier quoi que ce soit. Mais il pouvait venir aux repas du moment qu'il mangeait en silence. Pour Rincevent, c'était le paradis.
Extrait de La Science du Disque-Monde par Terry Pratchett, Ian Stewart & Jack Cohen.


Ce à quoi j'ajouterais, n'en déplaise à notre ami Rincevent, qu'il est toujours utile pour des mages d'avoir sous la main un volontaire désigné d'office jouant le rôle du MALP. Pourquoi ne change t'il pas de métier? On lui a souvent posé la question et apparemment il est juste entêté.

Au passage, sachez qu'en VO nos protagonistes se nomment Eskarina Smith, Rincewind the Wizzard et William de Worde. Ca ne sert à rien mais c'est marrant.
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